735 [Assemblée natiouale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 13 février 1791.] culpé l’Académie, puisqu’il a dit que son rapport avait été favorable à M. de Trouville, mais qu’il était trop abrégé. Cette découverte a fait tant de bruit à Paris et en pays étranger que je demande à l’Assemblée qu’une salle attenante aux séances soit destinée à faire les essais nécessaires. Je saisis cette occasion pour rappeler à l’Assemblée qu’elle a déclaré qu’il y aurait des fonds pour l’encouragement des arts ; ce serait peut-être l’occasion ou jamais de les distribuer entre les artistes célèbres que la bienfaisance de vos décrets a attirés dans ce pays. M. Dionts du Séjour (1). Quand vous renvoyez à l’Académie dès sciences, c’est pour qu’elle vous dise la vérité ; ne trouvez pas mauvais que quelquefois elle contredise l’idée des auteurs. Ce n’est pas pour M. de Trouville que je parle; les principes de sa machine nous ont paru bons, ingénieux; mais la difficulté est desavoirsi, dans l’exécution, leur effet ne serait pas détruit par les imperfections d’une grande machine. Je crois que vos comités pourraient se compromettre s’ils prenaient sur eux la conduite des expériences ; les principes peuvent n’être pas présents à leur mémoire. Si l’essai ne réussissait pas, on ne manquerait pas de dire ; Voilà ce que c’est que de n’avoir pas consulté ceux qui s’y connaissent. Non, prenez donc des mécaniciens partout où vous en trouverez ; pour nous, nous n’y connaissons goutte. M. Heurtaiilt-Iiamerville, rapporteur. Il ne s’agit pas de juger de l’utilité ou de la possibilité de la découverte, mais seulement de faire le devis des frais de l'expérience nécessaire pour constater cette utilité. M. Bureaux de Pusy. La découverte dont il est question s’annonce sous les dehors les plus imposants. Il faut se défier, je le sais, des projets qui nous sont présentés; mais il faut mettre en cela la prudence nécessaire à l’encouragement des arts. Votre comité embrasse, dans son projet de décret, l’une et l’autre ; et je demande que son projet soit adopté. (L’Assemblée adopte le projet de décret et ordonne l’impression du rapport.) M. Vieillard, au nom du comité des rapports (2). Messieurs, votre comité des rapports me charge de vous rendre compte de la contestation qui existe maintenant dans la ville de Poitiers entre les corps administratifs et V Université de cette ville. Voici ce qui y a donné lieu : Dans la Faculté des arts de l’Université de Poitiers, les professeurs ont manifesté l’intention de cesser leurs fonctions, qu’ils ont en effet cessées. Les corps administratifs, prévenus de ces intentions, ont cherché à prendre toutes les précautions possibles pour empêcher que les classes ne fussent abandonnées. Us ont cru que, dans la circonstance d’une cessation de fonctions si essentielles, il était de leur devoir de suppléer aux places qui devenaient vacantes. M. l’abbé Maury. J’ai une connaissance particulière de l’affaire dont il s’agit ; elle a été (1) Membre do l’Académie des sciences. (2) Nous empruntons cette discussion au Journal lo-gographique, t. XXI, p. 78. parfaitement développée dans une adresse de l’Université de Poitiers à l’Assemblée nationale... Un membre à gauche ; Parbleu! c’est lui qui l’a faite. M. l’abbé Maury. Je prierai M. le rapporteur de vouloir bien la lire, parce que c’est là qu’on trouvera les faits; M. le rapporteur ne l’a pas encore lue. M. le Président. Monsieur Maury, je vous prie de garder le silence jusqu’à la fin du rapport. M. Vieillard, rapporteur . La municipalité, le district et le directoire se sont réunis et ont nommé aux places vacantes. Cette nomination s’est faite le 21 janvier dernier. Le 23, c’est-à-dire deux jours après que les corps administratifs avaient pourvu au remplacement des professeurs, l’Université, par députés, prévint le directoire du département qu’elle avait pourvu au remplacement des professeurs de la Faculté des arts, qui se trouvaient dans le cas de ne pas continuer leurs fonctions, et qu’elle se transporterait le lendemain 24 pour faire l’installation des sujets par elle nommés. Il fut répondu aux députés de l’Université que les corps administratifs s’étaient occupés de ce remplacement et qu'eux-mêmes entendaient faire l’installatiou des sujets qu’ils avaient nommés. Le lendemain 24, les trois corps administratifs réunis se transportèrent au collège de Poitiers, our y installer les sujets qu’ils avaient nommés. à ils trouvèrent l’Université, c’est-à-dire nlu-sieurs membres d’un tribunal établi dans l’Université de Poitiers, qui avaient devancé les corps administratifs au collège, et qui déjà avaient procédé à l’installation du principal, quoiqu’il ne fût que 8 heures du matin. Le principal installé par l’Université soutint, vis-à-vis des corps administratifs, qu’il était bien pourvu. On demanda les clefs des classes, elles furent remises ; et les corps administratifs installèrent les professeurs. Le principal, installé par l’Université, a toujours conservé les clefs de l’appartement de la princi-alité et prétend devoir continuer ses fonctions. 'autre part, les professeurs de l’Université prétendent aussi avoir été nommés légalement. Il est arrivé qu’on a excité dans ce moment-là, dans la ville de Poitiers, une espèce d’insurrection. Les écoliers ont très mal reçu les professeurs qui étaient nommés par les corps administratifs ; et le directoire a été obligé de faire publier une proclamation pour établir l’ordre et la paix. Les choses étant en cet étal, les corps administratifs se sont adressés à l’Assemblee nationale. Les classes ont cessé dans le collège, les professeurs nommés par les corps administratifs ne peuvent exercer leurs fonctions à cause des troubles et dans l’indécision où l’on est de savoir laquelle des deux nominations doit prévaloir ou de celle des corps administratifs ou de celle de l’Université. Celle-ci n’a pour elle que les droits d’un tribunal de l’Université, qu’il n’est probablement pas dans votre intention de laisser subsister. Votre comité a pensé que, d’après l’esprit et les termes de vos décrets, notamment celui du 22 décembre, qui attribue au directoire du département la surveillance sur l’éducation publique, le directoire du département, d’après l’avis du district, et après en avoir conféré avec la municipalité, avait été en droit de nommer. Je ne vous ajouterai pas en général qu’il est attesté, 736 l Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES» 13 février 1791.] par les pièces dont je suis saisi et par la députation entière de Poitiers, que les professeurs qui ont éié nommés réunissent toutes les qualités possibles du côté du talent, du côté de la probité. Voilà, Messieurs, les témoignages que je suis chargé de leur rendre de la part de beaucoup de MM. les députés de Poitiers, qui demandent, pour le bien-être de leur ville, que les classes puissent continuer d'être tenues dans le collège de Poitiers, et c’est d’après cela qu’au nom de votre comité j’ai l’honneur de vous proposer le décret suivant : » L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports sur les pétitions des corps administratifs du département de la Vienne, décrète : « Que les principal et professeurs commis par les trois corps administratifs de Poitiers exerceront provisoirement au collège de ladite ville les fonctions qui leur ont été attribuées ; et ce, nonobstant toute autre nomination ou commission, lesquelles sont déclarées comme non-aveuues. » Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix 1 M. l’abbé Maury. D’après une copie d’adresse ue j’ai reçue ce matin, il résulte que beaucoup e faits n’ont pas été présentés avec exactitude. D’abord l’année dernière, le 19 du mois de février, vous avez rendu un décret par lequel vous avez statué que toute police de collège resterait dans le même état, jusqu’à ce que vous en eussiez autrement ordonné. Voilà la loi fondamentale que je vous supplie de ne pas perdre de vue. A présent, voici la contestation qui s’est élevée dans le collège de Poitiers et qui vous est présentée dans ce moment d’une manière très inexacte. Le 22 du mois de janvier dernier était le U rme latal prescrit par vos décrets pour la prestation du serment des fonctionnaires publics. M. le rapporteur nous a dit que les professeurs de l’Université de Poitiers avaient cessé leurs fonctions ; je vous supplie de retenir ces expressions, car elles sont infiniment importantes. Voici, Messieurs, ce qui s’est passé dans la ville de Poitiers : Il s’est d’abord élevé une grande contestation pour savoir si ces professeurs de l’Université étaient des fonctionnaires publics ; et à cet égard, Messieurs, plusieurs membres du directoire du district pensaient le contraire, croyant que, dans le sens de votre décret il ne s’agissait que du ministère purement ecclésiastique. M. Babey. Qu’en pensez-vous? M. l’abbé Mnury. Je ne soutiens pas cette opinion. vous rends compte des faits. Plusieurs membres du directoire de district et même du directoire du département ont déclaré que le sens de votre décret était uniquement renfermé dans l’exercice du ministère ecclésiastique, et que des ecclésiastiques qui n’étaient pas payés par l’Etat n’étaient pas dans le cas du serment. Cependant, cinq professeurs immédiatement soumis au régime de l’Université se sont persuadés que l’on pouvait leur appliquer la sévérité de votre décret, et, en conséquence, ils n’ont pas cessé leurs fonctions comme on vous l’a dit ; ils ont donné leur démission. (Rires.) A présent, Messieurs, que j’ai eu le bonheur d’obtenir un sourire pour ce mot-là, je vais vous prouver qu’il n’était pas indifférent. Le 21 du mois de janvier, les professeurs se sont adressés au tribunal de l’Université qui les avait institués. Le tribunal de l’Université a accepté leur démission, et leur a dit : Puisque vous ne voulez plus être fonctionnaires publics, vous allez être remplacés. Lorsque des professeurs d’un collège donnent leur démission, est-ce à l'Université ou au directoire à les remplacer? Voilà la véritable question à cet égard. Messieurs, comme l’Université est en possession de nommer ses professeurs, comme vos décrets ne lui ont pas défendu et spécialement votre décret du 19 du mois de février dernier les a provisoirement maintenus dans ce droit, il me semble que les municipalités, les districts et les départements ne pouvaient s'immiscer de renseignement public que dans le cas où l’Université refuserait de nommer des professeurs. Ici, Messieurs, les classes n’ont pas été vacantes un seul instant, il n’y a pas eu interruption d’un seul jour dans les places. Il me paraît bien sévère que cette Université se trouve dépouillée, par un décret subséquent, d’un droit que votre décret du 19 février dernier lui avait assuré. Je vous prie d’observer, Messieurs, que je suis d’autant moins suspect dans cette cause, que, par le plus grand de tous les hasards, je plaide la cause apparente de plusieurs professeurs qui ont prêté le serment : ce n’est pas mon intention. (Rires.) Aussi n’aurais-je pas demandé la parole si j’avais voulu plaider la cause des professeurs, mais j’ai cru entrer dans vos vues, vous donner un exemple de mon respect pour vos décrets, en vous rappelant que c’était la cause de l’Université que je plaidais et de l’Université, Messieurs, qui n’a fait qu’exercer un droit ancien, un droit dont jouissent l’Université de Paris et celles de tout le royaume. La municipalité et le directoire de Poitiers n’ont donc pu être animés, pour cette nomination, que de ce désir de conquête d’autorité auquel il faut mettre des bornes. Quand on vous dit, Messieurs, que depuis la destruction des jésuites la municipalité de Poitiers était dans Dusage d’instituer des professeurs, il y a ici une grande erreur, qui provient de la négligence à faire usage des mots propres. La municipalité de Poitiers était dans l’usage d’installer les professeurs, mais nou pas de les nommer. Jamais la municipalité n’en a nommé aucun. M. Bffibsy. Est-ce encore une vérité, cela? M. l’n&bé Hlanry. Oui, Monsieur. M. le Présideat. Monsieur Babey, asseyez-VOUfl. M. Babey murmure. M. le Préfideat. Je vous ordonne de vous asseoir. M. Babey parle avec vivacité dans le tumulte de l’Assemblée. Cris unanimes ; A l’ordre ! M. le Président. Au nom de l’Assemblée, je vous ordonne de vous asseoir et de vous taire : on doit être aussi sage le soir que le matin, le matin que le soir.