292 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE mission, le comité de Sûreté générale fasse imprimer et distribuer les nominations qu’il devra faire. BERNARD (de Saintes): Je pense que c’est une grande question que celle de savoir s’il est utile ou non d’envoyer encore des représentants du peuple en mission dans l’intérieur de la République. Il est nécessaire, je crois, de rappeler à la Convention que presque partout les opinions particulières des membres envoyés ont influencé leurs opérations de telle manière que chaque département pendant ce temps semblait avoir une législation particulière, et que par ce moyen l’exécution des lois et la marche des autorités constituées ont souvent été entravées. J’invite la Convention à faire cesser ces tiraillements dangereux pour la chose publique. Je demande donc la question préalable sur les nouvelles nominations proposées par le comité de Sûreté générale, jusqu’à ce qu’il ait fait un rapport qui prouve la nécessité de créer de nouvelles missions. CLAUZEL : Je vais le prouver. Chacun sait le mal que les partisans de Robespierre ont fait dans les départements, et j’ai lieu de m’étonner que ceux qui s’opposent aujourd’hui à l’envoi des commissaires n’aient pas fait cette observation, qui leur paraît si juste, avant d’aller en mission. ( Applaudissements .) Je puis protester que le comité de Sûreté générale est avare de cette mesure, et qu’il ne la prend que quand les circonstances l’exigent. Nous savons tous jusqu’où ont été les efforts des terroristes et des hommes de sang pour arrêter les heureux effets de la Révolution du 9 thermidor dans certaines parties de la République; à Dijon, à Toulouse, etc., on s’est permis d’arrêter la circulation des écrits utiles, du Bulletin même. Citoyens, c’est pour mettre un baume salutaire sur les blessures encore saignantes des patriotes, et pour comprimer les méchants et assurer enfin l’exécution des lois, que le comité a cru devoir vous proposer des nominations. Je demande donc l’adoption du projet de décret, à l’exception de Thuriot, dont je consens l’ajournement, en observant toutefois à Bourdon que Reubell et Reverchon était présents au comité lorsqu’ils furent proposés. CAMBOULAS: Après ce que vient de dire Clauzel, il est facile de résoudre cette question, qui a été mise en avant par Bernard (de Saintes). Dans des temps orageux la Convention envoie des commissaires dans les départements; mais elle doit auparavant consulter les députations des départements sur le choix des commissaires. Jusqu’ici le comité de Sûreté générale a suivi cette marche. Depuis longtemps, l’agriculture, l’industrie étaient paralysées; tout homme qui avait des talents utiles à la société par ce fait devenait suspect et était incarcéré : ne convient-il pas aujourd’hui que la Convention ne s’identifie pas avec des mesures pareilles, qu’elle cherche à réparer tant de maux par des lois sages et positives, en tendant une main secourable à ceux qui ont été opprimés? Il est temps que la Convention réprime les malveillants, qu’elle suive l’impulsion donnée par la police, par sa correspondance. Lorsque le comité de Sûreté générale proposera quelques commissaires, citoyens, c’est à vous d’examiner s’ils ont les talents et la prudence qu’exige une mission importante. Voila vos devoirs. Je demande que la discussion se termine là, et que le projet de décret soir adopté. *** : Tout en appuyant les observations de Camboulas, je désirerais qu’aucun membre du gouvernement ne pût être envoyé en mission qu’un mois après sa sortie.... (79) Plusieurs voix : Après trois mois. *** : Car il est possible qu’un intrigant, pendant son séjour aux comités, prépare une mesure contre-révolutionnaire, qu’il irait ensuite exécuter lui-même après son remplacement. GRANET: Je demanderais pour article additionnel que le comité de Sûreté générale fût tenu de consulter les membres des députations avant d’envoyer des commissaires. CLAUZEL : Si cette proposition est appuyée, je demande à répondre. Non ! Non ! s’écrie-t-on. BOURDON (de l’Oise) : Je ne conçois pas comment de motion en motion on parvient à faire faire ainsi des lois exclusives. La Convention doit avoir toute la latitude convenable pour faire le bien. Il lui suffit d’avoir le droit qu’elle a conquis le 9 thermidor de pouvoir infirmer ou confirmer les nominations qui lui sont proposées. Ce sont là des restes monarchiques. {Murmures.) Je dis qu’il n’est rien de si mauvais. Je m’explique. La Convention n’est-elle pas la maîtresse de dire : tel ou tel individu me convient ou ne me convient pas? A quoi sert donc de proposer un terme à la sortie des comités ? Je demande l’ordre du jour sur cette proposition, motivé sur le droit que la Convention a de statuer sur les nominations. GUYOMAR : Je ne sais pourquoi on reproduit ici des idées monarchiques. Je trouve, moi, la proposition faite très-démocratique. Nous ne voulons pas que tel qui a le pouvoir intrigue pour le conserver. Je demande, moi, que les membres des comités puissent ici se retremper dans l’égalité au milieu de nous avant de retourner à d’autres emplois, s’ils en sont dignes. {Applaudissements.) Citoyens, vous avez voulu qu’entre le remplacement et la réélection à un comité à un comité de gouvernement, il y eût un mois d’intervalle ; je demande la même proportion entre l’exercice du pouvoir et la mission. {Applaudissements). Cette dernière proposition est adoptée, et l’Assemblée décrète que le représentant du peuple (79) Guyomar d’après Ann. Patr., n° 697, C. Eg., n° 832 et F.de la Républ., n° 69. SÉANCE DU 8 FRIMAIRE AN III (28 NOVEMBRE 1794) - Nos 39-40 293 Tellier se rendra dans les départements de Rhône-et-Loire, Saône-et-Loire, de l’Ain et de l’Isère (80). Le susdit rapporteur [CLAUZEL] dudit comité de Sûreté générale avoit proposé la nomination du représentant du peuple Thuriot, pour aller avec le représentant du peuple Tellier dans lesdits départements de Rhône-et-Loire, Saône-et-Loire, de l’Ain et de l’Isère. Une discussion s’est élevée à ce sujet; plusieurs membres ont soutenu que Thuriot étant encore membre du comité de Salut public, ne devoit ni ne pouvoit être envoyé en mission. Sur ces débats, le décret qui suit a été rendu : «La Convention nationale décrète qu’à l’avenir aucun membre des comités de Salut public et de Sûreté générale ne pourra être envoyé en mission qu’un mois après qu’il sera sorti du comité dont il étoit membre. » (81). 39 Le rapporteur [RICHARD au nom] du comité de Salut public obtient la parole ; il donne lecture d’une lettre du représentant du peuple près l’armée des Pyrénées-Orientales, qui annonce que les Espagnols sont en pleine déroute, qu’on ne leur donne guère le temps de se rallier ; que des redoutes, des batteries sans nombre garnies d’une artillerie formidable, ont été emportées à la baïonnette ; que l’ennemi a abandonné tous ses camps, son artillerie et ses équipages, et qu’il y a au moins des tentes pour cinquante mille hommes. La Convention nationale, sur le rapport de son comité de Salut public, décrète que l’armée des Pyrénées-Orientales ne cesse de bien mériter de la patrie. Les nouvelles officielles lues aujourd’hui à la Convention nationale seront insérées au bulletin et envoyées à toutes les armées de la République (82). RICHARD : Nous vous avons annoncé, il y a deux jours, que l’armée des Pyrénées-Orientales avait attaqué les Espagnols dans un poste avantageux ; ils ont opposé au courage des républicains une nombreuse artillerie ; mais ils ont fui devant nos baïonnettes, et toute l’artillerie est restée entre nos mains. ( Vifs applaudissements.) (80) Moniteur, XXII, 619-620. Rép., n° 69 et n° 70 ; Débats, n° 796, 973-975; Ann. Pair., n° 697; C. Eg., n° 831; F. de la Républ., n° 69; J. Fr., n° 794; Gazette Fr., n° 1061; M.U., n° 1356; J. Univ., n° 1829; Mess. Soir, n° 832; Ann. R.F., n° 68. (81) P.-V., L, 165. C 327 (1), pl. 1432, p. 33 indique que la formule «les membres des comités de gouvernement» a été rayée et remplacée par « de Salut public et de Sûreté générale ». (82) P.-V., L, 165-166. C 327 (1), pl. 1432, p. 34. Richard rapporteur selon C*II, 21. [Les représentants du peuple près l’armée des Pyrénées-Orientales à la Convention nationale, La Jonquière, le 30 brumaire an III\ (83) Citoyens collègues, bataille et victoire complète. Dans la journée du 27, la division de droite, commandée par le général Augereau, s’était emparée de tous les camps de gauche de l’armée espagnole, ainsi que je vous l’ai écrit le 28 ; aujourd’hui nous tenons le reste ; les Espagnols sont en pleine déroute, et nous ne leur donnerons guère le temps de se rallier. Des redoutes, des batteries sans nombre, garnies d’une artillerie formidable, ont été emportées à la baïonnette, et la plupart sans tirer un coup de fusil; l’ennemi a résisté d’abord avec opiniâtreté ; mais enfin, après quatre heures de combat, il s’est vu forcé de céder à la valeur des républicains; il nous a abandonné tous ses camps, son artillerie et ses équipages. Il y a au moins des tentes pour cinquante mille hommes ; nous ignorons le nombre des bouches à feu et autre effets qu’il nous laisse ; le combat vient de finir, et nous n’avons pas encore eu le temps de compter, mais nous avons tout. Les républicains ont fait un carnage terrible. Demain, nous vous ferons connaître les détails, et en même temps nous frapperons de nouveaux coups sur ceux de nos ennemis qui n’auraient pas eu la prudence de fuir assez loin de nous. Soldats, officiers, généraux, tous se sont battus avec une intrépidité incroyable. En vous faisant parvenir les détails, nous tâcherons de vous faire connaître les principaux traits par lesquels on se sera distingué, et ceux qui en sont les auteurs. Salut et fraternité. Signé, Vidal, Delbrel. La Convention nationale, sur le rapport de son comité de Salut public, décrète que l’armée des Pyrénées-Orientales ne cesse de bien mériter de la patrie. Les nouvelles officielle lues aujourd’hui à la Convention nationale, seront insérées au bulletin, et envoyées à toutes les armées de la République (84). 40 Un secrétaire donne lecture d’une lettre de l’accusateur public, qui annonce que le tribunal criminel du département de Paris vient déjuger le procès du ci-devant comité (83) Moniteur, XXII, 620. Bull., 8 frim. ; Débats, n° 796, 975- 976 ; Ann. Patr., n° 697 ; F. de la Républ., n° 69 ; J. Fr., n° 794 ; Gazette Fr., n° 1061 ; M.U., n° 1356, 1357 ; Mess. Soir, n° 832 ; Ann. R.F., n° 68. (84) Bull., 8 frim. Rép., n° 69 ; Moniteur, XXII, 620 ; Débats, n° 796, 975 ; Ann. Patr., n° 697 ; C. Eg., n° 832 ; F. de la Républ., n° 69 ; J. Fr., n° 794 ; Mess. Soir, n° 832 ; Ann. R.F., n° 68 ; J. Perlet, n° 795.