721 [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 février 1791.J comité des finances sur la pétition des administrateurs du département de la Charente-Inférieure, décrète : « 1° Que l’imposition des 452,513 livres ordonnée par arrêt du conseil du 11 décembre 1789, en remplacement des corvées, sera seule mise provisoirement en recouvrement dans les départements de la Charente-Inférieure et des Deux-Sèvres, représentant l’ancienne généralité de la Rochelle, attendu que ladite somme suffit pour les travaux exécutés et à exécuter dans lesdits départements, sauf à y être suppléé, si elle était reconnue insuffisante ; « 2° Que la répartition de ladite somme sera faite sur toutes les paroisses de la ci-devant généralité, au marc la livre de la taille des contribuables, ou autres impositions représentatives, et de concert entre les directoires de ces trois départements ; * 3* Qu’il sera fait état aux contribuables de tout ce qu’ils ont payé pour cet objet sur les rôles de 1789 et 1790; qu’ils seront même remboursés de l’excédent, s’il s’en trouvait; de telle sorte que chacun des contribuables ne paye, quant à présent, que sa portion afférente de l’imposition des 452,513 livres. > (Ce projet de décret est adopté.) M. üflcrlim, au nom dit comité féodal. Messieurs, il résulte de l’article 40 du décret du 3 mai dernier, que dans la masse énorme des biens sur lesquels la nation a repris l’exercice de ses droits de propriété, il en est qui, à chaque mutation, doivent ses droits de quint et de requint, des troisièmes de lods et ventes et autres semblables. Aussi avez-vous déclaré, par l’article 7 du titre I«r du décret du 24 mai, que les acquéreurs de ces biens les posséderont en totalité franchement et avec liberté, mais que la nation rachèterait des premiers deniers des ventes à faire les droits auxquels ils étaient assujettis envers leurs anciens seigneurs. Depuis on a vendu différentes portions des biens nationaux qui sont positivement dans le cas, et il s’en vendra encore par la suite davantage; il est donc urgent que l’Assemblée prenne des mesures pour opérer le rachat auquel la nation s’est engagée par son organe. Voici ce que votre comité vous propose : Art. 1er. (Cet article est formé par le décret du 30 janvier 1791.) Art. 2. « Les ci-devant seigneurs de qui relevaient des biens nationaux grevés envers eux de droits de mutation, suivant les distinctions établies par l’article 40 du décret du 3 mai 1790, recevront immédiatement après les ventes faites en exécution des décrets des 14 mai, 25 juin et 3 novembre suivants, le montant du rachat desdits droits, sans pouvoir rien prétendre à titre de droits échus en ventu desdites ventes. Art. 3. « Ce rachat sera liquidé d’après les dispositions du décret du 3 mai 1790, et, s’il y % lieu, d’après celle de l’article 1er du présent décret; et les droits qu’il s’agira de racheter seront évalués sur le prix desdites ventes. (1) Voy. ci-dessus le texte de cet article, séance du 30 janvier 1791, p. 5S2. ire Série. T. XXIL Art. 4. « Tout particulier à qui il sera dû par la nation un rachat de cette nature, sera tenu, pour en obtenir la liquidation, de remettre ses mémoires, titres et pièces justificatives au secrétariat du directoire de district où auront été vendus les biens ci-devant tenus de lui en fief ou cen-sive, lequel les fera passer avec son avis au directoire du département, qui, après les avoir vérifiés et pris un arrêté en conséquence, enverra le tout A la direction générale de liquidation. Art. 5. « Il eu sera usé de même pour parvenir à la liquidation des autres droits ci-devant seigneuriaux et fonciers, du rachat desquels la nation s’est chargée par l'article 7 du titre 1er du décret du 14 mai 1790; et lorsque, d’après les règles tracées par le décret du 3 du même mois, il y aura lieu A des expertises pour fixer le montant de ces droits, les experts seront nommés, savoir : un par le directoire du district qui aura vendu les biens précédemment grevés desdits droits, un par le particulier à qui sera dû le rachat, et le tiers expert, s’il en est besoin, par le directoire du département. » M. 4* IFeHevUlo. Je pense que ces articles devant être comparés avec toute la loi du mois de mai 1790, il est absolument nécessaire qu’ils soient imprimés : ainsi je demande l’ajournement. M. Leajataota. Ce qui se passe tous les jours dans l’exécution de la loi, l’extrême répugnance qu’ou a à racheter des droits qui sont regardés désormais comme rachetables, la rigueur des principes de votre comité, tout, Messieurs, vous annonce combien vous devez avoir de confiance en lui, quand il parait vous proposer quelque chose de favorable aux vassaux. Ainsi, moi qui n’aperçois rien que de très favorable à l’utilité publique dans cc qui vous est proposé, je demande que le décret soit mis aux voix article par article. (L’Assemblée décide qu’elle pusse A la discussion du projet de décret.) (La discusciou s’ouvre sur l’article 2.) M. £e KtogtarfiSfo» Monsieur le président, je demande à M. le rapporteur s’il autorise dans ce momeut tous ceux appelés autrefois suzerains, qui ont dans leur mouvance des biens ecclésiastiques, à demander que le rachat soit fait; car si le décret n’autorise pas cela, il est certain que la vente se faisant, il y aura un droit échu qu’il faudra payer avant de payer celui du rachat. M. rapporteur. Je réponds au préopinant que l’article 1er du titre I*r du décret du 14 mai dernier réfute la difficulté qu’il élève. M. Cr�t;o. J’observe que le commissaire du roi pour la caisse de l’extraordinaire ne peut pas ordonner que l’on fasse de payement sur le prix des ventes, car il n�a pas ce pouvoir; et quand il l’aurait eu, vous le lui avez ôté par le décret du 15 décembre dernier. U ne faut pas perdre de vue le projet que vous avez eu en l'établissant; c’est de faire de la caisse de l’extraordinaire et de tous ses commis dans les départements — car les receveurs de district ne sont que ses commis et ses dépositaires — d’en foire n*v> caisse de per amortissement où il 46 722 JAfsemLkf nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 février 1791.J n’entre des fonds que pour payer les dettes de 1 Etat. S’il y a à payer pour le rachat des droits seigneuriaux, comme pour des réparations et autres objets, c’est toujours au Trésor public à faire ces dépôüses. Je demande donc qu’il soit mis et sur les fonds qui y sont destinés. (L’amendement de M. Camus est adopté.) L’article 2 est décrété comme suit : « Les ci-devant seigneurs de qui relevaient des biens nationaux grevés envers eux de droits de mutation, suivant les distinctions établies par l’article 40 du décret du 3 mai 1790, recevront immédiatement après les ventes faites en exécution des décrets des 14 mai, 25 juin et 3 novembre suivants, et sur les tonds qui y seront destinés, le montant du rachat desdits droits, sans pouvoir rien prétendre à titre de droits échus en vertu desdites ventes. » (Les articles 3 et 4 sont ensuite adoptés.) M. de Folleville. Je m’oppose à l’article 5. Il me semble que le comité féodal ne sait jamais mettre une mesure égale entre les individus et la nation traitant avec un particulier ; car quand elle traite avec un particulier, elle n’est elle-même qu’un particulier. Je demande donc qu’en cas de débat entre les deux experts, ce soit les deux experts qui en nomment un tiers et non le directoire du département qui est votre représentant. M. Merlin, rapporteur . J’observe que la mesure que vous propose le comité féodal pour la nomination çui a été faite, est celle que l’Assemblée a déjà décrétée. M.de Folleville. Je ne pense pas que jamais la nation puisse établir innovation contre les principes de tout droit et de toute justice ; or, ces principes sont que les particuliers traitant entre eux traitent toujours à droits égaux et non pas avec l’air de supériorité et de souveraineté. On voit que c’est sur un principe de justice que j’appuie mon amendement. M. Bouttevïlle-Dnmetï. J’appuie l’amendement de M. de Folleville; il paraît de toute justice. M. Christln. Il paraît, selon l’amendement de M. de Folleville, que si les deux experts ont été contraires, ils peuvent différer sur le choix du tiers expert; et, dans ce cas, qui est-ce qui débarrera? C’est donc mettre des entraves. D’un autre côté, Monsieur, je ne sais pas pourquoi vous avez des doutes sur l’administration des départements. Je demande donc la question préalable sur l'amendement de M. de Folleville. M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angôly). Vous avez voulu, Messieurs, que la nation, lorsqu’elle aurait une contestation, plaidât comme un individu, qu’elle suivît les formes ordinaires des contestations. Et ces formes, quelles sont-elles? C’est que, lorsqu’il s’élève une contestation, chaque partie nomme un expert et que ces deux experts, lorsqu’ils ne s’accordent pas, en prennent un troisième... ( Murmures ) Il est peut-être injuste déjuger avant d’avoir entendu. ..... Ou le magistrat préposé par la loi pour juger nomme lui-même l’expert ; ici vos administrateurs de département et de district ne sont pas le magistrat préposé pour juger. La nation a des propriétés; elle prépose à leur administration les directoires de département et du district. Dès lors cette masse d’administrateurs compose un individu qui représente le propriétaire. L’acquéreur, l’individu qui veut amortir les droits est un autre particulier. Voilà les deux parties, elles sont reconnues.!,S’il y a partage d’opinions entre les deux experts, pourquoi donner une prépondérance aux administrateurs en leur accordant le droit d’avoir deux experts contre un? Je propose donc, par amendement, que ce soit le juge de district qui nomme le tiers. M. Rewbell. Je demande la question préalable sur tous les amendements. Vous avez posé la base pour la vente des biens nationaux, pour le dessèchement des marais; on vous demande les mêmes bases pour le rachat des droits de mutation. Vous devez les adopter. M. Tuant de la Bouverie. Il s’agit de savoir si cette fonction est judiciaire ou non; si elle est judiciaire, c’est une sanction judiciaire. Donc elle ne peut jamais appartenir à aucun administrateur. M. Lanjuinats. Messieurs, si vous adoptez une pareille forme, vous allez introduire une procédure devant les juges pour une affaire d’administration. Il faudra donc appeler les parties. Je demanderais que ce fût sur simple requête de la partie la plus diligente et sans frais. M. Prieur. Je demande, pour l’intérêt de la nation, que la discussion soit fermée. (L’Assemblée, consultée, ferme la discussion.) (Les divers amendements sont écartés par la question préalable et l’article 5 est adopté.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet du décret sur les jurés (1). M. Duport, rapporteur. L’Assemblée s’est arrêtée hier à l’article 24 du titre VII. Get article est ainsi conçu : Art. 24. < Chaque juré passera d’abord sa déclaration sur le fait pour décider s’il y a délit constant, ou non. Si cette pure déclaration est affirmative, il fera immédiatement après sa déclaration sur l’accusé, pour décider s’il est convaincu ou non ; si cette seconde déclaration est affirmative, il sera immédiatement prononcé, après sa déclaration, sur les circonstances d’atténuation ou d’excuse qui auraient pu être indiquées par le président.» (Adopté.) Art. 25. « Ceux des jurés qui auront déclaré qu’il n’y a pas de délit constant, n’auront pas d’autre déclaration à faire; et ceux qui n’auront pas trouvé l’accusé convaincu, n’auront pas à s’expliquer sur l’objet de la troisième déclaration; leurs voix seront toujours comptées à la décharge de l’accusé sur la seconde et la troisième déclaration.» (Adopté.) (1) Nous empruntons cette discussion au Journal logographique, t. XXI, p. 56.