ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 juin 1791. J 108 [Assemblée nationale.] « engagement, à être regardé comme un homme « infâme, indigne de porter les armes et d’être « compté au nombre des citoyens français. » (. Applaudissements .) « Cette déclaration sera remise par les généraux d’armée ou autres officiers généraux commandant en chef les divisions militaires dans le lieu de leur résidence, aux corps administratifs et municipaux dudit lieu, appelés à cet effet, en présence des troupes assemblées et sous les armes : lesdits corps administratifs et municipaux, après avoir pris connaissance de cette déclaration et l’avoir transcrite sur leurs registres, l’adresseront au ministre de la guerre. « Art. 3. Une déclaration pareille sera remise par les maréchaux de camp employés sous les généraux commandant les divisions , auxdits généraux ; par les colonels des corps, aux maréchaux de camp aux ordres desquels ils se trouvent; par les officiers de chaque corps, à leurs colonels ou commandants respectifs; et toutes ces déclarations repassant de grade en grade, parviendront aux généraux commandants de division, qui les adresseront au ministre de la guerre. « Art. 4. Faute, de la part d’un officier de quelque grade qu’il soit, de se conformer aux dispositions des articles précédents dans le délai qui lui sera fixé par le roi, il sera censé réformé par le fait même de son refus, et en conséquence il lui sera attribué, pour traitement de réforme, le quart du traitement dont il jouit actuellement, à moins que, conformément au décret du 3 août 1790, il n’ait droit, par son ancienneté, à un traitement plus cousidérable, qui, dans ce cas, lui serait accordé. ( Mouvement à gauche.) « Art. 5. L’Assemblée nationale, prenant en considération le malheur d’hommes libres qu’abuseraient des préjugés invétérés ou des suggestions coupables, défend qu’il soit fait aucunes insultes ou mauvais traitements à ceux qui pourraient refuser de se conformer aux dispositions des articles 3 et 4 du présent décret, enjoignant aux dépositaires des lois et de la force publique de leur accorder la protection due à tout citoyen qui ne trouble point l’ordre de la société. « Art. 6. Chaque colonel ou commandant de régiment, après avoir reçu la déclaration signée des officiers, et après avoir fait, conformément à la loi, les remplacements qui pourraient être nécessités par la réforme de ceux desdits officiers, qui ne se seraient pas conformés au présent décret, assemblera le régiment et lui donnera connaissance de l’engagement d’honneur contracté par les officiers présents : après quoi, les sous-officiers et soldats, levant la main en signe d’acguiescement et d'adhésion, s’associeront au même engagement. « Art. 7. Le ministre de la guerre rendra public, par la voie de l’impression, le tableau de tous les officiers de l’armée qui auront rempli l’obligation prescrite par les articles ci-dessus ; et nul individu de ceux qui ont droit à remplacement dans l’armée ne sera remplacé qu’aupa-ravant il n’ait rempli la même obligation. « Art. 8. Les officiers actuellement au service, et qui auront satisfait au présent décret, recevront du roi une lettre de confirmation ainsi conçue: « Louis, etc. « Sur le compte qui nous a été rendu que {un « tel) officier du grade de..... dans le régi-« ment ou dans le corps de ..... avait rempli « l’obligation prescrite par les articles 3 et 4 du « décret de l’Assemblée nationale des 11 et « 13 juin 1791, le confirmons au nom de la « nation et au nôire, comme chef suprême de « l’armée, dans son grade et emploi, fpour en « exercer les fonctions conformément aux lois « de l’Etat et aux règlements militaires. « Mandons aux officiers généraux et autres â « qui il appartiendra, qu’ils aient à le faire jouir « des droits, appointements, honneurs et auto-« rité attachés auxdits grade et emploi ; en foi « de quoi, nous avons signé et fait contresigner « les présentes. « Art. 9. Le roi sera prié d’ordonner à toutes les troupes de ligne, qu’elles aient à se tenir prêtes à se rendre dans les camps d’instruction, où elles s’occuperont d’évolutions et de tous autres exercices relatifs à l’art de la guerre. « Art. 10. Les ministres de la guerre et de la marine rendront compte à l’Assemblée nationale de l’exécution du présent décret. » {Applaudissements.) M. Robespierre (1). Je viens défendre une opinion bien différente de celle de votre comité, une opinion qui a été portée jusqu’à vous par le vœu public, qui, quelquefois est susceptible de se tromper, mais qui, plus souvent, est l’interprète de la vérité et de l’intérêt général, et surtout par les pétitions qui vous ont été présentées particulièrement de la part des citoyens de cette partie de l’Empire où l’on est beaucoup plus à portée que nous d’observer les faits qu’il vous importe de connaître, et qui doivent être la première base de votre décision. Il s’agit de trouver un remède aux désordres actuels de l’armée. Les désordres ont été exagérés dans un certain sens et surtout les causes en ont été dissimulées. Il importe de les approfondir. C’est surtout dans les grands dangers qu’il est nécessaire d’entendre la vérité. Vous me permettrez donc, Messieurs, de vous énoncer mon opinion avec une franchise que je ne pousserai pas jusqu’à l’excès, mais à laquelle du moins ne se mêlera aucun sentiment étranger à l’intérêt public. Messieurs, il était facile de prévoir les événements qui vous forcent aujourd’hui à délibérer sur une question si importante. Les deux causes qui les ont amenés sont et la Constitution nouvelle et la constitution du corps des officiers qui devait être calquée d’après les principes de cette Constitution nouvelle. Au milieu des mines de toutes les aristocraties, quelle est cette puissance qui seule élève encore un front audacieux et menaçant? Vous avez reconstitué toutes les fonctions publiques suivant les principes de la liberté et de l’égalité, et vous conservez un corps de fonctionnaires publics armés, créé par le despotisme, dont la constitution est fondée sur les maximes les plus extravagantes du despotisme et de l’aristocratie, qui est à la fois l’appui et l’instrument du despotisme, le triomphe de l’aristocratie, le démenti le plus formel de la Constitution, et l’insulte la plus révoltante à la dignité du peuple; une constitution qui dans un corps d’officiers nobles vous montre à peine quelques bourgeois qui n’y sont introduits qu’à titre de grâce et dont l’infériorité est marquée par une dénomination aussi injuste que ridicule. Quel est, Messieurs, le titre de cette (1) Ce discours est incomplet au Moniteur. [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 juin 1791, J bizarre exception à vos principes? Sur quel puissant motif est fondé ce hideux contraste de l’ancien régime et du nouveau? Crovez-vous qu’une armée immense soit un objet indifférent pour la liberté et pour votre ouvrage? Ignorez-vous que c’est par elle que les gouvernements ont partout subjugué les nations? Ignorez-vous que tous les peuples qui ont la moindre idée de la liberté ont réprouvé de pareilles Constitutions ou ne les ont envisagées du moins qu’avec effroi. Combien de précautions ne deviez-vous pas prendre pour préserver votre armée d’une influence dangereuse qu’il était si facile d’écarter en décrétant à propos le licenciement de l’armée, ou du moins des chefs. Les officiers peuvent-être divisés en deux classes. Il en est qui sont attachés bien sincèrement au bien public et aux principes de là Constitution et j’ai l’avantage d’en connaître de ce caractère; mais aussi, pouvez-vous vous dissimuler ce que la voix publique vous a appris, que la majorité des officiers a des principes absolument opposés à la Révolution. Qu’attendez-vous donc de ces chefs de l’armée? S’ils sont sans autorité, sans ascendant, ils ne peuvent exercer leurs fondions ; s’ils en ont, à quoi voulez-vous qu’ils l’emploient, si ce n’est à faire triompher leurs principes et leurs sentiments les plus chers... Vous avez donc à craindre qu’ils ne se servent de cette autorité, de cette influence pour inspirer leurs sentiments et leurs vices aux soldats, pour les ranger du côté des ennemis de la Révo-lutioncontre la Gonstitutionetcontie vous-mêmes. Vous avez dû vous attendre qu’ils présenteraient ceux qui demeureraient attachés à la cause de la nation, qu’ils s’efforceraient de séduire les autres, jusqu’à ce qu’ils eussent fait de l’armée un assemblage de satellites étrangers aux véritables intérêts de la patrie. Jetez un regard sur le passé et tremblez pour l’avenir. Voyez, Messieurs, une partie considérable des officiers semant dans l’armée la division et le trouble, ici armant les soldats contre les soldats, là divisant les soldats des citoyens, les écartant surtout des lieux où ils pouvaient apprendre les devoirs sacrés qui les lient à la cause de la patrie et de la Constitution. Voyez-les tantôt dissolvant les corps entiers dont le civisme déconcertait leurs funestes projets, les poussant à force d’injustices à des actes prétendus d’insubordination pour trouver un prétexte de provoquer des décisions sévères, tantôt chassant en détail de l’armée les militaires les plus courageux, les plus éclairés, les plus zélés pour le maintien de la Constitution par des congés infamants sous mille formes infamantes et inusitées, par des ordres arbitraires de toute espèce que le despotisme lui-même n’eût osé se permettre avant la Révolution. Qu’est devenue une partie considérable de cette puissante armée qui, par une sainte désobéissance à des ordres sacrilèges, a terminé l’oppression du peuple et rétabli les droits de la nation ? Plus de 50,000 citoyens (et cela est plus précis que ce que l’on vous a dit devant moi sur les causes des troubles de l’armée), plus de 50,000 citoyens qui la composaient, dépouillés de leur état et du droit de servir la patrie qu’ils ont sauvée, errent maintenant sans ressource et sans pain sur la surface de cet Empire, expiant ces services et ces vertus civiques dans la misère et dans l’opprobre, si l’opprobre pouvait être infligé par l’injustice à la probité et à la vertu. Que sont devenus ces corps qui naguère près 109 des murs de cette capitale déposeront aux pieds de la patrie les armes qu’ils avaient reçues pour déchirer son sein, ces corps que n’ont pu protéger la reconnaissance et l’amour de la nation ? Que sont devenus ceux qui, quoique étrangers, ont servi la chose publique? Les féroces combinaisons de nos ennemis les ont perdues... Mais, Messieurs, mon imagination effrayée répugne à pousser plus loin ces idées. Je ne puis consentir à rouvrir toutes les plaies des bons citoyens. Il faudrait rappeler le souvenir des crimes et des calamités de Nancy. Je me contenterai de vous observer qu’une des causes notoires de tous ces événements funestes, que la première cause incontestable, ce fut la conduite des officiers ; que ce qu’on a appelé leur mécontentement, ce fut les persécutions suscitées aux soldats patriotes. Eli quoi , Messieurs , voudriez-vous fermer l’oreille à tant de récits importants et décisifs, à ces récits qui alarment la nation entière? Ignorez-vous qu’une partie très considérable des chefs exhalent leur mécontentement par des imprécations contre votre Constitution, contre la souveraineté de la nation, contre l’autorité de ses représentants? Pouvez-vous méconnaître et leurs efforts et leurs conseils perfides et leurs cabales continuelles? Ne font-ils pas une profe sion ouverte de méconnaître les droits des citoyens, de ne reconnaître et de ne servir que le roi? Ne vous montrent-ils pas sans cesse, d’un côté le monarque dont ils prétendent défendre la cause contre le peuple et contre lui-même; de l’autre, les armées étrangères dont ils vous menacent en même temps qu’ils s’efforcent de dissoudre ou de séduire la vôtre ? Et vous croyez pouvoir les conserver ! Que dis-je 1 vous-mêmes vous sem-blez croire à l’impossibilité d’une ligue des despotes de l’Europe contre votre Constitution. Vous avez paru prendre quelquefois même des mesures pour prévenir des attaques prochaines. Or, n’est-il pas trop absurde que vous mettiez précisément au nombre de ces mesures, celle de laisser votre armée entre les mains des ennemis déclarés de notre Constitution ! Avez-vous jamais entendu dire que les despotes aient, dans aucun. temps, pourvu de cette manière à la défense de leurs Etats? Ont-ils jamais confié, en connaissance de cause, la moindre forteresse, ou le plus petit corps de troupes à un gouverneur, ou à un général suspect? N’y aurait-il donc que le domaine des despotes qui méritât d’être conservé? La France ne serait-elle plus digne d’être conservée depuis que la destinée de la liberté et le bonheur des peuples sont liés à sa sûreté? Les premières notions de la prudence et du bonheur sont-elles l’apanage exclusif des monarques les plus absolus, et ne sont-elles d’aucun usage dans la conduite des législateurs et des représentants du peuple ? Pour moi, je rougirais de prouver plus longtemps que le licenciement de l’armée est commandé par la nécessité la plus impérieuse et par le salut public. Quels motifs peuvent nous empêcher de le prononcer? Vous craignez les suites de celte démarche éclatante, et vous avez pour vous la raison, la justice, la nation et l’armée ; voilà des garants qui doivent vous rassurer au moins sur l’exécution de votre décret; craignez-vous les machinations que peuvent se permettre les officiers ? Ceci ne peut regarder ceux des officiers patriotes qui gémissent sur la conduite de leurs confrères, et pour qui leur crime même est un sujet continuel de tracasseries et de tourments ; ils dé- HO [Assemblée nationale.] sirent avec ardeur cette salutaire opération qui seule peut sauver la patrie. Quant aux autres, il faut les supposer nécessairement ennemis de la Révolution ; ce ne sera point votre décret qui les changera, seulement il les rendra beaucoup moins dangereux, puisqu’ils rentrentdans la classe de simples citoyens. Ils auront bien moins de moyens de pouvoir vous nuire qu’à la tête de votre armée. Cette observation serait juste, quand bien même vous supposeriez qu’ils iraient se joindre à une armée ennemie, et cela par la raison toute simple qu’un ennemi déclaré est moins à craindre qu’un ennemi caché, et que le général qui assiège une place est moins dangereux que le générai perfide qui la livre. Ne craignez pas que les soldats soient portés à l’indiscipline par une disposition qui couronnera leurs vœux ; ne souffrez pas que l’intrigue triomphe constamment sur les soldats, le peuple et l’humanité. Les soldats en général ne se sont signalés que par leur douceur à supporter les injustices et les vexations les plus criantes de leurs officiers, ( Murmures à droite.) à respecter en générai la discipline et les lois, en dépit de leurs chefs qui parlent tant de lois et de discipline et les méprisent. Ces soldats ont présenté le contraste étonnant d’une force immense, et d’une patience sans borne ; et si vous voulez consulter vos véritables intérêts, l’intérêt suprême du bien public et de la patrie, vous serez effrayés peut-être de la facilité avec laquelle iis ont été opprimés, bien plus que de leur énergie. Messieurs, si les soldats n’ont pas secoué le joug dont j’ai parlé, n’obéiront-ils pas avec docilité, avec zèle, à des officiers amis des lois et de la Constitution ? Mais par quelle étrange fatalité les idées les plus simples semblent-elles aujourd’hui confondues parmi nous? On a souffert paisiblement jusqu’ici que les officiers violassent, outrageassent publiquement les lois et la Constitution, et on a exigé de leurs inférieurs, avec une rigueur sans exemple, le respect le plus profond, la soumission la plus aveugle et la plus illimitée pour de tels officiers. Ou assure aux officiers le droit de donner le plus coupable des exemples aux soldats, que dis-je, d’ébranler leur zèle pour la Constitution; de leur interdire, sous le prétexte de discipline, l’exercice le plus légitime et le plus innocent des droits qui appartiennent à tous les citoyens. Si, en résistant à ces pernicieux exemples, les soldats paraissent dépasser la ligne qu’on appelle la discipline militaire, on les immole sans cesse et impitoyablement à l’inimitié de leurs chefs. On s’indigne d’un mouvement, d’un symptôme de vie échappé à l’impatience et provoqué par un sentiment louable et généreux, et l’on peint l’armée tout entière comme une horde de brigands indisciplinés. S’il est vrai, Messieurs, que ce soit le véritable intérêt de la discipline qui nous guide, donnons donc aux soldats des chefs auxquels ils puissent obéir, des chefs qui ne s’appliquent point sans cesse à comprimer, à blesser toutes les plus douces, toutes les plus chères affections du cœur humain, tous les sentiments les plus chers à de bons citoyens. Pourquoi forcer les hommes à obéir à des chefs qui les oppriment ? Pourquoi vous obstiner à lier des guerriers fidèles à des chefs révoltés? Faut-il donc qu’ils ne puissent à la fois respecter leurs officiers, les lois et la justice? Ne les réduisez point à opter entre l’obéissance que vous leur imposez envers leurs offi-[10 juin 1791. J ciers et l’amour qu’ils doivent à la patrie. ( Applaudissements à gauche. — Murmures à droite.) Quels étranges projets que ceux de vouloir changer aujourd’hui des soldats français eu automates, sans intelligence, sans patrie, sans aucun sentiment de liberté, sans aucune idée de la dignité de l’homme, et tout cela afin qu’ils défendent mieux la patrie et les droits de la nation, et tout cela afin que l’esprit de l’armée soit mieux assorti aux principes et à la nature delà Constitution! Oli ! quel étrange abus on a fait de ce mot de discipline militaire I Par quel artifice on a confondu toutes les idées, méconnu tous les principes, cumulé tous les préjugés sur lesquels la puissance du despote le plus absolu s’appuie. Un jour, et peut-être bientôt, ces questions seront éclaircies. Mais en attendant cette époque, Messieurs, gardez-vous de vouloir obstinément des choses contradictoires, de vouloir établir l’ordre sans la justice. Législateurs, ne vous croyez pas plus sages que la raison, et plus puissants que la nature. C’est la raison, c’est la nature même qui, dans la situation où se trouve notre armée, ne permettent pas que nos soldats soient encore longtemps fidèles à la nation et soumis à leurs officiers. C’est la raison qui bientôt au nom de la patrie, au votre même, leur demandera une obéissance moins aveugle. Eh! si vous ne faites pas vous-mêmes ce qu’exige l’empire de la nécessité, craignez que la nécessité elle-même ne le fasse. Alors peut-être il serait permis de penser que les soldats seraient moins souples à la discipline. Pour moi, je n’ai pas même cette appréhension. Je suis bien plus porté à croire qu’à l’exemple de quelques corps dont les officiers ont disparu, ils n’en seraient que plus in-violablemeot attachés à leurs devoirs, et que loin d’abuser d’un succès qu’ils auraient été obligés d’emporter pour le salut de la patrie, leur force ne serait jamais redoutable qu’à leurs ennemis et aux nôtres. Il est assez clair, ce me semble, qu’en s’obstinant à empêcher ce licenciement des officiers, on vous expose essentiellement à courir deux chances. En effet, Messieurs, si les officiers actuels restent à la tète de l’armée, il doit arriver nécessairement i’une ou l’autre de ces alternatives : ou bien la discorde continuera de régner entre eux et les soldats; alors comme cette même opposition subsistera toujours, comme cette discorde a sa source dans le mécontentement des officiers, et dans l’attachement des soldats fidèles à leurs devoirs de citoyen, alors, ou les officiers triompheront, ou ils écarterons les uns, séduiront les antres par les divers moyens qui sont en leur pouvoir, et les soldats ne seront plus entre leurs mains que des instruments dociles et dévoués; ou bien ces soldats l’emporteront par l’usage de leur force. Dans ce dernier cas vous avez, suivant nos adversaires, le trouble, le désordre de l’anarchie. Dans le premier, qu’avez-vous? Une armée animée d’un esprit de conspiration et prête à seconder les projets les plus sinistres contre la Constitution; par conséquent le despotisme, c’est-à-dire ce qui pourrait arriver de plus heureux pour les ennemis de la liberté. Telle est la cruelle alternative où l’on nous place. Ce serait précisément cette paix, cette subordination, cette discipline si extraordinaire que l’on veut établir par des moyens plus extraordinaires encore, le trouble ou le despotisme. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 juin 1791.] Voilà les perspectives qui se présentent dans le système opposé au licenciement. Ainsi on pourra choisir l’un ou l’autre à la fois, suivant les vues de l’intérêt et de l’ambition personnelle. Il n’y a que les amis de la liberté publique à qui le licenciement puisse convenir. Non, Messieurs, ne craignez plus les dangers chimériques que l’on vous présente pour vous distraire des dangers réels. Craignez plutôt cette facilité funeste que l’on trouve à vous inspirer de fausses terreurs. Craignez la faiblesse, que dis-je, ne la craignez pas. La faiblesse et la crainte conviennent aux tyrans, le courage aux défenseurs du peuple et de l’humanité. Je ne redoute pour les honnêtes g> ns et pour vous que deux écueils, la crédulité des honnêtes gens et la duplicité des méchants. Après avoir pourvu à la nécessité impérieuse d’opérer le licenciement, je ne puis m’empêcher de jeter un coup d’œil sur les moyens qui vous ont été présentés pour y suppléer. Ils se réduisent seulement à punir les soldais, et à attendre patiemment que les officiers prennent intérêt à la Constitution, lorsqu’un jour ils connaîtront que leurs véritables intérêts les y attachent; à stimuler l’honneur et le préjugé des officiers, en leur faisant contracter par écrit l’engagement de respecter la Constitution, à accorder un traitement à ceux qui refuseront de souscrire à l’engagement de ne pas faire de mal à la patrie, enfin à cantonner l’armée, la séparer des citoyens pour punir les sol tats du mal qu’ils n’ont pas fait, et les laisser à la discrétion de leurs chefs pour les pratiquer ou les tyranniser, s’ils ne veulent pas se prêter à leurs coupable vues. Et dans quel état de choses vous propose-t-on d’agir ainsi? Les premières notions du sens commun et de la justice exigent que l’on porte un œil sévère sur la conduite des supérienrs, surtout quand ces supérieurs sont justement suspects d’avoir causé le mal que l’on cherche à prévenir; mais je le répète, sans justice, sans équité, sans humanité, il n’est pas possible de rétablir la discipline et la subordination. Présenter à la nation pour garant de la fidélité, de l’attachement des officiers qui jusqu’ici ont professé des principes opposés à la Constitution, la parole d’honneur de ces mêmes officiers, c’est, j’en conviens, une idée qui peut prêter à une déclamation heureuse, mais qui, aux yeux de la politique et de la sagesse, est bien la plus ridicule de toutes les mesures. Ces officiers, de qui vous exigez un engagement d’honneur, n’ont-ils pas déjà prêté un serment équivalent de celui qu’on veut ieur faire prêter, celui de défendre la Constitution, celui d’être fidèle à la nation, à la loi et au roi? Par quel renversement de raison peut-on croire que la parole d’honneur des officiers a quelque chose de plus sacré que le serment le plus solennel et le plus religieux? Mais, Messieurs, de qui exigez-vous cette parole d’honneur? La délibération qui vous occupe le dit déjà clairement, de ceux qui sont supposés déjà être les ennemis de la Révolution, les ennemis des droits de la nation. Et c’est l’honneur de ces hommes qu’on vous donne pour un sûr garant de leurs sentiments I Je ne sais, Messieurs, ce que vous pensez en qualité de citoyens, en qualité de législateurs, en qualité d’hommes publics, d’un pareil sentiment; mais pour moi, je vous déclare qu’il n’a rien de commun, ni avec le civisme, ni avec la vertu; je déclare qu’il me paraît trop extraordinaire, trop bizarre, trop contradictoire, pour que je puisse lui confier l’intérêt de la nation et le maintien de la Constitution. ( Murmures à droite.) Messieurs, des législateurs pourvoyant au salut public prennent des mesures beaucoup plus sûres, beaucoup plus imposantes; ce n’est point dans les prétendus préjugés d’une classe de citoyens, qu’est placé l’espoir du salut public, c’est dans l’autorité des lois, c’est dans les mesures qui mettent les ennemis reconnus de la patrie dans l’impossibilité de lui nuire. Voilà des précautions dignes de vous. Messieurs, si je voulais entrer dans de plus grands détails sur cet objet, je vous dirais que, même de l’aveu de certains hommes bizarres on peut éluder le serment qu’on aurait proféré. Messieurs, pour être un bon citoyen, pour défendre utilement la patrie contre ses ennemis intérieurs et extérieurs, il ne suffit pas d’avoir juré qu’on sera fidèle à la Constitution : il faut encore connaître tous les devoirs de détail qu’impose le véritable amour de la Constitution ; il faut avoir encore dans l’âme ce zèle impérieux qui vous porte à user de tous les moyens qui sont en votre pouvoir, pour la défendre ; il faut être disposé à sacrifier, non seulement sa vie, mais ses affections, mais ses préjugés. Et pour ce, un engagement d’honneur ne suffit pas. (. Applaudissements à l'extrême gauche et dans les tribunes.) Un membre à droite : Allons donc ! Vous ne connaissez pas l’honneur... M. Robespierre. On dit que je ne connais pas les principes de l’honneur... A droite : Non ! M. Robespierre, et je me fais gloire de ne pas connaître cet honneur qui permet d’être l’ennemi de la liberté et de la patrie, qui peut violer un premier serment fait au nom de la patrie, et qui a besoin d’un second serment pour rassurer la patrie. ( Applaudissements à gauche.) J’ajoute, Messieurs, que rien n’est si impolitique de la part des législateurs et des auieurs de la Constitution française, que de reconnaître que l’on peut se passer de civisme, d’honnêteté, de vertu, pourvu qu’on ait de l’honneur, et de mettre ce principe, ce préjugé féodal à la place de la vertu. Un membre à droite : Ohl quelle impertinence 1 M. Robespierre. Je passe à la quatrième disposition du projet du comité, qui consiste à assurer un traitement à ceux qui n’auront pas voulu souscrire l’engagement proposé, qui est de ne pas conspirer contre l’Etat et de défendre la Constitution. Il faut convenir que c’est un singulier genre de libéralité que celui qui assure une pension à ceux qui ne veulent pas même jurer de ne pas conspirer contre l’Etat. Je finis par un mot sur le dernier article qui porte que les soldats seront cantonnés et séparés des citoyens. Je conçois que cette mesure est bien entendue pour assurer la liberté de pratiquer l’armée, et de la porter au but que l’on se propose ; je conçois que l’on craigne l’influence de l’esprit civique répandu dans toutes les parties de la France sur l’armée ; je n’ai donc plus rien à opposer à cet article, si ce n’est qu’il est trop adroit, et conséquemment qu’il faut le rejeter. Je conclus de tout ce que j’ai dit, que la question préalable sur le projet de décret, et que le 112 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 juin 1791.] licenciement des officiers de l’armée sont indispensables. M. de Cazalès (i). Je ne puis me déterminer, Messieurs, à répondre à la calomnieuse diatribe que vous venez d’entendre contre les officiers de l’armée française (Murmures.), contre un corps qui, par son courage et ses vertus, mérite le plus profond respect de tous ceux qui le connaissent, parce que je ne veux pas, en répondant au préopinant, rapprocher l’intervalle immense qui sépare ses lâches calomnies des hommes contre lesquels il les a dirigées. ( Murmures violents et protestations à l'extrême gauche : A l’ordre! à l’ordre!) M. Bonite ville-Bumetz . Je demande expressément que M. de Cazalès soit rappelé à l’ordre pour se permettre des personnalités. M. Gaultier-BIauzat. Je demande que M. de Cazalès ne puisse pas avoir la parole qu’il n’ait été puni de son insolence. (. Applaudissements .) M. de Jtlontlosier. Il n’y a d’insolent et de lâche qu’un homme. comme vous. A gauche : A l’ordre ! à l’ordre ! M. de Cazalès. Monsieur le Président, je vous prie de consulter l’Assemblée... M. Males. Je demande la parole pour une motion d’ordre contre M. de Cazalès. ( Mouvement prolongé.) M. de Cazalès. Je ne demande pas mieux que l’Assemblée nationale juge la phrase que je viens de prononcer; qu’elle décide si après les diatribes, après les calomnies... A l'extrême gauche. C’est faux! c’est faux! A l’ordre! à l’ordre! A l’Abbave! M. de Cazalès... Si après les calomnies qui viennent d’être prononcées dans cette tribune contre le corps des officiers de l’armée française, dont j’ai l’honneur d’être membre, et qui est le corps le plus respectable et le plus brave de l’Europe... ( Murmures prolongés à gauche.) M. Malès, en montrant M. de Cazalès. En voilà un de ces braves officiers de l’armée française! M. Prieur. Le licenciement dans l’instant!!! M. Bewbell, ironiquement. Supposez M. de Cazalès commandant de l’armée ! M. de Cazalès. Monsieur le Président, j’ai donné la marque de mon plus profond respect pour l’Assemblée, quand j’ai contenu la juste indignation que je devais ressentir de la manière dont on traitait mes frères d’armes. A gauche : Allons donc ! allons donc I M. de Cazalès... Quand j’ai entendu prodiguer des allégations dont aucunes preuves n’existent et dont tout l’odieux doit retomber sur leur inventeur; quand j’ai entendu accuser 10,000 ci-(1) Ce discours est incomplet au Moniteur. toyens français, qui, dans la crise politique que nous venons d’éprouver, ont constamment donné les preuves les plus authentiques de ce courage héroïque ( Murmures à gauche.)... de cette vertu difficile qui consiste à opposer la patience à l’injure, et la raison au délire, de cette vertu difficile surtout pour des hommes à qui les préjugés de leur naissance et de leur éducation commandent de repousser l’injure par la force (Murmures à gauche.)-,... quand j’ai entendu accuser 10,000 citoyens français, qui, placés dans la position la plus difficile, environnés d’insurrections soudoyées, entourés de districts et de municipalités faussement patriotes, jugés par des tribunaux dont on ne pourra certainement pas suspecter le zèle pour la Révolution, sont pourtant demeurés tellement irréprochables aux yeux même de leurs ennemis, que toutes les accusations dirigées contre eux ont été démenties, et qu’il n’en est pas un seul contre lequel on ait pu prouver le plus léger soupçon de crimes (Murmures à gauche.),... pas un seul que l’on ait osé déclarer coupable. Voilà, Messieurs, les hommes que l’on ose calomnier devant vous ; voilà les hommes pour lesquels je demanderais justice, s’ils avaient besoin d’être justifiés. Dès longtemps j’aurais arrêté le préopinanf, qui s’est permis cette diatribe, pour demander que lui-même fût rappelé à l’ordre ; mais je suis, je le déclare, le partisan de la liberté la plus illimitée des opinions, et, en me condamnant à entendre ce qui a été dit dans cette tribune, je déclare qu’il est au-dessus de tout pouvoir humain de m’empêcher de traiter avec le mépris qu’elles méritent les calomnies qui ont été dites. (Applaudissements à droite-, murmures cl gauche.) Mais j’hésite, je l’avoue, pour savoir si je répondrai sérieusement à la motion insensée qui a été faite à cette tribune, à cette motion dans laquelle il est difficile de distinguer ce qui domine le plus ou de l’injustice ou de la folie, à cette motion où l’on vous propose d’ôter leur état à 10,000 citoyens français... Une voix à gauche: Ce sont de mauvais citoyens! A droite : A l’ordre! à l’ordre! M. Foncault-Lardimalie. Il n’y a qu’un lâche qui puisse proférer une telle parole. M. Boutteville-Dumetz. Monsieur le Président, je demande que vous rappeliez à l’ordre la personne qui a dit cela. M. le Président. Si j’eusse reconnu la personne, je l’aurais certainement rappelée à l’ordre. M. de Cazalès... à cette motion par laquelle on vous propose d’ôter leur état à 10,000 citoyens dont le plus grand éloge que l’on puisse faire de leur conduite est le silence de leurs ennemis, que personne n’a osé accuser et contre lesquels aucune espèce de plainte fondée n’est parvenue jusqu’à vous; car aucun officier n’a été trouvé coupable, et l’on ne peut douter de leur bonne conduite, si l’on songe avec quelle sévérité, avec quelle vigilance toutes leurs démarches, tous leurs actes, toute leur conduite ont été examinés et épiés. G’est au moment où l’on vous menace de l’invasion des ennemis sur vos frontières... (Murmures et interruptions à gauche.) [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 juin 1791. j Que ceux qui m’interrompent ne les craignent pas plus que moi et je consens volontiers à n’en plus parler. Pour moi ce n’est pas que je craigne la guerre qui nous menace; mais je craindrais toujours toute guerre qui pourrait diviser les citoyens français. C’est dans ce moment, dis-je, qu’on vous propose de priver la nation de 10,000 de ses plus braves défenseurs. ( Murmures à gauche.) C’est dans ce moment qu’on vous propose d’extraire de l’armée 10,000 officiers qui, au jugement du roi de Prusse, sont l’élite de tous les guerriers de l’Europe; c’est dans ce moment qu’on vous proposer de priver tous les soldats de leurs chefs, de leurs guides, de leurs protecteurs, de leurs amis. On vous trompe grossièrement, Messieu s, quand on vous dit que les officiers ne sont pas l’objet de l’amour et du respect des soldats. Si cette vérité souffrait quelque doute, les événements de la Révolution, les événements qui ont marqué la crise politique que nous éprouvons, porteraient jusqu’à l’évidence cette incontestable vérité. Vainement a-t-on employé les suggestions le3 plus perfides; vainement a-t-on prodigué tous les moyens de corruption pour éloigner les soldats de leurs officiers. Si l’on a réussi à opérer quelque séparation momentanée, à peine a-t-elle eu lieu quelques instants; à peine l’égarement du désordre était-il passé, que les soldats reconnaissaient leur erreur ; l’oubli de leurs devoirs n’a jamais duré que le temps de leur ivresse et ils sont venus bientôt dans le sein de leurs officiers expier leur crime par leur repentir; les fumées du vin, les fumées de la débauche peuvent bien obscurcir un instant l’amour, le respect qu’ils leur portent, mais rien ne saurait le détruire ; il est indestructible, parce qu’il repose sur les exemples de courage et de probité qu’ils ne cessent de leur donner; il est indestructible, parce qu’il repose sur ces mêmes vertus que, plus que personne, les soldats savent estimer. Rien ne peut ôter aux officiers français la confiance de leurs soldats. Elle ne les abandonnera pas dans les circonstances les plus critiques, et si, dans les moments difficiles où nous sommes; si dans ces circonstances où l’esprit d’insurrection s’est propagé avec une effrayante rapidité; si, dans ces moments où la licence et le désordre sont montés à leur comble; si, dans ce moment où tous les liens de la discipline militaire sont relâchés, l’armée française est encore en masse, si elle est encore réunie sous ses drapeaux, si elle n’est pas encore dispersée dans tout le royaume, si elle n’y est pas débandée, livrant au pillage les propriétés des citoyens, c’est leur respect, c’est leur amour pour leurs officiers. . . A gauche : Pour la loi 1 pour la loi 1 M. de Cazalès, qui en est la seule cause... (Applaudissements à gauche.) Je ne veux pas ici déprécier le mérite des bas officiers et leurs qualités personnelles ; je ne veux pas jouer le rôle odieux de dénonciateur; mais la force de la vérité, la force des circonstances, l’intérêt pressant de la patrie m’obligent à vous dire, qu’autant les officiers de l’armée française sont l’objet de l’amour des soldats, autant beaucoup de bas officiers sont l’objet de leur haine. Ce sont les bas officiers qui inquiètent les soldats. L’officier subalterne est son ami et sa consolation; il est son recours; c’est lui qui le 1” Série. T. XXVII. 113 protège; c’est lui qui le défend; c’est à lui qu'il a voué son estime et son amour. Jamais les bas officiers n’obtiendront des soldats cette confiance qui rend si terribles les guerriers français quand ils marchent contre les ennemis du dehors ; jamais ils n’obtiendront le pouvoir d’exercer sur eux cette autorité suprême qui seule peut ramener à la discipline le soldat qui serait tenté de s’en écarter. Si vous acceptiez le projet qu’on vous propose, si vous remplaciez les officiers par les bas officiers, vous auriez une armée sans énergie, sans discipline; vous verriez vos frontières livrées à l’ennemi, et l’intérieur du royaume au meurtre et au pillage. Cette assertion, Messieurs, ne sera contestée par aucun des membres de cette Assemblée qui ont quelque connaissance de l’armée française. Si le témoignage de vos. propres membres ne suffit pas pour vous convaincre, interrogez les soldats qui vous entourent, les soldats des troupes de ligne qui servent dans l’armée parisienne; qu’ils répondent : ils vous apprendront la différence infinie des sentiments qui les attachent à leurs officiers ou à leurs sous-officiers. Je ne poursuivrai pas plus longtemps cette discussion, parce qu’il est scandaleux qu’elle ait été entamée, parce que celte motion est dangereuse par cela seul qu’elle a été faite, et qu’il importe essentiellement à la chose publique qu’au moment où l’armée française en aura connaissance, elle apprenne en même temps qu’elle est restée entre le scandale et le mépris; qu’elle n’a pas même obtenu les honneurs de la discussion, qu’elle n'a été écoutée de l’Assemblée nationale que parce qu’il est de l’essence d’un corps délibérant d’écouter tout ce qu’on propose, et que s’il est possible qu’elle soit mise aux voix, elle sera repoussée par l’unanimité de vos suffrages. Je passe maintenant au projet de votre comité, et j’examine si effectivement il est nécessaire d’imposer un nouveau serment aux officiers de l’armée. M. d’André. Occupons-nous d’abord du licenciement, nous discuterons ensuite le projet du comité. M. Rœderer. Il serait nécessaire pour la délibération de l’affaire, que le comité diplomatique, dont on annonce le rapport comme étant prêt, fît demain ce rapport sur les affaires actuelles de l’Etat, notamment du côté du Rhin, parce que c’est peut-être dans ce rapport que vous prendrez des principes de détermination relativement à l’armée, et que vous éclaircirez la grande question de savoir si toute la puissance de l’armée de M. de Gondé et de ses adhérents n’est pas placée au milieu de l’armée française. ( Vifs applaudissements.) Car les forces rassemblées de M. de Gondé sont si impuissantes, si méprisables, qu’il ne peut tomber dans la tête d’aucun homme raisonnable, que ce soit avec ces ressources qu’il entreprenne d’entrer dans le royaume. Gette idée conduit donc à la scrutation très attentive, très cauteleuse, très inquiète des ressources qu’il peut s’être ménagées dans l’intérieur, et, encore une fois, c’est de l’examen de l’état de nos affaires relativement à l’étranger, que doit dépendre le sort delà question qui nous occupe en ce moment. Je demande donc qu’avant de prendre aucun parti sur le licenciement de l’armée, pour ou contre, l’on entende le comité diplomatique, pour 8 114 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [il juin 1791.] ensuite reprendre la discussion, et que son rapport soit mis à l’ordre du jour de demain. M. de Cazalès. Je ne m’oppose pas à ce qu’on examine la conduite des officiers, quoique je la croie à l’abri de tout soupçon. (. Murmures et rires.) M. Babey, ironiquement . Sont-ce des soldats ou des officiers que l’on voit auprès de M. de Condé ? (Applaudissements à gauche.) M. de Cazalès. Je suis certain que l’examen de leur conduite mettra leur pureté en évidence. Je suis donc loin de m’opposer à ce qu’on entende le rapport du comité diplomatique; mais il me semble étrange que ce comité, qui s’est réuni à ceux au nom desquels M. de Pusy vous a parlé, ait besoin d’être inlerrogé, et je pense que si, comme nous l’a dit le rapporteur, le projet de décret qu’il a proposé, a été arrêté de l’avis individuellement unanime de tous les comités, nous avons peu de lumière à attendre du nouveau rapport que l’on demande. Il serait possible que l’opinion de M. Rœderer fût irréfléchie, ou qu’elle contînt uniquement un désir d’ajournement. Au reste, l’Assemblée prendra à cet égard, comme de raison, la détermination qu’elle voudra. Si la discussion continue, je demande la permission de continuer mon opinion ; si elle est ajournée, je me soumets très volontiers à la proposition de M. Rœderer. M. Rabaud-Saint-Etfenne. Les deux rapports des comités devaient être présentés ensemble , et s’éclairer l’un l’autre. Celui qu’on vous a fait n’est qu’une partie de leur travail. J’appuie donc, pour un autre motif que le préopinant, l’opinion de M. Rœderer, et je demande que la délibération actuelle soit suspendue, et le rapport sur la mesure générale ajourné à demain matin. Plusieurs membres : Le rapporteur est ici. M. Rœderer. Eh bien ! puisque M. le rapporteur est présent, je demande que la délibération actuelle soit suspendue et qu’il soit entendu. M. Frétean-Saint-Jnst, au nom des comités réunis. Messieurs, les comités réunis ont été unanimes sur le projet de décret que leur rapporteur vous a présenté. Ils ont pensé qu’il ne fallait pas laisser l’armée entière longtemps incertaine sur la motion du licenciement qui leur a été renvoyée. Ayant encore quelques mesures à arrêter ce soir, ils pensaient que M. Bureaux pouvait ce matin faire le rapport que vous avez entendu. Je demande qu’on ajourne à demain onze heures la délibération actuelle, après que le rapport sur les mesures générales vous aura été fait. M. de Cazalès. Dans ce cas, Monsieur le Président, je demande à l’Assemblée nationale de ne pas continuer mon opinion et de me réserver demain la parole. ( Marques d'assentiment.) (L’Assemblée, consultée, décide qu’elle entendra demain le rapport des comités sur la situation du royaume, et ajourne la délibération après la lecture de ce rapport.) M. le Président lève la séance à trois heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DAUCHY. Séance du samedi 11 juin 1791, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance de jeudi au matin, qui est adopté. M. Bouche. Messieurs, par le décret du 25 avril dernier, vous avez décrété la nomination d’un secrétaire-rédacteur des délibérations qui seront prises dans le conseil du roi : il n’a pas encore été donné suite à ce décret. Je demande que M. le Président soit autorisé à se retirer par devers le roi pour le prier de hâter cette nomination. M. d’Ailly. J’observe à l’Assemblée qu’il ne serait ni raisonnable ni politique d’introduire quelque étranger dans le conseil et qu’on ne peut pas en faire une obligation au roi. Je demande le renvoi de cet objet au comité qui a proposé le décret. (La motion de M. Bouche est renvoyée au comité de Constitution.) M. le Président, fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, d’une note du ministre de la justice ainsi conçue : « Le roi a donné sa sanction, les 29 mai dernier, 1er, 3, 5 et 8 juin présent mois, aux décrets suivants : Sanction du 29 mai 1791. « Décret du 21 mai dernier, portant des dispositions générales relatives aux électeurs qui se refusent au serment civique avant de procéder aux élections, et des dispositions particulières aux électeurs du département de la Lozère, qui ont refusé le même serment lors de l’élection de l’évêque de ce département. « Décret du 24 dudit, qui annule les promesses ou obligations de pensions ou traitements consentis pour cause de démission d’emplois des anciennes fermes et régies, et qui résilie, à compter de janvier 1792, les baux à loyer des magasins, maisons et bureaux employés au service des mêmes fermes et régies. « Décret du 27 dudit, portant diverses dispositions relatives à la confection de l’inventaire des objets du garde-meuble mentionnés dans l’article 6 du décret du 26 mai 1791, sur la liste civile. « Décret des 27 et 28 dudit, pour la convocation de la première législature. « Décret du 29 dudit, contenant nouvelle rédaction de l’article 10 du titre II du décret sur la convocation de la première législature. »> Sanction du 1er juin 1791. « Décret des 13 et 15 dudit, qui accorde l’initiative aux diverses assemblées coloniales, rela-(1) Celte séance est incomplète au Moniteur.