356 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 14 thermidor, et l’on ne parlera plus dans nos annales de cette Fontarabie, orgueilleuse de son site et de son inviolabilité, que pour rappeler la gloire de l’armée des Pyrénées-Occidentales. C’est à elle qu’il appartient de décoaliser l’Espagne, de dicter la loi au Capet qui règne sur ce peuple superstitieux, et de faire trembler les inquisiteurs et les monstres de Madrid. Cette armée a disputé tous les postes avec un courage ferme et modeste : des colonnes marchaient, depuis l’ouverture de la campagne, des journées entières, et souvent la nuit, à travers des rochers, des pièges et des montagnes escarpées; ils n’emploient que la baïonnette, et ne trouvent plus l’Espagnol sur leurs pas. Six mille de ces esclaves se sont retirés sur Saint-Sébastien et sur Ernani, jusqu’à ce que le pas de charge leur fasse choisir une autre position. Au milieu de ces succès nous pouvons nous féliciter de ne compter que 80 morts parmi les républicains. On ne pourrait concevoir le peu de proportion de l’attaque et de la perte, si l’on ne savait que l’audace abrège le danger, et que le courage conserve les armées. Dans les révolutions politiques comme dans les batailles, la mort est pour les lâches et pour les esclaves. Citoyens, honorons ce triomphe, en le célébrant par des inscriptions honorables dans la fête qui aura lieu dans 2 jours, en mémoire de la victoire du 10 août, et décrétons que l’armée des Pyrénées-Occidentales a bien mérité de la patrie, principalement dans la journée de Fontarabie, du 14 thermidor. C’est ainsi que nous affermirons la République sur les flots mobiles de la révolution, et que nous verrons les événements, les intrigues, les ambitions particulières et les trônes se briser sous les regards de la Convention nationale. C’est là que la République a acquis 50 canons de bronze, des approvisionnements immenses en subsistances et des munitions, 35 chaloupes de pêcheurs, 3 petits navires à deux ponts et une barque canonnière. Quelles expressions croyez-vous qui soient sorties de la bouche des soldats sur le rempart de Fontarabie et sur la montagne où étaient les redoutes ? Ils s’écriaient tous : « Pour cette fois on parlera de nous à la Convention nationale, et on lui fera un rapport de notre conduite ». Citoyens, voilà le vrai républicain; un regard de la patrie, un signe de justice donné par les représentants du peuple; voilà la récompense, voilà la monnaie de la République (1). [Vifs applaudissements]. Sur quoi la Convention rend le décret suivant : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport du comité de salut public, décrète : (1) B?n, 21 therm. et 21 therm. (suppl1); Moniteur (réimpr.), XXI, 426-428, 433-434; Débats, nos 687, 364-371; n° 688, 373-378; Mess. Soir, nos719 et 720; Rép., n° 232; J. Sablier, nos 1487, 1488; Audit, nat., n° 684; J. univ., n° 1719; M.U., XLII, 350-351; Ann. patr., n°DLXXXV; J. Mont., n° 101; J. Fr., n0S683, 684; F.S.P., n° 400; J. Paris, n° 586; J. Perlet, n° 685; C. Eg., n° 720; Ann. R. F., n° 250; J.S. -Culottes, n° 540. Art. 1er. L’armée des Pyrénées-Occidentales a bien mérité de la patrie, principalement dans la journée du 14 thermidor. IL Les nouvelles officielles de cette armée sur la prise de Fontarabie et des redoutes de Saint-Martial et d’Irun seront imprimées et envoyées sur le champ aux autres armées de la République (1). 28 La Convention admet à la barre le citoyen Lamarque, adjoint à l’état-major de l’armée des Pyrénées-Occidentales, et capitaine de grenadiers : il se félicite d’avoir été chargé de l’honorable mission d’apporter à la Convention nationale les drapeaux conquis sur les Espagnols par nos braves frères d’armes. Ils étoient défendus, dit-il, par 200 bouches à feu; mais les baïonnettes guidées par la haine des tyrans, et l’amour de la liberté, vous en font hommage comme un présage assuré de succès encore plus grands (2). L’adjudant général LAMARQUE : Citoyens représentants, vos collègues près l’armée des Pyrénées-Occidentales m’ont chargé d’apporter à la Convention nationale les drapeaux pris à Fontarabie aux esclaves espagnols. Citoyens, cette place était défendue par une forte garnison et par de la grosse artillerie; mais nos baïonnettes ont pris les canons qui portaient la mort à une lieue. (On applaudit). Je puis vous répondre, citoyens, que l’armée des Pyrénées-Occidentales, guidée par les représentants du peuple, dont les panaches se font toujours distinguer au milieu des combats, remportera de nouvelles victoires qui mériteront les applaudissements de la Convention. (On applaudit) (Z). Le rapporteur du comité de salut public [BARÈRE] reprend la parole; il rend compte que c’est le citoyen Lamarque, présent à la barre, qui, à la tête de 300 républicains, et accompagné du représentant Garrau, a commandé l’attaque de Fontarabie, et forcé la reddition de la garnison de 800 hommes. Un membre demande que le comité de salut public soit chargé de donner de l’avancement au brave Lamarque. Un autre propose que la Convention lui confère à l’instant le grade de chef de bataillon : de toutes parts on appuie cette dernière proposition; l’on demande en outre que le président lui donne l’accolade fraternelle. Elle lui est donnée au milieu des applaudis-semens, et la Convention rend le décret suivant : La Convention nationale, sur le compte qui lui a été rendu par son comité de salut public, de la bravoure et de l’intelligence que (1) P.V., XLIII, 120. Décret n° 10 315. Rapporteur: Ba-rère. Reproduit au Bm, 21 therm. (suppl1), (2) P.-V., XLIII, 120. Reproduit au B"1, 21 therm. (3) Moniteur (réimpression), XXI, 434; Débats, n° 688, 378.