[Assomblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [21 mai 1791.] 265 M. le Président. Que ceux qui veulent adopter l’instruction se lèvent. (La majorité se lève ; il s’élève des réclamations.) M. Nairac. Quoi ! après avoir décrété que quatre comités feraient l’instruction, vous "vous en rapporteriez à M. Dupont 1 M. Prieur. Certainement, il n’est personne qui ne désire de ramener la paix dans les colonies, et qui n’approuve les principes de l’instruction qui vient d’être lue; mais il n’est personne qui ne sente aussi que dans une affaire d’un si grand intérêt, une trop grande précipitation pourrait être funeste. Ce n’est pas sur une simple lecture qu’on peut juger d’une instruction, qui peut être regardée comme un code de législation, et de laquelle dépend peut-être le sort de ces belles contrées. Je demande que ce projet soit livré à l’impression sur-le-champ, pour être mis en délibération demain. Un membre : Il y a eu hier à Paris une assemblée des colons blancs. Rien n’est plus pressant que d’envoyer dans les colonies des instructions qui puissent les prémunir contre les efforts de la malveillance; car la situation des gens de couleur n’est pas en sûreté. M. Dnpont (de Nemours), rapporteur. Je demande à observer... M. Hairac. Vous avez fait trop de fautes dans votre vie, pour nous en faire faire encore une. M. le Président rappelle M. Nairac à l’ordre. M. Dupont (de Nemours ), rapporteur. Quoique les moments soient bien précieux, comme il faut que le ministre prenne des mesures pour l’envoi de ces instructions, il n’y a aucun inconvénient à ce que je fasse imprimer mon projet, pour que vous le décrétiez demain, et à ce que cependant le roi soit prié de donner les ordres les plus prompts pour le départ d’un aviso. (L’Assemblée, consultée, décrète l’impression du projet d’instruction des comités et l'ajournement de la délibération à demain; elle charge en outre son Président de se retirer par devers le roi, à l’effet de le prier de donner des ordres nécessaires pour l’expédition la plus prompte d’un aviso , qui porterait aux colonies le dernier décret rendu sur l’étal des personnes, et l’instruction qui y sera annexée.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret du comité de Constitution sur l'organisation du Corps, législatif (1). M. Thouret, rapporteur. Nous nous sommes arrêtés hier, Messieurs, à l’article 41 ; voici cet article : « Le Corps législatif pourra se former en comité général , pour l’examen de quelques affaires, lorsqu’il aura-jugé cette disposition nécessaire : alors tous les assistants seront tenus de se retirer ; mais, après l’examen fait en comité, la discussion aura lieu et le décret ne pourra être rendu que dans la séance publique. » (1) Voy. ci-dessus, séance du 20 janvier 1791, au matin, page 248. M. JLe Chapelier. Le fond de cet article me paraît bon ; mais il faut que la Constitution définisse bien exactement ce droit donné au Corps législatif de se former en comité général. Pour que cette disposition constitutionnelle soit vraiment utile, il faut qu’elle soit facile; et, pour cela, je ferai un amendement : c’est qu’un seul membre ait le droit de demander la formation de l’Assemblée en comité général et exiger qu’on la mette en délibération par assis et levé, et que, s’il y a du doute dans la délibération, ce doute soit interprété en faveur de la formation en comité. M. Pétion de Villeneuve. Il ne faut pas s’en rapporter à cette épreuve par assis et levé. Il est évident que si la minorité ne pouvait obtenir un comité général, il n’y en aurait jamais; car les membres de la majorité, étant d’avis du projet de loi en discussion, aimeraient mieux le décréter sur-le-champ que de courir les risques d’une discussion particulière dont ils pourraient craindre les résultats. Cependant la formation en comité peut être très utile : des hommes qui ne parlent point à la tribune, peuvent souvent ouvrir de très bons avis dans une conversation particulière. Je demande donc qu’on fixe le nombre de membres nécessaires pour exiger la formation, mesure qui ne peut jamais être nuisible. Si, par exemple, 50 ou 60 membres demandaient ce comité, la majorité ne doit pas pouvoir s’y refuser; autrement, l’avis qu’on vous propose serait illusoire. M. I�e Chapelier. Je crois que 55 membres suffiraient. M. Thouret, rapporteur. Si le Corps législatif n’était destiné qu’à faire des lois pour le régime intérieur, le comité ne vous aurait pas même proposé sa formation possible en comité général ; car, en matière de législation intérieure, il ne saurait exister une trop grande publicité. Mais le Corps législatif est encore chargé des plus hautes fonctions du gouvernement, de tous les intérêts extérieurs. Il est possible qu’il se trouve dans des circonstances délicates, que le ministre lui fasse une communication importante, en annonçant même qu’elle est de nature à être prise en comité général; il est possible qu’un membre ait des instructions personnelles à communiquer : dans tous ces cas, le Corps législatif sentira parfaitement la nécessité de se former en comité, soit pour ne pas divulguer un secret important, soit pour asseoir ses premières idées avant la délibération. Je ne crois donc pas qu'il faille assujettir le Corps législatif à des formes trop détaillées. Je pense qu’il faut en laisser l’application à la prudence du Corps législatif qui l’ordonnera, suivant que la posbion des affaires en rendra l’intérêt pressant : c’est sous ce rapport que nous avons proposé l’article. Cependant il n’y aurait pas un grand inconvénient à décréter qu’un nombre déterminé de membres pourra exiger la formation en comité. M. Martineau. Je pense que le tiers des voix doit suffire pour que l’Assemblée se forme en comité général ; je pense également que, pour le bien de la nation, les décrets doivent être rendus dans le comité général et non sous les yeux du public, et je délie qui que ce soit de me contre- 266 lAssemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. I21 mai lTOi.i dire sur ce point. (Murmures.)... Je voudrais que ceux qui ne sont pas de cet avis osassent se lever et me donner un démenti. Plusieurs membres à gauche se lèvent et demandent à répondre. M. Prieur. Je me lève et je donne le démenti. M. Martineau. Puisqu’on se lève pour me contredire, je vais m'expliquer et motiver mon avis. Je vous cite un exemple pour l’avenir. Je suppose que le ministre vous dénonce une conspiration formée dans un coin du royaume contre le salut de l’Etat; que vous soyez dans le cas de décréter l’arrestation de plusieurs personnes : vous formez le Corps législatif en comité général. Après l’examen secret, l'affaire est portée à la discussion et vous êtes obligés de rendre votre décret en public. Je vous demande si vous pouvez le faire exécuter contre des accusés qui en sont instruits aussitôt. Il faut donc laisser au Corps législatif le droit de discuter dans un comité comme on discute dans l’Assemblée nationale et d'y arrêter définitivement, dans certains cas, ses résolutions. En conséquence, je demande la question préalable sur la dernière partie de l’article. M. Moreau. J’appuie la motion de M. Martineau. M. Tuant de E