[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 juillet 1790.] prix : que, conséquemmment, ce prix est et doit être vil. — Enfin, partout ce cri général s’élève contre ses coutumes ; partout un vœu unanime se manifeste pour obtenir la réformation. Sans doute, ce cri sera entendu, ce vœu sera exaucé ; et les territoires des coutumes dont nous parlons en ce moment, ne sauraient manquer d’être affranchis du joug de ces usages absurdes qui ont si longtemps pesé sur les habitants. Mais la destruction de ces usages, quoi qu’utile à ceux qui ont souffert, ou qui sont menacés de souffrir de leur injustice, ne le serait point pour l’Etat même, si on la différait jusqu’au temps où la Constitution achevée, l’ordre établi dans les finances, permettront aux représentants de la nation de ne s’occuper plus que du droit civil. Un mal énorme alors et même irréparable aurait pu se faire Les biens que possédait ci-de-vant le clergé sous ces coutumes, ou n’auraient pu se vendre, ou auraient été vendus à vil prix; et ou la nation se serait vu privée des ressources qu’elle attend des ces biens, ou elle n’y aurait puisé qu’un secours ruineux, et qu’une mévente inévitable lui eût rendu funeste à elle-même. — Sans attendre jusque-là, sans consacrer ce que le moment ne permet pas encore qu’on détruise , la correction facile de quelques dispositions injustes peut prévenir ce double danger ; et c’est dans cet esprit que votre comité de l’aliénation a l’honneur de vous présenter le projet de décret suivant : Projet de décret. L’Assemblée nationale a décrété et décrète ce qui suit : Art. 1er. Les réserves coutumières (1) qui interdisent aux propriétaires majeurs et maîtres de leurs droits, la disposition de leurs acquêts, soit indéfiniment, soit dans certains cas, soit par acte entre vifs, soit par testament, sont abolies, sauf la légitime qui aura lieu, dans les cas de droit, sur toute espèce de biens, même dans les coutumes où elle n’a pas été admise jusqu’à présent. Art. 2. Dans tous les lieux régis par les coutumes de Hainaut, de Mons, de Valenciennes, de Saint-Amand, de Cambrai, de Cassel, des ville et cité d’Arras, de Bapaume, de Lallœu, de Metz, de l’évêché de Metz et de Gorze, tous les biens immeubles, soit propres, soit acquêts, d’un même père ou d’une même mère, se partageront à l’avenir entre ses enfants de divers lits, comme s’ils étaient tous nés d'un seul et même mariage; et les dispositions desdites coutumes qui, après la mort d’un des conjoints laissant des enfants, rendent les biens du survivant inaliénables et indisponibles, sont et demeurent sans effet ; sans néanmoins déroger à l’édit des secondes noces, quant à ceux desdits lieux dans lesquels il est en vigueur ; comme aussi sans rien innover quant à ceux des enfants de pères ou de mères actuellement veufs ou remariés, qui, lors de la publication du présent décret, seront eux-mêmes mariés ou. veufs avec enfants, lesquels conserveront sur les biens de leurs pères ou mères, la même expectative et les mêmes droits qui leur étaient accordés par les coutumes ci-dessus, en renonçant par eux, dans le cas où ils auraient des (1) Nous prions que l’on veuille bien faire attention qu’il ne s’agit ici que des réserves coutumières et nullement de l’édit des secondes noces. 189 demi-frères ou des demi-sœurs, à l’ordre de succéder établi par le présent décret. Art. 3. Les dispositions de coutumes qui excluent les petits enfants de l’avantage de représenter leur père ou mère, décédé, dans la succession de leur aïeul, sont abrogées; en conséquence, la représentation aura lieu à l’infini en ligne directe dans toutes les coutumes; savoir, dans celles qui la rejettent indéfiniment, à compter du jour de la publication du présent décret, et dans celles qui la. rejettent seulement pour les personnes et les biens nobles, à compter du jour de la publication du décret du 15 mars dernier. (On demande l’ajournement et l’impression du rapport et des articles.) M. Dufraisse. Le comité d’aliénation n’avait aucuns pouvoirs pour faire des articles de législation; il cherche à mettre le trouble dans toutes les familL'S du royaume. (L’impression et l’ajournement sont mis aux voix et ordonnés.) La séance est levée à trois heures, pour procéder dans les bureaux à l’élection du Président. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. C.-F. DE BONNAY. Séance du lundi 19 juillet 1790, au matin (1). La séance est ouverte à 9 heures du matin. M. Carat Vainé, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du samedi au soir, dans lequel il est fait mention d’une adresse far laquelle des ecclésiastiques réclament contre le célibat des prêtres. M. l’abbé Rourdon. Je demande que les prêtres qui ont signé cette pétition soient nommés dans le procès-verbal. Si leur vœu est honorable, il est juste que tout l’honneur en rejaillisse sur eux ; sinon, le même esprit de justice veut qu’ils en recueillent tout le blâme. (On réclame vivement l’ordre du jour contre la motion.) (L’ordre du jour est prononcé et le procès-verbal adopté.) M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angely), autre secrétaire , lit le procès-verbal de la séance d’hier. Aucune réclamation ne se produit. M. Vernier, au nom du comité des finances. expose que des édits et déclarations des mois d’avril 1768 et décembre 1770, ayant supprimé les offices de jurés-vendeurs de poisson, et ordonné que les droits attribués à ces offices seraient perçus au compte du roi, plusieurs villes se prévalent des décrets qui abolissent ce régime féodal, pour refuser le payement de ces droits ; et pour remédier à cet abus, il propose au nom du comité, un projet de décret qui est adopté dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, sur le rapport de son (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. J 9Q [Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [19 juillet 1790.J comité des finances, informée que dans plusieurs •villes où il avait été ci-devant créé des offices de jurés-vendeurs de poisson, avec attribution d’un sol pour livre sur les ventes, à charge d’en faire bon le prix aux vendeurs, et même de leur avance; que ces offices ont été ensuite supprimés par édit et déclaration des mois d’août 1768 et décembre 1770, en exécution desquels les droits ci-devant attribués à ces offices sont perçus au compte du roi : informée de plus que différentes villes tentent d’abuser des décrets rendus sur la suppression des droits féodaux, pour en induire que les droits dont il s’agit sont également supprimés, a décrété et décrète : « Que toutes les contributions publiques continueront d’être levées et perçues de la même manière qu’elles l’ont été précédemment, à moins que leur extinction et suppression n’ait été expressément prononcée ; notamment que les droits perçus sur les ventes de poisson dans les villes de Rouen, Meaux, Beauvais, Mantes, Senlis, Beaumont, Pontoise, Gaudebec, Bernay, Bordeaux et autres, auront lieu comme du passé, jusqu’à ce qu’il y ait été autrement pourvu. » M. "Vernier, rapporteur du comité des finances , propose un second projet de décret relatif aux droits qui ont été affermés par les ci-devant Etats d'Artois , et ayant pour objet d’assurer la continuation et la perception de ces droits, jusqu’à ce qu’il ait été statué sur le mode d’imposition à établir dans les différents départements du royaume. L’Assemblée adopte le projet de décret, sauf rédaction, et ordonne que la rédaction définitive sera rapportée et insérée dans le procès-verbal de la séance de demain . M. le Président annonce que le second tour de scrutin pour l'élection d'un Président n’a pas donné de résultat et qu’en conséquence, il y aura lieu de procéder à un troisième tour. M. Merlin, rapporteur du comité d'aliénation des domaines nationaux, remet sous les yeux de l’Assemblée les articles du décret du 17 de ce mois, sur le retrait lignager et le droit d’écart. Le comi té, dit-il, d’après les observations de plusieurs personnesa cru nécessaire d’y joindre l’abolition d’un droit de mi-denier. Il vous propose également un article additionnel tendant à laisser aux retrayants la faculté de se faire payer l’intêret des sommes qu’ils auraient consignées pendant les instances, si mieux n’aiment les acquéreurs leur laisser suivre l’effet du retrait. M. Gaultier de jBianzat combat la nouvelle disposition proposée par le rapporteur et demande la question préalable. M. Goupil de Préfeln demande qu’on fasse disparaître du décret tout ce qui lui donne un effet rétroactif. M. Martineau observe qu’il a été décrété que toute demande en retrait lignager, qui n’a pas été jugée en dernier ressort, demeure nulle et non avenue. 11 ajoute qu’en ôtant aux juges le droit de statuer sur les demandes en retrait, on leur a concédé le droit de statuer sur les dépens. L’orateur considère les sommes consignées comme un dédommagement pour celui dont le droit était juste et il dit qu’il doit faire partie de la peine infligée au plaideur de mauvaise foi. M. Merlin, rapporteur , adopte l’opinion qui vient d’être émise. M. lianjuinais demande que le comité féodal soit tenu de présenter immédiatement un projet de décret sur l’abolition des substitutions. M. de Foucauld. On veut faire immiscer l’Assemblée dans ce qui ne la regarde pas. N’est-ce donc pas assez que nous ayons à achever le grand œuvre de la Constitution ? Veut-oü que nous ne laissions rien à faire à nos successeurs? Décrétez l’organisation judiciaire, celle de l’armée, etc., et puis vous décréterez tout ce que vous voudrez. M. Démeunier. La motion de M. Lanjuinais étant prématurée, je demande l’ordre du jour. (L’Assemblée prononce l’ordre du jour.) M. le Président met ensuite aux voix le projet de décret du comité d’aliénation, modifié par le rapporteur. Le décret est rendu ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale a décrété et décrète ce qui suit : « Art. 1er. Le retrait lignager et le retrait de mi-denier sont abolis. « Art. 2. Toute demande en retrait lignager ou de mi-denier, qui n’aura pas été consentie ou adjugée en dernier ressort avant la publication du présent décret, sera et demeurera comme-non avenue ; et il ne pourra être fait droit que sur les dépens des procédures antérieures à cette époque, ensemble sur les intérêts de sommes qui auraient été consignées par les retrayants. « Art. 3. L’Assemblée nationale supprime le droit connu dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais sous les noms d 'Ecart, Escas ou Bou-tehors, et éteint toutes les procédures, poursuites ou recherches qui auraient ce droit pour objet. « Art. 4. Supprime également, avec pareille extinction de toutes procédures, poursuites et recherches, les droits de Treizain perçus par la commune de Nîmes sur les particuliers domiciliés ou non domiciliés qui aliènent leur dernière maison ou héritage ; ensemble les droits d’abzug, détraction, émigration, florin de succession, ou autres semblables qui ont eu lieu jusqu’à présent au profit de ci-devant seigneurs ou de communautés d’habitants ; comme aussi tous les droits que certaines villes ou communes sont en possession de lever sur les biens qui passent des mains d’un bourgeois ou domicilié, dans celles d’un forain, soit par succession, soit par toute autre voie.» M. Rahaud de Saint-Etienne. Tous avez chargé votre comité de Constitution de vous présenter un projet de décret sur l'uniforme que doivent porter toutes les gardes nationales du royaume; voici le résultat de notre travail : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de Constitution sur l’uniforme à donner aux gardes nationales du royaume, a décrété et décrète : « 1° Qu’il n’y aura qu’un seul et même uniforme pour toutes les gardes nationales, et qu’en conséquence tous les citoyens français, admis dans les gardes nationales, ne pourront porter d’autre uniforme que celui qui va être prescrit ; habit bleu de roi, doublure blanche, parements et revers écarlate, le passe-poil blanc, collet blanc et passe-poil écarlate, épaulettes jaunes ou en or, la manche ouverte, la poche en dehors à trois