[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [15 août 1791.] 445 Art. 5. « Le roi convoquera le Corps législatif, dans l’intervalle de ses sessions, toutes les fois que l'intérêt de l’Etat lui paraitrait l’exiger, ainsi que dans les cas que le Corps législatif aura prévus et déterminés avant de s’ajourner. » {Adopté.) M. Thouret, rapporteur. Voici l’article 6 : « Toutes les fois que le roi se rendra au lieu des séances du Corps législatif, il sera reçu et reconduit par une députation; il ne pourra être accompagné dans l’intérieur de la salle que par les ministres. » Un membre: Et par le prince royal. (Assentiment.) M. Thouret, rapporteur. J’adopte; voici l’article modifié : Art. 6. « Toutes les fois que le roi se rendra au lieu des séances du Corps législatif, il sera reçu et reconduit par une députation; il ne pourra être accompagné dans l’intérieur de la salle que par les ministres et le prince royal. » (Adopté.) Art. 7. « Dans aucun cas, le président ne pourra faire partie d’une députation. » (Adopté.) Art. 8. « Le Corps législatif cessera d’être corps délibérant tant que le roi sera présent. » (Adopté.) Art. 9. « Les actes de la correspondance du roi avec le Corps législatif seront toujours contresignés par un ministre. » (Adopté.) Un membre propose de régler les formes dans lesquelles les députations du Gorps législatif devront être reçues chez le roi. (Cette question est renvoyée aux comités.) M. Thouret, rapporteur , donne lecture de l’article 10, ainsi conçu : « Les ministres du roi auront entrée dans l’Assemblée nationale législative; ils y auront une place marquée; ils seront entendus sur tous les objets sur lesquels ils demanderont à l’être, et toutes les fois qu’ils seront requis de donner des éclaircissements. » M. Robespierre. Je regarde cet article comme un de ceux qui peuvent dénaturer les premiers principes de la Constitution. Quelques observations simples pourront le prouver; un des principes de la Constitution est la séparation des pouvoirs. Tout ce qui tend à les confondre de quelque manière anéantit l’esprit public et affaiblit les bases de la liberté.Or, d’après cet article, le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif sont confondus. Cet article donne aux ministres, non seulement le droit d’assister aux séances quand ils le voudront, mais le droit de parler sur tous les objets soumis à la délibération du Corps législatif. (Murmures.) Je demande la permission de quitter la tribune et de passer dans une autre partie de la salle, si ceux qui m’entourent ne veulent pas me permettre de continuer mou opinion. Il est dit, dans l’article, que les ministres seront entendus sur tous les objets sur lesquels ils demanderont à l’être; ils ont donc, comme les membres de l’Assemblée nationale, le droit d’opiner sur tous les objets. (Murmures.) Il n’y a ici qu’une seule différence entre le droit qui appartient aux membres de l’Assemblée nationale et les ministres qui y seront introduits; savoir : que chaque membre de l’Assemblée nationale aura le droit de faire compter sa voix, au lieu que les ministres n’auront que le droit de dire leur avis, de discuter, de défendre leur opinion, mais que leur voix ne sera pas comptée. L’intérêt essentiel n’est pas que la voix d’un ministre soit comptée, une seule voix ne fait pas un grand poids dans la balance; mais il importe que les ministres ne puissent influer puissamment sur une délibération en discutant tous les objets soumis à l’Assemblée nationale; et certes, ici la voix consultative est bien plus précieuse que le droit de faire compter son opinion dans le recensement des suffrages; le droit de développer, de défendre une opinion dans l’Assemblée donne la faculté d’attirer plusieurs suffrages à son opinion et influer par conséquent plus puissamment que la simple faculté de donner sa voix sans discuter son opinion, et c’est sous ce point de vue que je dis que l’article est contraire à l’esprit de votre Constitution. Vous avez voulu, par plusieurs décrets, affranchir absolument les délibérations du Corps législatif de l’influence du pouvoir exécutif et des ministres; et certainement vous allez directement contre votre but par le décret qu’on vous propose. Ce ne peut pas être une chose indifférente de donner un tel poids à un ministre, de livrer le Corps législatif à l’influence que peuvent lui donner ses talents et son éloquence. Il enjoint encore les moyens d’influence qui sont attachés à sa qualité de ministre au pouvoir exécutif dont il est revêtu ; et ne vous flattez pas que la voix consultative d’un ministre ne sera pas, en général, une prépondérance bien plus considérable que la voix d’un membre de la législature. Quelques précautions que vous ayez prises, par certains décrets, pour tarir quelques-unes des sources de la corruption, il restera toujours au pouvoir exécutif assez de moyens d’exercer une puissance funeste sur la pureté et ta liberté des délibérations du Corps législatif. Le pouvoir exécutif a à sa disposition tant de places, d’emplois, que l’on peut solliciter, que Ton peut obtenir, non pour soi, mais pour ses amis; le pouvoir exécutif a d’ailleurs, dans ses mains, tant de moyens de séduction d’un autre genre, que je ne veux pas même désigner ici ouvertement., que toujours il sera de la sagesse de l’Assemblée nationale d’opposer toutes sortes de barrières à l’influence du pouvoir exécutif sur les délibérations du Corps législatif. Je conclus, d’après ces motifs, qu’il est impossible que vous admettiez l’article saus être en contradiction avec vous-mêmes, et sans renverser les bases de la liberté de la Constitution. M. Mathieu de Montmorency. Je demande la parole pour appuyer l’avis des comités. M. de Custine. Je demande que Ton entende d’abord tous ceux qui veulent parler contre l’article. (Marques d'approbation.) M. le Président. En ce cas, la parole est à M. Barrère de Vieuzac. M. Barrère de Vieuzac. Je n’attaque dans