7 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 juin 1,791.] pas nécessaire sans doute de justifier à vos yeux l’importance de cette opinion, même dans l’ordre politique. (Murmures.) J’observerai simplement, puisque vous vous occupez de la matière des crimes, que la conviction de la pré-e.ice u’un pareil juge est le moyen le plus sùr de prévenir les crimes soit secrets, soit publics. Secondement,, la morale de vos lois prend sa source dans la moralechrélienne, dans la morale révélée. ( Interruptions .) Ainsi .celui-là serait digne de grands châtiments, qui voudrait ébranler ce te base p écieuse et respectable : il attaquerait, à la fois, vos mœurs, vos lois, votre Constitution ; tel serait celui qui professerait publiquement le déisme. Plusieurs membres : L’athéisme ! M. Sentetz. On m’observe que ce dont je parle est de l’athéisme. Je réponds que ce qui était l’objet de ma première observation était l’athéisme, et que ce qui est l’objet de la seconde, c’est b' déisme. Je passe à une troisième observation. Vous avez déclaré que nul ne pourrait être inquiété pour ses opinions religieuses ; mais vous avez subordonné cette faculté au maintien de l’ordre public. Ce serait donc être bien coupable que de prêcher, sous le prétexte imposant de religion, des dogmes qui commanderaient des actions déclarées des crimes par vos lois, de professer, par exemple, des dogmes qui ordonneraient des sacrifices de sang humain. (Murmures.) Plusieurs membres : À l’ordre du jour! M. Christin. Il faut décréter les articles du comité et après cela on proposera si l’on veut des articles additionnels. M. Sentetz. J’ai choisi peut-être là un exemple indiscret et qui serait contraire à votre Constitution. D’après ces réflexions, qui seraient susceptibles d’un très grand développement, je propose l’article suivant pour être mis en tête de la section du Gode pénal qui vous est présentée : « Ceux qui professeront publiquement l’athéisme, même le déisme, ou qui prêcheront, publiquement des dogmes qui commanderaient des actions réputées crimes par les lois de l’Etat, seront punis de mort. ■> M. Prieur, ironiquement. Oui, pour la première fois. M. Briois-Beauinetz. Les questions que l’on vient de soulever sont de la plus haute importance. La majesté, la dignité du sujet m* nous permettent i as de tes traiter sans 1 i plus profonde réflexion. Je demande donc le renvoi au comité et que l’on passe à l’ordre du jour. (L’Assemblée, consultée, renvoie au comilé la motion de M. Sentetz et passe à l’ordre du jour.) M. lie Pelletier de Saiirt-Fargeau, rapporteur. Le thre premier de la seconde partie du Code pénal a trait aux crimes et attentats contre la chose publique ; nous allons examiner la première section de ce titre, relative aux crimes contre la sûreté extérieure de l'Etat. Voici les deux premiers articles : « Art. 1er. Toutes machinations et intelligences politiques avec les puissances étrangères, ou avec leurs agents, pour les engager à commettre des hostilités ou pour leur indiquer les moyens d’entreprendre la guerre contre la France avec avantage, seront punies de la peine du cachot pendant 12 ans, dans le cas ou lesdites machinations et intelligences n’auront été suivies d’aucune hostilité. « Art. 2. Si les manœuvres mentionnées en l’article précédent sont suivies de quelques hostilités, ou si elles sont liées à une conspiration formée dans l’intérieur du royaume, elles seront punies de la peine de 24 années de cachot. >- M. d’André. Il faut la peine de mort dans les deux cas. M. Malouet. J’adopte les deux articles qui viennent de vous être lus par M. le rapporteur, mais je demande à présenter une observation à J’Assemblée. Les deux articles qui vous sont soumis sont précédés dans le projet du comité d’une disposition ainsi conçue : « Lorsqu’un Français, chef de parti, à la tête de troupes étrangères, ou à la tête de citoyens révoltés, aura exercé des hostilités contre la France, après qu’un décret du Corps légistatif l’aura déclaré ennemi public, chacun aura le droit de lui ôter la vie ; s’il est arrêté vivant, il sera condamné à être pendu. » Je demande à M. îe rapporteur s’il est dansd’im-teution de proposer cet article. M. le Pelletier de Saint-Fargeaa, rapporteur. Non, Monsieur. M. Malouet. À la bonne heure, car je me proposais de parler contre le droit attribué à chacun d’ôter la vie à un homme. Dans les circonstances où nous sommes, chacun s’arroge le droit déjuger si un homme est criminel. Je dis que je né conçois pas comment le comité de Constitution a osé publier un article comme celui qui est dans le projet imprimé ; je demande que l’Assemblée ordonne expressément la radiation de cet article -là. C’est certainement un très grand crime que celui de porter les armes contre sa patrie : celui-là est digne de mort ; mais, dans les circonstances actuelles, lorsque nous entendons journellement crier dans les rues, exciter aux massacres.... (Murmures à gauche.) M. le Pelletier de Saint-Fa rgean, rapporteur. Je réponds à ce que dit le préopinant, que le comité a été bien éloigné d’insinuer ces principes au peuple, le droit d’exercer, sous l’autorité de la loi, ce droit suprême de vie et ae mort, puisqu’il ne vous propose pas de le décréter. Mais au moment où on l’a imprimé, il y a joint ce correctif : contre un chef de parti déclaré rebelle par un décret formel du Corps législatif. M. Malouet. Eh bien ! Monsieur, eh bien ! (Bruit.) comment n’avez-vous pas rougi de publier une pareille prop< sition dan-un temps où les dissentiments d’opinions poiiiiques fournissent à des scélérats le prétexte de dénoncer tel ou tel homme du peuple comme ennemi de la patrie, comme chef d’un paru ? (Murmures. — A l'ordre du jour !)... Gomment oser, après cela, proposer un tel article ? C’est atroce ! M. Prieur. Monsieur le président. . . 8 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 juin 1791J M. Malouet, Hier encore, dans ces murs, on criait. .. M. Prieur. Ce n’est pas par des déclamations que nous appellerons le respect dû à la loi ; j’observe que les déclamations que s’est permises M. Malouet contre l’article ..... M. Malouet. Déclamations 1 A gauche : Oui 1 oui ! ( Applaudissements .) M. Malouet. Applaudissez donc! M. Prieur, le dis que les déclamations contre cet article... M. Malouet. Ce ne sont point des déclamations, c’est de l’indignation. M. Prieur. Je dis que cet article ne méritait pas des déclamations ; qu’il est impossible que M. Malouet trouve dans l’article dont il s’agit les inconvénients qu’il croit y voir, puisque l’article porte : « Lorsqu’un Français, chef de parti, etc... » M. Malouet. Est-ce qu’on ne fait pas de faux décrets ? {Tumulte prolongé.) M. Prieur. On fait de tout; car l’on fait aussi de faux brefs du pape. Je demande que l’on décrète l’article sur-le-champ, afin de ne pas prêter à la fausseté des décrets ; quand il sera loi, il sera respecté. {Applaudissements.) M. lie Pelletier de Saint-Fargeau, rapporteur. Il est nécessaire que l'Assemblée se rappelle que l’article en question n’est point présenté à votre discussion, à moins que l’Assemblée ne décide par un décret exprès qu’elle examinera. Je crois donc qu’il faut passer à l’ordre du jour, c’est-à-dire aux deux articles qui vous sont soumis dans ce moment-ci. (L’Assemblée décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) Un membre demande, par amendement à l’article premier, qu’en cas de machinations et d’intelligences pratiquées avec les puissances étrangère3, la peine de la déportation soit jointe à celle des cachots. Un membre dit que, pour ôter à la loi une détermination dangereuse dont on pourrait abuser un jour, il faudrait fixer la nature du crime de manière à écarter tout arbitraire. M. d’Ambly. Il n’est pas besoin de faire de nouvelles lois, puisqu’il y en a déjà d’anciennes contre ceux qui portent les armes contre leur patrie. D'ailleurs, ceux qui sont dans ce cas prennent leur revanche. M. Prieur. Mes observations portent sur l’article premier qu’on vient de vous présenter. Mon amendement est sévère et rigoureux. Alors qu’on fait les clauses d’un contrat social, on a droit de proposer toutes les conditions nécessaires pour les mettre en exécution, sans pouvoir être accusé de rigueur. Votre article porte toutes machinations , etc. Cet article est le garant de la tranquillité de la France, dans toutes les circonstances possibles. Mon objet est de vous faire considérer qu’il n’y a pas, dans l’état social, d’attentat plus fort et plus criminel que celui qui a pour objet de mettre en danger la société entière; et s’il est un objet sur lequel la société doive porter toute sa sévérité, c’est particulièrement sur l’homme qui, dans son sein, cherche à attirer sur cette même société toutes les foudres de la guerre, de la part des puissances étrangères. On cherche, Messieurs, à corriger la sévérité de cet article, en vous disant qu’il ne sera condamné qu’à 12 ans de gêne, dans le cas où ces machinations n’auraient pas été suivies d’hostilités; mais, Messieurs, prenez-y bien garde. A-t-il dépendu de celui qui a machiné contre la France, que ces machinations n’aient été suivies d’hostilités? Il a été arrêté à l’instant même où la foudre allait éclater de toutes parts. N’a-t-il pas compromis votre tranquillité? N’est-ce pas pour l’assurer que vous établissez des supplices? Or, je vous demande s’il y a rien de plus criminel que de travailler avec les puissances étrangères à une invasion contre sa patrie. Je demanderai donc que cet article s’étendît au rang des crimes les plus attentatoires à la société, et que la peine de mort y fût appliquée. J’y conclus pour ma part; personne n’a droit de s’en plaindre. M. Garat aîné. Dans toutes les tentatives que les hommes ont eu le malheur de se permettre, il faut distinguer les tentatives qui ont été suivies de l’exécution, d’avec les tentatives qui ont été infructueuses. Il ne faut pas confondre 2 genres de crimes aussi différents. Ce serait, dans notre Code pénal, de toutes les barbaries la plus atroce. Des machinations, des intelligences, bien coupables sans doute, ont été pratiquées, cependant elles n’ont pas eu de succès. La société, malgré cela, est demeurée tranquille; et comme si elle avait été troublée par le plus affreux des crimes, on propose la peine de mort! Et que proposerez-vous lorsque les hostilités auront suivi ? {Murmures) S’il n’y a point eu d’exécution, la peine de mort, je le répète, serait atroce, parce qu’alors vous ne trouveriez plus aucune peine contre celles suivies de tentatives d’hostilités. A gauche : La même. M. Garat aîné. Ce ne peut être la même : vous tomberiez dans l’inconséquence, dans la déraison extrême. Je crois donc que, pour conserver à votre Code pénal le caractère d’humanité et de raison qu’on a voulu lui donner, il faut adopter l’article du comité. M. Prieur. Si un ministre de la France machinait, avec les princes étrangers, tous les moyens de faire, par tous les coins du royaume, une invasion subite dans la France, et que les puissances étrangères, redoutant le courage des Français, n’y entrassent pas, je demande si ce ministre ne serait pas coupable de l’attentat le plus horrible contre la société. Je demande s’il faudrait alors l’envoyer à la gêne ? Moi je dis que non, que le crime est consommé; qu’il est de la même nature que s’il avait été exécuté; que la même peine doit être appliquée, et qu’il n’y a aucune raison pour différencier ces 2 cas. Je demande donc que mon amendement soit mis aux voix. Plusieurs voix : Aux voix ! aux voix ! l’amendement ! {Applaudissements.) [Assemblée nationale.l ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 juin 1791. | 9 M. Le Pelletier de Saint-Fargeau, rapporteur. Punirez-vous de même l’homme qui aura conseillé à quelqu’un d’en tuer un autre, si l’homme à qui il a donné le conseil ne commet pas le crime? Remarquez qu’un principe essentiel en fait de loi pénale, c’est d’accorder presque toujours une diminution de la peine, toutes les fois que le délit n’aura pas eu son exécution, parce qu’il faut toujours laisser un intérêt à ce que le crime ne s’achève pas. Voilà pourquoi, lorsqu’un homme aura attaqué un autre homme, lui aura porté des coups qui auraient pu être mortels, si cependant, par bonheur, l’homme assassiné échappe à la mort... votre comité vous proposera d’atténuer la peine. Ainsi, Messieurs, il nous a paru qu’en fait de loi, l’intérêt public est toujours à côté de la justice. Quelle est la justice? C’est de punir moins lorsqu’un moindre mal a été fait. Or, l’in-rêt public se trouve ici joint à la justice ; parce qu’il est de l’intérêt public de laisser toujours une chance, une possibilité, une espérance aux coupables ; de laisser une porte ouverte au repentir, et lorsque le mal n’a pas été commis, de lui offrir une peine moins grande de sou attentat ; voilà quels ont été les motifs de votre comité, yous déciderez maintenant ce que vous voudrez. Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix, l’article I M. Prieur. Voici l’hypothèse de M. Le Pelletier : Vous ne pouvez pas punir de même un homme qui a conseillé un attentat, lorsque l’attentat n’aura pas été réalisé. J’avoue qu’il n’y a, par rapport à l’homme qu’on voulait assassiuer, aucun mal absolument ue fuit; mais dans l’hypothèse de machinations contre l’Etat, dans l’hypothèse de renseignements donnés sur la force et la faiblesse du royaume, dans tous les renseignements donnés de la manière de venir incendier un port, de venir attaquer une forteresse, le mal est commis par rapport à l’Etat, le crime est totalement consommé; car, si l’hostili'é ne commence pas aujourd’hui, elle peut commencer demain, indépendamment du repentir de celui qui aura voulu la faire. Voilà la différence ; et n’oubliez pas encore une fois la possibilité d’un ministre qui conspire contre l’Etat, pour faire entrer par toutes les voies, les puissances étrangères. Il faut arrêter par la sévérité de la punition; je demande donc que mon amendement soit mis aux voix. M. Meynfer de Salinelles. Quoi qu’en dise M. Prieur, il y a une nuance très sensible et qu’il est nécessaire de saisir entre la simple machination et l’exécution d’un crime. Pour rendre cela plus sensible, il suffit de citer un exemple bien connu : tout le monde sait que César avait résolu d’asservir la patrie, quai se mit en marche à la tête de son armée. Cependant, près dépasser le Rubicon, César s’arrête; le remords s’empare de son cœur; il délibère s’il le passera ou s’il n’effectuera pas le passage. Eh bien ! Messieurs, si César n’eût pas suivi son intention, s’il eût écouté ses remords, s’il n’eût passé le Rubicon, aurait-il été aussi coupable? (Murmures.) Un membre : Ce n’est pas celai M. Popnlns. Si César n’eût pas passé le Rubicon, c’est qu’il eût cru que l’instant n’était pas venu... Un membre : Ce n’est pas cela ! M. Populus. Je fais une autre hypothèse : Un homme qui conspire contre sa patrie fait tout ce qui dépend de lui pour pouvoir l’asservir, pour pouvoir y faire entrer l’ennemi, pour y commettre des hostilités, mais il est arrêté avant que lui et même les puissances étrangères avec lesquelles il est d’intelligence aient pu exécuter son projet. O -, je vous demande si, parce que cet homme aura été saisi et arrêté avant que son projet ait été consommé, il n’est pas aussi condamnable que s’il eût exécuté ses desseins? M. Barnave. J’ai demandé la parole contre la distinction qu’on vient de faire entre le premier et le second article de ce titre. Cette distinction porte que dans le cas où le Français aura ourdi des tram s, qu’il aura entretenu des intelligences avec les étrangers contre sa patrie, et que ces intelligences n’auraient nas produit des hostilités effectives et un mal réel pour la nation, il eu sera quitte pour une peine quelconque, autre que celle de mort. Dans le cas, au contraire, où ces intelligences auraient eu leur effet, la peine de mort s’en suivra. Or, il me semble que la distinction porle absolument sur une considération fausse. Il est parfaitement juste que, lorsque le délit dépend seulement du criminel, la loi mette une distinction entre les délits seulement commencés et le délit porté jusqu’à sa fin. Ainsi la loi doit mettre une très grande différence entre celui qui aura projeté un assassinat et celui qui l’aura exécuté, parce qu’il faut favoriser le repentir, parce qu’il faut donner à la nature humaine tous les moyens de ne pas achever un grand attentat. Mais ici l’exécution ne dépend pas du citoyen français. Son crime est consommé, lorsqu’il a fait ce qui était en lui pour engager les puissances étrangères à tourner le rs armes contre la patrie. Le reste n’est pas son délit : le reste est l’action des étrangers. Tout ce qui le concerne e-t parfait; et il n’y a pis une différence de crime entre celui qui réussit et celui qui ne réussit pas. ( Applaudissements .) Il n’y a, entre le coupable qui est parvenu à tourner les armes étrangères contre sa patrie, et celui qui a fait de vains efforts pour y parvenir, il n’y a absolument que la différence des succès : la différence de l’intention, la différence du crime n’existent pas. Mais, Messieurs, il existe une différence immense entre les délits nationaux et les délits purement privés ; c’est là la distinction que la loi doit essentiellement faire; c’est là ce qui vous prescrit la plus grande sévérité sur les crimes de cette nature. Car quelle est la véritable proportion de la sévérité des peines? Elle est entre le danger que fait courir le crime, et la peine qui y est attachée. La société ne voit pas, dans les punitions qu’elle inflige, la barbare jouissance de faire souffrir un être humain; elle y voit la précaution nécessaire pour prévenir des crimes semblables, pour écarter de la société les maux dont un tel attentat la menace. De là résulte qu’un mal, qui entraîne après lui un crime, un mal qu’on ne pe t comparer à tout autre, un mal dont la dissolution de la société peut être la suite, un mal qui n’entraîne pas de maux par-licuiiers, mais un désastre général et commun à tous les membres de la nation, de là résulte la nécessité d’une peine plus forte, et le législateur, pressé par un grand intérêt, n'a plus qu’à cou- K) [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 juin 1791.J sulter s’il a ou non le droit d’infliger la peine de mort. Or, je demande si quelqu’un peut mettre en doute que le législateur a le droit d’ii fliger la peine de mort à celui qui a tenté de tourner des armes étrangères contre sa patrie, qui a conçu, qui a exécuté, jutant qu’il était en lui, non pas un seul meurtre, non pas assassinat, mais une multitude de meurtres envers ses concitoyens. Encore une fois, dès qu’il a voulu, dès qu’il a fait, pour y parvenir, les efforts que son crime pouvait luf permettre, il a commis le crime. En effet, il a, aux yeux du législateur, aux yeux de la justice divine et humaine, commis le crime de meurtre et d’assassinat; la justice est donc pour le législateur, quand il le condamne à mort. Un grand intérêt national s’y trouve aussi. Car sans doute il ne faut pas redouter un seul article de loi sévère, pour éloigner de sa patrie des maux d’une semblable nature; et dans un pays libre peut-être est-il plus nécessaire que dans un autre de mettre de la sévérité dans cette peine ; car c’est dans un pays libre que les atteintes de la tyrannie, que les efforts de tous les ennemis du peuple et des citoyens se tournent sans cesse contre l’ordre de choses établi. C’est dans un pays libre où le gouvernement est fondé sur la justice, sur les droits immuables des hommes, que ceux qui ont fait ce gouvernement-là ont des droits éminents pour le défendre. Là, Messieurs, vous n’avez que la justice à consulter, parce que c’est pour la justice seule que vous travaillez. Dans des pays' despotiques où le despote est obligé d’user d’une clémence quelquefois feinte, pour faire supporter son joug, il apporte des modérations dans les lois con-er-vatrices d’un ordre injuste par lui-même. Vous n’en êtes pas réduits là, vous allez travailler pour l’humanité, pour la justice, jugez maintenant des droits que la nature, que la société vous donnent. Ne ba'ancuz pas à porter une loi qui s’exécutera rarement, mais dont le seul effroi préservera peut-être la patrie des maux qui la menacent. ( Vifs applaudissements.) M. Le Pelletier de Saint-Fargean, rapporteur. Si l’Assemblée se porte, comme il le paraît, à adopter l’amendement de M. Prieur, alors pour abréger sa délibération il faut mettre la question préalable sur les deux articles du comité, et ensuite nous présenterons à l’Assemblée un autre article qui renfermera l’amendement de M. P;ieur. (L'Assemblée, �'consultée, adopte l’amendement de M. Prieur.) M. Le Pelletier de Saint-Fargean, rapporteur. Comme conséquence du vote que vous venez d’émettre, voici l’article que nous vous proposons en remplacement des deux articles primitifs de votre projet : Art. 1er. « Quiconque sera convaincu d’avoir pratiqué des machinations ou entretenu des intelligences avec les puissances étrangères ou avec leurs agents, pour les engager à commettre des hostilités, ou pour leur indiquer les moyens d’entreprendre la gu-eri e contre la France, sera puni de mort, soit que les machinations ou intelligences aient été ou non suivies d’hostilités. M. de Faueigny-Lucinge. Je demande que la même peine de mort soit prononcée contre ceux qui, dans l’intérieur du royaume, s’occupent à soulever les provinces et les régiments. M. Fe Pelletier de Sainl-Fargean, rapporteur. Si le préopinant avait lu notre projet de loi, il aurait vu que le comité a prévu le cas dont il parie. (L’article 1er, dans la nouvelle rédaction proposée par le rapporteur, est mis aux voix et adopté.) M. de Fancigny -Luctnge. Monsieur le Président, mettez donc aux voix mon amendement A gauche : Votre amendement viendra à son tour, ce n’est pas ici sa place. (L’Assemblée passe à l’ordre du jour.) M. Le Pelletier de Saint-Fargeau, rapporteur. Voici l’article 3 de notre projet, qui deviendrait �article 2 : « Toutes agressions hostiles,, toutes infractions de traités, tendant à allumer la guerre entre la France et une puissance étrangère, seront punies de la peine de mort. « Tout agent subordonné qui aura contribué auxdites hostilités, soit en exécutant, soit en faisant passer les ordres de son supérieur légitime, n’encourra pas ladite peine. « Le ministre qui en aura donné ou contresigné l’ordre, ou le commandant qui, sans o dre du ministre, aura fait commettre iesdites hostilités ou infractions, en sera seul responsable et subira la peine portée au présent article. » J’explique en deux mots cet article : Quel est l’homme coupable lorsque quelque agression hostile, quelque infraction de traité est occasionnée? C’est évidemment celui qui eu a donué l’ordre, car je suppose que le commandant d’une escadre soit à 2,000 lieues de la France ; s’il abuse du commandement qui lui est confié, pour ordonner aux soldats, qui montent les vaisseaux à ses ordres, de commettre quelque agression hostile et d’enfr indre un traité, certainement ses soldats qui ne peuvent pas et ne doivent pas commettre la légitimité de ses ordres, qui ne peuvent pas être juges de la validité des pouvoirs oui lui sont confiés sous un secret qu’il est de l’intérêt public de donner à ce commandant, doivent agir et obéir passivement. Il n’y a dans ce cas de coupable que le commandant, ou bien le ministre, qui sans y être autorisé par le Corps législatif, aurait donné des ordres de cette nature aux commandants d’une escadre. M. Duport. La rédaction qui est divisée en trois paragraphes ne peut rester en cet état. Le premier dit : « toute agression hostile et... » On ne peut pas dire une agression ho.-tile, car une telle agression se fait par des étrangers. Or, il me paraît impossible de laisser subsister une rédaction qui semblerait dire que ce sont les agresseurs, c’est-à-dire les étrangers qui seront punis de mort. Plusieurs membres : Oui! oui! oui! M. Le Pelletier de Saint-Fargeau, rapporteur. L’article est divisé en trois parties, et chacun de ses paragraphes détermine toutes les difficultés qu’on élève.