356 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 11 La section de Mucius-Scévola [Paris] témoigne à la Convention nationale ses inquiétudes sur les menées liberticides qui se trament au club, dit Electoral ; elle l’invite à redoubler de force et de courage, et proteste de son entier dévouement à la représentation nationale. Mention honorable, insertion au bulletin et renvoie au comité de Sûreté générale (33). L’orateur : Représentant du peuple, Le même feu qui embrasoit le cœur de Mucius-Scaevola embrase le cœur de tous les citoyens réunis sous les auspices de ce héros. Ceux qui ont aidé de tous les moyens à pulvériser la bastille, le trône, le fédéralisme et la dictarure, ne veulent point encenser de nouveaux tyrans. Nous venons dans cette enceinte pour épancher nos cœurs sur les circonstances, et vous donner un nouveau gage de notre amour et de notre fidélité. De tous les peuples qui ont foudroyé le despotisme, aucun n’a montré plus d’ardeur dans cette lutte sublime que le peuple français : vainqueur de tous les genres de trahisons et d’intrigues, sa politique surpasse déjà celle du gouvernement romain; jaloux de jouir de ses droits, plus jaloux encore de les conserver, il n’a point imprudemment abandonné ses destinées entre les mains d’un seul : il les a solennellement confiés à la Convention nationale toute entière; il a fait le sacrifice généreux et momentané de ses droits; il s’est constitué en permanence passive pendant l’orage : il a laissé à la Convention nationale toute l’activité révolutionnaire. On cherche à briser cet accord unanime et libérateur de tout un peuple; mais en dépit de tous nos ennemis et de l’influence de l’étranger le pilote du peuple françois sera toujours la représentation nationale; et si la tempête brisoit le vaisseau la représentation nationale seroit encore la planche qui le sauverait du naufrage. Fiers de ce grand et sage dévouement, nous y fondons notre espoir le plus cher : nous ne voulons point quelques heures de liberté, mais nous en voulons une immensité de siècles; nous laissons au génie d’une prudence concentrée l’au[?] ensanglantée de nos droits, pour enivrer bientôt de leurs charmes nous et la postérité; c’est cet abandon éphémère qui nous en assure une paisible et prompte jouissance. Nous nous sommes jetés dans le sein de ceux qui ont juré de nous sauver; leur serment est le garant du succès. Oui, mandataires du peuple; vous êtes pour ainsi dire les augustes otages que le peuple a choisis pour la garantie de sa liberté. Malheur à ceux qui violeraient un pacte si sacré... ! Malheur à ceux pour qui le sort de vingt cinq millions d’hommes ne seroit pas un spectacle assez imposant, assez majestueux pour inspirer le vouloir et la réalité de notre bonheur. Placés au centre des écueils, ne goûtez donc point les poisons d’une dangereuse sécurité. L’aristocratie vous menace; elle souffle au nom du peuple et de ses droits, la division entre les patriotes, et son spectre hideux se tient lâchement derrière la toile. Il est temps de la déchirer et d’arracher les masques. Votre silence consterne la patrie. Tandis que le modérantisme assassine le vertueux enthousiasme, asservit les élans de la vérité, précipite la lumière dans les ténèbres, devient l’instrument doucereux de nouveaux désastres, fait un jeu de l’expérience, un vil trafic de la raison, tend des pièges dont le miel couvre le plus subtil venin, devient barbare avec douceur, injuste en prêchant la justice, impudent avec décence, dissimulé, fourbe, inhumain avec l’air de la franchise, de la véracité, de l’humanité, espoir des tyrans, il est le véhicule de la plus maligne malveillance. Représentans, si l’éclair n’est qu’un signal impuissant, il faut que la foudre gronde : l’ambitieux a toujours un pied sur la cime de la roche tarpéïenne; il attend en équilibre que la discorde lui fasse un piédestal de cadavres; un souffle et ce frêle phantôme disparaît. La vertu ne doit plus se replier devant le crime dont l’ombre seule est meurtrière; il ne faut point attendre que le modérantisme pare de nouvelles victimes, et que le royalisme les immole; c’est le modérantisme qui doit être immolé. Nous espérons que vous saurez distinguer les continuateurs de Robespierre; ce sont ceux qui comme lui voudraient fouler aux pieds le gouvernement révolutionnaire; ce sont ceux qui voudraient anéantir l’énergie républicaine et le brûlant amour de la chose publique; ce sont ceux qui voudraient dérober leurs têtes à la justice nationale, etc. etc. Il est temps, citoyens représentans, que vous vous prononciez sur l’attentat qui s’ourdit sous des formes populaires. Tous les matériaux s’amoncèlent : la faction a déjà plusieurs volumes... Hier on vint à votre barre vous donner lecture du troisième. Pour prévenir la confection de cet ouvrage destructeur de l’égalité, nous venons vous témoigner nos justes inquiétudes sur le club, dit électoral; nous venons, au nom de nos concitoyens, appeler une plus vive surveillance sur les menées liberticides qui s’y trament. Nous lisons dans la fermeté de votre caractère la réponse à nos sollicitudes. Redoublez de force et de courage, législateurs, la liberté triomphera de toutes les tyrannies, parce que l’âme du peuple est immortelle comme la nature. Quelques drapeaux qu’arbore la bande conspiratrice, elle ne doit point échapper au torrent qui engloutit les ennemis du peuple. Nous jurons aux patriotes purs et sincères une union indissoluble, et nous vouons au mépris, à la mort l’alliage faux, corrupteur et parasite, Vive la Convention ! vive la République française une et indivisible et démocratique ! (33) P. V., XLV, 147.