[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 septembre 1789.] M. Pétion observe que cet amendement est contraire au mot exclusivement que l’Assemblée a adopté. Il fait voir que cette question tient à l’organisation des pouvoirs-, que, pour les organiser, il n’est pas besoin de la sanction du Roi, puisque les officiers tiennent à l’organisation des pouvoirs, et il demande la question préalable, M. de Clermont-Tonnerre représente que le mot exclusivement n’est là que pour ôter au pouvoir exécutif la liberté de créer des offices ; qu’ainsi il y a lieu à délibérer. En effet, il est décrété qu’il y a lieu à délibérer. M. le Président soumet un quatrième amendement proposé par M. le duc d’Aiguillou. M, lie dnc d’ Aiguillon propose de déclarer qu’aucun citoyen ne pourra être destitué de son emploi, sans un jugement préalable, rendu suivant les formes prescrites par la loi. M. de Mirepoix considère l’amendement comme une motion incidente et en demande l?a-joupnement,. M. d’ Aiguillon cousent à l’ajournement. M. le Président se dispose à mettre aux voix la rédaction de l’article proposé par M. 4e Lameth. M. le comte de Crillon proteste en ce moment contre la conduite du subdélégué de Saint-Quentin, non député, et quj a affirmé trois fois qu’il l’était. Ce particulier étant dans les bancs des communes, a voté à toutes les délibérations. Plusieurs membres demandent qu’il en soit fait mention dans le procèsrverbal ; mais on continue la délibération. M. le Président donne lecture d’une rédaction nouvelle qui vient d’être déposée sur le bureau : « Art. 3. La création et la suppression des offices ne pourront avoir lieu qu’en exécution d’un acte du Corps législatif, sanctionné par le Roi. » Cette rédaction est adoptée à une très-grande majorité. Le clergé du bailliage de Lille a nommé pour son député, ep remplacement de M, Dupont, démissionnaire, M-le baron de Carondelet. prévôt du chapitre dé Seclin ; M. Gosse, curé, chanoine de Comines, a été nommé député suppléant. Sur le rapport du comité de vérification, M. le baron de Carondelet est autorisé par l’Assemblée nationale à siéger et à délibérer dans son sein. Un membre observant que le comité de rédaction avait été chargé de développer les motifs qui avaient décidé l’Assemblée nationale à adopter le plan proposé par M. le premier ministre des finances dans la séance du 24 septembre , a demandé que le travail de ce comité fut mis incessamment sous les yeux de l’Assemblée. M. le Président invite le comité des finances, le comité ecclésiastique, celui des rapports et celui de judicature à s’assembler à cinq heures et demie. M. le Président annonce une députation du district de Saint-Magloire de Paris. La députation est admise. M, Moreau , pun des membres qui la composent, a donné lecture d’une délibération de ce district en date du 28 septembre, conçue en ces termes : « Ce jour, l’assemblée générale convoquée extraordinairement, M. de Vergennes a demandé la parole et a dit ; « Messieurs, il n’est plus permis à aucun citoyen de rester indifférent sur les malheurs de l’Etat-Jusqu’ici notre patriotisme n’a consisté pour ainsi dire que dans les sentiments de la douleur publique; aujourd’hui, Messieurs, les maux de la France nous sont connus, ils sont extrêmes; mais le ministre qui nous pp a tracé le tableau si effrayant, nous a en même temps présenté celui de ses ressources. « Ce n’est plus , Messieurs , sur notre courage et sur nos forces que ce ministre fonde ses seules espérances, c’est sur nos sacrifices ; et que sont ces sacrifices auprès des dangers que vous ave? courus, des dangers que yous avez affrontés ? « M. Necker nous demande, au nom de la patrie, le quart de nos revenus et il nous a dit que le salut de la France reposait sur cp sacrifice. Est-il un citoyen parmi vous qui puisse balancer à le faire, lorsque la prospérité publique en dépend? Non, Messieurs, des citoyens qui, comme vous, ont risqpé leur vie pour la défense de lq liberté n’hésiteront point à sacrifier une partie de leur fortune pour sauyer l’honneur de la France. « Quanta moi, Messieurs, plein de respect pour les décrets de l’ Assemblée nationale, je m’empresse de vous offrir un nouvel hommage en vous apportant ma soumission de verser dans le Trésor national le quart d,e mes revenus. « Votre zèle , sans doute, n’avait pas besoin d’être excité par mon exemple, mais comme tous mes sentiments se sont échauffés au milieu de vous, j’ai cru vous devoir compte de tous les mouvements de patriotisme dont mon cœur est agité; et si ma soumission pouvait entraîner votre adhésion , j’estime qu’il serait digne de votre sagesse de faire connaître votre vœu par un décret qui pût prouver aux représentants de fa nation , au Roi et à % Necker, que le respect du district de Saint-Magloire pour les décrets de l’Assemblée nationale, égale sa confiance dans leurs effets et sop dévouement entier au bien de l’Etat. « L’assemblée a applaudi avec les plus vifs transports à la motion de M. do Vergennes, et après en avoir délibéré, les citoyens qui la composent, jaloux de donner à la nation et aq Roi , des preuves de leur entier dévouement , ont déclaré à l’unanimité qu’ils adhèrent avec empressement au décret de l’Assemblée nationale du 26 du présent mois et qu’ils concourront, avec un zèle égal et suivant leurs facultés, à soq exécu� tion. « L’assemblée a arrêté que MM. de Vergennes, Moreau , Soufflot de Mercy, Poursin et de Grand-: champ, seraient députés à l’Assemblée nationale pour lui porter la présente délibération pomme une preuve dê son respect pour ses décrets, et qu’ils se retireraient ensuite auprès de M. Necker pour lui offrir son hommage ; a arrêté , en outre, qu’elle serait imprimée, affichée et communiquée tant à MM. les représentants de la commune qu’à tous les districts de la capitale. « Signé sur le registre : Moreau, président; Pasquier de Saint-Cyr, secrétaire. » M. le Président répond à la députation : [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 septembre 1789.] 223 « Messieurs, l’Assemblée nationale voit avec satisfaction le patriotisme des citoyens du district de Saint-Magloire et leur soumission à ses décrets. » ' L’Assemblée admet immédiatement après une députation de la compagnie des Invalides, commise à la garde et a la police du château des Tuileries, qui présente l’adresse suivante : « Nosseigneurs, permettez que de vieux serviteurs, toujours jaloux de gloire, se repaissent encore journellement de celle qu’ils ont acquise dans les combats et que, désirant d’en acquérir une nouvelle, ils vous prient de vouloir bien agréer, comme un faible témoignage de leur amour pour la patrie et de leur admiration pour vos sages décrets , une somme de lût) livres, destinée à être versée. danp la caisse nationale (ils sacrifient deux jours de leur paye), leur regret est de ne pouvoir faire un don plus considérable, de ne l’avoir pas fait des premiers; et leur désir est que leur exemple soit suivi par ceux qui sont dans le cas de donner, « Depuis l’ouverture de votre auguste Assemblée, iis ont renoncé au doux plaisir de parler de guerre et de batailles pour ne s’occuper que de vos importantes délibérations; pénétrés de respect pour le zèle qui vous anime et dont vous ne cessez de donner des preuves à i’pnyi les ijns des autres , ils adressent des vœux au Ciel pour qu’il vous aide à parvenir au but que voqs vous proposez, et qui doit vous couvrir un jour d’une plus grande gloire que le gain d’une bataille. « Signé : Franquet, Treslin, Stybaut, Nalez, députés de la compagnie des bas-officiers invalides détachés au château des Tuileries. » Des applaudissements répétés accueillent cette lecture. M. le Président répond : « Messieurs, le nouveau sacrifice fait par d’anciens guerriers à la patrie , ne peut être vu qu’avec attendrissement par tous les bons citoyens; l’Assemblée nationale me charge de vous en témoigner sa satisfaction. » M, le Président lève la séance après avoir fixé celle du soir à sept heures. Séance du mercredi 30 septembre 1789, au soir. A l’ouverture de la séance, il a été fait lecture de différentes adresses : savoir, des officiers municipaux de la ville de Cambrai , contenant des réclamations contre l’arrêté de l’Assemblée nationale, qui supprime les dîmes ; D’une adresse du même genre des Etats de la ville de Cambrai et du .Cambresi.s ; D’une autre des officiers municipaux et de ceux des justices seigneuriales de la ville de Courvilie: elle exprime des sentiments de reconnaissance et de dévouement , et renferme de plus la demande d’une justice royale ; D’une autre de la ville de Saint-Geniez, en Rouergue, contenant félicitations, remerciments et adhésion aux décrets de rassemblée, qu’elle supplie d’ordonner aux administrateurs de la province de Rouergue, d’user de tous les moyens que peuvent offrir les finances de cette province, pour prévenir les calamités dont la ville est menacée par l’irréparable cessation du travail. Le comité municipal de cette ville offre l’avance de 7 à 8,000 livres pour l’établissement de l’atelier de charité qu’il sollicite; D’une autre de la ville de Sisteron, en Provence, contenant félicitations , remerciments , adhésion et ratification formelle de la renonciation faite par les représentants à tous les privilèges de la Provence ; D’une lettre de M. de Rivais, ancien garde du Roi, sous-lieutenant de maréchaussée de Bourgoin, en Dauphiné, par laquelle il fait hommage à l’Assemblée d’un ouvrage intitulé : Suite du congrès convoqué par ordre de V Eternel, tenu par la Justice, la Raison et la Vérité ; Des délibérations des communautés de Taras-con et Varilhes,du pays de l’ürdadais, de la ville de Saint-Thibault et plusieurs lieux circonvoisins, de la communauté de Montant, de celle de Saint-Quirc et de celle de Saint-Paul; de celle de Lis-sac, de celle de Beuac, de celle de Goûté, de celle de Rieux-de-Port, de la ville de Mazères, de la province de Foix, par lesquelles elles adhèrent aux arrêtés de l’Assemblée, notamment à ceux du 4 août, et ratifient en conséquence la renonciation aux privilèges de leur province, faite par leurs députés; D’une adresse de félicitations, de remerciments et d’adhésion de la ville de Romorantin , capitale de la Sologne, qui supplie l’Assemblée de prendre en considération les moyens de lui rendre ses anciens avantages, en encourageant le travail de sa fabrique, presque déserte à cause des circonstances actuelles, et en augmentant Détendue du ressort de sa juridiction royale ; Enfin, d’un extrait des registres de la Chambre ecclésiastique de Colmar, en Haute-Alsace, qui rend hommage à la pureté des vues et au zèle qui anime l’Assemblée nationale, mais qui ne peut se dispenser de lui adresser ses respectueuses représentations sur les dispositions contenues dans les arrêtés du 4 août et jours suivants, et d’adhérer à la présentation du mémoire du clergé de la Basse-Alsace. M. le Gendre, député de la ville de Brest, a présenté à l’Assemblée un projet de souscription pa-: triotique, formé par la ville et sénéchaussée de Brest, en date des 9 de ce mois, que l’Assemblée nationale a accueilli avec satisfaction. On a fait l’énumération des autres dons patriotiques inscrits dans le registre à ce destiné. Un membre du comité de rapport a rendu compte» au nom de ce comité, de l'affaire de Marienbourg , dont l’Assemblée s’était déjà occupée dans la séance du 21 août au soir : les coqclpsiops du comité de rapport ont été appuyées par celui des recherches. Un membre ayant demandé qu’il lui�fût permis d’interrompre l’ordre du jour pour un don patriotique, il a annoncé que M, David , habitant de Paris, offrait à l’Assemblée nationale 7,000 livres, moitié de son revenu, payables au 15 du mois prochain : l’Assemblée a applaudi au patriotisme de ce citoyen, qui a témoigné le désir d’assister à la séance et qui en a obtenu l’agrément. La discussion s'établit sur l'affaire de Marieur bourg. On se rappelle qu’à raison des changements arrives dans la municipalité, le prévôt de la maréchaussée s’était cru en droit d’attenter à la liberté de quatre citoyens et de les faire transporter ignominieusement dans la ville d’Àvesnes. M. le comte d'Estherazy avait été accusé primitivement d’avoir ordonné l’arrestation.