(Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 avril 1790.] 703 tion? Alors on paraîtrait s’autoriser même de l’Assemblée nationale; et au lieu de porter la lumière à nos frères, nous porterions le glaive dans leur sein, au nom et de la part de Dieu. Craignons de voir la religion invoquée par le fanatisme, et trahie par ceux qui la professent; je vous supplie de ne pas rendre un décret qui peut la compromettre, au lieu de propager ses succès dans tout l’univers, comme vos décrets propagent ceux de la liberté. En ajournant, vous déjouerez les ennemis qui attendent le décret, pour s’en servir contre le peuple et contre la religion même. Pour vous convaincre du danger d’adopter cette motion dans les circonstances actuelles, je ne dirai plps qu'un mot; c’est dans un moment pareil qu’elle a déjà été faite; c’est quand l’opinion se formait sur une matière qui intéressait les ecclésiastiques que le clergé en corps a appelé le fanatisme à la défense des abus. M. le comte de Mirabeau demande la parole. La partie droite demande qu’on aille aux voix, et se lève. M. le Président observe que vingt personnes sont inscrites sur la liste de la parole avant M. de Mirabeau. Quelques membres demandent que la discussion soit remise à demain, toutes choses en état. Cette proposition est mise aux voix. — La première épreuve est douteuse. — A la seconde, le président prononce la remise de la discussion, et lève la séance. — Tout le monde quitte les bancs. — La droite réclame l’appel nominal, et proteste contre la levée de la séance. M. le Président met aux voix si la séance doit être levée. — La majorité est pour l’affirmative. La partie droite se remet en place. — Le président et les secrétaires quittent le bureau. MM. de Foucault et Duval d'Ëprémesnil parlent avec action — On ne peut les entendre. Après une assez longue insistance, la partie droite quitte les bancs et se retire peu à peu. — 11 est cinq heures et demie. Annexe à la séance de l'Assemblée nationale du 12 avril 17y(). Opinion de M. le marquis de Thiboutot (1), député du bailliage de Caux, sur les changements projetés pour l’artillerie , dont il croit devoir donner connaissance à l’Assemblée nationale (2) Messieurs, je me trouve dans ce moment-ci, le seul membre de l’Assemblée qui, par état, doive (î) L’opinion de M. de Thiboutot n’a pas été insérée au Moniteur. (i) Cette opinion devait, au commencement près, être prononcée, telle qu’elle est, à la tribune de l’Assemblee, lorsque le ministre de la guerre lui aurait soumis le plan d’orgauLation de Cannée, et conséquemment les changements projetés pour l’artillerie. Le marquis de Thiboutot croît devoir la lui présenter par écrit, sans défendre auprès de vous les intérêts de l’artillerie. Ces intérêts sont si méconnus dans les différents projets qu’on ne craint pas de présenter, et qu’on s’efforce même de faire adopter cbaquè jour pour elle au ministre de la guerre, que je crois ne pouvoir trop m’empresser de les soumettre à votre sagesse et à votre justice. Permettez-moi, Messieurs, de réclamer votre attention pour la cause d’une arme dont toutes les puissances de l’Europe semblent vouloir, dans ce moment-ci, faire dépendre la destinée de leurs États. 11 est indispensable, pour la bien juger, que vous vous formiez la plus juste idée de son service. Je vous prie donc de permettre que je vous le fasse connaître comme il doit être connu de vous. Le détail aussi exact qu’abrégé que je vais vous en faire, vous paraîtra peut-être digne de quelque intérêt. Peut-être môme ajoutera-t-il à celui que vous pouvez rendre au corps qui en est chargé, et qui sera toujours bien plus touché du désir de mériter l’estime de la nation, que du bonheur de jouir de celle des nations étrangères. Le nom que porte l’artillerie vous annonce, Messieurs, qu’elle est chargée de presque toutes les parties du serviee, qui exigent la connaissance des arts et des sciences qui y ont rapport. C’est elle en effet qui prépare les foudres de la guerre, qui fait exécuter tous les attirails et tous les effets militaires destinés à la défense de l’Etat. C’est elle qui, en fournissant à nos troupes toute espèce d’armes fabriquées sous ses yeux et sous sa direction, les rend essentiellement capables de former nos armées. C’est elle qui, en fournissant à nos armées toute espèce de munitions de guerre, qu’elle a choisies, éprouvées ou façonnées pour elles, les met essentiellement en état d’entreprendre sur l’ennemi. C’est elle qui est chargée de la construction de tous les ponts à établir sur Jes ruisseaux, sur les rivières et sur les fleuves, qui pourraient s’opposer à ses entreprises. C'est à ses soins et à sa vigilance que sont confiés en tout temps les objets qui intéressent le plus la sûreté de l’empire; c’est entre ses mains qu’est remis le dépôt des poudres, dépôt d’autant plus précieux a conserver pendant la guerre, qu’il n’en est pas de ce trésor militaire des armées comme du trésor pécuniaire qu’elles mènent à leur suite ; qu’il est toujours aussi aisé à détruire et aussi difficile à remplacer, que leur trésor pécuniaire est facile à garder, à reprendre et à renouveler; et que s’il arrivait au plus grand capitaine, à celui même qu’une suite uoo interrompue de victoires aurait rendu maître de la moitié du monde, de perdre à la fois ses poudres dans son camp et dans ses places d’entrepôt, il u’au-rait d’autre parti à prendre que d’abandonner, sur-le-champ, toutes ses conquêtes, trop heureux de pouvoir ramener son armée saine et sauve au point d’où elle serait partie. Mais les services qu’elle rend à l’Etat ne se attendre le moment où on serait parvenu à les faire adopter au ministre, d’après les vives alarmes qu’ils inspirent, pour l’intérêt de l’Etat, aux officiers de ce corps, depuis la dissolution du comité général de ses inspecieurs, appelés pour être entendus sur les bases de ces changements dont les auteurs et les fauteurs n’ont pas permis qu’ils pussent connaître l’ensemble, et mêmes les principaux détails.