ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 213 [États gén. 1789. Cahiers.] Signé Goujon; Nicolas Michel; T. Dauboune; A. Poiret; N. -F. Michel; Goffard; Pierre Gouffé; Gouffé; Pa vignot; Jean Bounes; L.-P. Garry; Boston; Lehouzel ; Louis Gouffé; François Person ; Lougat ; Deshayes ; René Petit; Boby ; H.-P. Gouffé; J. -F. Bridault ; A. -N. Fricot; J.-P. Bergeotte; Eth. Bourfier; P. Gharoin; L.-P. Flamand ; Adrien Michel; Paque-René Tribut ; Joly ; J.-P. Bonnel ; Faure; Benjamin; Gouffé; J.-F. Auzoux ; Garry; L.-N.-B. Pelletier; N. Ghatelau ; Pinard; Pillot ; P. Cousin ; Morillon le fils; F. Berger. Le présent cahier coté et paraphé ne varietur , conformément aux règlements, par nous, prési-dent de l’assemblée, soussigné, cejoujourd’hui 15 avril 1789. Signe FERELLIER. CAHIER Des doléances , remontrances et instructions de l'assemblée du tiers-état des habitants de la paroisse de Villiers-la-Garenne et Neuilly , près Paris (1). L’assemblée du tiers-état de la paroisse de Vil-liers-ia-Garenne, Neuilly, près Paris et dépendances, formée en exécution des lettres de convocation des Etats généraux, données à Versailles le 24 janvier dernier, pour rédiger le cahier des doléances, plaintes et remontrances desdits habitants, a arrêté le présent cahier, contenant les demandes,, avis et instructions qu’elle désire être présentés et proposés à l’assemblée générale des Etats de la nation, ainsi qu’il suit : Art. 1er. Que les Etats généraux, représentant la nation, ont la puissance législative conjointement avec le Roi. Art. 2. Qu’aucun citoyen ne peut jamais être privé de sa liberté que par .la loi et d’après le jugement des tribunaux reconnus par la nation. Art. 3. Qu’aux Etats généraux seuls appartient le droit d’établir et proroger les impôts, sous quelque forme et dénomination que ce puisse être. Art. 4. Que les Etats généraux seront périodiques ; que la forme de leur convocation et leur composition seront déterminées par eux-mêmes, et que si, à l’époque qu’ils auront fixée, ils n’étaient pas rassemblés, les impôts cesseraient de droit à l’instant même dans tout le royaume. Art. 5. Que dans toutes les provinces du royaume, il sera établi des Etats provinciaux, dont la forme et le pouvoir seront déterminés par les Etats généraux. Art. 6. Que les Etats généraux s’occupent de l’amélioration du sort des curés et vicaires de la campagne, afin de les mettre en état de soulager les pauvres, et de pouvoir supprimer les honoraires qu’ils perçoivent pour les baptêmes, mariages et sépultures. Art. 7. Que tous les privilèges soient supprimés, et que les impôts soient répartis sur tous les propriétaires des trois ordres sans distinction. Art. 8. Que la perception soit rendue plus facile en réunissant, s’il est possible, les impôts à un seul, ou au plus à deux ou trois. Art. 9. Que l’imposition soit dégagée de tous les détails qui subsistent aujourd’hui, soit à l’occasion des droits accordés à la ville, aux hôpitaux, et soit à cause des différents sous pour (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. [Paris hors les murs.] livre attribués par différents édits, détails qui mettent les contribuables dans le cas d’ignorer pourquoi ils payent; détails qui ne peuvent servir qu’à embarrasser les comptes qui sont rendus, etc. Art. 10. Que tous les droits qui se perçoivent à l’entrée de la banlieue, soient supprimés comme onéreux aux habitants et*peu lucratifs à l’Etat, à cause des frais immenses que cela occasionne par la multiplicité des employés. Art. 11. Que la répartition et le recouvrement des impôts appartiennent aux Etats provinciaux; et le montant de la recette, versé directement au trésor royal, tous les trois mois, par les collecteurs, sans être obligés de porter ès-mains d’un receveur particulier qui, lui-même, verse au receveur général des finances, et celui-ci au trésor royal, ce qui occasionne des longueurs et des frais contraires au bien public. Art. 12. Que le compte de la recette et de la dépense nationale soit rendu public, tous les ans, ainsi que celui des grâces. Art. 13. Que la gabelle et les aides étant les impôts les plus onéreux, et dont les recouvrements entraînent les abus les plus graves, on demande aux Etats généraux de s’occuper des moyens de les remplacer ou du moins d’en diminuer les inconvénients. Art. 14. Que les Etats généraux demandent la suppression de la corvée, et représentent à Sa Majesté que l’emploi des troupes à la confection des chemins serait très-avantageux, soit pour l'économie de temps et d’argent, soit pour le meilleur régime militaire. Art. 15. Que les impôts pour le logement des soldats soient supprimés comme onéreux aux propriétaires et au gouvernement, puisque l’Etat ignore le montant de cet impôt qui doit monter à des sommes considérables, étant perçu à raison de 3 livres p. 0/0 du montant des vingtièmes. Art. 16. Que le tirage de la milice soit supprimé comme étant onéreux aux campagnes, par la raison que les jeunes gens qui craignent le sort, quittent leurs père et mère pour se retirer dans les villes, et que ceux qui y restent font des dépenses considérables, soit pour former une bourse, soit en divertissements, et perdent nécessairement le travail d’une semaine. Art. 17. Que les capitaineries soient supprimées, et que les règlements sur la chasse, qui gênent l’agriculture, soient abrogés. Art. 18. Que des moyens soient indiqués pour constater promptement et facilement le tort que fait le gibier, et qu’il soit ordonné que les propriétaires ou fermiers en soient complètement dédommagés. Art. 19. Qu’il soit pourvu aux inconvénients qui résultent de la multiplicité dès pigeons. Art. 20. Que les Etats généraux avisent aux moyens d’éviter les frais et longueurs des procès. L’assemblée indique comme un des abus les plus dispendieux le défaut de pouvoir des premiers juges, de décider sans appel jusqu’à la somme de 100 livres seulement, et celui des différents degrés de juridiction qu’on est obligé d’éprouver, et qu’on pourrait réduire à deux; c’est-à-dire le premier juge et le juge d’appel. Art. 21. Que les lettres d Etat, de surséance et sauf-conduit, qui donnent aux débiteurs un moyen de se soustraire à la poursuite de leurs créanciers, et qui sont par là attentatoires à la propriété de ceux-ci, soient abolies ; que les seuls tribunaux puissent accorder du temps aux débiteurs de bonne foi, et seulement lorsqu’il sera prouvé que l’intérêt bien entendu de leurs créan- ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.) 214 [États gén. 1789. Cahiers.] ciers se trouve uni au leur, pour qu’ils obtien-1 nent le délai qu’ils sollicitent. Art. 22. Que tous les droits de committimus , d’attributions et autres privilèges tendant à soustraire le débiteur de son juge naturel, soient supprimés. Art. 23. Que les droits de francs-fiefs soient supprimés comme onéreux et humiliants pour le tiers-état. Art. 24. Que les droits de contrôle pour les notaires de la campagne soient diminués, et le tarif réformé, par la raison que celui qui subsiste actuellement est tellement arbitraire, que les notaires, pour éviter l'interprétation des traitants sur l’extension des droits, sont forcés de donner à leurs actes des formes qui, souvent, donnent lieu à des procès qui deviennent la ruine des familles. Art. 25. Que les Etats généraux soient priés de prendre en considération que le plus grand bien de l’homme est la pureté de l’air qu’il respire. Les habitants du village de Neuilly avaient cet avantage avant la construction du nouveau pont et la suppression du bras de rivière qui bordait le village; mais depuis, les eaux des blanchisseurs séjournent et croupissent dans le bras de la rivière supprimé. Il répand un air infect qui occasionne des maladies contagieuses. 11 serait donc instant que l’assemblée provinciale avisât le plus promptement possible au moyen de constater et supprimer ce cloaque. L’assemblée indique, pour moyen le moins dispendieux, d’établir une chaussée de 12 pieds de largeur seulement, au milieu de laquelle il serait formé un ruisseau pavé qui conduirait les eaux à la rivière. Art. 26. Que la mendicité soit défendue, et que chaque paroisse soit chargée de nourrir ses pauvres. Art. 27. Qu'il existait, depuis un temps immémorial, à la plaine des Sablons, un marché aux vaches, qui était l’occasion d’une consommation très-profitable à la paroisse; que malgré la situation avantageuse du lieu pour les marchands forains et les nourrisseurs, ce marché a été transféré à la Chapelle Saint-Denis, pour le profit d’un seul particulier, au préjudice de l’intérêt général; et que, par cette raison, la paroisse espère de la justice et la protection des Etats généraux, que ce marché sera rétabli comme il subsistait depuis plusieurs siècles. Qu’au surplus l'assemblée se réfère, en ce qui peut la concerner, aux doléances contenues dans les cahiers des autres communautés, et particulièrement de celle de la banlieue de Paris. Fait et arrêté en ladite assemblée, cejourd’hui 14 avril 1789. Signé Bonard; de Laizement; Lamare; Lenoir; Sabat; Singrelin; Gaillaud; Girard; Gervais; Prévost; Pialut; Soyer; Saulnier : Douelle; Bour-dinot; Havard ; Tan tin; Boutard; Betoul; Mau-trotté; Bourdinot; Minard; Buzelin; Laflèche; Royer; Wanschooton; Robineau; Lesquilliez; Desques; Boivin; Lurac; Wattié; F. Sabat; Du-vauchei; Thierry; Aubry; Deplasmant; Perrin; S. Moufle; Aufrère; Huilez; Loraux; Gouilliard; Paillin, Juillerat; Baudet; Leiré; Bouché; Bou-gault; Thomas; Robert; Durand; Notre; Bache-lat; Estevenin; Detriaux, et Lochard. D’après la rédaction et signatures de ce cahier, lesdits habitants ont nommé pour leur député. M. Bonnard, avocat en parlement. CAHIER Des doléances et représentations des habitants de la paroisse de Villiers-le-Sec , aux Etats géné - , vaux (1). Art. 1er. L’Etat a besoin, et les impôts sont déjà très-pesants, ce qui empêche le bien de l’Etat. Voici un moyen qui subviendra également au besoin de l’Etat et au soulagement des peuples. L’Eglise s’est accrue sans bien ; c’est avec le bien qu’elle a dégénéré; la réduire à sa fortune primitive, ce sera la rappeler à sa primitive sainteté. Dans ces temps reculés, on nous prêchait par l’exemple ; aujourd’hui on ne se sert que de la morale, on se contente de nous dire : « Faites ce que nous vous disons; ne regardez pas ce que nous faisons. » Pour faire revivre ces temps heureux et réformer cette morale, qui est un abus et la source de tous les autres, il faudrait leur retirer ces biens qui les corrompent, qui les empêchent de mériter et de recevoir le respect dû à leur caractère. Ces biens ne leur ont été donnés par la libéralité de nos monarques et de leurs plus riches sujets, que pour les verser dans le sein des pauvres; aujourd’hui, puisqu’ils les emploient à leurs plaisirs, et que le Roi et la patrie sont forcés d’entretenir des hôpitaux, il y a donc deux dépenses établies pour le même objet, et nous payons deux fois. 500 livres doivent suffire à un homme qui a fait vœu de pauvreté. Qu on cloître donc tous les religieux, moines, chanoines des deux sexes, tant séculiers que réguliers. Qu’on les mette en nombre suffisant pour pouvoir vivre en commun; et que le gouvernement se charge de l’entretien de leurs maisons et de leurs églises. 1,000 livres à tout prêtre dont on aurait besoin dans les paroisses, comme vicaires et autres; 1,500 livres pour les curés de campagne; depuis 2,000 livres jusqu'à 3,000 livres aux curés des villes; 6,000 livres aux évêques; 10,000 livres aux archevêques ; point d’abbés ni bénéfices simples ; point de pécules pour les prières, ce qu’ils appellent honoraires ; point d’argent porté à Rome, un patriarche s’il le faut. Si les hôpitaux ne suffisent pas pour tous les indigents, que, dans chaque paroisse, les pauvres soient à la charge de la communauté : nous ferons bien nous-mêmes nos charités, sans qu’elles passent entre des mains qui savent se les approprier. Art. 2. Les impôts sont trop pesants, parce qu’ils sont inégalement répartis. Ne sommes-nous pas tous également Français ? et cependant le peuple seul porte les charges. Que, dans la suite, tout propriétaire de fonds, sans distinction de qualité, paye au souverain à proportion de ses biens, et que cette proportion soit réglée suivant la fertilité de la terre et les facilités de la faire valoir. Art. 3. Les impôts sont trop pesants, parce que les seigneurs abusent du droit de chasse. Nous semons quatre, six boisseaux de blé de plus sur les terres mangées par le gibier ; ce que nous recueillons de moins est inappréciable, peut-être le quart, et quelquefois le tout; et cependant, le droit de chasse n’est-il pas le même que celui de la propriété ? Si les blés nous appartiennent, les animaux qu’ils nourrissent seront aussi à nous. Que le droit de chasse dépende donc uniquement du droit de propriété. Il est dangereux (1) Nous publions ce cahier d’après Un manuscrit des Archives de l'Empire.