644 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 septembre 1794.Ï mant m grand nombre, ils supprimeront en même temps un grand nombre de tribunaux; ainsi, par cette seule réduction, vous obtiendrez dans tous les départements une grande réduction, sur ees objets-là. Il y a ensuite les frais d'administration. 11 est connu de tout le monde, que les frais d’administration ont été énormes. L’article seul des impressions a formé dans les départements une dépense de plus de 100,000 livres. Eh bien! Messieurs, immédiatement après moi, M. de Gernon va vous proposer un projet de décret sur les frais d’impression, à la charge des départements, qui diminuera beaucoup ces dédépenses. Nous avons donc tout lieu de croire que les dépenses à la charge des départements n’excéderont pas les 4 sous additionnels auxquels vous aviez fixé leur « maximum », nous avons tout lieu d’assurer ici l’Assemblée, d’après les renseignements que nous avons eus de tous les départements qui ont fait leur répartement, que, pour l’année 1792, les dépenses à la charge des départements n’atteindront pas les 4 soüs additionnels du principal de la contribution. Gette réduction successive doit être un des objets les plus importants, auxquels nos successeurs auront à travailler. Nous ne pouvons pas tout faire ; ils seront plus à portée que nous-mêmes de statuer sur cette artie : ce seront, en grande partie en effet, des ommes qui auront administré par eux-mêmes et qui se trouveront plus à portée d’apprécier, grâce à l’expérience de leur pratique, les inconvénients de votre loi. Ainsi le comité n’a pas cru devoir présenter à l'Assemblée un état de ces dépenses. M. Malouet craint que les contributions de 1792 ne rapportent pas ce que vous en augurez à cause de la cumulation de 3 années dans la perception. Je pense bien que, d’ici au l8*janvier 1793, on n’aura pas perçu tout l’impôt arriéré de 1790; l’Assemblée nationale y pourvoira par les moyens qu’elle croira les meilleurs. M. Malouet. Je demande la question préalable sur le projet de décret, car vous ne ferez rien sur l’impôt que vos successeurs ne soient obligés de recommencer. M. Rœdere*. Ce que nous demandons à l’As-semblêe, c’est de proroger pour 1792 les contributions qu’elle a votées pour 1791, afin que la perception ne souffre pas d’interruption, et que ieS rôles puissent être faits à temps. Nous sommes certains que la somme de Ces contributions ne sera pas trop forte ; si elle est trop faible, la législature qui aura constaté ses besoins, imposera des sous additionnels. Je demande donc que l’on allie aux voix* M. de Folleville. J’ai voulu la parole pour demander la question préalable sur le projet de décret* Je dis que l’Assemblée nationale ne doit pas rendre un décret qui ne soit point utile; elle ne doit pas rendre un décret qui porte l’alarme chez tous les propriétaires. Plusieurs membres ; Aux voix, le projet de décret! (L’Assemblée, consultée, adopte sans changement le projet de décret présenté par M. de La Rochefoucauld.) M. Hœ dereiv Vous avez entendu une observation de M. Malouet. Il vous a dit qu’un des inconvénients de l’article 5 du décret du comité sur les impositions, était qu’on laissait les départements maîtres d’imposer une somme arbitraire dè sous additionnels. Nous avons répondu par une vérité sentie depuis longtemps dans l’Assemblée : c’est qu’en faisant peser sur les administrés les dépenses particulières des administrateurs et des corps administratifs, il y avait dans la responsabilité morale des administrateurs une bonne caution de réduction de ces sous additionnels. En laissant tant les sous additionnels que les dépenses particulières à la charge des départements, vous avez pensé que vous opéreriez par là la réduction du trop grand nombre de districts qui existent, et des dépenses qu’ils occasionnent. En conséquence de ce principe, vous avez décrété que les administrés feraient connaître leurs vœux pour la réduction des districts; mais depuis les décrets qui ont établi ces dispositions, il a été interdit aux assemblées primaires de délibérer. Je demande, en conséquence, que le comité de Constitution soit tenu de vous apporter ce soir un article qui exprime que les dispositions qui interdisent toute délibération aux assemblées primaires ne s’opposent point à l’exécution du décret qui les autorise à émettre leur vœu pour la réduction des corps administratifs et des tribunaux qui se trouvent trop considérables. (Gette motion est adoptée.) M. Dnport, au nom des comités de Constitution •et de législation criminelle. Messieurs, par votre décret du 19 août 1790, vous avez chargé vos comités de Goustitution et de législation criminelle réunis de préparer un projet de décret sur les délits commis par la voie de l’impression (1); c’est ce projet que je viens vous présenter. Il est absolument nécessaire de ne pas permettre que des citoyens honnêtes, des administrateurs intègres, soient impunément calomniés; si, par des mesures sages et fermes, on ne réprime pas les excès de libellâtes incendiaires, il ne se trouvera bientôt plus une seule autorité qui puisse résister aux effets funestes des calomnies qu’ils répandent avec acharnement contre les pouvoirs publics; ces hommes, ennemis de toute espèce de gouvernement, corrompront sans cesse l’opinion et empêcheront le règne de la paix de s’établir. Voici notre projet de décret : « Nul homme ne peut être recherché ni poursuivi pour raison des écrits qu’il aura fait imprimer ou publier sur quelque matière que ce soit, si ce n’est qu’il ait provoqué à dessein la désobéissance à la loi, l’avilissement des pouvoirs constitués, la résistance à leurs actés, ou quelques-unes des actions déclarées crimes ou délits par la loi (2). « La censure est permise sur les actes des pouvoirs constitués. TITRE 1er. Peines sur les délits commis par la voie de l’impression. « Art. 1er. Quiconque sera convaincu d’avoir publié un écrit àdesseinde provoquer à commettre des meurtres, incendie, empoisonnement, ou tout autre crime dont la peine est la mort, sera con-(1) Voir Archives -parlementaires , tome XVI II, séance du 19 août 1790, page 168. (2) Constitution, chap. V, art. 17. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 septembre 1791.] 61u damné à quatre années de gêne, sauf à être puni comme complice, ainsi qu’il est porté au Code pénal, si le crime s’en est suivi. « Art. 2. Quiconque sera convaincu d’avoir publié un écrit à dessein de provoquer à commettre un délit porté dans le Code pénal, autre toutefois que ceux désignés en l’article précédent, sera condamné à la dégradation civique. « Art. 3. Quiconque sera convaincu d’avoir publié un écrit à dessein deprovoquer à désobéir ou résister àune loi ou à une autorité légalement instituée, ou à dessein d’outrager et avilir le Corps législatif, la personne du roi ou les tribunaux, sera condamné à la dégradation civique. Punitions correctionnelles pour les délits commis par la voie de l'impression. « Art. 1er. Quiconque sera convaincu d’avoir publié un écrit à dessein de calomnier un citoyen relativement aux actions de sa vie privée, ou contenant quelque calomnie volontaire contre la probité des fonctionnaires publics, et la droiture de leurs intentions dans l’exercice de leurs fonctions, sera rayé du tableau civique pour dix années, et condamné à des dommages-intérêts proportionnés à sa contribution mobilière, au payement desquels il pourra être contraint par corps. « Art. 2. Lorsqu’un homme sera convaincu d’avoir publié un écrit injurieux contre l’honneur d’une femme ou fille, le président lui dira en face de l’auditoire : « Vous avez fait une action lâche et indigne d’un homme honnête ; » il sera rayé du tableau civique pendant dix ans, on condamné à une détention qui ne pourra excéder un an. « Art. 3. Quiconque sera convaincu d’avoir publié un écrit à dessein d’injurier un citoyen sera condamné envers lui à des domages-intérêts proportionnés à sa contribution mobilière, au payement desquels il pourra être contraint par corps. « Art. 4. Dans tous les cas ci-dessus exprimés le jugement sera imprimé et affiché sur la demande de la partie plaignante et dénonciatrice. Art. 5. Les distributeurs, vendeurs, afficheurs des écrits ci-dessus qualifiés, en seront responsables, à moins qu’ils n’indiquent l’auteur ou l’imprimeur de qui ils tiennent l’écrit dénoncé. De la manière de poursuivre criminellement , et de juger les délits commis par la voie de l'impression. « Art. 1er. Les plaintes ou dénonciations relatives aux délits commis par la voie de l’impression, formées, soit par des particuliers, soit par des commissaires du roi, seront portées devant le directeur du juré spécial. Art. 2. L’acte d’accusation contiendra les passages qui formen t l’accusation, mais un exemplaire complet de l’écrit dénoncé sera toujours joint à l’acte d’accusation et remis aux jurés. Art. 3. Pour former le juré spécial d’accusation, le procureur syndic du district choisira 16 citoyens ayant les qualités convenables, parmi lesquels il en sera tiré au sort 8, qui composeront le tableau. Art. 4. Pour former le juré de jugement, le procureur général syndic proposera une liste de 26 citoyens, parmi lesquels il en sera tiré au sort 12, lesquels composeront le tableau qui sera présenté à l’accusé. Art. 5. L’accusé pourra proposer une première récusation de la liste entière de 26, en prouvant qu’elle a été formée par haine contre lui. Si le tribunal admet la récusation, le vice-président ou à son défaut un membre du directoire en présentera une autre, sur laquelle les noms portés en la première liste pourront être placés de nouveau. Art. 6. Indépendamment de la première récusation de la liste, l’accusé nourra récuser 20 citoyens, sans en donner de motifs ; ils seront remplacés, par d’autres, pris d’abord parmi les 14 membres restants, choisis par le procureur général syndic, et subsidiairement dans la liste ordinaire des jurés. « Art. 7. Le débat Gni, le président proposera aux jurés de décider : « i° Si l’écrit dénoncé a été publié à dessein de provoquer, etc. « 2° Si l’accusé est convaincu de l’avoir commis. « Art. 8. Les formes déterminées par le juré ordinaire seront observées pour tout le reste de la procédure. TITRE IL De la manière deprocéder au jugement des actions civiles résultant de la presse. « Art. 1er. L’action en réparation de calomnie, ou d’injure, ne pourra être exercée par aucun fonctionnaire public, à moins qu’il n’en soit personnellement l’objet. Mais, lorqu’un particulier aura été injurié ou calomnié par un écrit rendu public, les maris, pères, tuteurs, frères et enfants pourront ainsi que lui former la demande en réparation. « Art. 2. La demande en réparation contiendra les passages prétendus injurieux ou calomuieux, mais un exemplaire complet de l’écrit dénoncé sera toujours joint à la demande. « Art. 3. La demande en réparation de calomnie ou d’injure sera portée au tribunal du district. « Art. 4. Les délais de l’assignation expirés et à la requête du demandeur, le président du tribunal fera une réquisition au procureur syndic à l’effet qu’au jour indiqué il présente une liste de 24 citoyens ayant les qualités convenables pour servir de jurés. Le tout sera signiüé au défenseur, huitaine au moins avant le jour indiqué. « Art. 5. Chacune des parties aura Je droit de récuser la liste entière du juré, comme ayant été formé par haine contre lui : cette récusation sera jugée par le tribunal, et, si elle est admise, le vice-président, ou autre membre du directoire à son défaut, présentera une nouvelle liste dans laquelle pourront être placés les membres de la première. « Art. 6. Sur les 84 citoyens présentés par le procureur-syndic, il en sera tiré au sort 12, et, sur ces 12, chacune des parties aura le droit d’eu récuser successivement moitié. Ils seront remplacés par le sort, en tirant parmi les 12 membres restants choisis par le procureur syndic. « Art. 7. La partie qui ne comparaîtra pas au jour indiqué par elle-même ou par son fondé de procuration spécial sera déchue de son droit de récusation. « Art. 8. Les jurés assemblés, le président leur fera prêter à chacun séparément le serment suivant. 616 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. « Vous jurez et promettez d’examiner avec l’attention la plus scrupuleuse la quesiion qui s’est élevée entre un tel et un tel ..... de ne communiquer avec personne jusqu’après votre déclaration, de n’écouter ni la haine ou la méchanceté, ni la crainte ou l'affection, de vous décider suivant votre conscience et votre intime conviction, avec l’impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme libre. » « Art. 9. A l’ouverture du débat, si le président trouve que le fait renfermé dans l’écrit est trop léger, ou si le tribunal le juge ainsi, il pourra proposer au juré de décider s’il y a lieu ou non à délibérer sur la demande; l’opinion de trois jurés suffira pour déclarer qu’il n’y a pas lieu à délibérer. « Art. 10. Après le débat, dans lequel le défenseur sera toujours interpellé de déclarer s’il est ou non auteur de l’écrit, le président proposera aux jurés de déclarer; « 1° Si l’écrit est injurieux pour un tel, ou si les faits qu’il renferme sont faux; « 2° Si le défenseur est convaincu d’avoir publié l’écrit au cas que le fait soit contesté ; e 3° Enfin si l’écrit a été publié méchamment et à dessein de nuire ou de calomnier. « Art. 11. Ces diverses questions seront décidées séparément par les jurés et à la majorité des suffrages; en cas de partage, on appellera trois jurés nouveaux. « Art. 12. Les jurés auront également à décider des dommages-intérêts résultant des demandes des parties. « Art. 13. Si le juré déclare seulement que l’écrit est injurieux ou que les faits qu’il renferme sont faux, le tribunal ordonnera l’impression et l’affiche du jugement, et si le défenseur est convenu ou convaincu d’avoir publié l’écrit, l’impression et l’affiche se fera à ses frais. « Art. 14. Si le juré déclare non seulement que l’écrit est injurieux ou que les faits qu’il renferme sont faux, mais qu’il a été publié méchamment et à dessein de nuire, le tribunal prononcera la punition portée aux articles ci-dessus. « Art. 15. Si, dans le cours de l’affaire, il vient à se découvrir la preuve de quelque haine ou délit, le président pourra donner ordre sur-le-champ d’arrêter le prévenu; il recevra les éclaircissements, et s’il y a lieu, dressera l’acte d’accusation et renverra le prévenu à la maison d’arrêt pour être soumis au juré d’accusation, dans la forme ordinaire. » Plusieurs membres demandent qu'on passe à l’ordre du jour. D'autres membres demandent l’ajournement à la prochaine législature. M. Duport, rapporteur, observe que, si l’Assemblée ne croit pas devoir statuer sur le projet d. décret, qu’il considère comme très sage, il n'insistera pas; il déclare toutefois, au nom des comités, que pour eux ils ont cru devoir jusqu’au dernier moment s’occuper de cet important objet. (L’Assemblée, consultée, passe à l’ordre du jour.) M. Dupont (de Nemours), au nom du comité des contributions publiques, présente un projet de décret relatif aux propriétaires de redevances annuelles soumis à la retenue du cinquième. [29 septembre 1791. J Ce projet de décret est mis aux voix dans les . termes suivants : « L’Assemblée nationale, considérant que les possesseurs de champarts, agriers, terrages, cens, rentes et autres redevances annuelles, qui n’ont pas d’autres biens, ou qui sont cotisés à raison de la totalité de leurs biens, quoiqu’ils en aient tenu une partie en champarts ou autres redevances, et que, pour cette partie, la retenue du cinquième doive leur être faite par les redevables, ne pourraient, sans double emploi, payer, à raison des mêmes redevances, l’acompte ordonné par la loi du 17 juillet dernier, et voulant prévenir ce double emploi, décrète ce qui suit : « Les propriétaires de redevances annuelles soumis à la retenue du cinquième sont autorisés à faire à leur municipalité déclaration de la contenance et du produit des héritages et biens-fonds qu’ils possèdent dans le territoire de leur commune, à laquelle déclaration ils joindront la quittance du payement de la moitié de la contribution foncière desdits biens; et vérification faite par la municipalité de l’exactitude desdites déclarations, sur l’avis du directoire de district, ils seront, par le directoire de département, déchargés de payer l’acompte de moitié delà portion de contribution directe qui aurait eu rapport à leur revenu en rentes ou redevances sur lesquelles la retenue du cinquième leur a été ou leur sera faite par les redevables. » (Ce décret est adopté.) M. le Président. La parole est à M. Rabaud . M. lie Chapelier. Messieurs, le comité de Constitution à qui vous avez renvoyé une question concernant les sociétés populaires m’a chargé de vous présenter à cet égard un projet de décret; je prie l’Assemblée de vouloir bien m’entendre. (Oui! oui!) M. Rabaud-Saint-Etienne. J’ai la parole pour faire un rapport sur les gardes nationales. M. Robespierre. Je demande la parole sur le projet de M. Le Chapelier. M. Prieur. Les gardes nationales sont la force du royaume; c’est d’eux que nous devons nous occuper. (Murmures.) M. Ooupil-Préfeln. Et les clubs sont la perte du royaume. M. Le Chapelier. Il importe essentiellement au Corps constituant de préserver la Constitution des attaques qui pourraient lui être livrées par des corporations uont l’institution peut devenir aussi dangereuse qu’elle a été utile jusqu’à ce moment. M. Pétion. Allons-nous encore nous établir en corps constituant? (Murmures .) (L’Assemblée est consultée sur la question de savoir si elle entendra M. Le Chapelier ou M. Ra-baud-Saint-Etienne.) M. le Président. L’Assemblée a décrété qu’elle entendrait le rapport du comité de Constitution sur les sociétés populaires ; la parole est en conséquence à M. Le Chapelier. M. Le Chapelier, au nom du comité de Constitution,