628 (Assemblée nationale.] « Art. 4. La fabrication de la monnaie de cuivre occupera, sans discontinuation, au moins un balancier dans chacun des hôtels des Monnaies du royaume, jusqu’au parfait payement du montant de l’adjudication. « Art. 5. La fabrication d’une monnaie d’argent en pièces de 30 et de 15 sous, ordonnée par un firécédent décret, sera combinée de manière, pour e titre et le poids, à ce qu’il n’y ait aucun bénéfice à fondre cette mounaie. » A droite: Ah! voilà le grand point! M. Raband-Saint-Etienne. Ce dernier article, dans lequel il y a une très profonde vérité, mais qui tient à de grands principes, à ceux du système monétaire, pourrait être ajourné et renvoyé aux comités réunis des finances et des monnaies, car l'altération de la monnaie à fabriquer pourrait donner à celle-ci un certain discrédit. M. de Custine. On cherche à favoriser la classe la plus pauvre du peuple; et c’est pour cette classe que je demande qu’il ne soit mis en émission aucuns petits assiguats que dans l’instant où vous aurez une quantité suffisante de monnaie de cuivre pour pouvoir les changer. Plusieurs membres : La discussion fermée ! (L’Assemblée ferme la discussion.) M. Rewbel, président , quitte le fauteuil. M. Péüon de Villeneuve, ex-président , le remplace. M. de Cazalès (1). Je demande la parole pour prouver que vous devez ajourner la question, et ie m’appuie sur ce que vient de dire à l’instant 1. de Beaumetz. Après avoir fait les objections les plus fortes contre les assignats, il s’est réuni aux partisans de ce système. Si effectivement il était vrai que l’assignat dût désormais êire échangé contre la monnaie, sans aucune perte, le raisonnement qu’a fait M. de Beaumetz serait très juste. Mais quel est le moyen qu’on nous présente pour nous assurer que l’assignat de 5 livres sera échangé sans aucune perte contre la monnaie qui le subdivise ? Ce moyen est d’établir différentes caisses dans différents districts où cet assignat sera échangé contre de la monnaie de cuivre que le Corps législatif y aura fait déposer. On me dit qu’ii n’y aura point de perte, il faut donc que je prouve qu'il y en aura. L’assignat de 5 livres chassant de la circulation l’écu qu’il remplace ( murmures ) rendra votre numéraire réel beaucoup plus rare... Un membre à gauche : La discussion est fermée. M. de Cazalès. Si l’Assemblée ne veut pas me permettre d’enchaîner mes idées, il me sera impossible fie lui donner la moindre explication sur l’ajournement que je propose. L’assignat de 5 livres chassant de la circulation l’écu qu’il remplace, il arrivera que l’avantage qu’eût obtenu cette monnaie daus les premiers moments, en rendant les écus moins nécessaires, sera bientôt compensé par les inconvénients de leur plus grande disparition. Le (i) Le Moniteur ne donne pas le discours de M. de Cazalès. (6 mai 1791.] numéraire réel se concentrera dans les mains de quelques individus ; et le commerce, qui ne peut pas se passer de numéraire réel dans ses relations avec l’étranger, sera obligé, dans tous les marchés libres où la méfiance rejettera le papier-monnaie, d’acheter les marchandises au prix que les marchands voudront y mettre. 11 arrivera donc que ce prix sera la règle la plus fixe, la plus générale, de la valeur relative de l’assignat à l’argeut : car il n’est pas de valeur absolue dans ce monde ; toutes les valeurs sont relatives. Il est impossible que cette mesure, commune à toutes les nations, à tous les individus, à tous les marchés, à toutes les transactions, n’intlue pas généralement sur tout. Dès lors, il s’établira une inégalité entre la valeur de l’assignat et la valeur de lajBonnaie contre laquelle il sera échangé. On vous propose, pour éviter cette inégalité, pour que cette perte malheureusement nécessaire De retombe pas sur la classe la plus indigente du peuple, on vous propose d’établir dans les différents départements des dépôts de monnaie de cuivre, contre laquelle on échangera à volonté les assignats de 5 livres. Pour que ces échanges à volonté soient faits, puisqu’il existera une perte réelle, ou une perle d’op'niun si vous vo lez, entre l’assignat de 5 livres et la monnaie. Il faudra qu’elle soit supportée par quelqu’un ; si elle est supportée par l’Etat, et que vous fassiez une monnaie vraie (or, j’appelle une monnaie vraie celle qui a la valeur qu’annonce son empreinte ; car il n’est pas nécessaire pour qu’une monnaie soit fausse monnaie, qu’elle soit composée d’un métal à un mauvais titre, il suffit qu’elle n’ait pas le poids, qu’elle n’ait pas la valeur réelle que l’empreinte annonce) ; si, dis-je, vous établissez une vraie monnaie, l’Etat perdra le surplus de cette monnaie. Et d’ailleurs cet état deviendra constamment abusif, parce qn’alors il y aura profit à répandre cette petite monnaie qad n’aura que l’empreinte de sa valeur, après ravoir obtenue contre l’assignat. Si vous établissez au contraire une monnaie qui n’uit pas une valeur réelle ; qui ne soit pas égale à ce que son empreinte annoncera, vous établirez une fausse monnaie, et vous n’aurez en rien changé le sort de l'homme qui sera obligé de changer son assignat contre cette petite monnaie, et qui éprouvera constamment la même perte ; car il est parfaitement indifférent qu’il éprouve cette perte en lec-vant un moins grand nombre de pièces de monnaie, on qu’il l’éprouve en recevant un nombre de pièces de monnaie qui ont une valeur moindre. Ainsi, la perte sera toujours rejetée ne l’homme riche sur le pauvre, du fabricant sur l’ouvrier, de celui qui reçoit et qui donne des payements de 100 livres sur celui qui ne reçoit et qui ne donne des payements que de 5 livres. Cette injustice est extrême; et je ne doute pas que si la conséquence odieuse du sysième qui nous a été présenté, avait été suffisamment aperçue par l’Ass mblée, ce système n’auraiipas trouvé un seul défenseur. J’épargne à l’Assemblée qui me parait fatiguée de celte oiscussio >, le nombre des ra sons puissantes qui s’élèvent encore contre la fabrication de petits assignats; mais ce qui est généralement reconnu, c’est que tous les partisans de petite monnaie ont été obligés de convenir que, pour en alléger l’ini onvénient, pour que ies maux qu’elle produirait fusseut moins graves, il était nécessaire qu’elle se trouvât combinée avec une abondante émission de petite monnaie; il ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (6mail791.j était nécessaire de prendre des précautions, d'établir des bureaux, où elle serait échangée à volonté. Eh bien 1 qu'on nous apporte donc cette quantité de petite monnaie ; qu’on nous appporte le decret qui l’aura ordonné ; qu’on ne nous expose pas aux inconvénients, avant d’avoir préparé ..... ( Murmures violents à gauche.) M. Lacas. Monsieur le Président, la discussion est fermée. M . de Cazalès. Que rassemblée ne précipite pas une mesure sur la foi trompeuse et peut-être illusoire d’un remède qui se trouvera probablement impossible. 11 semble qu’il ne serait p as sage de décréier ce te mesure avant que vous soyez certains que les moyens qui devront la rendre supportable, — je dis supportable car il est physiquement impossible qu’elle soit jamais bonne, soient palpables et démontrés jusqu’à l’évidence. Je demande en conséquence qu’on ajourne le projet ( murmures à gauche ) d’ici à un mois. ( Nouveaux murmures.) A cette époque les Hôtels des Monnaies auront sans doute fini leur travail : vous pourrez être certains d’avoir une masse considérable de menue monnaie ; vous en connaîtrez d une manière sûre la combinaison, et vous prendrez alors le parti que vous sùggêrera votre prudence; et si des circonstances plus heure ses ont fait épanouir l’embarras momentané dans lequel nous nous trouvons, je suis parfaitement sûr que vous ne décréterez pas ces assignats de 5 livres ; je suis sûr que vous vous applaudirez d’un retard qui nous aura délivrésd’une mesure infiniraentfausse, et sur laquelle vous auriez infiniment de regrets quand l’embarras qui semble la provoquer sera passé. Je demande en conséquence que ce projet soit ajourné à 1 mois. Plusieurs membres : La question préalable. M. de Cazalès. Je réduis la proposition à 15 jours. M. Briois - Bcaumetz. Le délai de cet ajournement me paraît propre à nous faire perdre un temps précieux, sans nous faire acquérir de nouv< lies lumières. Les deux principales objections de M. de Cazalès sont : que les assignats perdront, et qu’ils ne paraîtront pas concurremment av. c la petite monnaie. Je réponds en deux mots: comment les assignats de 5 livres, perdraient-ils quelque chose, lorsque dans tous les districts vousouvrirez des bureaux où vous offrirez de prendre sans perte? Mais, dit-il, puisqu'il y a une grande différence entre les assignats et la valeur des métaux, la perle à supporter retombera sur la nation. Je dis au piéopinant qu’il n’a pas assez réfléchi que c’est en sous que nous vous proposons de changer les assignats de 5 livres et que le bénéfice actuel de la fabrication des sous, quand, même il faudrait en acheter la matière, est tel que ce bénéfice couvrirait bien au delà la différence qu’il suppose entre la valeur des métaux et celle des petits assignats; que ce bénéfice est plus grand encore lorsque nous n’achetons pas le métal, et que c’est avec un métal dont nous sommes propriétaires et dont nous ne tirerons aucun parti. Ainsi tout le bénéfice sera pour la nation, et il n’y aura pour elle aucune perte. ( Applaudissements .) Plusieurs membres : Aux voix, aux voix. m M. Brlols-Beanmetz. Je lui observe qu’il n’a pas assez médité le second article du projet actuel : il porte que les assignats, dont la fabrication sera commencée dès à présent, ne seront cependant mis en émission qu’au moment où la nation pourra ouvrir les bureaux où l’on pourra les échanger à volonté et en rendant un décret exprès. Par conséquent, ces deux mesures seront simultanées, et l’effet de l’une ne précédera pas l’effet de l’autre. On ne peut donc pas craindre de voir l’inconvénient, sans que le remède soit à côté. Je demaude donc qu’on aille aux voix sur ce projet. M. de Cazalès. Dès que M. le préopinant dit qu’il faudra uu nouveau décret pour émettre ces nouveaux assignats, je me range de son avis. J’espère qu’à cette époque l’Assemblée nationale sera mieux instruite : la fabrication m’est parfaitement indifférente. Je retire donc ma motion d’ajournement. (L’Assemblée accorde la priorité au projet de décret de M. Briois-Beaumetz.) M. l’abbé Maury. Monsieur le Président, je demande à faire un amendement. M. le Président. Vous avez la parole. M. l’abbé Maury. Messieurs, puisque la discussion est fermée, je ne rappellerai pas l’horrible inconvénient de multiplier excessivement, comme on veut vous y induire dans ce moment, la monnaie de billon ..... Plusieurs membres : De cuivre ! M. l’abbé Maury.... dans le royaume ; il est des vérités politiques qui ne sont révélées que par les calamités publiques. Mais ce que je puis très bien dire, c’est que Je projet qui vous est actuellement présenté — et c’est ce que personne ne pourra comprendre — . . . . Plusieurs membres : Tant pis I M. l’abbé Maury.... renferme deux propositions contradictoires. Je m’explique. Quel est en effet votre but? C’est de rendre moindre la perte qui se fait dans l’échange des assignats contre l’argent; or, pour cela, vous n’avez pas besoin de petits assignats et de petite monnaie. Si l’émission des assignats de 5 livres se fait au moment où vous mettrez dans la circulation la monnaie de cuivre, je dis que la monnaie de cuivre ou les assignats seront évidemment inutiles. (Murmures.) Vous avez uu grand intérêt à ne pas comprometire le crédit de votre papier-monnaie, et vous le compromettez. (Murmures.) Oui, Messieurs, la mesure qu’on vous propose en ce moment est en effet une mesure inconnue à tous les peuples, aux peuples mêmes qui ont un papier-monnaie, une mesure qui vous place dans la situation où était la France au moment où saint Louis revint des croisades. (Rires). Alors le numéraire avait totalement disparu, les louis d’or avaient été employés à la rançon du roi et des prisonniers français, et l’on créa une monnaie d’opinion. (Murmures à gauche.) Votre petite monnaie va faire sur les écus de 6 livres le même effet que vos assignats ont produit sur les sacs de 1,200 livres; elle les fera disparaître, car il n’y a plus de grosses £30 (Assemblée uÜOMk.] A RCH1VBS PAlLUfElfTAlRES. (6 mai TOI.] sommes de numéraire depuis qa’ii y a des assignats en grande quantité. Quand tous aurez des assignats de 5 livres, je le prédis à vos tribunes, elles ne verront plus un écu de 6 livres. (Applaudissements à droite , murmures à gauche.) Eb ! Messieurs, il y a 10 mois, quand on vous fit décréter deB assignats de 50 livres, je vous Ïirédis dans cette tribune que 6 mois ne secoueraient pas sa ns qu’on vous proposât de décréter des assignais de 6 livres; on me répondit par des hoées, voyez aujourd’hui si j’avais tort ou raison. (Murmures.) Je serai malheureusement justifié une seconde ois. En Angleterre on a essayé 5 fois de mettre en circulation des petits billets de 5 et de 6 livres ; on n’a jamais pu y parvenir. Savez-vous pourquoi? parce que la circulation de ces petites sommes est tellement rapide qu’il y avait tous les jours des billets qui passaient par 500 mains et dont le papier ne résistait pas une semaine; ce qui est arrivéen Angleterre arrivera en France; votre papier qui courra de main en main avec une grande rapidité sera continuellement déchiré. La ligne de conduite qu’on vous propose est d’autant plus singulière que rien ne vous y force et que vous pouvez agir autrement ; le jour où vous aurez de la monnaie de cuivre, les petits assignats deviendront inutiles. Quel besoin avez-vous des petits assignats, lorsque vous avez, je suppose, pour 50 millions de menue monnaie pour suffire aux échanges journaliers? Oui, je le soutiens, émettre de petits assignats, c’est favoriser l’agiotage au nom du patriotisme. ( Murmures et interruptions à gauche. ) Il ne faut pas vous faire illusion là-dessus parce qu’on ne voudra pas de notre pelite monnaie, et que les gens qui échangent des assignats, excepté les marchands et les manufacturiers, veulent avoir des écus pour les séquestrer de la circulation. On se déterminera à de pluB grands sacrifices parce que vous aurez rendu cette peste du papier public infiniment plus active et plus redoutable. ( Murmures à gauche ) A gauche : Aux voix ! aux voix, le décret ! M. l'abbé Maury. Messieurs, je remplis un devoir sacré, je sers les vrais intérêts du peuple (Murmures)... A gauche : A l’ordre! à l’ordre! Un membre à gauche : N’affectez pas d’être l'ami du peuple. Un membre : Vous ne faites qu’annoncer des malheurs, est-ce comme cela que vous servez le peuple? M. le Président. La discussion est fermée, monsieur l’abbé, je vous prie de présenter vos conclusions. M. l’abbé Manry. J’ai souvent été obligé de commencer par mes conclusions, qu’on me laisse une fois au moins commencer par les principes (Interruption)... Si l’Assemblée veut m’entendre... A gauche : Non ! non ! A droite et au centre : Oui ! oui! M. Rabaud-Saint-E tienne veut parler. M. l’abbé Maury (s'adressant à M. Rabaud-Saint-Etienne). J’oserai observer que de prédicateur à prédicateur on se doit quelque complaisance. C’est à M. Rabaud à m’entendre. (Murmures et rires.) A gauche : Votre amendement, monsieur. M. l’abbé Maury. Mon amendement est que la circulation de votre monnaie de cuivre, circulation sur laquelle vous comptez trop, car elle convient mieux à vos colonies qu’à un grand royaume vivifié par le commerce, je dis que la circulation de cette petite monnaie dont vous ne saurez que faire et pour laquelle vous serez trop heureux de trouver un jour l’égout de vos colonies pour vous en débarrasser. (Murmures à gauche.) M. de Gony d’Arsy. Elles ne s’en servent pas. M. l’abbé Maury... Je dis que cette circulation que vous voulez décréter rend parfaitement inutile l’émission de vos petits assignats; si vos petits assignats existent sans monnaie de cuivre, vous présentez un leurre au peuple, vous faites une dépense inutile, vous discréditez vos assignats, vous embarrassez le commerce. Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix! M. l’abbé Maury. Je demande à l’Assemblée de développer mes motifs. Je parle pour la portion du peuple qui est trompée (Rires) et qui s’éclairera à ses dépens. Je demande que l’AssemMée nationale ne décrète pas en même temps deux moyens extrêmes; ce sont deux remèdes pour un mal, et la duplicité du remède tuera le malade. Je demande que la circulation de la petite monnaie soit seule mise en émission et que les petits assignats soient proscrits comme la perte du peuple. Messieurs, vous l’avez pi omis àM. Dupont, parlant dans cette tribune, qui a été hué tout autant que moi (Rires); vous lui avez promis, pour nous accoutumer à vos papiers, de n’en pas faire au-dessous de 200 livres, et vous voyez où l’on noos mène; on nous en donnera bientôt pour payer nos fiacres (Rires et murmures.)-, enfin, Messieurs, je ne le dirais pas si j’étais moins sincère (Rires); mais, Messieurs, je sacrifie au devoir ce que plusieurs d’entre vous pourraient voir de contraire dans mon opinion à mes intérêts personnels. Je dis que vos petits assignats ne vivifieront pas votre commerce et qu’ils achèveront de ruiner vos finances; souvenez-vous de ma prédiction. (Rires.) M. Prieur. Nostradamus est ressuscité. Un membre à gauche : S’ils étaient mauvais, M. l’abbé Maury ne s’y opposerait pas. M. le Président. Renfermez-vous dans votre amendement. M. l’abbé Manry. Si vous divisez les gros assignats, c’est un père de famille à qui vous allez donner des milliers d’enfants qui vont ronger ses entrailles. (Murmures.) Je conclus en un mot en déclarant à l’Assemblée que ce décret, qui met simultanément dans la circulation de la monnaie de cuivre et des assignats, me paraît [Assemblée nstienAle.] AlCinfffl rAALBMBNTAllt£S. [6 mal 1T9I.1 M4 une souveraine absurdité et une calamité publique. ( Murmure s et rires.) M. de Montesqaion. Je suis loin de penser, comme le préopinant, que des petite assignats soient inutiles. Je les crois in Animent nécessaires; je les crois sans aucun inconvénient, quand ils seront alliés à l’émission immense de monnaie de cuivre. Je ne crois point que l’existence de la monnaie de cuivre en grande quantité les rende inutiles; au contraire, je crois qu’elle en assure le crédit, et la raison en est simple : je la tire de l’incommodité même de cette monnaie, quand elle sera très abondante. L’empressement de changer cette monnaie contre les petits assignats sera égal à l'empressement de changer les petits assignats contre de la monnaie; et c’est cette circulation continuelle qui rendra l’usage des uns sans danger et l’usage des autres d’une grande utilité. ( Applaudissements .) Mais, Messieurs, comme avant de se déterminer absolument, il faut avoir saisi l'ensemble du plan que l’on propose, comme il faut en avoir calculé les inconvénients et les difHcultés, je demande qu’avant de rendre le décret, comme il est certain que ces assignats circulant beaucoup s’useront fort vite; comme il est certain qu’il faudra, partout où ils circuleront, que l’échange soit à portée et sous la main, je demande, avant tout, que le comité des Anances soit chargé de présenter à l’Assemblée uu plan précis sur les dépôts qui seront nécessaires dans le royaume, sur les frais de ces dépôts, sur les moyens d’assurer la fidélité des dépositaires, sur la manutention et sur la comptabilité, aAn que vous ayez un système complet avant de prendre une détermination complète. Je demande donc l’ajournement à huitaine pour recevoir du comité des Anances le compte de celte administration. M. ülartineaH. J’appuie la motion. Je demande à présenter à l’Assemblée un calcul par lequel ie prouverai qu’il faut un an pour faire un million d’assignats; qu’on juge, après cela, de la lenteur de l’opération. D'ailleurs, il faut parer aux inconvénients dont l’expérience nous a convaincus. Vous savez combien le papier s’use dans le commerce. On vient de brûler pour 800,000 livres de coupons d’intérêt des 400 millions d’assignats; il n’y avait que très peu de temps que ces coupons étaient dans le commerce, et ils étaient absolument détériorés. Ces raisons me font conclure au renvoi au comité des Anances et à l’ajournement. M. Camus. Je conviens qu’un tiers des coupons étaient très maltraités et en partie brisés, mais ils pouvaient encore servir. D’ailleurs, une réponse bien plus forte, c’est que les coupons dont il s’agit appartenaientaux premiers 400 raillions mis en émission ; or, je crois qu’il n’y a jamais eu de plus mauvais papier pour se ployer, pour être mis dans la poche, que le papier de ces assignats. Je soutiens, au contraire, que le nouveau papier, que le papier des 800 millions, est de nature, expérience faite, à pouvoir se chiffonner de toutes manières, sans se déchirer. ( Interruption .) M. l’abbé Maury. Je demande que les poissardes soient entendues. * M. Camus. Les derniers assignats seront d’un très long service, et quant aux frais dont on voudrait vous effrayer, je croie que cette raison ne doit nullement nous déterminer h un ajournement; car ce que l’on vous propose n’est autre chose. Lors de la première émission, on a pu être trompé, et sur le papier, et sur les gravures, et sur d’autres objets ; mais aujourd’hui, noueavonB été à l’école de Inexpérience, et les frais seront beaucoup moindres. De pareils motifs me paraissent donc incapables de déterminer l’Assemblée à un ajournement, et je demande qu’il soit rejeté. M. Barnave. L’Assemblée nationale a rejeté l’ajournement proposé sur la nouvelle émission d’assignats. Or, la proposition de M. de Montes-qniou et celle de M. l’abbé Maury ne sont, l’une et l’autre, qu’un ajournement. M. de Montesquiou, tout en reconnaissant futilité de la mesure proposée, en reconnaissant que rémission d *8 assignats, étant simultanée avec une fabrication immense de monnaie de cuivre, qni n’entraînerait aucune espèce d’inconvénients et qui, dans l’état actuel de la circulation, est absolument indispensable, a néanmoins proposé une nouvelle mesure tendant à faire différer l’Assemblée de prononcer, soit sur l’émission des petits assignats, soit sur la fabrication de la monnaie de cuivre, ce qui est un véritable ajournement, et ce qni tendrait évidemment à faire perdre à l’Assemblée nationale le fruit d’une très longue discussion, à ramener cette discussion-là au moment où le comité des Anances proposerait ses moyens d’exécution, et, enAn, à suspendre, sans aucune espèce d’utilité, une mesure non seulement utile, mais encore infiniment nécessaire. Quant à la proposition de M. l’abbé Maury, lorsqu’il demande la division sur la proposition faite, il entend nécessairement que la proposition d’émettre de petits assignats soit ajournée. M. 4e Casalès. Rejetée et non pas ajournée. M. Barnave. L’Assemblée a rejeté l'ajournement. Ainsi, s’il entend par-là qu’on n’émettra pas de petits assignats, c’est la question même sur le fond qu’il s’agit de décider. Je demande doue, Monsieur le Président, que l’on mette la question préalable sur toutes les propositions, sur lesquelles l’Assemblée a déjà émis son vœu, en rejetant l’ajournement, et que, dans cet esprit, on mette aux voix le projet de décret de M. Beau-metz, qui a déjà obtenu la priorité. C’est là la seule marche raisonnable, la seule marche prompte; car je soutiens que toutes les propositions ouvertes, qui ne diffèrent que dans les détails, ne sont au f rad que la même proposition et doivent, par conséquent, être rejetées par un seul et même décret. ( Applaudisseinents .) M. de Caialès. Messieurs (murmures et bruit) ..... Messieurs, votre peine est inutile, car je ne veux point parler. M. l’abbé Maury et moi, nous faisons la motion expresse de rejeter la partie du projet de M. de Beaumetz relative à rémission des assignats de 5 livres, en admettant ia partie relative à l’émission d'une monnaie de cuivre. Voilà la manière de répondre à la question préalable proposée par une foule qui, par son nombre, supplée souvent aux raisons. (Bruit.) Un grand nombre de membres : Aux voix I aux voix 1 632 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 16 mai 1791.] M. le Président. M. l'abbé Maury demande la division de la question de l’émission des monnaies de cuivre et de celle de l’émission de petits assignats, et il propose que l’émission de la monnaie de cuivre soit seule décrétée. La question préalable a été demandée sur cette motion, je la mets aux voix. (L’ Assemblée décrète qu’il n’v a pas lieu à délibérer sur la motion de M. l’abbé Maury.) M. le Président. M. de Montesquiou demande qu’avant de statuer sur la fabrication de petits assignats, le comité des finances soit chargé de présenter à l’Assemblée un plan sur les dépôts ?|ui sont nécessaires dai s Te royaume, sur les rais de ces dépôts, sur les moyens d’assurer la fidélité des dépositaires, sur la manutention et sur la comptabilité. La question préalable a été également demandée sur cette motion, je la mets aux voix. (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer, quant à présent, sur la motion de M. de Montesquiou.) M. Blin. Je propose de réduire la somme de 100 millions d’assignats, portée dans le premier article du projet de M. de Beaumetz, à une moindre somme; et en voici la raison : c’est que les meilleurs calculs prouvent que le salaire de tous les hommes qui, en France, sont journaliers, est de 5,800,000 livres par jour. Or, certainement, ce besoin-là, pour la circulation, n’exige point une somme de 100 millions en petits assignats. (Murmures.) Je demande qu’il n’en soit décrété, quant à présent, que pour 25 millions. M. Rabaud-Salnt-Etienne. J’observe qu’ici ce n’est qu’un échange d’assignat contre l’assignat, ce qui ne fait aucun accroissement d’émission. ( Applaudissements ) De ce que la fabrication est longue on prétendrait en induire qu’il ne faudrait pas s’y livrer. Mais il faut remarquer que les premiers essais ont été des tâtonnements; que le premier papier d’abord très mauvais a été perfectionné; que des sociétés particulières qui ont leur intérêt personnel à bien surveiller, car l’intérêt personnel est toujours plus actif que l’intérêt public. A droite : Nous le savons bien. M. Rabaud-Saint-Etienne. Je dis donc que les sociétés particulières sont parvenues à faire promptement de bien meilleur papier ; et l’on connaît le nouveau papier de la Caisse d’escompte. Quant à la rapidité, j’ose annoncer à l’Assemblée que des personnes zélées pour le bien public feront le papier avec plus de rapidité qu*on ne l’a encore fait. M. Briois-Beaumetz. Je penche pour la somme de 100 millions de petits assignats à mettre en émission ; je ne me dissimule pas qu’il faut du temps pour les fabriquer; je ne me dissimule pas que cette émissiun fera resserrer Tarent, et c’est ce qui me détermine à la quantité e 100 millions u’a>signats ; car si l’argent disparait, il faut du papier pour le remplacer : or, si vous faites trop peu de petits billets, il y aura accaparement de billets. Si Ton veut adopter le parti de remplacer les écus, il faut les remplacer complètement. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Blin.) M. d’André. Je demande que les deux premiers articles du projet de décret soient mis ensemble aux voix. M. Briois-Beaumetz. J’y consens et je les réunis en un seul article que voici : < L’Assemblée nationale décrète ; Art. lar. « II sera procédé à la fabrication d’assignats de 5 livres, jusqu’à la concurrence d'une somme de 100 millions, en remplacement de pareille somme d’assignats de 2,000 livres et de 1,000 livres, qui seront supprimés : lesdits assignats ne pourront être mis en émission qu’en vertu d’un nouveau décret, lequel ordonnera, en même temps, l’ouverture d’un bureau dans chaque district, auquel on pourra échanger à volonté les dits assignats contre de la monnaie de cuivre. » (Adopté.) M. Briois-Beaumetz donne lecture de l’article 3 de son projet de décret ainsi conçu : « Pour parvenir a la fabrication d'une quantité suffisante de monnaie de cuivre, l’Assemblée nationale ordonne que la totalité du métal de3 cloches appartenant à la nation, et non nécessaires au culte public, sera vendue par adjudication publique, au plus offrant et dernier enchérisseur, payable en sols fabriqués au titre et poids des sols actuels. »> M. de Eirieu. Permettez-moi de vous observer que ces idées ont été examinées à votre comité; qu’il a trouvé singulièrement de mal à s’y livrer, parce que du moment qu’une monnaie a dans le commerce une valeur plus forte que la valeur intrinsèque, c’est un appui puissant pour les faux monnayeurs ; je crois que c’est le cas d’ajourner et de renvoyer au comité. M. Briois-Beaumetz. J’y consens. (L’Assemblée décrète le renvoi de l’article 3 du projet de décret au comité des finauces.) M. l’abbé Maury. Je dénonce à l’Assemblée qu’une société d’agioteurs veut acquérir les cloches, tandis qu’il existe une autre société de très honnêtes gens qui offre de faire une monnaie avec ce métal sans Tacheter. Je demande que l’Assemblée discute la question de savoir si la matière doit être vendue. M. Briois-Beaumetz donne lecture de l’article 4 de son projet de décret ainsi conçu : « La fabrication de la monnaie de cuivre occupera, sans discontinuation, au moins un balancier dans chacun des hôtels des Monnaies du royaume, jusqu’au parfait payement du montant de l’adjudication. > Un membre propose de renvoyer cet article au comité dis finances. (Ce renvoi est décrété.) M. Briois-Beaumetz donne lecture de l’article 5 de son projet de décret ainsi conçu ; « La fabrication d'une monnaie d’argent en pièces de 30 et de 15 sols, ordonnée par un précèdent décret, sera combinée de manière, pour le titre et le poids, à ce qu’il n’y ait aucun bénéfice à fondre cette monnaie. » Un membre demande l’ajournement de cet ar-