(Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 septembre 1791.] 223 M. liaiijuiuais. Je demande l’ajournement à jour (ixe. ' (L’Assemblée, consultée, ordonne l’impression du discours et du projet de décret de M. de Noailles et en décrète l’ajournement jusqu’après l’impression.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur les lois rurales. M. Heurtault-I�amerville, rapporteur. Messieurs, les changements divers que vous avez faits au projet de lois rurales ont apporté nécessairement d’autres changements dans les articles qui n’ont pas encore été soumis à votre discussion. Je vais donc, au nom de vos comités, vous expliquer ce que vous avez fait, et ce qu’il vous reste à faire pour porter ce travail à sa perfection. Le projet de lois rurales est maintenant divisé en deux titres : l’un traite des biens et usages ruraux ; l’autre a pour dénomination : De la police rurale. Le Gode rural entier se formera de tous les divers décrets qui auront un rapport direct au territoire. Le second titre, composé de 46 articles, est décrété en totalité, à 5 articles près, et nous n’avons pas cru devoir le faire réimprimer. Il vous sera relu. Le premier titre, contenant à peu près autant d’articles que le second, en offre au moins autant de décrétés que de ceux qui ne le sont pas encore ; c’est ce titre seul qui vous est présenté de nouveau ; il a paru indispensable de vous le remettre sous les yeux, parce que ce projet de loi morcelé, retouché, décrété par fragments dans les diverses sections, n’aurait plus offert à la discussion qu’une confusion incohérente d’idées, qui aurait pu inquiéter votre sagesse (1). Au moyen de cette réimpression, vous verrez d’un coup d’œil, Messieurs, que vous n’avez commis aucune erreur; que tout ce que vous avez décrété de Qà et de là, ne nuit en rien à l’ensemble du projet, et qu’il n’a reçu de changements que pour devenir meilleur. Ge projet de loi n’est plus seulement le travail des 8 comités ; c’est celui de toute l’Assemblée, de toutes les personnes des divers départements qui ont voulu nous enrichir de leurs réflexions. Les observations de tous les députés ont été pesées ; les oppositions se sont successivement aplanies, et nous avons la satisfaction de voir que la France entière recevra ce décret avec une vive reconnaissance; une quantité prodigieuse de lettres de remerciement l’atteste à votre comité d’agriculture et de commerce. Achevez, Messieurs, en toute assurance ce décret tant désiré des habitants des campagnes. Quand vous avez tout fait pour y attirer les propriétaires ; quand vous avez affranchi le territoire des servitudes qui l’opprimaient, balanceriez-vous à donner aux hommes gui le cultivent des lois qui dissiperont leur ignorance, et qui, les éclairant immédiatement sur leurs droits et leurs devoirs, consolideront leurs jouissances et leurs vertus? Ge décret ne sera pas celui de vos travaux qui sera le moins durable, et qui influera le moins sur la prospérité de l’Empire et sur la durée de vos autres lois. Ce décret, Messieurs, augmentera chaque jour de puissance et d’intérêt, et vous méritera à jamais les bénédictions des laboureurs. Le temps, ce creuset de toutes les institutions humaines, trans. (1) Voy. ci-après ce document aux annexes de la séance. mettra sans déchet à la postérité les principes de vos lois rurales, comme les garants inaltérables de vos propriétés, et le flambeau de la saine agriculture. La postérité, qui est le seul juge impartial des grands événements, verra que, par ces lois, vous avez fondé votre mémorable Constitution sur le territoire autant que sur les hommes, et que vous avez réuni en elle toutes les forces morales et physiques qui devaient en être les bases et les appuis indestructibles. La section relative aux communaux a été retranchée du premier titre. Les comités ont pensé qu’elle devait être l’objet d’un décret particulier. Voici, Messieurs, la rédaction du titre Ier : TITRE K Des biens et des usages ruraux. Section Ire. Des principes généraux sur la propriété territoriale. Art. 1er. (Décrété et proclamé.) « Le territoire de la France, dans toute son étendue, est libre comme les personnes qui l’habitent : ainsi toute propriété territoriale ne peut être sujette, envers les particuliers, qu’aux redevances et aux charges dont la convention n’est pas défendue par la loi ; et envers la nation, qu’aux contributions publiques établies par le Corps législatif, et aux sacrifices que peut exiger le bien général, sous la condition d’une juste et préalable indemnité. » (Adopté.) Art. 2. (Décrété et proclamé.) « Les propriétaires sont libres de varier à leur gré la culture et l’exploitation de leurs terres, de conserver à leur gré leurs récoltes, et de disposer de toutes les productions de leurs propriété dans l’intérieur du royaume et au dehors, sans préjudicier au droit d’autrui, et en se conformant aux lois. » (Adopté.) Art. 3. (Décrété.) « Tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës, à moitié frais. (Adopté.) Section II. Des baux et de diverses propriétés rurales. Art. 1er. (Décrété.) « La durée et les clauses des baux des biens de campagne seront purement conventionnelles. » (Décrété.) « Dans un bail de 6 années ou au-dessous, fait après la publication du présent décret, quand il n’y aura pas de clause sur le droit du nouvel acquéreur à titre singulier, la résiliation du bail 224 [Assemblée nationale.] en cas de vente du fonds, n’aura lieu que de gré à gré. (Adopté.) Art. 3. (Décrété.) « Quand il n’y aura pas de clause sur ce droit dans les baux de plus de 6 années, en cas de vente du fonds, le nouvel acquéreur à titre singulier, pourra exiger la résiliation, sous la condition de cultiver lui-même sa propriété, mais en signifiant le congé au moins un an à l’avance, pour qu’il sorte à pareils mois et jour que ceux auxquels le bail aurait fini, et en dédommageant au préalable ce fermier, à dire d’experts, des avantages qu’il aurait retirés de son exploitation ou culture continuée jusqu’à la fin de son bail, d’après le prix de la terme, et d’après les avances et les améliorations qu’il aura faites à l’époque de la résiliation. » (Adopté.) Art. 4. (Décrété.) « La tacite reconduction n’aura p’us lieu à l’avenir en bail à ferme ou à loyer de biens ruraux. » (Adopté.) Ici nous proposons pour article 5 une disposition qui est dans le sentiment de l’A-semblée et que nous avons rédigée comme suit : «Si celui qui était fermier d’un bien continue d’en jouir après l’expiration du b .il, il pourra être expulsé toutes fois et quantes par le propriétaire. Le prix de cette jouissance sera réglé d’après celui du bail qui existait; et pour la récolte qui ne sera pas faite au temps de l’expulsion, le ci-devant fermier ne pourra prétendre que le remboursement des frais de semence et de labourage, à l’amiable ou à dire d’experts. » Un membre propose pour amendement la réciprocité entre le maître et le fermier. Un membre propose que le maître n’ait le droit d’expulser le fermier que jusqu’au 1er mars. Un membre propose que ce droit existe jusqu’au 1er avril. Plusieurs membres demandent la question préalable sur ces diverses amendements. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur les amendements.) Un membre observe que, la tacite reconduction n’ayant plus lieu aux termes de l’article 4, l’article 5 proposé est inutile et une pépinière à procès ; il demande. en conséquence, la question préalable sur cet ariicle. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’article 5 nouveau proposé par les comités.) M. Tronchet. Après avoir déclaré que la durée des baux et clauses était purement conventionnelle, vous avez renvoyé à votre comité féodal la question de savoir s’il était dû des droits de mutation pour les baux qui excédaient 9 années. Le principe qui a déterminé votre comité à vous présenter l’article dont je suis charge, c’est qu’il n’est dû de droits de mutation que lorsqu’il y a réellement mutation dans la propriété; or un bail à ferme ou à loyer n’est pas un acte translatif de propriété; dès lors, il n’est pas dû de druit. Nous n’entendons cependant pas comprendre dans cette classe les baux à vie et les aliénations d’usufruit. [5 septembre 1791.] En conséquence, voici le projet de décret que je suis chargé de vous présenter et qui pourrait former l’article 5 de la section qui nous occupe actuellement : Art. 5. « A l’avenir, il ne serapayéaucun droitde quint, treizième, iods et ventes, ou autres précédemment connus sous le titre de droits de vente , à raison des baux à ferme ou à loyer faits pour un temps certain et limité, encore qu’ils excèdent le terme de 9 années, soit que le bail soit fait moyennant une redevance annuelle, ou pour une somme une fois payée, et ce, nonobstant toutes lois, coutumes, statuts ou jurisprudence à ce contraire; sans préjudice de l’exécntion des lois, coutumes, ou statuts qui assujettissent les baux à vie, et ies aliénations d’usufruit, à des droits de vente, ou autres droits seigneuriaux. » (Adopté.) Un membre propose un décret additionnel, tendant à abolir un droit de retrait connu dans le ci-devant comté de Toulouse sous le nom de rabattement de décret, par le moyen duquel les débiteurs, leurs enfants, leurs créanciers perdants pouvaient rentrer pendant 16 années dans (es biens vendus par autorité de justice. Un membre représente le danger de faire des lois incohérentes sans avoir fait les plus mures réflexions. (L’Assemblée, consultée, ajourne le projet de décret additionnel sur le droit de rabattement de décret.) M. IleurtaultdLamerville, rapporteur , continuant la lecture : Art. 6. (Décrété et proclamé.) « Nul agent de l’agriculture ne pourra être arrêté dans ses fonctions agiicoles extérieures, excepté pour crime, avant qu’il ait été pourvu à la sûreté des bestiaux servant à son travail, ou confiés à sa garde ; et même, en cas de crime, il sera toujours pourvu à la sûreté des bestiaux immédiatement après l’arrestation, et sous la res-ponsabiliiédeceuxqui l’auront exécutée. {Adopté.) Arl. 7. (Décrété et proclamé.) « Aucuns engrais, meubles ou ustensiles de l’exploitation des terres, et aucuns bestiaux servant au labourage, ne pourront être saisis ni vendus pour contributions publiques, ni pour aucune cause de dettes, si ce n’est au profit de îq personne qui aura fourni les ustensiles, ou les bestiaux, ou pour l’acquittement de la créance du propriétaire; et ce seront toujours les derniers objets saisis, en cas d’insuffisance, d’autres objets mobiliers. (Adopté.) Art. 8. (Décrété.) « La même règle aura lieu pour les ruches ; il est même défendu de troubler les abeilles dans leurs courses et leurs travaux : en conséquence, même en cas de saisie légitime, une ruche ne pourra être déplacée que dans les mois de décembre, janvier et février. (Adopté.) Art. 9. (Décrété.) « Les vers à soie sont de même insaisissables, ARCHIVES PARLEMENTAIRES.