539 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 décembré 1790. J crois que son exposé manque de justesse. M. de Mirabeau vous a dit qu’il y avait dans le royaume des citoyens privilégiés. Non, il n’existe que deux hommes privilégiés, le roi et le dauphin. Vous avez déjà déclaré, par un décret solennel cette sainte et précieuse égalité publique. M. de Mirabeau lui-même vous a parlé avec justesse et énergie au moment où il s’est agi d’établir cette égalité. Je préfère donc le projet de décret de votre comité, en ce qu’il consiste à rappeler en France tous les fonctionnaires publics. Il faut que tous ceux qui ont des grades, des distinctions, qui sont déjà une fortune puisqu’elles portent aux grades supérieurs, rentrent dans leur patrie. N’est-il pas scandaleux que la plupart des lieutenants-généraux soient aujourd’hui occupés à nous susciter des ennemis dans les cours étrangères et que cependant ils jouissent encore du droit de veuir prendre leurs rangs dans l’armée? Je ne vous engagerai jamais à faire de votre puissance un usage trop rigoureux ; mais il est temps que les ennemis de la patrie cessent de regarder vos décrets comme illusoires. Il faut que ceux qui ne s’y soumettent pas perdent au moins la considération dont ils jouissent. Quant aux princes, il n’y en a plus : M. de Mirabeau ne doit pas nous proposer pour eux des règles particulières. Il sait bien que vous avez repoussé la proposition qu’il vous lit au mois de juillet, relativement au ci-devant princede Gondé. Il faut rappeler indistinctement tous les fonctionnaires publics et tous ceux qui vivent aux dépens de l’Etat. U est temps de soulager le peuple des sacrifices qu’il ne cesse de faire pour ceux qui le trahissent et l’abandonnent. {On applaudit.) Je conclus en faveur de la motion de M. Barnave. M. de Mirabeau. Je prends les mêmes conclusions, mais je demande que l’article que j’ai proposé soit ajourné à un jour très prochain. Le principe étant faux, selon moi, que tous les prétendants à la substitution de la couronne ne soient pas ce sens des privilégiés, car ils sont une propriété nationale, je ne crois pas qu’une telle lacune doive rester sans être remplie. Quant à ceux qui me rappellent que ma motion sur M. de Gondé fut rejetée, je les invite à réfléchir et à considérer si cette motion décrétée alors ne nous aurait pas sauvé bien des inquiétudes et si ce que l’on propose aujourd’hui est autre chose que les débris, sinon les développements de ce que j’ai dénoncé. (La proposition de M. de Mirabeau est renvoyée au comité de Constitution.) L’Assemblée délibère successivement sur les divers articles du projet de décret du comité des recherches. Au moment où M. le président prononce l’adoption de l’article relatif au remplacement de la garnison de Lyon, M. Diilon observe que, bien loin qu’il n’existe aucune inculpation contre ces régiments, l’un d’eux (celui de Son-nemberg) a reçu des témoignages de satisfaction de l’Assemblée. Sur cette observation, appuyée par M. Barnave, l’Assemblée ordonne le rapport de l’article, et décrète, sur la proposition de M. de Noailles, que le roi sera supplié d’ordonner, relativement à la garnison de Lyon, les mesures les plus propres à assurer la tranquillité publique. Le décret en entier est définitivement adopté en ces termes : bÊCRËT. L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rappoit qui lui a été fait au nom de son comité des recherches, décrète ce qui suit : Art. 1er. Elle charge son président de se retirer de vers le roi pour le prier de donner les ordres nécessaires pour que les sieurs Guillien, dit de Pouge-lon ; d’Escars et Terasse, dit de Teyssonnet, soient transférés séparément et sous bonne et sûre garde, du château de Pierre-Scise, où ils sont actuellement détenus, dans les prisons de Paris. Art. 2. La municipalité de Lyon enverra incessamment au comité des recherches de l’Assemblée nationale tous les renseignements qu’elle aura pu se procurer sur la conspiration dont se trouvent prévenus lesdits sieurs Guillien* d’Escars et Terasse, ensemble leurs papiers. Art. 3. Le procès sera fait à ces particuliers par la haute-cour nationale, chargée de la connaissance des crimes de lèse-natloD* ou par tel autre tribunal provisoire que l’Assemblée nationale jugera convenable. Art. 4. Le roi setà prié de remplacer le siëur La Chapelle, commandant les troupes de ligne âLyon, et de donner tous les ordres nécessaires pour le maintien de la tranquillité dans cette ville. Art. 5. Décrète que tous français, fonctionnaires publics» ou recevant des pensions ou traitements quelconques de l’Etat, qui ne seront pas présents et résidents dans le royaume, et qui n’auront pas prêté le serment civique dans le délai d’un mois après la publication du présent décret, sans être retenus dans les pays étrangers par une mission du roi pour les affaires de l’Etat, seront, par le seul fait, déchus de leurs grades et emplois, et privés de leurs pensions, appointements et traitements. M. le Président. L’Assemblée se réunira demain dans ses bureaux pour la nomination d'un président. Les voix sé sont divisées entre M. de Bonuay et M. d’ Aiguillon, et il n’y a pas eu de résultat aujourd’hui. MM. Bion, Armand (de Saint-FJour) et l'abbé Latyl, prêtre de l’Oratoire, ont été élus secrétaires en remplacement de MM. Gastellanet, Salicetti et Poulain de Boutancourt, secrétaires sortants. La séance est levée à dix heures du soir.