lll juillet 1791. J [Assemblée nationale.) M. d’André appuie l’opinion de M. Bouche. (L’Assemblée décrète que le traitement des accusateurs publics sera égal à la moitié de celui des commissaires du roi.) M. Duport, rapporteur, donne lecture du projet de décret amendé dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit: Art. 1er. « Chacun des 6 tribunaux criminels provisoires, établis à Paris en vertu de la loi du 14 mars 1791, est autorisé à nommer deux commis greffiers pour l’instruction des procès criminels. Art. 2. « Les commis greffiers dont il vient d’être parlé auront pour traitement les deux tiers de celui attribué au greffier, le tout à raison de la durée de leur service près desdits tribunaux criminels. Art. 3. « Les accusateurs publics des 6 tribunaux criminels auront une indemnité égale à celle des commissaires du roi, de service auprès desdits tribunaux, également à raison de la durée de leur service. Art. 4. « Les accusateurs publics des tribunaux de district auront une indemnité égale à la moitié de celle des commissaires du roi, pour tout le temps de la durée de leur service. » (Ge décret est adopté.) M. Bergasse-Laziroule. Messieurs, personne n’ignore que M. Duveyrier a été envoyé par le roi auprès de M. le prince de Condé... (Murmures.) M. Bouche. Monsieur a raison, M. de Condé est prince du Saint-Empire. M. Bergasse-Ija*ipoule... pour lui notifier le décret de l’Assemblée nationale qui lui enjoint de s’éloigner des frontières, et qu’il a été chargé d’une lettre particulière du roi. M. Duveyrier s’est rendu à Worms et de là il a donné de ses nouvelles. 11 a annoncé que M. de Condé lui avait dit qu’il était obligé de se rendre à Coblentz pour conférer avec M. d’Artois et qu’après s’être concerté avec lui, il loi ferait connaître sa réponse ; M. de Condé envoya en conséquence un exprès à M. Duveyrier" pour l'engager à le suivre à Coblentz. M. Duveyrier s’y est rendu. Depuis cette époque, quinze jours ou trois semaines se sont passés sans qu’on ait eu de nouvelles de M. Duveyrier. Le bruit s’est répandu qu’il avait été mis en état d’arrestation a Coblentz et même ce bruit a paru confirmé par quelques lettres qui ont été adressées de Mayence et de Coblentz au comité des rapports et par quelques lettres particulières venues de Bruxelles. Dans cette incertitude, comme il est impossible que la nation française ne réclame pas un de ses envoyés et que le droit des gens soit impunément violé, je demande que l’Assemblée veuille bien inviter le ministre des affaires étrangères à venir rendre compte incessamment des avis qu’il peut avoir reçu relativement à la mission de M. Duveyrier. 1)5 M. d’André. Je m’oppose au renvoi au comité. Ce n’est pas ici une mesure qui puisse être envoyée au comité. Il n’y a pas ici d’examen à faire. Un envoyé de la nation française est absent ; on n’en a pas de nouvelles. Le peu qu'on en sait, quoique ce ne soit pas parfaitement authentique, indique cependant qu’on a violé à son égard toutes les règles du droit des gens. L’Assemblée nationale doit s’informer sur-le-champ de l’exactitude des faits et les mêmes personnes, qui ont toujours montré une fermeté inébranlable à réprimer tous les attentats contre l’ordre public, montreront la même fermeté à réprimer tout attentat contre le droit des gens et toute insulte à la dignité nationale. Je demande donc que M. de Montmorin soit invité à venir sur-le-champ à l’Assemblée rendre compte des faits qui peuvent être à sa connaissance afin que nous puissions prendre des mesures convenables à la majesté du peuple français que nous représentons. (La motion de M. d’André est adoptée.) (1). M. de Sillery, au nom du comité de marine , fait un rapport concernant les régiments et bataillons coloniaux et autres troupes employées à la défense des colonies et des possessions nationales hors du royaume. 11 s’exprime ainsi : Messieurs, votre comité de la marine, avant de vous proposer de réunir aux départements de la guerre tous les régiments des colonies et les autres troupes soldées par le département de la marine et destinées à leur défense, a cru devoir vous développer les principaux motifs qui l’ont déterminé à cette sage mesure: il vous sera facile, d’après quelques éclaircissements que je vais vous donner, d’apprécier la différence qui existe entre un gouvernement arbitraire et celui qui n’a que les lois et l’utilité publique pour guide; dans l’un vous verrez les ministres cherchant sans cesse à augmenter leurs pouvoirs et leur influence, et dans l’autre vous les verrez se borner à l’exercice de leurs fonctions, et redouter cette responsabilité qui, grâce à votre énergie, ne sera pas un décret illusoire. A une époque qui n’est pas très reculée, les colonies, en temps de paix, n’avaient d’autre garnison que leurs milices et quelques compagnie franches qui y étaient établies. Au moment de la guerre, on y faisait passer quelques troupes; mais, avant celle qui a eu lieu en 1755, les régiments de ligne avaient été très rarement employés pour la défense de nos colonies. Plusieurs officiers suisses proposèrent d’entretenir à Saint-Domingue et à la Louisiane des régiments qu’il devaient recruter dans les cantons, et ils eurent le crédit d’obtenir une capitulation très onéreuse pour la nation, car leurs engagements portaient que les régiments seraientconstammeptentretenus sur le pied de guerre, et ils n’oublièrent pas de stipuler que les régiments seraient toujours payés au complet. Je ne fatiguerai pas l’Assemblée des détails de tous les abus qui ont existé à cet égard. Je me permettrai seulement de lui citer un fait qui suffira pour fixer son opinion. On craignit au Cap français quelques mouvements. Le général manda par prudence le régiment suisse qui était en garnison au Port-au-Prince; il lui donna l’ordre d’employer la plus extrême diligence; il autorisa même l’officier qui commandait le régiment de prendre des cabrouets , voi-ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Plusieurs membres : Le renvoi au comité ! (1) Voyez ci-apres, page 121, les renseignements fournis à l’ Assemblée par M. de Montmorin. 116 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Il juillet 1791.] tures du pays, pour accélérer l’arrivée du régiment. Ces voitures ne peuvent contenir que 8 hommes. Eh bien 1 cinq cabrouets conduisaient au Cap toutle régiment suisse, qui était constamment payé au complet au colonel propriétaire, qui était en France, et qui seul était chargé du recrutement et de l’entretien du régiment qui servait aux colonies. Les ministres de la marine se succédant rapidement, et chacun d’eux, suivant l’usage reçu, voulant innover sur les établissements du prédécesseur, il vint dans la tête de M. Boisses d’avoir une armée à ses ordres. Le ministre de la guerre était fatigué de l’envoi continuel de ses régiments dans les colonies, il ne mit aucun obstacle au projet du ministre de la marine, et ce dernier créa les différents corps qui sont maintenant dans son département. Cette séparation des régiments des colonies d’avec les troupes de terre donne lieu à des difficultés continuelles, relatives à l’ancienneté et à l’avancement, outre qu’elle est très dispendieuse. Il résulte encore de la disposition que nous vous proposons, la réforme d’un des plus grands inconvénients, qui est la suite de la permanence des régiments coloniaux. Nous ne pouvons vous dissimuler le vice qui a régné dans la composition de ces régiments. Le recrutement de ces troupes se faisait presque toujours de concert avec le lieutenant de police de Paris, qui croyait rendre un service utile à la capitale, en se débarrassant des sujets suspects, et qui n’avait jamais calculé le tort qu’il faisait aux colonies : les citoyens eux-mêmes contribuaient au vice de cette composition, ils sollicitaient l’enrôlement, pour les colonies, des enfants dont ils avaient à se plaindre; ces jeunes gens expatriés, après avoir rempli le terme de leurs engagements, n’osant reparaître dans leur patrie dont ils étaient rejetés, formaient cette classe parasite appelée les petits blancs , qui est devenue un des plus dangereux fléaux des colonies. Par le nouvel arrangement que nous vous proposons, les ministres de la guerre et de la marine se concerteront ensemble pour la quantité de troupes nécessaires à la défense des différentes colonies, et les régiments ne devant être stationnaires dans ces pays que pendant un espace de temps qui sera limité, vous détruirez sans effort tous les abus dont je viens de vous parler. Il est évident qu’en chargeant le département de la guerre de l’entretien de ces régiments, vous serez obligé de diminuer proportionnellement la somme que vous avez décrétée pour la marine, et porter cette donation en augmentation au département de la guerre. Il nous paraît d’une égale justice d’ordonner que tous les sous-lieutenants, lieutenants, capitaines, lieutenants-colonels, brigadiers et maréchaux de camp des colonies prendront rang dans l’armée de terre. Ces différentes dispositions feront l’objet d’un décret qui vous sera présenté par le comité militaire. Votre comité de marine se borne à vous proposer de décréter aujourd’hui le principe. Voici son projet de décret : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de marine, décrète : Art. 1er. « Les régiments et bataillons coloniaux des îles de France, de Bourbon, Pondichéry, Port-au-Prince, du Gap, la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane d’Amérique, Saint-Pierre et Miquelon ; le bataillon auxiliaire, ainsi que l’artillerie des colonies, et les 6 compagnies de cipayes de Pondichéry, et toutes autres troupes soldées employées à la défense des colonies et des possessions nationales hors du royaume, seront, à l’avenir, sous la direction du département de la guerre. Art. 2. « Le comité militaire présentera incessamment les articles nécessaires pour la remise des fonds que le département de la marine doit faire au département de la guerre pour l’entretien de ces troupes, et pour déterminer le rang que les officiers des colonies doivent prendre dans l’armée. » (Ce décret est mis aux voix et adopté sans discussion.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur T organisation de la trésorerie nationale (1). M. 'Vernier, rapporteur. Messieurs, il a été fait à votre comité des observations qu’il croit devoir vous soumettre. Par le premier article de la partie du projet du comité relative à la recette, il est dit qu’il sera établi un bureau général de correspondance dirigé par un premier commis et placé sous la surveillance particulière du commissaire préposé à la recette journalière. Il a paru que la correspondance du comité, relative à la recette des contributions, étant extrêmement difticultueuse et pénible, il ne suffirait pas d’un premier commis pour régir et surveiller cette correspondance, et qu’il fallait y substituer un directeur. Je demande donc si, par le décret de la trésorerie, il sera établi un directeur à la tête de la correspondance, ou si ce bureau sera directement sous la surveillance du comité de trésorerie. Voilà la question que je présente à la décision de l’Assemblée. M. Martineau. Je demande la question préalable sur la nouvelle addition d’un directeur. (La motion de M. Martineau est mise aux voix et adoptée.) M. Vernier, rapporteur , donne lecture des articles suivants du projet de décret, qui sont successivement mis aux voix et adoptés : DE LA RECETTE. Titre Ier. Des bureaux chargés de suivre la rentrée et le versement. , au Trésor public, des contributions directes et indirectes. Art. 1er. « Il sera établi, sous les ordres des commissaires de la trésorerie, un bureau général de correspondance, divisé, comme ci-après, en quatre bureaux ou sections; ce bureau général sera particulièrement surveillé par le commissaire préposé à la recette journalière', qui, à l’aide d’un premier commis, dirigera tout ce qui a rapport au versement des deniers provenant des contributions directes et indirectes, soit que ces versements soient faits par des receveurs de districts, (1) Voy. Archives parlementaires, tome XXVII, séance du 23 juin 1791, pages 430 et 455, et séance du 30 juin 1791, page 597.