358 (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. \%l août *790., dont les droits sont supprimés, et sur vingt autres hypothèques ou anéanties, ou près del’être. La yolonté nationale les a toutes remplacées au grand avantage des créanciers. Yous voudrez effacer jusqu'aux traces de notre ancienne barbarie. Le bon ordre, autant que votre loyauté, vous invitent à décréter le renouvellement de ces titres si variés, et à ordonner, l’échange de leurs dénominations mensongères, de leur hypothèque illusoire contre uq titre national, uniforme et vrai. Cette opération serait fort peu compliquée. Des titres dou veaux tous pareils, tous fort simples pourraient être préparés d’avance; et an moment de la représentation des anciens contrats qui resteraient toujours entre les mains du propriétaire pour constater l’origine de sa dette, on n’aurait a placer dans les titres nouveaux qui leur seraient remis, que les noms et l’énonciation de la somme nette des intérêts annuels. On pourrait même, simplifier la comptabilité, réunir plusieurs contrats appartenant à la même personne en un seul, mais cependant au gré des titulaires. Les anciens créanciers du clergé qui voudraient demeurer, au même titre, créanciers de l’État seraient admis à cet échange et choisiraient entre le renouvellement de leurs contrats et leur remboursement. Avant de procéder à la liquidation des effets au porteur, il serait nécessaire d’ordonner le tirage de toutes les loteries; les chances avantageuses qui ne devaient échoir que dans quelques années seraient aisément fixées avec les déductions de l’escompte, et rapportées par un calcul de rapprochement au premier janvier 1791. Nous avons ce calcul tout fait, L’application en sera très facile. En reconnaissant l’importaqce dp hâter les ventes, vous pensere?que cette considération doit vous epgager à ordonner la liquidation immédiate de tous les offices de magistrature, de toutes les charges de finances, de charges et emplois militaires, des gouvernements et lieutenances générales de l’intérieur du royaume, des charges de la maison du roi, de la reine et des princes, ainsi que des fonds d’avance et des cautionnements. Mais au moment où vous décréterez le remboursement général, soit en quittances de finance, soit en assignats-monnaie, soit de toute autre manière, vous jugerez important de veiller à l’exécution des lois établies pour la sûreté des hypothèques. L< s oppositions déjà faites sur les objets qui eu sont susceptibles, où celles qu’on serait en droit de faire, s’appliqueraient aussi bien au mode de remboursement que vous adopterez, qu a celui des remboursements ordinaires. Si les ventes sont rapides et avantageuses, if est possible que toute la dette exigible soit bientôt anéantie, sans que la totalité des domaines nationaux soit aliénée; et alors, tranquilles sur les engagements sacrés que vous aurez voulu remplir avant tout, tranquilles sur l’existence éphémère de la monnaie fictive qui vous aura servi, sans avoir eu le temps devous nuire, vous pourrez admettre à un nouveau concours les créanciers de la dette constituée. Dans tous les cas, l’amortissement futur de cette dette non exigible doit aussi être pris en considération. Nous vous proposerions en conséquence de décréter que les extinctions viagères seraient mises eu réserve pendant dix ans, pour former un fonds d'amortissement applicable aux remboursements, et s’accroissant par l’accumulation des intérêts éteints. Lq simplicité de ce plan a un avantage moral auquel l’Assemblée nationale ne peut être insensible; celui de faire disparaître en un jour cette multitude d’effets différents sujets à diverse* chances, payables à beaucoup d’époques, changeant tous les jours de valeurs, objet habituel de spéculations ou d’intrigues , aliment nécessaire de cet agiotage dont on parle sans cesse, et contre lequel on tonnera vaiuement , tant qu’on ne l’aura pas attaqué à sa source et détruit dans son principe. CYst d’après les observations que-nous venons de vous soumettre, que votre comité a l’honneur de présenter à la décision de l’Assemblée les deux points sur lesquels il a exprimé son vœu, et le* deux questions qu’il a arrêté de lui proposer. avis pu COMITÉ. Art. 1er. La dette exigible de j’Etat provenant des divers emprunts à terme, ou échus ou à échoir, d’annuités, de cautionnements, d’offices et charges dont la suppression ou le remboursement ont été décrétés, de l’arriéré des departements, de la suppression des dîmes inféodées et des contrats de rentes constituées au nom de l’ancien corps du clergé, sera seule admise, ainsi quq les assignats déjà créés, à concourir dans l’ac-quisjtioïi des domaîpes nationaux. Art. î. fi sera créé des titres uniformes, divisibles et disponibles pour le remboursement dq la dette exigible, et ces titres seront reçus pn payement des domaines nationaux, Questions proposées pur le comité, Art. 1�, Ses effets donnés en remboursement seront-ils quittances de finance qu assigpats-mon* naie, ou l’un et l’autre au choix des créanciers remboursés? Art. %. Qes effets porteront-ils intérêt, et quel sera-t-il ? M. le Président. Je consulte l’Assemblée pour savoir si elle ygut ouvrir immédiatement la discussion sur l’objet du rapport qu’elle vient d’eu-tendre? (L’Assemblée décide que la discussion est ouverte.) M. 4e Mflrnheqn, U aîné demande la parole, Un de MM. les secrétaires se présente la trîr bune pour lire un mémoire de M* Neckep. M. de Ifilrahe�n. Je demande que l’ Assemblée décide si la lecture du mémoire du ministre géra faite avant ou après ia discussion ; quant à npi* que dix-huit mois de travaux parmi yous n’onf pas accoutumé à l’initiafive ministérielle, j’avoue qu’il me paraît singulier que quand un membre de cette Assemblée est à la tribune? on l’en écarte. par un mémoire du ministre, (L’Assemblée applaudit.) — Le comité ne présente qu un avis; c’est une opinion qu’il vous faut: plus Jiarcfiqué lui, je vais vous présenter celle que j’ai conçue, si vous mè maintenez ia parole. ' M. le Président consulte l’Assemblée. Elle décide què M. de Mirabeau aura ia parole avant la lecture du mémoire du premier ministre des finances, et que cette lecture aura lieti à la fin de la séance. M, de Mirabeau l'aîné. Messieurs, étonné [Assemblé® oatk>»*'ed d'abord, effrayé même, je l'avoue, de la mesure des assignats-monnaie, et néanmoins ne voyant guère comment nous en passer, au milieu de tant d’embarras, et avec si peu de choix dans les ressources, je m’étais réduit au silence sur cette matière, abandonnant cette décision hasardeuse à des esprits plus exercés ou plus confiants que moi, mais n’en suivant pas moins, avec l’inquiétude du doute et l’intérêt du patriotisme, tous les mouvements que la nouyelle création des assignats devait imprimer aux affaires; aujourd’hui, muni de l’expérience et des réflexions nouvelles, voyant la crise où nous nous trouvons et les menaces de l’ayenir, pressé d’ailleurs par les projets qui vous ont été soumis, je me suis décidé sur toutes ces circonstances réunies, et je ne balance pas à vous exposer mon opinion actuelle sur le seul parti sage et conséquent que ces circonstances sollicitent. Cette Assemblée, obligée de mener de front beaucoup d’objets, a déployé sur tous de grandes vues ; mais il n’eq est aucun, ou très peu du moins, qu’elle ait pu amènera sa perfection ; et parmi ces objets qu’un poissant intérêt recommande, mais que de nom-doreuses difficultés environnent, nous pouyons mettre les finances au premier rang. B&ppelez-vous, Messieurs, ces moments dont nous sortons a peine, où tous les besoins nous pressaient si cruellement, où la dette publique se présentait à la fois comme un engagement sacré pour la nation, et comme uu abîme dont on n’osait pas même mesurer la profondeur. Des biens immenses étaient en réserve; mais ces biens avaient une infinité de possesseurs qui les regardaient comme leur partage. Armés de la rigueur des principes, de la force de l’opinion et du courage de Ja nécessité, nous déclarons la vérité; ce qui n’exjstait qu’en système devient une loi ; les biens ecclésiastiques réunis aux biens du domaine sont reconnus nationaux ; et la France, qui ne voyait que le gouffre, voit alors de quoi le combler, et respire pleine d’espérance. Cependant il y avait loin encore de la déclaration d’un droit à son exercice; et cet exercice ne pouvait plus être retardé. A l’excédant des dépenses pur les recettes ordinaires, se joignait un déchet énorme des revenus, qui s’augmentait de jour en jour par l’état déplorable du royaume, et la stagnation de toutes les affaires. Mille besoins, mille dangers sollicitaient à l’envi des secours ; et dans Je petit nombre d'expédients qui se présentaient, celui qui parut le plus efticace réunit par là même vos suffrages. Vous décrétâtes successivement que l’on procéderait à la vente de 400 mil-inions de biens nationaux ; et qu’en attendant que la vente fût effectuée, le gage de cette vente et son produit anticipé tiendrait lieu de numéraire. Vous créâtes à cet effet, sous le nom d'assignats, des billets, espèce de lettres de change, qui sont, en fait de valeur, tout ce que peut être un effet qui n’est pas de l’argent réel. Cette mesure eut tout le succès annoncé par ceux qui l’avaient conçue. Les mauvais effets présages par ses adversaires ont été relégués parmi les fictions malheureuses ; et la chose publique alors sortit de cet élat de détresse qui nous menaçait d’une ruine prochaine. Mais ce n'était là qu’un remède passager, et non une cure complète. L’effet ne peut avoir plus de latitude que la cause ne comporte. Lq restauration du crédit tient à des combinaisons aussi délicates qu’étendues ; et le rétablissement général, auquel nous travaillons, doit nécessairement produire des embarras momentanés , qui OfttQ empêchent k crédit de suivre de près J’esp#- rance. Ainsi, le temps qui s’écoule ramène ass m promptement les mêmes besoins; ces besoins ramènent la même détresse ; et tant que nous n’établirons pas, sur la base dont nous avons reconnu la solidité, une opération vaste, une mesure générale, qui nous mette au-dessus des événements, nous en serons les étemels jouets ; et nous périrons de langueur , dans la vaine crainte d’nnp décision hardie qui nous sorte de l’état où nous nous trouvons. Messieurs, qu’ayez-vous pensé quand vous avez créé des assignats-monnaie ? qn’avez-vous dit à ceux dans les mains desquels vous faisiez passer ce gage de fidélité? Vous avez pensé que la vente des biens sur lesquels ce gage est assis, s’effectuerait incontestablement, quel qu’en fût ie terme. Vous avez dit aux porteurs d’assignats ; voilà des fonds territoriaux; la nation engage son honneur et sa bonne foi à les échanger en nature, on à échanger le produit de leur vente contre ces assignats qui les représentent; et si l’argent n’est lui-même qu’une représentation des biens de la vie, vous avez pu donner, et on a dù recevoir comme de l’argent, cette représentation de propriétés territoriales, qui sont la première des richesses. Il faut le dire, Messieurs, à l'honneur de la nation et de la confiance qu’inspirent ses promesses; il faut le dire à l’honneur des lumières qui se répandent en France et de l’esprit public qui naît de l’esprit de liberté : la doctrine des assignats-monnaie est généralement entendue et admLe parmi nos compatriotes, telle qu’elle est professée dans l’Assemblée nationale. Ils savent fort bien distinguer ce que l’on appelle ailleurs, et ce que nous appelions jadis du papier-monnaie, d’avec notre papier territorial ; et les hommes de sens, qui sont patriotes, ne se laissent point égarer par des équivoques ou par de trompeuses subtilités. Je pense donc, Messieurs, après l’heumnx essai que nous avons fait, et eu partant des lumières répandues sur cette matière ; je pense que nous ne devons point changer de marche et de système ; que nous pouvons, que nous devons ae-complir ce que nous avons commencé ; que nous devons faire, pour la libération de la dette nationale. une opération qui n’admette d’autre intermédiaire entre la nation débitrice et les créanciers, que la même espèce de papier actuellement en circulation, que ces mêmes assignats-monnaie, dont les fonds nationaux et la nation entière garantissent le payement. Je veux m’écarter également ici d’un projet téméraire par son étendue, et d’un projet insuffisant par ba timidité. Je me défie d’une conception trop extraordinaire, qui peut éblouir par sa hardiesse, et n’offrir au fond que des hasards. Je propose, en satisfaisant à de vastes besoins, de se borner néanmoins au nécessaire ; et d’observer des mesures, tout en s’élançant dans une courageuse détermination. Je fais de la dette deux parts très connues; Furie qui est instante, dont l’honneur et la justice pressent la nation de s’acquitter incessamment : c’est la partie exigible, la partie arriérée, les effets suspendus, de même que le remboursement des charges et offices. L’autFe est celle des contrats, des rentes quelconques ; en un mot, tout ce qui n’est pas compris sous la première dénomination. Quand la totalité de la dette n'est pas encore bien connue ; quand la valeur des fonds nationaux destinés à son payement est moinp connue encore, on ne pçut savoir laquelle ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3? 47&M {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {27 août 1790.] 360 des deux surpasse l’autre; et vraiment il serait étrange qu’on se proposât d’emblée, de rembourser ce qu’on ne doit pas, au r sque de ne pouvoir pas alors rembourser ce qu’on doit. Je propose donc d’acquitter, dès à présent, la dette exigible, la dette arriérée et la finance des charges supp'imées. C’est à cette partie de la dette publique que je borne le remboursement actuel que nous devons faire, et je propose pour cela une émission suffisante d’assignats-monnaie : car les émissions partielles pourraient bien apporter quelques facilités momentanées au Trésor public; mais tout en affaiblissant le gage natio-nel, elfes ne changeraient point l’état de la nation. Sans doute, Messieurs, vous êtes assez familiarisés avec les grandes affaires et les grandes vues, pour ne pus vous étonner du fonds immense qu’un pareil remboursement exige, et ne pas redouter les effets d’une pareille discussion de richesses au milieu de nous. La masse d’eaux ue roulent les torrents et les rivières est pro-igieuse, mais c’est dans 10céan qu’elles se versent. Dès longtemps notre sol est altéré, desséché, et pendant longtemps au�si, il absorbera ces eaux fécondantes avant qu’il les refuse, et qu’elles croupissent à la surface. Il ne s’agitdonc que de garder une proportion entre le besoin et le moyen d’y pourvoir, de manière que l’un n’excède pas l’autre. Or, Messi< uis, deux considérations décisives se présentent ici ; c’est que, d’un côté, nous avons un besoin pressant de moyens qui les favorisent : c’est que, de l’autre, les assignats-monnaie, en même temps qu’ils payent la dette, nous fournissent ces moyens d’émulation, d’activité, de restauration ; etquand les besoins à cet égard seront satisfaits, le surplus des assignats, s’il en est, le trop-plein, qu’on me passe cette expression, se révérera naturellement dans le payement de la dette contractée pour l’acquisition des biens nationaux. De cette manière, tous les effets qu’on peut atiendred’une mesure bien calculée seront obtenus, autant du moins que les circonstances peuvent nous permettre de l’espérer. Car, Messieurs, on dirait, à entendre certaines personnes qui ne veulent jamais voir que le côté défavorable ou incertain du parti que l’on propos� ; on dirait, qu’il existe dans les embarras où nous nous trouvons, et dont il faut sortir, quoi qu’il en coûte, une foule d’expédients tout prêts, qui n’ont ni inconvénients, ni incertitudes, et qui méritent hautement la préférence; et, quand on examine ces prétendus expédients, ou voit qu’ils nous jettent de Garybde en Sylla ; qu’ils ne re-medient en aucune manière au mal qui nous presse; et qu’on y sacrifie, je ne dis pas le présent à Paveuirou l’avenir au présent, mais l’un et l’autre, tandis qu’il im porte si fort de tout concilier, de tout sauver à la fois. Quand la pénurie des espèces nous tourmente; quand les métiers, les arts, les manufactures, le commerce demandent à grands cris d'être sustentés, est-ce une mesure de restauration, je vous en fais juges, que celle qui ne met pas un écu réel ni fictif dans les affaires? que dis-je! une mesure qui exige elle-même des remboursements fuiuis et successif-, sans créer aucun moyen d’y satisfaire? Que se ptoposi -t-on par là ? Ne Voit-on pas le gouffre? ou si l’on veutnous y précipiter ? Saci ons le lixer, M-ssieurs: ou plutôt pénétrons-nous de cette vérité : tout se ranimera ; les affaires marcheront vers un rétablissement général ; les esprits, agités par le besoin ou par la crainte, reprendront leur calme, quand l’industrie sera réveillée, quand les bras trouveront de l’occupation, quand un ressort énergique sera employé à un mouvement nécessaire, quand enfin la circulation des espèces, par des moyens sages et facile-!, atteindra les classes moins aisées de la société. Tout s’avance par l’ardeur et la consfance infatigable de vos travaux, dans l’ouvrage de notre Constitution. Mais s’il faut que la Constitution soit achevée pour ré'ahlir tout à fait l’ordre et la prospérité, croyez aussi qu’un commencement d’ordre et de prospérité n’est pas moins nécessaire pour la faire marcher à sa lin. Croyez qu’attendre tout d’elle, c’est la faire précéder de trop de hasards; c’est peut-être l’exposer à être renversée, avant qu’elle ait atteint sa perfection. Eh! Messieurs, si vous aviez dans les mains un moyen simple et déjà éprouvé de multiplier les défenseurs de la Révolution, de les unir par l’intérêt aux progrès de vos travaux ; si vous pouviez réchauffer par quelque moyen, eu faveur de la Constitution, ces âmes l'ronles qui n’apercevant dans les révolutions des gouvernements que des révolutions de fortune, se demandent : que perdrai-je ?que gagnerai -je ? Si vous pouviez même changer en amis et en soutiens de la Consiituiion, ses détracteurs et ses ennemis, celte multitude de personnes souffrantes, qui voient leur fortune comme ensevelie sous les ruines de l’ancien gouvernement, et qui accusent le nouveau de leur détresse; si, dis-je, il existait un moyeu de réparer tant de brèches, de concilier tant d’intérêts, de réunir tant de vœux, ne trouveriez-vous pas que ce moyen joindrait de grands avantages à celui de faire face à nos besoins, et que la saine politique devrait s’empresser de l’accueillir? Or, considérez, je vous supplie, les assignats-monna e sous ce point de vue : ne remplissent-ils pas éminemment cette condition ? Vous hésiteriez à les adopter comme une mesure de ti ianco, que vous les embrasseriez comme un instrument sûr et actif de la Révolution. Partout où se placera nn assignat-monnaie, là sûrement reposera avec lui un vœu secret pour le crédit des assignats, un désir de leur solidité ; partout où quelque partie de ce gage public sera répandue, là se trouveront des hommes qui voudront que la conversion de ce gagesoit effectuée, que les assignats soient échangés contre des biens nationaux ; et comme enfin le sort de la Constitution tient à la sûreté de cette ressource, partout où se trouvera un porteur d’assignats, vous compterez un défenseur nécessaire de vos mesures, un créancier intéressé à vos succès. D faut donc ouvrir une mine plus riche, plus abondante, dont les parties se répandent, partout du moins où des parcelles d’or peuvent pénétrer. C’est alors qu’on sera surpris de l’étonnante diffusion d’assignats, qui peut avoir lieu sans que la surabondance se manifeste; car la richesse n’est pas dans la classeoù se trouve la plus nombreuse population ; et nos assignats-monnaie, qui sont les nouveaux signes de cette richesse, sont de trop forte somme pour être parvenus encore jusqu’à cette classe. Quand j’ai proposé de comprendre les titulaires des offices supprimés, parmi ceux qui doivent toucher incessamment l’acquit de leurs créances, je n’ai peut-être paru que juste, équitable dans cette proposition ; mais elle entre aussi dans les mêmes vues politiques qui me dirigent, en donnant la préférence au parti des assignats-monnaie. Sans doute, Messieurs, il n’est aucun de nous qui 361 (Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (27aoÛU790.) ne sente que la finance dns offices est non seulement une dette sacr<>p pour la nation, mais one dette instante pour différer le 'payement sans s’exposer aux plus justes reproches. La nation a pu exiger des titulaires le sacrifice de leur état; mais la nation doit leur laisser du moins la disposition de leur fortune. G s créanciers publics sont eux-mêmes, pour un très grand nombre, débiteurs du prix de leurs charges. En acquittant ces charges, non seulement vous payerez une dette, mais vous fournirez à une série de débiteurs le moyen de remplir leurs engagements. Quel poids, Messieurs, ne vient pas se joindre à cette considération, si vous pensez à l’importance qu’il y a, pour la chose publique, à ce que le corps immense de la judieature supprimée soit payé sur-le-champ par des assignats qu’il sera forcé alors de soutenir par intérêt, s’il ne le fait par patriotisme ? Les officiers étant ainsi ac |uit-tés par une monnaie légale, c’est alors qu’ils seront vraiment expropriés. La vénalité dos charges a du moins cela de commode : elles ont été achetées ; on les rembourse et tout est fini. Les titulaires seront donc dépouillés par là du dernier rayon d’espérance; et cette partie de la Révolution, qui tient à la grande réforme des corps judiciaires, sera consommée sans retour. Et suivez, je vous prie, Messieurs, le cours des assignats et leurs effets, relativement à la vente des biens nationaux. Les mesures qu'on vous propose sont-elles comparables à la dissémination des assignats, pour étendre, pour faciliter cette vente, pour mettre l’acqui-dtion de ces biens à la portée de toutes les classes de la société, et des millions d’individus qui la composent ? On vous propose d’enta-ser des masses de contrats dans les mains des capitalistes. Ges capitalistes eux-mêmes sont entassés dans les grandes villes. C’est à Paris surtout que les portefeuilles sont gonflés d’effets royaux : voilà où l’on veut établir l’échange des contrats contre les propriétés nationales. Or, comment croire que cet échange soit fort animé, si l’on compare le produit de ces contrats à celui des terres ; si l’on pense que, sur cmt porteurs de contrats, il rt’y en pas un peut-être à qui ce placement d’argent puisse convenir? Les fonds nationaux se vendront donc peu, et se vendront mal de celte manière ; ou du moins, ceux quise vendront,ceseraen suitedeqmdqucspé-culation considérable. Les capitalistes réuniront ces fonds en grande masse ; et les acquisitions, commeon le pense bien, seront assorties engénéral à l’espèce d’acquéreurs que l’on y appelle. Est-ce là, Messieurs, ce que nous devons à nos concitoyens de toutes les classes , répandus dans tous les départements de ce royaume? Travaillons-nous pour créer un nouvel* ordre de grands propriétaires fonciers, qui donnent plus au luxe et à la ruine des campagnes, qu’à l’art de fertiliser la terre, et d’étendre les bienfaits de l’agriculture? Ne travaillons-nous pas, au contraire, pour rétablir l’égalité par la liberté; pour faire reverser sur les terres le produit des arts, du commerce, de l’industrie laborieuse; pour répartir, avec le (dus d’égalité possible, les avantages de la société et les dons de la nature; pour mettre de petites possessions territoriale-; à la portée des citoyens pim moyennes, com ne nous voudrions pouvoir en faire passer les fruits dans les mains des p us indigents? Soyons donc conséquents à nos principes. Cessons de regarder les capitales, comme si elles formaient tout le royaume ; et les capitalistes qui les habitent, comme s’ils formaient le gros de la’ nation; et, dans la liquidation de la dette nationale, préférons les moyens les mieux appropriés à l’avantage du plus grand nombre; puis (u’e ifio c’est le grand nombre qui supporte la dette, et que c’est du fonds commun qu’elle s’acquitte. J’insiste donc sur ce que l’intérêt des ci-devant provinces, aujourd’hui les départements, soit pa ticulièrement consulté dans le parti que nous allons prendre. J’insiste sur ce qu’on écarte tout projet dont la conséquence serait d’appeler les capitalistes à l’invasion des biens nationaux, et sur ce que les créanciers de l’Etat soient remboursés, en suivant la juste distinction que j’ai présentée. J’insiste sur ce que ce remboursement se fasse, sans aucune métamorphose arbitraire des créances, mais au moyen du papier précieux que nous pouvons délivrer; papier qui arrivera aux biens nationaux par sa destination naturelle, après avoir fécondé, dans son cours, les différentes branches d’industrie; papier qui ne commencera pas par tomber au hasard dans des mains plus ou moins avides, mais qui s ra livré d’abord à la classe des créanciers les premiers en titre; papier qoi commencera son cours sous les auspices de la justice, et qui le continuera comme un instrument de bienfaisance publique. Car esi-il douteux, Messieurs, que l’émission d’assignats, faite avec l’abondance et dans le but que je vous propose, en même temps qu’elle est un état moral et infaillible de notre Révolution, ne soit le seul moyen certain de nous soutenir dans la disette du numéraire que nous éprouvons? Notre numéraire territorial, ou pour transporter, puisqu’il le faut, des mots connus dans une langue nouvelle, notre numéraire fictif étant fait pour représenter le numéraire réel et le reproduire, pouvons-nous douter que son abondance ne fasse tôt ou tard ce que ferait l’abondance d’espèces effectives; je ve�x dire, d’élever le prix des effets publics, de libérer le propriétaire de ces effels des mains de son créancier, qui les retient en nantissement, et qui dicte à son malheureux débiteur une loi ruineuse, de faire baisser sensiblement l’intérêt de l’argent, de faciliter les escomptes, de multiplier les affaires, de remonter le crédit, et surtout de donner une plus grande valeur aux biens nationaux ? Quoi ! serait il nécessaire de le dire? On parle de vendre, et l’on ne fournirait au public aucun moyen d’acheter ! On veut faire sortir les affaires de leur stagnation, et l’on semblerait ignorer qu’avec rien , on ne fait rien ; on semblerait ignorer qu’il faut un principe de vie pour se remuer, pour agir et pour reproduire! Certes, ce serait là vraiment le chef-d’œuvre de l’invention, la pierre philosophale des finances, si, s ans argent et sans rien qui le remplace, sans crédit quelconque, au sein d’une inertie qui nous tue, nous trouvions le moyen de revivifier tout à coup les affaires et de ressusciter comme par enchantement, travail, industrie, commerce, abondance! Ce que nous pourrions attendre à peine d un miracle, nous pouvons l’espérer de moyens adaptés à notre but. C’est le numéraire qui crée le numéraire; c’est ce mobile de l’industrie qui amène l’abondance; c’est le mouvement qui anime tout, qui répare tout : au lieu que la misère est toujours misère ; et qu’avec elle, sans courage, sans ex-pédiems pour en sortir, il n’y a qu’une ruine entière à envisager. Jet» z do ic dans la s «ciété ce genre de vie qui lui manque; et vous verrez à quel degré de prospérité et de splendeur vous pourrez dans peu vous élever. Combien, Messieurs, avec tout le zèle qui nous [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 août 479U.1 368 anime dans nos travaux, uou8 sommes tardifs qéan moins eu certaines choses! Combien nous laissons périGljtpF quelquefois la chose publique, faute de prendre une résolution prévoyante, et de savoir devancer les événements! C’est par les finances que l’ancienne machine a péri ; c’était assez dire que la nouvelle ne pouvait se construire et se soutenir sans les réparer incessamment. C’est par ce même défaut de moyens, que nous avons éprouvé durant nos travaux, tant d’inquiétudes, de perplexités; et nous n’ayons adopté encore, à cet égard , aucun plan, aucune marche sure I Nops npus sommes sauvés, il y a quelques mois, d’une crise terrible ; quatre cents millions d’assignats ont comblé le précipice qu’il fallait franchir, et nous ont fait respirer jusqu’à ce jour. Voyons donc, considérons comment cet éclair de bien-être s’ést évanoui; et s’il faut conclure de l’état des choses, que nous ne devons plus user de celte ressource, que l’expérience nous en a fait sentir les dangers; ou plutôt, s’il ne faut pas conclure que e!egt encore là le port du salut ! Votre décret, Messieurs, au sujet de l’émission des assignats-monnaie, pour la somme de quatre cents millions, fut l’ouvrage de la nécessité, parce que nous attendons toujours, pour nous exécuter, l’instant où nous sommes forcés par les circonstances » ce décret eût pu être l’ouvrage de la prudence; et, porté plus tôt, il eût prévenu de grandes angoisses. Mais enfin, dès qu’il fut mis en exécution, on yit un amendement sensible dans les affaires, l’intérêt de l’argent diminuer, les effets reprendre faveur, le change avec l’étranger se rapprocher du cours ordinaire, les contributions patriotiques devenir plus nombreuses; heureux effets qui, incontestablement, se seraient soutenus, développés, si les assignats eussent eu une destination plus etendue, si leur émission eût été pfus considérable, si les mesures prises d’avance eussent permis plus de promptitude dans cette émission ; et si, enfin, iis eussent été divisés en sommes assez faibles pour entrer dans les affaires de la partie laborieuse du peuple. Mais qu’arrive-t-il? C’est que ce papier-numéraire se précipite bientôt dans les provinces dont Ja capitale est débitrice. Près de la moitié était déjà censée en circulation par les billets de caisse que les assignats ont remplacés. A mesure que l’émission s’en l'ait du Trésor public, un écouler ment rapide les porte loin de nous, et nous laisse à peu près, pour la quantité du numéraire, dans le même état qu’auparavant. Il n’est donc pas surprenant qu'après quelque temps, les mêmes besoins se fassent sentir, et que Parts n’éprouve pas aujourd'hui, dans les affaires, l’aisance qui aurait eu lieu, si tous les assignats eussent été resserrés dans la circulation municipale. Est-ce donc sérieusement qu’on semble craindre une espèce de submersion de ces assignats, si on les accroît en quantité suffisante pour le payement de cette partie de la dette que j’ai indiquée? Je dis que la société est dissoute, ou que nos assignats valent des écus, et doivent être regardés comme des écus. Or, est-il quelqu’un qui puisse nous dire quelles bornes on doit mettreau numéraire, pour qu’il n’excède pas, dans un royaume comme la France, les besoins de l’industrie manouviière, de l’industrie agricole, de l’industrie commerciale? Est-il quelqu’un qui ait pu faire ce Galcul, même dans l’ancien régime où tout était gêné, étranglé, par les privilèges, les prohibitions, les vexations de toute espèce? A plus fprte raiâon dans ce nouveau système de liberté, où le commerce, les arts, l’agriculture, doivent prendre un nouvel essor ; et demanderont sans doute, pour s’alimenter, de nouveaux moyens dont l’imagination ne peut fixer l’éteqr due ? Est-ce donc dans la disette effrayante où nous nous trouvons, est-ce à l’entrée de [a cafr rière où nous allons nous élancer, que nous pouvons redouter d’être embarrassés de numéraire? Ne sait-on pas, d’ailleurs, quelle que soit rémission des assignats, que l'extinction s’en fera suc-Gessivement par l’acquisition des biens natjpnaux? Nous sommes citoyens de la France; ne graduons dqnc pas toutes choses sur l’échelhe infidèle de Paris. Jusqu’à présent les affaires n'y ont été menées que par saccades. Quand le rp.Qnve-ment irrégulier des espèces les accumulait fortuitement sur cette place, oq disait que le numéraire était abondant: mais bientôt après, le reflux ayant emporté et le superflu et le nécessaire, pu disait que le numéraire était rare; et peut-être, dans ces deux cas, n’était-il pas entré ni sorti uu écu de plus du royaume. Nous avons donc beau être à Paris, ce u’est pas sur les mouvements d’argent qui se font sentir à Paris, ce n’est pa§ sur leq opinions conçues à Paris, quant au numéraire, que nous de'vons régler les nôtres; cp n’est pas sur les errements de la Bourse de Paris, que nous devons combiner nos opérations. Et je récuse, dans le sujet qui nous occupe, le jugement de ces banquiers, ces agents de change, ces agioteurs de profession, qui, accoutumés jus� qu’ici à influer sur les finances, et à s’enriefiif des folies du gouvernement, voudraient noua engager aujourd’hui à jouer son rôje, afip decom tiquer à jquer le leur. Je pense donc, du moing quant à moi, et j’ai mille raisons de penser que nous aurons à l’avenir plus besoin de numéraire que jamais; et que la plug hante quantité que nous en ayons jamais eue pourrait être plus qu§ douhlée, sans que nous éprouvassions cq surplus que l’on semble craindre. Dansces moraeuts surtout, ne faut il pas réparer mille échec» portés à la fortune publique et aux fortunes particulières? ne faut-il pas adoucir, par un remède général, les maux particuliers qui sont une suite inévitable du bien public que vous; avez fait ? On doit louer sans doute le zèle et lq courage de cette Assemblée, qui travaille sans relâche à porter partout l’économie, à supprimer toutes les dépenses du fisc, qui ne sont pas justes et nécessaires. Mais il n’en est pas moine vrai que ces prodigalités journalières du gouvernement étant retranchées, il eu résultera momentanément dans les villes où se rassemblaient ses favoris, moins de consommation, moins de travail, moins d’aisauèe. Une nation, qui paye à elle même, ne souffre pas de Ja multitude deses payements, et même de la légèreté d,j ses dépenses, Gomme spuf? frirait une qatipn tributaire envers les nations étrangères. Il résulte du moins chez celle-là, de la force de ses répétas et de ses dépenses, un grand mouvement d’argent et d’affaires, dont le bien-êire du peuple, il est vrai, u’est pas l’objet» mais dont le peuple tire toujours quelque parti pour sa subsistance. Maintenant que les choses sont ramenées à là vraie source de la prospérité publique, si nous voulons parvenir à cette prospérité sans uqe intermittence cruelle et des secousses dangereuse? il nous faut absolument, et ç’est un devoir que nous impose l’ouvrage neuf et de, longue baleine que nous élevons, il nous faut promptement pourvoir à ce nouveau déficit d’argent, de circuv lation, que nous avons peut-être en partie Qpcfr* |2T août 1190.) [Assemblée Hatioaalô.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 368 sienne par des retranchements et des réformes nécessaires. Dans les grandes villes surtout, où le peuple malaisé abonde, il faut un moyen actif qui mette en mouvement tant d’autres moyens, et qui nous fasse passer au nouvel ordre de choses, à ses lents et heureux effets, en soutenant dii moins notre existence, en prolongeant, en faveur de la nouvelle Constitution, la bienveillance publique qui ne tient pas longtemps contre la misère. Ët pesez, Messieurs, je vous prie, cette considération : car si nous faisons pousser au peuple, dans son désespoir, un seul regret sur l’ancien état des choses, que nous ayons pu lui épargner, tout est perdu ; nous n’avons qu’à quitter le gourvernail, et livrer le vaisseau à la merci des v nts et de la tempête. Mais j’atteste ici la conviction profonde que j’ai de cette vérité : c’est qu’avec l’ardeur, la persévérance, le courage inébranlable que nous avons montrés jusqu’ici, et qui ne nous abandonneront pas ; avec le patriotisme général qui n’est pas douteux, si nous devons donner une secousse aux affaires, les arracher à celte mortelle léthargie dont elles ne demandent qu’à s rtir, au moyen d’une émission prompte et abondante du numéraire fictif en notre pouvoir, nous ferons pour la chose publiquecequi se présente de mieux à faire: nous agirons comme ces médecins habiles, qui, en ayant égard à tomes les indications de lg maladie, pourvoient néanmoins au mal le plus inspirit; qui, s’ils ne guérissent pas encore, prolongent la vie et donnent enfin à la nature lé temps de guérir. Ainsi nous écarterons ces plans subtils, qui ne respectent point assez les principes sévères de la justice, qui reposent sur des opinions bizarres et particulières ; enfin qui ont tout en vue, excepté ce qu’il y a de plus naturel, de plgs pressé et de plus facile. ' Si je parlais à des hommes moins éclairés que vous sur les affaires, je relèverais ici une imputation, dirai-je une chicane faite aux assignats, pour les attaquer dans leurs effets. Je vous montrerais comment il n’est pas vrgi qu’ils aient contribué à la rareté du numéraire. Tant que la caisse d’escompte a fait honneur à ses engagements en payant ses billets à vue, ces billets ont été plus recherchés même que l’argent. Mais dès que nous l’avons vu obtenir du gouvernement des titres d’infidélité, sous le nom d'arrêts de surséance, la confiance s’est ébranlée, l’argent s’est resserré et les billets ont perdu leur crédit. L’argent était déjà tellement rare, avant que les assignats fussent décrétés, que les billets de caisse perdaient jusqu’à 5 et 6 0/0. Ce n’étaient donc pas alors les assignats qui chassaient l’argent. Au contraire, ils l’ont rappelé, à leur apparition, par un mouvement de confiance. La rareté de l’argent tient donc à des circonstances étrangères qui frapperaient tout autre expédient que les assignats, et auxquelles les assignats sont de toutes les mesures celle qui est le plus capable de résister. Les sourdes manœuvres, les troubles publics, les terreurs paniques, les délais du Trésor dans ses payements, et l’anéantissement des affaires qui en est la suile, voilà la première cause de la disparition de l’or, de la rareté du numéraire. Détruira-t-on cette cause, en s’arrêtant dans le versement des assignats ? n’est-il pas clair, au contraire, qu’en attendant l’entier retour de la confiance,- les assignats sont le seul moyen qui puisse y suppléer, la rappeler même, et nous donner à tous égards une sorte dé sécurité? Si le difficile échange des assignats centre de l’argent tenait à leur discrédit, je le demanda ; pourquoi donc les assignats eux-mêmes partici-s pent-ils à la rareté du numéraire? Ils devraient abonder sur la place, être offerts partout et pour tout, si l’on était si pressé de s’en défaire. Mais en tout lieu, au contraire, et en tout point, leg marchandises abondent ; et ce sont les acheteurs qui sont rares. Plaçons donc cette calomnie contré les assignats au rang de celles qu’on se permet tous les jours contre la plus glorieuse des révolue tions, contre les réformes les plus nécessaires, contre les plus sûrs amis de l’ordre public. Sachons voir que bientôt cette unique et salutaire ressource de nôs finances comptera à peu près les mêmes amis et les mêmes ennemis que notre Constitution ; et, faute de principes fermes, ou d’un courage éclairé sur cette matière, ne faisons pas le jeu de nos adversaires, qui ne demanderaient pas mieux que de noos voir engouffrer dans les embarras, et de rire ensuite de notre pru-î dence meurtrière. Et certes, c’est le besoin universel d’un instru-s mont d’échange et de travail qui ee fait sentir; c’est le besoin d’assignats pour Phommp d’af** faires; c'est le besoin d’argent monnayé pour celui qui vit de monnaie et ne connaît qu’elle. Tous se plaignent; mais la classe malaisée et si intéressante pousse des cris plus vifs, parce que ses besoins sont plus poignants, et ses pas-: sions plus impétueuses. G’est donc cette classa qu’il s’agit incéssamnient de secourir. Le premier Versement des assignats ne lui a pas encore fait sentir ses bienfaits. Si l’argent ne s’arrache au-: jourd’hui qu’à grand prix des mains où nos as-t signatsde trop forte somme ne parviennent guère, c’est parce que les espèces y sont encore plus rares que les assignats ne le sont dans les classes plus opulentes. Que conclure de là? G’est que nos assignats établis pour la partie spéculante de ia société ne suffisent pas, et qu’il eu faut aussi pour la partie travaillante. Il faut que notre res-: source pécuniaire entre dans les limites dé. ses besoins. Il faut qu’une série d’assignats puisse conduire de la somme de 200 livres à la somme d’un louis; comme on descend d’un louis, par une série d’espèces, à la dernière pièGe de monnaie. Alors la difficulté ne consistera plus qu’à échanger un assignat d'un louis contre desr espèces, c’est-à-dire qu’elle sera presque nulle. Nous avons suivi, dans les sommes fixées pour nos assignats, les errements de la caisse d’escompte dans la division de ses billets. Peu im-� portait que le moindre des billets de cette caisse ne fût pas aœdessqus de 200 livres, puisqu’à chaque insta it ce billet pouvait être converti en écus; mais nos assignats, étant faits eux-rmêmes pour tenir lieu d’espèces, ils doivent s’en rappro-: cher par leur valeur. G’est la seule manière d’en faire sentir le bienfait au peuple. Des caisses pa-r triotiques s’établiraient aisément dans les grandes villes pour opérer l’échange de ces assignats de petite somme. Je ne puis esquisser que rapidement tous ces détails ; mais la théopie ea est claire et la pratique sûre et facile. Je supplie donc cette Assemblée de faire les plqs sérieuses réflexions sur ce que je viens de lui exposer. Elle a engagé l’honneur de la nation à respecter la dette publique, non seulement dans sa totalité, mais dans chacune de ses parties, et de respecter par conséquent les titres de chacun de ses créanciers. Chaque créancier, par sa position, peut avoir ses raisons pour préférer la forme de sa créance à toute autre formé; c’est làrdessua qu’il peut avpjr réglé ses affaires, assis sa Iran- 364 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 août 1790.] quillité. Une reconstitution de la dette, gui, à mon avis, est très embarrassante pour être faite avec j stice, peut convenir très mal à la nation débitrice, et ne disconvenir pas moins à une multitude de ses créanciers. Une reconstitution n’est pasun payement; et pourquoi ne pas payer quand on peut le faire? Je ne puis voir dans cette masse énorme de contrats qu’on nous propose, qu’une chute d'autant plus rapide de leur valeur, et du crédit qui doit en dépendre. Au prix où est l’argent, et sans nouveaux moyens de se libérer, une infinité de ventes forcées de ces contrats seront une nouvelle jugnlation d’un grand nombre de créanciers publics. N’ont-ils donc pas déjà assez souffert? et ne goûterons-nous plus la consolation de n’avoir du moins excité, jusqu’à présent, que des plaintes inévitables? Rien ne nous oblige donc, Messieurs, de nous aventurer dans une carrière épineuse dont l’issue est au n oins couverte de ténèbres. Je ne sais ; mais il me semble qu’au lieu d° les aller chercher., nous devrions travailler à éclaircir cet horizon qui se rembrunitautourdenous. Nousdevrions au moins saisir quelques rayons de lumière qui nous luisent encore, pour assurer notre marche, pour tacher d’entrevoir là où nous allons, quelles difficultés nous attendent, comment nous nous y prendrons pour les surmonter. Si nous n’y pensons nas, nous sommes comme des aveugles qui voudraient jouer le rôle d’oculistes ; et nous nous acheminons inconsidérément, nous conduisons, nous et la nation, vers un abîme. Car, Messieurs, il n’en faut pas douter, il est ouvert cet abîme; il s’agrandit devant nous. De quelle ressource nous aviserons-nous, je vous prie, pour triompher des temps critiques qui se préparent, pour faire agréer paisiblement an peuple un nouveau système d’impôts qui le soulagera sans doute par le fait, mais q i commencerait par effrayer son imagination, si l’on n’nuvrait pas d’avance une source de moyens qui lui aidassent à supporter cette charge, et s’il n’était pas rassuré, encouragé, à cette vue? De quelle res-ource nous aviseronsrnous pour franchir l’hiver qui s’avance pour passer sans terreur ces jours nébuleux, et ces longues nuiis où noua allons nous enfoncer? Alors les besoins se réveilleront plus nombreux et plus pressants que jamais; et le plusimpérieux de tous, celui de s’agiter quand on craint, de se plaindre quand on souffre, éclatera partout avec violence. Que ferons-nous alors, si nous n’y pourvoyons dès à présent? Nous verrons renaître et se multiplier toutes nos misères; elles nous investiront à la fois, et seront peut-être irrémédiables. Que ferons-nous alo s, vous dis-je? N’au-rons-uous pas épuisé tous les expédients dont nous avons pu nous aviser dans notre détresse, pour pousser le temps? Nous avons exigé une contribution patriotique; de libres et nombreuses offrandes nous ont été présentées : vaisselle, bijoux, tout est venu à notre secours; tout s’est englouti ; la nation s’est appauvrie, et le Trésor n’en est pas plus riche. Je frémis quand je pense qu’avant deux mois nous touchons à la tin de nos assignats. Une fois consommés, qu’avons-noos ensuite i our nous soutenir ? Rien. Je vois déjà le ministre des finances venir dolemmenl nous présenter un nouveau certificat de notre ruine, et nous proposer ce qui ne pourra pas même nous sauver, au prix de la honte, des éternelles suspensions, des attermoiementsindéfinis, desretards de renes, c’est-à-dire ce que nous avons repoussé jusqu’ici, avec tant d’horreur, mais ce qui nous atteindra enfin et nous enveloppera malgré nous, ce que je n’ose même nommer, tant ce nom seul doit révolter cette Assemblée. Mais, Messieurs, ne pas prévenir cette horrible catastrophe, c’est la vouloir; et qui de nous pourrait souffrir d’être entaché d’un si noir soupçon? Alors, Messieurs, je le vois, nous reviendrons sur nos pas; nous y reviendrons avec des regrets mêlés d’effroi. Trop tard éclairés, nous ressaisirons alors le parti que nous aurons abandonné; et nous préférerons la honte qui suit toujours l’aveu d’un grand tort, à celle d’en faire subir à la nation les terribles conséquences. Nous demanderons instamment ces assignats que nous aurons repoussés comme dangereux. Mais en attendant, que de besoins, que de désordres, que de plaintes, que de maux! Et si les biens ecclésiastiques sont alors affectés à des contrat�, comment les engager encore pour de nouveaux assignats-monnaie? D’ailleurs, il est un temps où tous les remèdes sont sans efficacité. Ab ! prévenons ce moment fatal. Quant à moi, j’atteste la patrie que je ne vous ai rien dissimulé des dangers qu’elle court, si vous négligez le seul parti qui vous reste à prendre, le seul, oui le seul qui soit prompt, facile, énergique, qui remplace tout, et que rien ne remplace. Je conclus donc : 1° A rembourser la totalité de la dette exigible en assignats-monnaie, sans intérêts; 2° A mettre en vente sur-le-champ la totalité des domaines nationaux, et à ouvrir à eet effet des enchères dans tous les districts ; 3° A recevoir, en payement des acquisitions, les assignats, à l’exclusion de l’argent et de tout autre papier ; 4° A brûler les assignats à mesure de leur rentrée ; 5° A charger le comité des finances de présenter un projet de décret, et une instruction, pour mettre ces opérations en activité le plus tôt possible. (Le discours de M. de Mirabeau est souvent interrompu par des applaudissements. — L’Assemblée en décrète l’impression presque à l’u-nanimité). (La suite de la discussion est renvoyée à demain.) M. le Président annonce une lettre du roi à laquelle est jointe une note de Sa Ma.esté. La lettre et la note sont ainsi conçues : Paris, le 27 août 1790. « Je vous envoie, Monsieur lePrésident, une note que je vous prie de mettre, le plus tôt que vous pourrez, sous les yeux de l’Assemblée nationale. « Signé : LOUIS-« Messieurs, vous savez que ce n’est que sur vos instances réitérées que je me suis expliqué sur la fixation de ma liste civile, et en dernier lieu, sur les châteaux et domaines qu’il me convenait de conserver. Je suis instruit qu’on interprète mal les désignations de ces objets portés dans l état que je vous ai fait remettre par M. de Saint-Priesî. « Je crois n’avoir pas besoin de vous rappeler le peu d’importance que je mets à ce qui louche mes intérêts ou mes jouissances personnelles, et combien je les subordonne à l’intérêt public. « Je renonce volontiers à une grande partie des objets indiqués, quoiqu’il y en eût plusieurs auxquels je ne m’étais déterminé que par des motifs d’utilité générale, ou pour conserver à la