376 [Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 juillet 1791.] seraient reçus à la séance de ce soir. Je les ai donc fait aveitir de nouveau pour 7 heures. Il est très probable que trois de ces messieurs n’ont pas été rencontrés et qu’on ait répondu chez eux qu’on ne savait pas l’endroit où ils étaient. Voilà certainement la raison pour laquelle ils ne se sont pas ren lus aux ordres de l’Assemblée, ce qu’ils se seraient empressés de faire s’ils en avaient été Informés. Les accusateurs publics de la ville de Paris sont introduits. M. le Président, s'adressant deux, s’exprime ainsi : « Messieurs, la Constitution a remis dans vos mains la poursuite des délits qui troublent la tranquillité publique. C’est l’attaquer dans ses fondements que d’opposer aux lois une résistance combinée, et de chercher à mouvoir des forces individuelles en opposition à la volonté générale. « Constatez ces délits; rechercbez-en les auteurs. Que l’autorité des lois puni-se ceux qui ont osé les méconnaître, et fasse rentrer dans le devoir ceux qui pouri aient être tentés d'imiter leur exemple. « Je vais vous lire, Messieurs, Je décret rendu ce matin par l'Assemblée; elle vous o -donne de vous y conformer très scrupuleusement (1). » (Il lit ce décret.) Un des accusateurs publics : Nous nous conformerons très respectueusement à ce décret. M. le Président. L’Assemblée ne vous invite pas à assister à sa séance ; elle croit que vos fonctions vous appellent ailleurs. (Les ministres et les accusateurs publics se retirent.) M. Chabroud, un des commissaires chargés de la rédaction de V adresse aux Français. Messieurs, par le décret que vous avez rendu ce matin, vous avez ordonné qu’il serait rédigé une adresse aux Français pour être envoyée dans les départements. Les commissaires que vous avez nommés s’étaient assemblés pour ce travail, ils l'avaient fort avancé lorsqu’une réflexion, qui leur a été proposée, les a arrêtés. Il leur a été dit que le rapport de M. Muguet, les discours de MM. Duport, Salle et Barnave seraient imprimés ce soir. L’adresse dont vous avez chargé vos commissaires ne peut contenir qu’un résumé des faits et des théories développées tout au long dans ces ouvrages ; ainsi, en les envoyant dans tous les départements comme vous l’avez déjà ordonné, vous envoyez une adresse beaucoup plus parfaite, beaucoup plus complète que celle que nous pourrions faire. D’après ces considérations, nous n’avons pas cru devoir aller plus loin et nous avons suspendu un travail que nous avons considéré comme inutile. M. Legrand. Nous n’avons pas demandé de mettre en argument, en réponsp, en sillogismes, les opinions paradoxales combattues dans les discours d’nier, mais nous avons voulu que les principes imperturbables de la justice, que l'inébranlable fermeté de l’Assemblée nationale fus-(1) Voy. ci-dessus, séance du même jour, au malin, page 365. sent connus du peuple. 11 me paraît inconcevable que les commissaires que vous aviez chargés de ce travail et auxquels vous demandiez de rédiger l’adresse avec cette éloquence du sentiment et du cœur, viennent opposer à votre décret une résistance et vous donner une excuse qui n’atteste peut-être que leur impuissance. Je demande que l’Assemblée leur ordonne de continuer cette adresse. M. d’André. J’ai proposé ce matin la rédaction de cette adresse : j’ai donné pour raison la nécessité de faire connaître les motifs de notre décision, et j’avoue de bonne foi que j’avais peu réfléchi à m'a proposition : vous ne pouviez avoir que deux objets : faire connaître la loi, instruire le peuple de se-motifs. La loi est dans le décret : les motifs sont dans le rapport et dans les 3 opinions dont vous avez ordonné l’impression, et qui développent complètement les faits et les principes. L’intention de l’Assemblée sera donc remplie pur l’envoi de ces discours dont l’impression va être terminée. M. Dnrnaudat. Les mauvaises raisons que M. d’André donne ce soir, ne détruisent pas les bonnes raisons qu’il a données ce malin : il faut que l’instruction parte avec le décret ; il faut respecter la décision du matin; il est étrange que les commissaires ne s’y soient pas conformés. M. Lucas. Un membre de l’Assemblée, M. Bar" rère, a rédigé une adresse ; je demande que l’Assemblée en entende la lecture. M. Itegiiaud (de Saint-Jean-d' Angêlÿ) appuie la proposition de M. Lucas. M. Blin. Il est très naturel qu’une mesure qui d’abord semblait avantageuse devienne ensuite inutile ou le paraisse. Ce n’est pas au moment où l’Assemblée nationale a reçu, de la part de toutes les parties de l’Empire, des adresses qui ont applaudi à son courage, à son énergie, qu’il est nécessaire de chercher à assurer l’obéissance à un décret qui maintient la Constitution ; nous ne devons pas douter de l’obéissance du peuple. Ce n’est pas au moment où l’Assemblée a reçu, par tant d’adresses, les té moignages énergiques de la nation qu’elle doit douter de cette confia ice. Je soutiens que les décrets de l’Assemblée nationale doivent seulement être expédiés et affichés promptement partout ; ils seront la meilleure adresse et la meilleure réponse à tous les ennemis de l’Assemblée nationale. M. Pierre Dedelay ( ci-devant Delley d’A-gier). Je conviens avec M. d’André que les 3 opinions dont l’Assemblée a décrété l’impression sont suffisantes pour éclairer sur les motifs qui ont dicté votre décret; mais j’observe que ces discours ne seront lus que parues gens instruits. Messieurs, par quelles raisons avez-vous été déterminés ce matin? Vous avez voulu qu’un exposé rapide des principes affiché partout, lu par tout le monde, empêchât le peuple d’être égaré. Si vous changez d’avis sur cet objet, alors il ne faut point d’adres3e; mais si vous voulez que la classe qui ne lit que ce qui est affiché soit instruite, il faut persister dans le décret. Seulement je demande que cette adresse soit simple, comte, un exposé succinct et clair des motifs qui vous ont déterminés, et qu’on y établisse ce qui l’a été d’une manière évidente dans cette Assemblée, [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 juillet 1791. J 377 comment un parti différent du décret que vous avez rendu serait destructible des bases fondamentales de la Constitution. M. Dcmeunier. Vos commissaires, malgré la réflexion qui les avaient frappés et que M. Glia-bruud vous a communiquée tout à l’heure, ne s’en sont pas moins occupés de l’objet de leur mission; d’un autre côté, plusieurs membres de l’As.-emblée ont aus-i fait personnellement des projets d’adresse. L’opinion est si manifestement énoncée en faveur de l’exéculion du décret que vous avez rendu ce matin et que je trouve très sage et très utile, que je demande qu’on entende M. Sade qui va présenter d’abord la rédaction des 3 articles ado; tés hier par l’Assemblée et qui pourra ensuite donner lecture d’un travail qu’il a préparé, si toutefois vous le jugez à propos. ( Applaudissements .) M. Salle. L’Assemblée nationale m’ayant fait Lhonneur de m’adjoindre pour la rédaction de l’adresse que vous avez décrétée ce matin, je me suis occupé de cet objet; j’ai fait une adresse que j’ai lue à MM. Fréteau et Emmery, les seuls commissaires que j’aie trouvés; ces* messieurs l’ont approuvée. Mais auparavant je vais vous donner lecture, au nom des commissaires, de la rédaction des trois articles que vous avez adoptés hier, relativement aux cas d’abdication du roi : Art. 1er. « Si le roi, après avoir prêté son serment à la Constitution, le rétracte, il sera censé avoir abdiqué. Art. 2. « Si le roi se met à la tête d’une armée pour en diriger les forces contre la nation, ou s’il ordonne à ses généraux d’exécuter un tel projet, ou enfin s’il ne s’oppose pas par un acte formel, à toute action de cette espèce qui s’exécuterait en son nom, il sera censé avoir abdiqué. Art. 3. « Un roi qui aura abdiqué, ou qui sera censé l’avoir fait, redeviendra simple citoyen, et il sera accusable suivant les fermes ordinaires, pour tous les délits postérieurs à son abdication. » Un membre : Je crois que le moment est venu de donner aux choses leur vrai nom. Je demande qu’au lieu de mettre que le roi sera censé avoir abdiqué , on dira tout naturellement que le roi sera déchu du trône. ( Applaudissements dans les tribunes.) M. Salle. Si vous mettiez le mot déchu , ce mot-là semblerait appeler un jugement. D’ailleurs, vous avez porté une loi semblable lorsqu’il a été question des fonctionnaires publics ecclésiastiques et vous avez dit que s’ils ne prêtaient pas leur serment, ils seraient censés démissionnaires. Je crois, Messieurs, que c’est exactement la même chose. Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix 1 (L’Assemblée décrète la rédaction des trois articles proposés par M. Salle.) M. Démeimier, au nom du comité de Constitution. Messieurs, dans la séance d’avant-hier, j’avais expliqué que l’intention des comités, loin d’être de vous proposer de lever le décret qui suspend les fonctions royales ou les fonctions du pouvoir exécutif entre les mains du roi, était, au conlraire, que l’effet de ce décret subsistât jusqu’à ce que l’acte constitutionnel fût achevé. Quelques membres se sont élevés alors contre la proposition qui était faite à cet égard, et l’A-se ublée ne la décréta pas à ce mo neut dans la crainte de préjuger par ce vote la question principale en délibération. Oi m’a engagé à rappeler celle disposition à l’Assemblée, et je viens vous demander d’en faire à l’instant la matière d’un décret. {Applaudissements.) Il e t uti’e de ne pas laisser l’opinion publique s’égar.-r sur ce point, en un moment où l’on se sert de l’incertitude qui reste encore à cet égard pour la tromper. Voici la rédaction que je propose : « L’effet du décret du 25 du mois dernier, qui suspend l’exercice des fonctions royales et des fonctions du pouvoir exécutif entre les mains du roi, subsistera jusqu’au moment où, la Constitution étant achevée, l’acte constitutionnel entier aura été présenté au roi. » M. Ganllier-Biauzaf . Je ne vois pas bien qu’il y a une distinction entre les fonctions royales et celles du pouvoir exécutif; j’en vois une entre le s prérogatives royales et le pouvoir exécutif; mais les fonctions sont les mêmes. Je demande que les mots prérogatives royales soient mis à la place de fonctions royales. M. Hémeusaier, rapporteur. Je vous demande pardon. Les fonctions royales sont de donner la sanction et l’accept .dion, et de nommer les ministres; et les fonctions du pouvoir exécutif sont d’être à la tête de l’administration dans toutes ses parties. C’est le mot propre et je demande qu’il soit maintenu. M. d’Anbergeoii-Hurlnais. Il nYst pas dans les principes de l’Assemblée de délibérer le soir sur une matière aussi importante. (Murmures à gauche.) Je demande la question préalable sur ce décret qui est contraire aux principes de la monarchie. M. le Président. La question préalable est-elle appuyée ? A droite : Oui ! oui ! (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il y a lieu à délibérer sur le projet de décret de M. Démeunier, qui est ensuite mis aux voix et adopté.) M. Salle. Voici mon projet d’adresse : « L’Assemblée nationale aux citoyens. « Citoyens ! « Le moment estarrivé où voire palrioiisme va se trouver exposé aux plus rudes épreuves. Le chef de l’Empire avait quitté son poste; après avoir déclaré qu’il ne faisait qu’un avec la nation, il s’en est séparé ; il a méconnu cette Constitution qui fait désormais le bonheur des Français. « Ce grand événement n’a servi qu’à déployer voire énergie et à resserrer les liens de fraternité qui font pâlir d’effroi tous les ennemis qui nous environnent. Citoyens! vous avez cru que cet étonnant courage, que ce concert unanime de toutes les volontés, que cet ardent amour de la