133 [Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 octobre 1790.] à l’époque du système, et avec des valeurs exagérées. Quelque sacré que doive paraître l’intérêt du créancier, il est entièrement respecté, lorsqu’à défaut d’accepter volontairement son remboursement à un taux avantageux il verra placer sous ses yeux, d’une manière solide, le capital entier de sa rente ; en sorte qu’il n’existera ni risque pour le premier, ni interruption pour l’autre, et que sa position restera absolument la même qu’auparavant. Cet article est tellement de droit qu’il n’en eût pas été question ici, s’il n’était pas important de prévenir toute difficulté et toute équivoque, soit de la part du titulaire créancier qui croirait pouvoir forcer la nation à un remboursement qu’elle ne doit pas, soit de la part des débiteurs qui se fonderaient sur la liquidation d’un office pour se dispenser de payer un objet qui n’en faisait ni n’en devait faire partie. En effet, des rentes constituées, soit sur le roi, soit sur des corps ou individus, qui ont été cédées à des titulaires à l’occasion de leurs offices, mais par des traités et conventions particulières, appartiennent individuellement au titulaire ; et si, d’un côté, il n’a pas le droit d’en exiger le remboursement de l’Etat parce qu’elles n’ont jamais pu faire partie de sa finance et de son évaluation, de l’autre aussi, l’Etat, par cette même raison, ne peut vouloir l’en dépouiller, ni souffrir qu’on l’en dépouille. « Art. 14. Tous créanciers hypothécaires sur les offices de judicature supprimés pourront former, si fait n’a été, dans les six semaines à compter de la proclamation du présent décret, leur opposition en la manière ordinaire, et ès mains du garde des rôles, et il ne pourra être procédé au remboursement, par la caisse extraordinaire, qu’en représentant, par le porteur de la reconnaissance de la liquidation, le certificat du garde des rôles qui constatera qu’il n’a été formé aucune opposition, ou qu’il n’eu reste aucune subsistante en ses mains. » Cet article exige peu de développements. Il est vrai que, dans la rigueur, le garde des rôles ne recevait que les oppositions au sceau, et qu’on ne scellera plus de provisions. Mais il faut considérer qu’au même instant où le sceau va cesser d’avoir lieu pour les offices, les offices vont aussi cesser d’exister ; que, par conséquent, il serait inutile de prescrire une nouvelle forme, et de créer un établissement tout exprès pour purger les hypothèques sur un genre de propriétés qui va disparaître. Il est plus naturel de profiter de ce qui existe. Le garde des rôles est déjà dépositaire d’un grand nombre d’oppositions anciennes et récentes; il est simple de lui confier le soin de recevoir le surplus plutôt que d’exposer les opposants aux frais de leur renouvellement, et les débiteurs à ceux d’un double certificat de mainlevée. Quand les offices auront été liquidés et remboursés, les propriétés ou créances qui résulteront de celte opération rentreront dans la classe des propriétés et créances ordinaires, et seront assujetties aux formalités communes à tous les droits et créances dans le royaume. M. le Président. Nous allons mettre successivement aux voix les articles du projet de décret. Les articles 1, 2 et 3 ne donnent lieu qu’à quelques courtes observations et sont adoptés en ces termes : L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : Art. 1er. « Le remboursement de la dette exigible et des offices supprimés ayant été ordonné en assignats-monnaie par le décret du 29 septembre dernier, l’Assemblée nationale décrète que les gages et autres émoluments arriérés des offices supprimés dus par l’Etat seront incessamment acquittés en la forme ordinaire, jusques et compris le 31 décembre 1790 ; au moyen de quoi il ne sera plus réuni au capital de chaque office lors de sa liquidation, que le montant des droits de provision énoncés en l’article 10 du titre premier du décret du 12 septembre. Art. 2. « En conséquence de la précédente disposition» tous émoluments, gages et attributions cesseront au 1er janvier 1791. Les compagnies supprimées seront exclusivement tenues d’acquitter tous les arrérages de leurs dettes passives jusqu’au 31 décembre de la présente année, et l’Etat en sera chargé, à compter du 1er janvier 1791. Art. 3. « Conformément à ce qui a été prescrit par le décret du 12 septembre, il sera délivré à chaque titulaire liquidé un brevet ou reconnaissance de liquidation payable en assignats, et acceptable pour l’acquisition des domaines nationaux. » M. Chabroud propose, par amendement à l’article 4, l’addition de ces mots : Après le Ier janvier 1791 et à compter de la remise complète des titres nécessaires à la liquidation. M. Gossin, rapporteur , adopte l’amendement. L’article est décrété ainsi qu'il suit : Art. 4. « Ces reconnaissances seront converties en assignats à présentation à la caisse de l’extraordinaire ; elles porteront intérêt à 5 0/0 après le 1er janvier 1791 et à compter de la remise complète des titres nécessaires à la liquidation, jusqu’à leur payement effectif en assignats, ou leur délivrance en payement de domaines nationaux, ainsi qu’il en sera ci-après expliqué. » Les articles 5, 6 et 7 sont successivement décrétés de la manière suivante : Art. 5. « Il sera en conséquence fait mention dans les-dites reconnaissances de la date de la remise complète qui aura été faite des titres nécessaires à la liquidation. Art. 6. « Lesdites reconnaissances seront présentées au bureau spécial et unique, formé par l’Assemblée nationale, sur le plan qu’elle aura adopté, pour y être timbrées, numérotées et registrées avant de pouvoir être présentées à la caisse de l’extraordinaire, pour y être converties en assignats, ou données en payement de domaines nationaux. Art. 7. « Le remboursement de celles desdites recon- 134 [Assemblée nationale ] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 octobre 179ÛL) naissances, qui n’auront pu être acquittées avec les premiers fonds affectés par l’Assemblée nationale à cette destination, ne pourra s’effectuer sur les assignats qui ne seront de nouveau émis 3 ne par ordre de leurs numéros, en vertu d’un écret de l’Assemblée nationale, qui indiquera la série des numéros remboursables. Les intérêts cesseront pour les numéros indiqués à compter du jour fixé pour ledit remboursement. » M. Gossin, rapporteur , donne lecture de l’article 8 du projet portant exception en faveur des officiers de police, auxquels les intérêts de leurs finances seraient comptés depuis que l’exercice de leurs fonctions avait été transporté aux municipalités. M . Regnaud (de Saint-Jean d'Angély ) observe que si la disposition de cet article était admise, il faudrait, par les mêmes raisons, l’étendre à beaucoup d’autres officiers; que les officiers de police ayant des gages dont le payement leur serait continué comme aux officiers de justice, il n’y avait pas de motifs de les traiter différemment. On demande la question préalable sur l’article. Elle est mise aux voix et l’Assemblée décrète qu’il n’y pas lieu à délibérer. Les articles 9 et 10 du projet, devenus 8 et 9, sont relus et décrétés comme il suit : Art. 8. « En attendant le remboursement des reconnaissances en assignats, les porteurs d’icelies pourront les donner en payement des domaines nationaux par eux acquis, et elles y seront reçues comme comptant. Leurs intérêts, qui auront couru du 1er janvier 1791, cesseront en ce cas du jour de ladite adjudication. Art. 9. « Pour faciliter l’exécution de la précédente disposition et diminuer l’émission des assignats, les titulaires liquidés auront la faculté de faire diviser leur brevet en plusieurs portions , à la charge qu’il sera fait mention de cette division dans chacun des coupons délivrés. » M. Mougins demande, sur l’article 11 du projet, que les propriétaires de finances d’offices non encore liquidés, puissent concourir à l'acquisition des domaines nationaux, non pas simplement pour moitié, mais pour la valeur entière de leur terre. M. Rœderer observe à cet égard qu’on ne peut admettre en totalité des titres qui ne seraient pas encore liquidés, mais que la disposition de l’article est sans préjudice pour les titulaires, puisque, pouvant obtenir des termes pour une partie du prix de leurs acquisitions, la liquidation de leurs créances se ferait assez à temps pour qu’ils pussent en employer la moitié restante à leur libération.. Quelques opinants observent que l’objet de la liquidation étant, non seulement de savoir quelle est la finance, mais s’il y en a une, et quel en est le propriétaire, il n’est pas même possible d’admettre en payement pour une partie les titres non liquidés et reconnus. Ils demandent la question préalable sur l’article. Cette question est mise aux voix et l’Assemblée décrète qu’il y a heu à délibérer. On demande une nouvelle lecture de l’article.. Un nouvel amendement est proposé, tendant à faire admettre la valeur entière des titres en donnant caution. Cet amendement est écarté par ia question préalable, et l’article est décrété en ces termes : Art. 11, devenu le 10. « Pour assurer à tous les officiers supprimés et non liquidés, les avantages delà concurrence, f’As-sembiee les autorise à enchérir en vertu du titre authentique de leurs offices, et à faire admettre provisoirement ledit titre en payement jusqu’à concurrence de moitié de sa valeur seulement, résultante du décret du 12 septembre, d’après les bases respectivement fixées audit décret pour les diverses espèces d’offices » . Un membre fait, sur l’article 12 du projet, quelques observations touchant les droits des créanciers des titulaires. M. Gossin répond qu’ils ne souffriront aucune atteinte, puisque, ne s’agissant que d’un échange, d’une subrogation de l’office dans un domaine national, ks droits des créanciers n’en étaient que mieux assurés par l’effet d’une telle conversion, qui, au lieu d’un immeuble fictif, leur donnait pour gage un immeuble réel. M. Martineau expose que les droits des créanciers privilégiés exigeraient que, par une disposition particulière, ils fussent admis à contraindre leur débiteur d’acquérir ou à le faire eu leur nom. M. de La Rochefoucauld répond que les divers comités chargés de présenter des plans de liquidation, s’occupent de cet objet, et présenteront, à cet égard, des dispositions ultérieures. M. Dionis-Duséjour soutient que les créanciers simplement hypothécaires peuvent mériter la même faveur; quecette question doitêtreencore examinée, d’autant mieux qu’étant forcé d’ajourner celle des créanciers privilégiés, l’une et l’autre peuvent être rapportées conjointement. On demande l’ajournement. L’ajournement est écarté par la question préalable. L’article 11 est ensuite mis aux voix et décrété en ces termes : Art. 11. « Les reconnaissances annoncées ci-dessus resteront, jusqu’à leur remboursement, affectées et hypothéquées sur les offices qu’elles représenteront; et ne pourront les créanciers, jusqu’audit remboursement, exiger autre chose de leurs débiteurs ni de leurs cautions, que le payement des intérêts de leurs créances. » Les trois derniers articles du projet formant, au moyeu du retranchement de l’article 8, les articles 12, 13 et 14, sout successivement décrétés de la manière suivante : Art. 12. « La même chose aura lieu à l’égard des titres d’office ou reconnaissances de liquidation, qui serviront à payer la totalité d’un domaine natio- [Assemblée nati ouate.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [39 octobre 1790.} nal : l’hypothèque, audit cas, passera sur le domaine acquis sans aucune novation; sauf de la part du créancier à exercer tous ses droits sur ledit domaine, comme il les eût exercés sur l’office. Art. 13. « Les créanciers sur offices d’une rente originairement constituée au denier quarante ou cinquante, ne pourront exiger leur remboursement qu’autant que leur débiteur aura été iui-même remboursé; et ils ne pourront l’exiger, audit cas, qu’au denier vingt-cinq du produit, et le montant de la rente à eux due : en conséquence, et faute par eux de consentir au remboursement sur ce pied, le débiteur aura droit de colloquer à intérêt ou en acquisition de domaines, en présence desdits créanciers, ou eux dûment appelés, la somme totale du capital originaire, pour, sur l’intérêt d’icelui, être la rente servie et acquittée comme par le passé. Art. 14. « Tous créanciers hypothécaires sur les offices supprimés, pourront former, si fait n’a été, dans les six semaines, à compter de la proclamation du présent décret, leur opposition en la manière ordinaire, ès mains du garde des rôles, et il ne pourra être procédé au remboursement par la caisse de l’extraordinaire, qu’en représentant, par le porteur de la reconnaissance de liquidation, le certificat du garde des rôles, qui constatera qu’il n’a été formé aucune opposition ou qu’il n’en reste aucune subsistante en ses mains. » M. Fepoutre, député de Lille, qui avait obtenu un congé le 10 de ce mois, annonce qu’il reprend sa place à l’Assemblée. L'ordre du jour est la discussion du projet de décret présenté par le comité d'agriculture et de commerce sur le recrutement des barrières aux frontières et la suppression des droits de traité dans l'intérieur du royaume. M. Pi'ugnon demande que la discussion s’ouvre sur l’ensemble et les bases du plan. M. Goudard, rapporteur. L’objet de cette demande sera également rempli en discutant de suite article par article, puisque l’article premier -procure l'abolition de tous les droits de traite et des bureaux placés dans l’intérieur du royaume pour leur perception. C’est là le fondement de toute l’opération. . M. le Président consulte l’Assemblée qui décide que la discussion aura lieu article par article. M. Pr ii g non, Je demande la parole pour défendre les privilèges de la province de Lorraine que le despotisme même a respectés à diverses époques. , M. de Foucault. Il n’y a plus de privilèges. M. Robespierre. 11 n’y a plus de provinces . (Les murmures augmentent. L’orateur quitte la tribune.) M. Rœderer. La ville de Metz avait le même intérêt que celle de Nancy à s’opposer au recu-m lement des barrières ; son privilège était tout aussi bien fondé ; elle avait recommandé à ses députés do s’opposer au reculement; mais depuis la division du royaume, Metz a renoncé aux exceptions et je suis persuadé que si les députés de Lorraine avaient consulté leurs commettants, ils auraient reçu une réponse conforme à la Constitution. (Cette déclaration est fort applaudie.) M. Diiquesnoy. Je suis député de Bar-le-Duc et pourtant je voterai le reculement parce que je le considère comme nécessaire à la prospérité de cet Empire et que les intérêts généraux doivent dominer sur les particuliers. (Cette déclaration est vivement applaudie.) M. Gossîi*. Le reculement des barrières sera funeste à l’exportation des vins du Barrois. Ou demande de toutes parts à aller aux voix sur l’article 1er. La discussion est fermée. Les articles 1, 2 et 3 sont ensuite décrétés dans les termes suivants. « L’Assemblée nationale, considérant que le commerce est le moyen de donner à l’agriculture et à l’industrie manufacturière tou3 les développements et toute l’énergie dont elles sont susceptibles, et qu’il ne peut produire cet important effet qu’autant qu’il jouit d’une sage liberté; considérant qu’il est maintenant gêné par des entraves sans nombre; que les droits de traite existants sous diverses dénominations, et établis sur les limites qui séparaient les anciennes provinces du royaume, sans aucune proportion avec leurs facultés, sans égard à leurs besoins, fatiguent, par les modes de leur perception autant que par leur rigueur même, non seulement les spéculations commerciales, mais encore la liberté individuelle; qu’ils rendent différentes parties de l’Etat étrangères les unes aux autres, qu’ils resserrent les consommations, et nuisent par là à la reproduction et à l’accroissement des richesses nationales, décrète : Art. 1er. « À compter du 1er décembre prochain, tous droits de traite et tous les bureaux placés dans l’intérieur du royaume pour leur perception, même ceux établis en Bretagne pour la perception du droit de traite domaniale, et dans le Poitou, l’Anjou et le Maine, pour 1rs droits de traite par terre, et de trépas de Loire, seront abolis. Art. 2. « La suppression prononcée par l’article précédent comprendra également les droits particuliers d’« abord » et de consommation, perçus indépendamment de ceux de traite sur le poisson de mer, frais, sec ou salé, ainsi que les droits de subvention par doublement, et de jauge et courtage, perçus sur les vins et autres boissons exportés à l’étranger, sans qu’il soit rien innové, quant à présent, à ceux desdits droits dus sur les boissons venant de l’étranger, ou passant des pays d’aides dans ceux qui en sont exempts, et reversible-ment; lesquels continueront d’être perçus jusqu’au moment de remplacement, ou de la modification des droits d’aides . Art. 3. « A compter du même jour 1er décembre prochain, les tarifs particuliers de 1661, 1667 et