632 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. précieuse, en ce qu’elle assigne légalement un point de départ : se jeter au delà, serait, incontestablement, franchir toutes les bornes de la prudence et de la justice. Si l’Assemblée nationale l’approuve, cette époque sera donc le point de départ de tout examen de liquidation ; et il vous propose, Messieurs, le décret suivant : PROJET DE DÉCRET. L’Assemblée nationale ayant entendu le rapport de son comité de liquidation sur la dette non liquidée, a décrété : « Que nulle portion de dette ancienne, qui, aux « termes de l’édit de décembre 1764, n’aurait « point été soumise à la commission précédem-« ment nommée le 23 novembre 1763, ne pourra « être présentée en liquidation ; à l’égard de « toutes les portions de dette ancienne non li-« quidées, qui ayant été produites à ladite com-« mission du 23 novembre 1763, n’y auraient pas « été jugées, elles seront vérifiées conformément « aux principes établis dans le rapport du comité « de liquidation. En conséquence, l’Assemblée « nationale maintient toutes les déchéances an-« térieures à l’année 1764. » M. Jean de Batz passe immédiatement à un troisième rapport qui est relatif à la compagnie des eaux de Paris (1). Messieurs, les objets sur lesquels le comité de liquidation (2) appelle dans ce moment votre attention, la méritent tout entière. Il s’agit d’un traité, d’un accord fait, en quelque sorte, au nom du Trésor public, entre des personnes sans mission à cet égard, et qui cependant ont disposé d’une caisse où avaient été déposés plu9 de 2,400,000 livres; somme dont les quatre cinquièmes étaient une propriété de la nation. Si c’est là une dilapidation, Messieurs, et c’est ce que vous avez à juger, on en aurait vu peu d’aussi hardies, et dans les circonstances de cet événement une prompte décision paraît nécessaire. Déjà, Messieurs, les recherches patriotiques et les travaux infatigables d’un membre de cette Assemblée (M. Camus) vous ont préparés à entendre parler des affaires de la compagnie des eaux, malheureusement devenues celles du Trésor public. Le compte qu’aux termes de vos décrets nous sommes tenus de vous rendre, exige des développements dont votre comité aurait voulu vous épargner l’ennui; mais comme ces détails sont indispensables pour fixer l’opinion de l’Assemblée nationale, nous n’avons pu que les abréger. (1) Ce rapport est très incomplet au Moniteur. (2) Le public doit être instruit que le comité de li-liquidation s’est fait une loi de ne jamais présenter à l’Assemblée nationale aucun rapport qui puisse motiver un refus ou une condamnation sans avoir préalablement entendu les parties intéressées ou leurs représentants. Les faits contenus dans le rapport qui suit, ne sont, que les extraits d’actes authentiques déposés au Trésor public. Les faits qui regardent les administrateurs des eaux de Paris et MM.Périer, leur ont été communiqués avant le rapport, et le rapport ne contient que des faits avoués par eux dans ce qui les intéresse. M. Périer a plus particulièrement encore été entendu en pleine séance du comité de liquidation, et contradictoirement avec l’agent du Trésor public. Les faits rapportés ne sont que ceux dont il est pleinement convenu. (Note de M. de Batz.) 122 novembre 1790.J Deux mécaniciens d’un talent reconnu (MM. Périer) obtinrent du roi, le 7 février 1777, la permission de faire construire à leurs dépens des pompes à feu sur les bords de la Seine : ils annonçaient qu’ils élèveraieut l’eau du fleuve, qu’ils la distribueraient dans les diverses rues de la capitale, et que les citoyens qui en désireraient pour leurs maisons, pourraient s'en procurer à des prix très modiques et toujours fixés de gré à gré. Pour fonder cet établissement, il fallait des fonds considérables, et MM. Périer n’étaient encore riches que des calculs qu’ils avaient faits ; mais fermement convaincus que leur entreprise serait très lucrative, ils surent inspirer la confiance dont ils étaient pénétrés, et plusieurs citoyens se réunirent pour former avec eux une société en commandite. La base fondamentale de celte société fut la création de douze cents actions à 1,200 livres chacune , ce qui produisit une somme de 1,400,000 livres (1). MM. Périer avaient pensé que cette somme serait suffisan te; elle ne le fut point : on créa successivement deux mille huit cents actions nouvelles au prix de 1,200 livres comme les premières : toutes ces actions réunies devaient former un capital de 4,800,000 livres. Je vous prie, Messieurs, de remarquer cette époque; c’est celle où, pour le malheur du Trésor public, l'agiotage s’est emparé de cet établissement. Pour réaliser les nouvelles actions, c’est-à-dire pour trouver des spéculateurs qui voulussent les acheter et associer leur fortune à celle de l’entreprise, les intéressés s’étudièrent à la présenter sous le point de vue le plus séduisant. Ils annoncèrent des avantages aussi brillants que solides; d’une part, la protection la plus signalée du roi et celle de son ministre des tinances; d’autre part, les bénéfices les plus étendus et les moins équivoques : déjà, disait-on, les bureaux ne pouvaient suffire à recevoir les demandes de tous ceux qui désiraient des fournitures d’eaux; c’était pour satisfaire à l’impatience publique que la compagnie faisait de tous côtés ouvrir les rues, qu’on y plaçait des conduits; à chaque pas tout annonçait des succès, tout invitait le public à y prendre part. Ces exagérations (car c’étaient des exagérations) mirent en effervescence la cupidité des spéculateurs; à tel point, que les actions des eaux s’élevèrent presque soudainement du prix créatif de 1,200 livres, au prix imaginaire de 4,000 livres. Mais ce succès lui-même allait devenir un écueil : pour soutenir de merveilleuses promesses, il fallait des succès d’un autre genre, et malheureusement le public se refusait à les réaliser; en un mot, il ne mollirait aucun empressement à se procurer à grands frais de l’eau que même on disait être malsaine. Aussi, pour rappeler l’opinion publique qui leur échappait, les actionnaires imaginèrent de réunir à leur entreprise une spéculation de plus. Protégés par le ministre des finances, ils obtinrent du roi, le 20 août 1786, la permission d’offrir au public des assurances contre les incendies; c’est-à-dire qu’en payant un abonnement convenu, tout propriétaire d’hôtel ou de maison dans Paris pouvait faire assurer sa propriété contre l’accident du feu; de sorte que, si un in-(1) Voy. aux Annexes de la séance, le mémoire des porteurs de quittances de la compagnie des eaux. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 novembre 1790. | 633 ceodie la détruisait en tout ou en partie, la compagnie des eaux s’obligeait à payer les dommages du feu. Fortifiée de cette nouvelle spéculation, la compagnie des eaux inonda de nouveau le public d’annonces les plus brillantes : la prospérité de l’établissement n’était plus douteuse; et pour y faire participer un plus grand nombre de citoyens, on créa encore mille actions nouvelles; on les créa même au prix de 4,000 livres chacune : mais le public se refusa constamment aux avantages qu’on lui proposait, et l’empressement de se préserver du feu fut moindre encore que celui d’acheter de l’eau; alors on changea de système. Ici, Messieurs, commence l’ordre de choses qui vous intéresse, et il importe que l’Assemblée nationale y fixe toute son attention. Elle voit bien, d’après l’exposé des faits précédents, que les actionnaires des eaux de Paris s’étaient occupés du succès de leur établissement beaucoup moins que d’un jeu sur les actions, beaucoup moins que d’une spéculation sur la crédulité publique. Mais cette manœuvre, et tous ses ressorts, et toute son absurdité avaient été dévoilés et dénoncés dans un écrit, qui restera comme un monument ineffaçable de ces temps de désordres et d’erreurs; vous n’ignorez pas, Messieurs, que l’auteur de cet excellent écrit siège dans cette Assemblée (1). Les illusions ainsi dissipées ne laissèrent à leur place que des réalités peu consolantes pour les spéculateurs engagés dans l’entreprise des eaux. Le décri s’y attacha, les actions retombèrent; mais les principaux intéressés aperçurent enfin le meilleur expédient pour sortir d’embarras. Ils conçurent le projet hardi, de substituer à eux-mêmes le gouvernement; et à des actions sans valeur, l’argent du Trésor public : vous allez voir, Messieurs, comment le succès a dépassé leurs espérances; et comment, par une suite de traités entre eux et le3 derniers ministres des finances, ils sont parvenus à épuiser plus de 20 millions dans le Trésor de l’Etat. PREMIER TRAITÉ. Le premier traité fait entre la compagnie des eaux et l'administration est du 19 septembre 1784. MM. Périer exposèrent au ministre des finances que leur établissement était menacé de ruine, et qu’il était absolument nécessaire que le gouvernement vînt à son secours. Sur ce simple exposé, soulenu de quelques lieux communs sur Futilité publique de cet établissement, le ministre prit un bon du roi , et, des deniers publics, il prêta à MM. Périer 1,200,000 livres ; ceux-ci donnèrent pour sûreté mille actions des eaux, et la garantie personnelle de MM. Serilli et Sainte-James, qui, quelque temps après, firent faillite. DEUXIÈME TRAITÉ. Dès que la voie des emprunts eut été ouverte aux agioteurs, car cette fois, Messieurs, c’est véritablement d’eux qu’il est question, il ne leur fallut plus que des prétextes pour puiser au Trésor public; et les prétextes ne manquèrent point, ainsi qu’on va le voir. On tenta d’abord de persuader au ministre des finances, que le crédit du (1) M. de Mirabeau. Trésor public était lié à celui des compagnies agioteuses de la capitale, et que l’administration serait bientôt sans ressources si elle n’employait les revenus de l’Etat au soutien des effets dont l’agiotage s’était emparé. Il n’est que trop vrai que le ministre des finances se laissa persuader cette périlleuse doctrine, et, au mois de décembre 1786, il prêta, même sans exiger aucune sûreté, 4,600,000 livres pour soutenir particulièrement les actions des eaux (1). Ce n’est pas ici le lieu de discuter l’un des plus coupables et des plus absurdes égarements de l’administration passée ; le comité de liquidation, en remplissant vos ordres et ses devoirs, vous soumettra incessamment une série des écarts d’un régime, dont les erreurs et les vices constatés vous dévoileront, bien mieux quebeaucoupde raisonnements, les vrais principes d’une saine administration des finances; ici il ne doit être question que d’un enchaînement de faits: je passe au troisième traité relatif aux actions des eaux. TROISIÈME TRAITÉ. Le 10 avril 1786, le ministre des finances donna à un particulier (2) l’autorisation spéciale (je vais rapporter les propres expressions de cet acte) : « De faire acheter et vendre, aux meilleures con-« ditions possibles, un nombre d’effets qu’il croira « convenable, et qu’il pourra choisir parmi tous « ceux qui auront cours sur la place de Paris. » Le mandataire du ministre se donna aussi son mandataire, et autorisa un banquier de Paris (3) à acheter trois ou quatre cents actions des eaux. En vertu de cet acte, daté du 28 mai 1786, le banquier passa, au compte du gouvernement, d’abord cent actions qui appartenaient à lui-même; ensuite deux cent quatre-vingt-deux autres actions qu’il fit acheter à la bourse; les unes et les autres au prix commun d'environ 3,830 livres. Après les avoir longtemps gardées, il se ressouvint de cette commission, et il obtint, le 3 mai 1788, un arrêt du conseil qui lui alloua, et en vertu duquel le 5 juin suivant, il toucha au Trésor royal la somme de 1,463,220 livres. Vous remarquerez, Messieurs, que cependant, peu de temps après l’époque de cet achat, les actions remontèrent au prix de 4,000 livres, qu’alors elles auraient pu et dû être vendues, même avec profit pour le Trésor public, puisqu’on le faisait descendre à de pareilles manœuvres. Mais à l’époque où l’on vint les lui représenter, le prix était tombé déplus de 1,300 livres par chaque action, ce qui créa la perte considérable à laquelle l’administration voulut bien se résigner et se condamner elle-même. Aujourd’hui le même banquier réclame encore, et pour la même affaire, une indemnité assez considérable; il fonde sa demande sur le long crédit qu’il a fait au Trésor public. Vous observerez cependant, Messieurs, qu’on lui a déjà alloué, et qui plus est, payé 5 0/0 d’intérêt, pour ses prétendues avances. Néanmoins, il réclame toujours son indemnité; passons au quatrième traité. (1) M. de Veymeranges reçut cette somme. Le rapporteur du comité de liquidation avait supprimé tes noms en exposant les faits ; mais l’Assemblée nationale ayant ordonné que les noms qu’elle a demandés fussent imprimés, ils sont portés en note. (2) M. Desmarets. (3) M. Campi. ■m (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 novembre 1790.] QUATRIÈME TRAITÉ. Il n’est personne dans l'Assemblée nation-ale qui ne sache aujourd’hui ce qu’on entendait par faire un service au Trésor royal : on remettait aux faiseurs de service des assignations ou des résorptions payables ordinairement à un an de terme, et ils les négociaient sous la réserve d’un droit de commission que l’administration leur allouait. Un capitaliste (1) offrit au gouvernement, au mois d’octobre 1787, de faire de cette manière un service de 30 millions, et sa proposition fut admise. L’administration était dans l’usage d’accepter comme argent les lettres de change des principaux banquiers de Paris. Le faiseur de service dont il s’agit profita de cette facilité, il commença par faire recevoir au Trésor royal pour 3,881,619 livres 5 sous 9 deniers de lettres de change d’un seul banquier (2) ; mais après que les lettres de change; eurent été acceptées par l'administration, il se trouva que ce banquier n’a-j vait que des actions des eaux pour payer ses ] lettres de change. Quel parti prit alors le ministre (3)? On lui tendit un piège, et il s’y laissa engager. On vint lui assurer que les affaires du banquier débiteur pouvaient s’arranger, et que le Trésor public recouvrerait ses premières avances, pourvu qu’il en fit de nouvelles. L’était, disait-on, un effort commun pour atteindre un avantage réciproque, et le rétablissement de la fortune du débiteur de l’administration était présenté comme l’unique moyen de sauver les deniers du Trésor public. Cet expédient ayant éié adoplé par le ministre, il arriva effectivement que le banquier paya les 3,881,619 livres qu’il devait pour l’acquit de ses lettres de change; mais ce lut en devenant d’autre manière et très astucieusement, débiteur du Trésor public d’une somme presque double de la première ; c’est-à-dire, Messieurs, qu’un membre (4) de ce comité des finances, dont le ministre d’alors avait composé son conseil particulier, traita pour le gouvernement, avec le banquier débiteur d’environ. 4 millions, et des deniers du Trésor public lui prêta, par actes notariés des 28 janvier et 1er mars 1788, 6,881,619 livres, qui n’ont jamais été rendus ; mais, à leur place, on remit en nantissement deux mille cinq cents cinquante-huit actions des eaux. Vous ne doutez assurément pas, Messieurs, que ces actions ne fussent le plus équivoque, pour ne pas dire le plus illusoire des gages. Éb bien ! ou entreprit de prouver au gouvernement que ce gage était trop considérable ; on y parvint, et voici comment : À l’époque dont il s’agit, la nullité de valeur des actions des eaux n’était plus un secret pour le public ; le ministère seul pouvait l’ignorer. Dans cet état, les actionnaires des eaux imaginèrent un calcul, d’après lequel ils promettaient 180 livres de rente à chaque action. Observons cependant qu’en balançant les recettes et les dépenses de l’établissement, il n’y avait alors de certain, qu’un déficit au lieu d’un revenu. Mais, sans s’arrêter à cet inconvénient, tes auteurs du (1) M. de Seiieffe. (2) M. Pourrat. (3) M. l’archevêque de Sens. (4) M. le Normand. calcul ajoutaient que, puisqu’ils promettaient 180 livres de rente à chaque action, chaque action valait par conséquent le capital de cette rente, savoir: 3,600 livres : et pour meilleure preuve, ils ajoutaient encore qu’ils les rembourseraient à ee prix. Remarquez encore, Messieurs, que, n’ayant pas de revenu pour payer 180 livres de rente, iis avaient encore moins de quoi rembourser des capitaux. Mais, quelque idéal, quelque absurde que fût ce calcul, il leur en fallait un, et voilà celui qu’ils imaginèrent. Ils se présentèrent ensuite devant le ministre, en lui disant : « Le gouvernement a prêté 6,881,619 livres « sur le dépôt de deux mille cinq cents ein-« quame-huit actions des eaux. Nous avons pro-« mis 180 livres de revenu à chaque action : “ donc chaque action vaut 3,600 livres de ea-« pital. Or, comme deux mille cinq cent cin-« quante-huit actions à 3,600 livres chacune font « plus de 9 millions, et que nous n'en devons « qu’environ 7 au Trésor public, il est clair que « le Trésor public nous doit 2,329,000 livres : « qu’il s’acquitte envers nous, en nous rendant « six cent quarante-sept actions, et qu’il re-« tienne les dix-neuf cent onze actions res-« tantes, elles valent les 7 millions que l’on nous « a prêtés. ». Le ministre rendit six cent quarante-sept actions. Gomme le calcul de 180 livres de rente et de 3,600 livres de capital pour chaque action des eaux, comme ce calcul dérisoire doit se reproduire encore, il est nécessaire d’indiquer un traité qui lui a servi de base. Ce traité était une surprise dirigée contre les intérêts de l’ancienne administration de la ville de Paris. Le piège était grossier, l’administration de la ville s’en est préservée ; mais quoique ce traité n’a pas reçu d’exécution, on retint le calcul qui en résu liait. Il surprit même quelques âmes crédules et fit des victimes ; mais je ne dois vous entretenir que de ces derniers succès contre le Trésor public. CINQUIÈME TRAITÉ Legrand projet de la construction des hôpitaux de Paris, cet estimable projet a mérité d’être connu de la France entière. Pour le réaliser, le gouvernement fit ouvrir en 1788, une loterie de 12 millions : le tirage devait laisser 1 ,200,000 liy. pour commencer les bâtiments ; mais cette loterie n’obtenait point le succès qu’on devait en attendre. C’était au Trésor public qu’on remettait sou argent, c’était du Trésor public qu’il devait sortir ; et les méfiances qui se manifestaient dès lors, furent justifiées par le célèbre arrêt suspensif du 16 août, qui touche à la môme époque. Plus de la moitié des billets de la loterie de bienfaisance n’avaient donc point été pris : il en restait pour 6,760,360 livres, et l'on était à la veille du tirage. Cette fois encore le gouvernement traita avec la compagnie des eaux ; et ces billets de loterie que le Trésor royal devait payer immédiatement après leur tirage, ces billets qui étaient en quelque sorte de l’argent comptant, furent échangés contre dix-huit cent quatre-vingt-une actions des eaux, dont la possession est nulle dans le Trésor public. On pourrait placer ici quelques autres faits du même genre; mais on n’a déjà que trop fatigué, que trop affligé votre patriotisme : U ne s’agissait I Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 novembre 1790. J 633 d’ailleurs que de vous rapporter la suite des faits qui attestent, comment et à quel prix la nation est devenue propriétaire des quatre cinquièmes des actions de la compagnie de MM. Périer. En voici la récapitulation : Récapitulation des avances du gouvernement pour les actions des eaux de Paris . Par le premier traité entre l'administration et la compagnie de MM. Périer, en date du 19 septembre 1784, le Trésor royal prêta, sur le dépôt de mille actions des eaux ........ 1,200,000 1. Par le second traité, en date de décembre 1786, le ministre prêta purement et simplement, pour soutenir le prix des actions des eaux. . . .................... Par le troisième traité ou autorisation ministérielle du 28 mai 1786, il a été payé pour prétendus achats de trois cent quatre-vingt-deux actions des eaux, au compte du Trésor royal.. ....... Par le quatrième traité et parles actes des 28 janvieret lermars 1788, il a été prêté contre dix-neuf cent onze actions des eaux. . .... Par ïe cinquième traité du 31 juillet 1788, il a été livré contre dix-huit cent quatre-vingt-une actions des eaux des valeurs du Trésor public pour la somme de. . Toutes ces sommes réunies for-4,600,000 1,463,220 6,881,619 6,760,360 ment celle de 20,905,199 1. Si Von en déduit quelques portions rentrées, et notamment la première, celle de 1,200,000 livres, et qu’on y ajoute l’évaluation des non-valeurs, il restera toujours une avance de plus de 20 millions représentés par quatre mille seize actions des eaux ; or, quelle est la valeur de ces actions au prix originaire? 4,800,000 livres. Combien se vendraient-elles? elles ne se vendraient point. On ne cherchera pas à jeter quelque illusion sur cette affligeante vérité, en disant à l’Assemblée nationale, qu’au cours de la place les actions des eaux valent aujourd’hui de 14 à 1500 livres chacune. Ce n’est là, Messieurs., qu’un prix fictif; et le Trésor public ne vendrait pas seulement dix actions ù ce prix, ni à aucun autre, parce que les actions n’ont aucune valeur réelle dans leur état actuel. D’ailleurs, sur les 20 millions du gouvernement, ce serait toujours en perdre plus ae 14 : or, le comité • de liquidation a l’espérance de présenter à l’Assemblée nationale des moyens qu’elle seule peut réaliser, et qui pourront alléger bien davantage la perte de la nation. Votre comité vous a donc proposé, Messieurs, la preuve déplorable, mais trop certaine, de la réalisation d'un plan désastreux sous le régime ministériel : vous apprendrez peut-être avec quelque étonnement, qu’il B’est étendu plus loin, et jusques sous les regards de l’Assemblée nationale. Je n’ai pas dit encore, mais je dois dire ici, qu’à l’époque de la formation de la compagnie des eaux, MM. Périer furent nommés, parla compagnie elle-même, directeurs des travaux; mais des circonstances, dont il serait superflu de vous rendre compte dans ce moment, les avaient écartés de l’administration et de la direction des travaux, Je dois même ajouter que la compagnie réclamait d’eux des sommes considérables, qu’ils avaient puisées dans la caisse des actionnaires. Six administrateurs avaient été établis à leur place : ils poursuivaient les réclamations de la compagnie contre eux, et notamment la rentrée d’une somme de 462,000 livres. De leur côté, MM. Périer, sans nier cette dette, soutenaient qu’ils avaient fait des fournitures pour même somme; ils ajoutaient que l’établissement leur devait trois cents actions, à raison d’un traité formel. Or, ce traité doit aussi vous être connu. Dans les premiers temps où MM. Périer étaient pleinement convaincus du succès de leur établissement, pourvu que des capitalistes leur donnassent les moyens de le fonder, ils assuraient alors que les actions créées à 1200 livres rendraient au moins 200 livres de rente chacune; et pour prouver leur conviction à cet égard, ils avaient demandé, en représentation des principaux droits à eux réservés comme fondateurs de l’établissement, trois cents actions; savoir : deux cents actions quand un dividende de 200 livres serait assuré à chacune des actions créées, et cent actions (toujours sous la même condition) mais seulement payables après leur mort et à leurs héritiers. Ce traité fut passé par acte du 28 mai 1786. On continua en même temps à MM. Périer 20,000 livres de traitement annue1, à raison desquelles ils s’engageaient pour sa fondation, et pour la direction îles travaux. Les administrateurs de la compagnie des eaux, disaient doue à MM. Périer : « Restituez à la « misse 4,620,000 livres »; et MM. Périer disaient à leur ancienne compagnie : « Donnez-nous trois cents actions et 20,000 livres par an, en exécution du traité