71 g [Assemblée nationale.] (L’Assemblée renvoie le tout à son comité des impositions, qui, après avoir examiné les plans de l’auteur et l’avoir lui-même entendu, en fera son rapport à l’Assemblée.) On a donné ensuite lecture d’une adresse des officiers municipaux de Pantin, chef-lieu de canton au district de Saint-Denis, département de Paris, qui, en renouvelant les assurances de leur dévouement et de leur soumission aux décrets de l’Assemblée nationale, réclament contre les opérations de l’assemblée primaire de leur canton, formée le 16 de ce mois, et remettent à l’Assemblée diverses protestations et autres pièces qui prouvent l’illégalité de ces opérations. (L’Assemblée renvoie cette adresse et les pièces y jointes, à son comité de Constitution.) On admet à la barre une députation de la garde nationale de Lorient : elle y exprime les sentiments dont elle a été affectée avec tous les bons citoyens, au récit de la malheureuse affaire de Nancy, et fait part à l’Assemblée qu’après avoir rendu les honneurs funèbres à ceux que la mort a moissonnés, et avoir appelé sur eux les secours de la religion, elle s’etait déterminée à venir déposer dans son sein les secours d’une sensibilité fraternelle, tels que ses facultés lui ont permis de les offrir aux familles de ces malheureuses victimes. La députation dépose en conséquence, sur le bureau, un effet de 2,0U0 livres, pour être appliqué à celte destination. (L’Assemblée nationale applaudit vivement à cette démarche de la garde nationale de Lorient. M. le Président exprime à la députation la satisfaction et la gratitude de l’Assemblée, par la réponse suivante : « L’Assemblée nationale reçoit avec satisfaction l’offrande que votre humanité et votre patriotisme viennent lui apporter, et elle s’empressera de la transmettre aux victimes infortunées du dévouement héroïque de vos généreux frères d’armes. C’est pour la nation française un spectacle bien doux, que de voir ainsi les défenseurs et gardiens de la Constitution donner à la fois l’exemple de la bienfaisance et crlui de la bravoure! Elle est donc bieu précieuse à l’bumanité; elle doit donc être bien cUère à toutes les belles âmes, cette liberté que vous avez conquise, et que vous défendez avec tant d’énergie, puisqu’elle est devenue le germe de toutes les vertus guerrières et civiques, puisqu’en un instant elle a converti un peuple d’égoïstes, ou plutôt de castes et d’individus isoles, en une famille unie par les nœuds les plus saints! « Jouissez, Messieurs, de votre ouvrage ; jouissez de l’estime de vos concitoyens, et recevez-en le premier gage dans l’offre que l’Assemblée nationale, interprète de leurs vœux, vous fait des honneurs de sa séance. » M. Prugnon. Je demande que la lettre de change de 2,000 livres soit envoyée de suite au directoire du département de la Moselle établi à Metz, qui sera chargé d’en appliquer la valeur suivant sa destination particulière. (Celte proposition est adoptée.) Il est fait lecture d’une lettre du sieur abbé Brun de Lacombe, qui fait hommage à l’Assemblée de ses ouvrages, qui tous ont annoncé l’heureuse Révolution qui fait aujourd'nui l’honneur de la France, et qui en prépare la prospérité. (L’Assemblée applaudit au patriotisme du sieur abbé Brun de Lacombe ; elle agrée sou hommage, [19 octobre 1790.] et décrète qu’il en sera fait mention dans son procès-verbal, et que les ouvrages remis sur le bureau seront déposés dans ses archives.) Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du matin de ce jour. M. de üoailles observe, sur l’article de ce procès-verbal qui concerne la saisie faite par les gardes nationales d’Abbeville, d’un brick chargé de tabac de contrebande, qu’un détachement du régiment d’Orléans ayant contribué à cette capture par sou intrépidité et ses bonnes dispositions, il était juste que ce détachement participât aux honneurs que l’Assemblée a décernés à la garde nationale d’Abbeville, et que le président fût chargé de lui écrire. (L’Assemblée adopte cette proposition.) M. Poncin, au nom du comité d’agriculture et de commerce, fait le rapport suivant sur un projet de canal destiné à faciliter la navigation des rivières�qui avoisinent Paris (1). Messieurs, on a souvent senti la nécessité d'abréger la navigation des rivières qui se trouvent aux environs de Paris, de la faciliter et de la rendre praticable dans tous les temps. Depuis près de deux siècles, l’on vit éclore différents projets pour se procurer ces divers avantages; l’on distingua celui des sieurs Riquet et de Manse, qui proposèrent d’ouvrir un canal commençant à la Marne, près de Lizy, qui arriverait à la pointe de Belle ville et de là à Paris. Des lettres patentes de 1676 en ordonnèrent l’exécution ; les travaux furent commencés et conduits jusqu’à Meaux; mais la mort de M. Riquet, de son coopérateur, de Colbert, et la pénurie des fonds que le gouvernement devait fournir, les firent abandonner. L’on voulut, en différents temps, ouvrir un canal qui prendrait la Seine au-dessus de Paris, et la rejoindrait au-dessous de cette ville, en passant par Saint-Denis. Il ne paraît pas nécessaire de rappeler l’historique des différents projets que l’on a présentés sur ce canal (2) ; mais il peut être convenable d’observer que leur nombre prouve que l’on attachait beaucoup d’importance à leur objet ; cependant aucun d’eux n’a été exécuté. Le sieur Brullée a présenté, en 1785, au gouvernement un nouveau projet qui réunit presque tous les avantages des anciens, et qui fut renvoyé à l’examen de l’académie des sciences. Les sieurs Condorcet, de Lavoisier, Bossu, Perronet et Borda, nommés commissaires pour y procéder, en firent leur rapport à cette académie, le 24 mai 1786. Les raisons les plus puissantes nous déterminent à ne nous servir ici que de leur propres expressions. « Ils disent qu’ils ont examiné le projet du sieur « Brullée d’amener les eaux de la Beuvronne à « Paris; que l’objet principal de ce projet est d’é-« tablir un canal de navigation de la Seine à la « Seine, à travers la plaine de Saint-Denis, réser-« vant le surplus des eaux, s’il y en a, pour servir « de boisson aux habitants de Paris, ou pour laver « les rues de cette capitale ; que ce canal doit « partir de la Seine, au bastion de l’arsenal, pas-« ser devant l’hôpital de Saint-Louis, joindre la « Seine à Saint-Denis, par un premier embran-« chement, continuer sa route vers le nord-ouest, (1) Ce rapport n’a pas été inséré au Moniteur. (t) Voyez l’ouvrage de M. de La Lande, sur les canaux, chapitre 11. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 719 [Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 octobre 1790.] « et aller communiquer par deux autres embran-« chements, d’une part, immédiatement avec la « Seine, à Conflans-Sainie-Hononne, et de l’autre « avec l'Oise, près de Pontoise ; que la partie «comprise depuis l’hôpital Saint-Louis, jusque « vers le milieu de la plaine de Pans à Sain t-« Denis, sera dans un même niveau, et n’aura, par « conséquent, besoin d’aucune écluse, sur une « étendue de 1,600 toises, et formera le réservoir « de partage prévu ; qu’eu eflet, les eaux se par-« tageront en cet endroit, pour descendre d’un « côté vers l’arsenal de Paris, et de l’autre vers « Saint-Denis, Gonflans-Sainte-Honorine et Pon-« toise. Ils ajoutent que le réservoir de partage « doit être alimenté par les eaux de la Beuvronne, « qui seront amenées à cet effet dans une rigole, « depuis le pont de Souilly près de Glaye,R’où elles « descendront dans le réservoir qui, en outre, « recevra la rivière d’Aunay. » Ils examinent différentes questions. Les eaux de la Beuvronne pourront-elles arriver à l’endroit oésigné? Quel en est le volume ? Ce volume, augmenté de celui de la rivière d’Aunay, est-il suffisant pour alimenter, dans tous les temps de l’année, le réservoir de partage?; Ils déclarent : 1° D’après plusieurs nivellements faits en différents temps et en diverses occasions, et d’après celui de l’un d’eux, que du pont de Souilly jusqu’au réservoir de partage, il y a une pente suffisante pour lairearriver les eaux de la Beuvronne au point de partage ; 2° Que cette rivière fournira 1,800 pouces d’eau, et celle d’Aunay 700 pouces ; 3° Que ceseaux sont suffisantes pour alimenter le canal jusqu’à Saint-Denis ; 4° Que les eaux de la rivière de Groue, de Go-nesse et de l'étang de Saint-Gratien, fourniront celles nécessaires à la navigation de Saint-Denis, à Conflans-Sain te-Honorme et à Pontoise; ils finissent celte partie de leur travail en disant que la navigation par le canal dont il s'agit sera dans tous les temps facile et abondante , et qu'il y aura même une assez, grande quantité d'eau superflue que l'on pourra verser dans Paris , si on le juqe à propos. Celte affaire ayant été communiquée à la municipalité de celte ville, le sieur de Corny, procureur du roi, l’ayant examinée, dans son avis du 30 mars 1787, avec beaucoup de soin, a pensé que le projet de canal du sieur Brullée présente l’espérance de tous les avantages qui peuvent lui concilier un accueil favorable ; facilité dans les moyens d’exécution, utile dans les résultats ; suppression des inconvénients d’une navigation longue et dangereuse ; accroissement d’activité pour le commerce, d’énergie pour la capitale, et de ressources pour l’approvisionnement de ses habitants. Cet avis et l’opinion favorable que les serviteurs du roi avait manifestée dans leur correspondance annonçaient un heureux succès au sieur Brullée ; il espérait d’être autorisé à ouvrir le canal qu’il avait proposé ; mais cette affaire ayant été portée au conseil, il y intervint un arrêt dont voici le dispositif : « Le roi étant en son conseil, ayant aucunement égard à ladite requête (du sieur Brullée) et avant de faire droit déliuitivement sur les demandes et conclusions y contenues, aordonné et ordonnequ’à la diligence et aux frais du sieur Jaud (1), et sous (1) Cet arrêt fut expédié sous le nom de Jaud. l'inspection du sieur Perronet, premier inspecteur des ponts et chaussées, et du sieur Chezy, inspecteur général, que Sa Majesté a commis et commet à cet effet, il sera fait un arpentage des terrains sur lesquels ledit 'canal et ses dépendances seront établis, comme aussi dressé des nouveaux plans, profils, devis et détails estimatifs de l’entreprise, plus complets que ceux qui ont été présentés. » Le sieur Brullée, en respectant les talents des commissaires-inspecteurs qui lui avaient été donnés, crut que son affaire irait lentement; leur âge très avancé (1) n’annonçait pas l’activité nécessaire à un travail aussi considérable que pressant, et ennemi des retards: il ne se rebuta cependant point; mais lorsqu’il voulut se mettre en mouvement, on lui apprit qu’il devait commencer par une consignation de 100,000 livres, qui probablement ne suffirait pas à l’opération que l’on allait entreprendre. Il ne jugea point à propos d’ajouter aux grandes dépenses qu’il avait déjà faites, celle de 100,000 livres; il ne reprit son projet, que lorsqu’il vous vit, Messieurs, disposés à détruire tous les abus. On ne se permettra qu’une réflexion sur cet arrêt, c’est que la possibilité d’exécuter le plan que le sieur Brullée proposait alors, fut reconnue. Revenons un instant à l’avis du sieur de Corny ; nous y verrous les raisons qui ont déterminé le sieur Brullée à agrandir soa premier projet. Ce magistrat ne s’est point borné, dans son avis, à approuver le plan qu’il examinait; il y donna des idées propres à en augmenter les avantages ; il manifesta le désir de convertir la rigole destinée à amener les eaux de la Beuvronne au point de partage, en un canal qui communiquerait à la Marne, près de Saint-Symphorien. Le sieur Brullée adopte cette idée; if offre de l’exécuter. Le sieur de Corny voulait de plus que l’on ajouta à ce canal des moyens capables de prévenir les dangers des inondations dans la capitale et les perles que le commerce éprouve fréquemment (2); il parlait d’un pont à construire sur la Seine, à l’extrémité des fossés de l’Arsenal, dans la direction du boulevard de l’Hôpital, dont l’ouverture des arches serait proportionnée au volume d’eau, destiné à traverser la ville. Ce moyen a des inconvénients; mais un canal qui commencerait de la Marne, près de Lizy et se continuerait par Souilly, Saint-Denis, etc., jusqu’à Gonflans-Sainte-Honorine, servirait de canal de navigation et de passage aux grandes eaux de la Marne et remplirait les vues du sieur de Gorny; elles entrent dans le plan du sieur Brullée. Enfin ce dernier ajoute à tous ces projets, celui d’ouvrir un canal de Pontoise à Dieppe, par Chaumont, Neufchâtel et Arques. Votre comité a pensé, Messieurs, que la connaissance de ces faits vous était nécessaire pour procéder à l’examen des questions soumises à votre décision. L’une des plus importantes dans cette affaire est celle de savoir si l’on peut amener à la Vü-fitte, près de Paris, soit les eaux de la Marne, prises à l’embouchure de l’Ourcq, soit les eaux de la Beuvronne, prises au pont de Souilly. Le célèbre Riquet a vérifié, en 1676, que l’on pouvait amener à Paris les eaux de la Marne, prises à l’embouchure de l’Ourcq; il fit plus, il (1) L’un a 82 ans, et l’autre 78. (2) Voyez La Lande, sur les canaux, n° 365. Le commerce perd, année commune, un million. 720 [Assemblée nationale.] commença son canal, le conduisit jusqu’à Meaux; sa mort le fit abandonner. Le sieur Brullée a le même projet ; il se propose de suivre, à peu de chose près, la route que Riquet voulait tenir : il est donc très probable que les eaux de la Marne, prises à l’embouchure de l’Ourcq, peuvent arriver à la Villette. L’on présente cependant quelque chose de positif, c’est un nivellement des terrains faits par des personnes de l’art, qui prouve que les eaux de la Marne, prises à l’embouchure de l’Ourcq, sont au-dessus de celles de la Seine à Paris, de 83 pieds 9 pouces. Ce canal aura 14,050 toises de longueur; en supposant qu’il faille à ces eaux une pente de 19 pieds 4 pouces pour arriver au-dessus de la Villette, il restera 64 pieds 5 pouces au-dessus de la Seine à Paris. Il est donc constant qu’il est possible de faire un canal de la Marne, prise à l’Ourq jusqu’à la Villette. Mais pour ne rien hasarder sur un fait aussi important, votre comité, Messieurs, ne vous proposera à cet égard qu’une mesure provisoire. Il est inutile de s’étendre sur la possibilité d’amener les eaux de la Beuvronne à la Villette, et de là dans les autres parties du canal. Les commissaires de l’académie des Sciences attestent cette, possibilité dans la partie de leur rapport dont on vous a rendu compte; et le nivellement, dont on a déjà parlé, la justifie également; de sorte qu’en divisant en différentes parties, et sous l’aspect de la possibilité physique, le projet de canal du sieur Brullée, il résulte : 1° Que l’on est autorisé par les opérations de Riquet, et par le nivellement présenté par le sieur Brullée, à croire qu’il est possible d’amener les eaux de la Marne, prises à Lizy, jusqu’au pont de Souilly ; 2° Qu’il est possible d’amener les eaux de la Beuvronne à la Villette par une rigole, et par suite par un canal, car une rigole est un petit canal, et un canal est une grande rigole ; 3° Qu’il est également possible d’alimenter le canal projeté par le sieur Brullée, depuis son commencement jusqu’à Saint-Denis, soit avec les eaux de la Marne, soit avec celles de la Beuvronne; 4° Que le reste de ce canal, depuis Saint-Denis jusqu’à Gonflans-Sainte-Honorine et Pontoise, peut être alimenté par les eaux de la rivière de Grou, de Gonesse et de l’étang de Saint-Gratien. De plus, il résulte, tant de l’avis du 27 mai 1786, des commissaires de l’académie des Sciences, que de celui du 31 mai 1790 des mêmes commissaires, que la Beuvronne et l’Aunav seules fournissent six mille six cent soixante-six toises cubes d’eau en vingt-quatre heures, ce qui est suffisant à l’entretien continuel de la navigation de ce canal, en supposant même que tous les bateaux de la Marne, de la Seine-Inférieure et de l’Oise en prennent le chemin : donc, en toute rigueur, l’on peut se passer des eaux de la rivière de Grou, de Gonesse, de l’étang de Saint-Gratien et de celles que le terrain et les dessèchements des marais situés près de Ville-Parisis, Glaye, peuvent produire; elles présentent une surabondance précieuse, à la vérité, mais il faut la distribuer avec prudence. On ne voit donc rien qui annonce des grandes difficultés à la construction d’un canal, alimenté par les eaux de la Beuvronne ou celles de la Marne. Quant au canal de l’Oise à Dieppe, votre comité vous observera, Messieurs, qu’il serait très avantageux d’cuvrir une communication entre [19 octobre 1790.) eette ville et Paris, elle est désirée; elle peut s’opérer par différents chemins; l’on présente même divers projets : aucun ne mérite encore votre approbation, il faut laisser agir leurs auteurs; et lorsque le résultat de leurs recherches vous sera présenté, vous accueillerez celui des plans qui méritera la préférence. Votre comité, Messieurs, ne vous proposera point une branche de canal de Saint-Denis à la Seine, parce qu’elle ne paraît pas fort utile; les citoyens qui pourraient en profier, n’apportent à Paris que des menus objets, par partie et journellement : d’ailleurs, si par la suite on la juge nécessaire, on pourra l’exécuter, Si l’Assemblée nationale ne peut s’occuper de tout le détail de l’exécution de ce canal, elle doit du moins en poser les bases. En le creusant de 6 pieds, on y aura une navigation supérieure à celle que donnent habituellement les rivières des environs de Paris. Sa largeur sera dans les campagnes de 48 pied8 à la superficie de l'eau, et de 30 au fond, avec des anses éloignées l’une de l’autre de 400 toises, pour faciliter le passage des bateaux à leur rencontre : cette largeur sera plus considérable dans Paris; l’affluence des bateaux exige cette mesure. La construction de ce canal, des ses bernes, chemins de hallage, fossés, francs-bords et contre-fossés, nécessitent, selon l’entrepeneur, une largeur de terrain de 50 toises. Le sieur de Gorny, ci-devant procureur du roi de Paris, ne l’a pas trouvée excessive ; il cite même un édit de 1726, qui en accordait 90. Le sieur Brullée se propose de soumettre, au jugement de quelques savants, une forme d’écluse de sa composition, et de l’employer, si elle est jugée utile. Il ne suffit pas d’avoir posé les bases d’exécution, il faut prendre des précautions pour que tous les travaux à faire le soient d’après ces bases, les règles de l’art et les exigences de l’entreprise et des localités ; il est nécessaire qu’un commissaire arrête avec l’entrepreneur tous les travaux à faire, et veille à leur parfaite exécution, et que les assemblées de département exercent ici la surveillance qui leur est confiée. Les dépenses des travaux dont il s’agit s’élèvent à 20 milions, y compris 3,141,000 livres pour celles imprévues, selon les devis qui ont été faits et certifiés par des ingénieurs civils et militaires, et par des entrepreneurs de bâtiments. On a lieu de croire qu’elles ont été calculées au plus haut, et que les dépenses ne s’élèveront réellement point à cette somme. Ges fonds sont considérables ; des capitalistes doivent les fournir proportionnément aux besoins. Le sieur Minguet, notaire en cette ville, écrivit au sieur Brullée, le 20 septembre 1790, que les personnes qui avaient offert 10 millions pour son canal, les donneraient, s’il obtenait le décret qu’il espérait. Le sieur Boucher écrivit, le 19, à peu près dans les mêmes termes. « Vous devez, Messieurs, vous occuper tant de l’intérêt public, que de celui de l’entrepreneur de ce canal, et des bailleurs de fonds; vous devez chercher à connaître quels sont les moyens de leur procurer une indemnité suffisante, et si ces moyens se concilient avec l’intérêt social. » Le sieur Brullée ayant toujours offert de construire ce canal à ses frais, avait demandé la concession perpétuelle du droit de péage, dont le tarif fut renvoyé à l’examen des députés du commerce. Geux-ci le critiquèrent, le réduisirent ARCHIVES PARLEMENTAIRES* 721 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 octobre 1790.) et l’ont borné aux sommes et aux objets énoncés dans le tarif joint. Des calculs modérés, et dans lesquels on ne fit point entrer le produit possible des bateaux de la haute Seine, qui voudront profiter du canal pour se rendre dans la basse Seine, portent ce péage à plus d’un million annuellement. Il est susceptible d’augmentation : on a lieu de penser que les ci-devant provinces de Bourgogne, Champagne, Flandre, Artois, Hainaut, etc,, feront leur commerce par la Marne, la Seine, l’Oise et l’Escaut, lorsque leurs négociants pourront éviter la traversée actuelle de Parîs> les sinuosités de la Seine, les dangers de ses ponts et de ses pertuis, la longueur et la lenteur de sa navigation. Le sieur Brullée ne le dissimule pas ; il ne fonde point sa parfaite indemnité sur un droit de péage. Il alimente son canal, soit avec une prise d’eau de six lignes, faite dans la Marne, à Lizy, soit avec les eaux de la Beuvronne, jointes à celles de l’Aunay; il trouve un excédant d’eau, dont il dispose pour fournir de l’eau à Paris ou pour faire tourner des moulins, et qui sera augmenté par le dessèchement de quelques marais et par d’autres eaux dont l’utilité peut être multipliée, sans nuire à qui que ce soit; il trouvera encore d’autres ressources dans les magasins qu’il se propose d’établir sous les quais de ce canal, dans l’enceinte de Paris. Cette ville immense, cette ville dont le commerce de consommation est si considérable, n’a point de magasins, n’a point des établissements toujours prêts à recevoir les marchandises que le négociant domicilié, que le négociant étranger, pressé par les circonstances, veut mettre en sûreté et à couvert des influences des saisons ; le sieur Brullée lui en procurera à un prix tellement réglé, que tous les intérêts seront satisfaits (1). Ainsi donc le produit du péage, la vente des eaux surabondantes, le produit de différents moulins, la location ou la vente des magasins, quelques facilités que vous accorderez, etc., présentent à l’entrepreneur une indemnité dont il se contente, et qui paraît devoir lui suffire, si les avantages de ce canal sont assez grands pour en consentir l’exécution. Quels sont-ils? Ils sont considérables et multipliés, ils abrègent la navigation; en effet, un bateau qui emploie à présent sept jours jour arriver de Con-flans-Sainte -Honorine à Paris, fera le même voyage en un jour par le canal projeté. La navigation de Pontoise à Paris sera singulièrement raccourcie (2), et celle de Lizy à Paris sera diminuée de près de moitié; de plus, on évitera les rochers, les atterrissements, les ponts, les pertuis, les îlots qui rendent difficile et dangereuse la navigation des rivières rapides, telles que la Seine, la Marne et l’Oise. Il en résultera une diminution dans les prix des transports, et plus de sûreté. Ce canal, depuis la pointe de l’Arsenal, jusqu’à la Villette, offrira, tant une gare au commerce qui en manque, et qui perd annuellement un million, que des magasins pour la retraite et le dépôt des marchandises d’approvisionnement; il donnera à la capitale, des ports dont elle a be-(1) La nécessité de ces établissements est notoire, tout le commerce en demande. (2) On emploie ordinairement huit jours pour airiver de Pontoise a Pavis. Si ce canal s’exécute, un jour suffira pour faire ce chemin . 1™ SÉRIE. T. XIX. soin, des eaux pour l’arrosement et le nettoiement de ses rues, la facilité d’établir des moulins nécessaires à sa subsistance, et celle peut-être de supprimer ses pompes et la Samaritaine; une dérivation pour la garantie des inondations et des débâcles, etc.; il procurera aux cantons voisins de Paris la facilité de dessécher les uns, d’arroser les autres, et à tous des moyens de prospérité; il assurera aux pays arrosés par la Marne, la Seine, l’Oise et l’Escaut, une communication économique qui agrandira leur commerce, et qui facilitera d’autant plus les approvisionnements de Paris. Enfin, il ouvrira à tout le commerce une navigation continuelle, égale dans tous les temps, qui remplacera une navigation intermittente, une navigation interrompue, une partie de l’année, soit par une surabondance, soit par une pénurie d’eau. Si l’on voulait, Messieurs, vous présenter des objets d’utilité future, l'on vous dirait, qu’en établissant la très courte communication de la Meuse à la Marne, l’on pourrait faire arriver à Paris les bois des Vosges, y établir des moulins propres au débit de ces bois, et conserver en France le commerce de cette denrée que l’étranger emporte brute, et qu’il nous rend ensuite, après avoir reçu une main-d’œuvre et acquitté beaucoup de frais de transport et bien des droits. Les départements, dans l’étendue desquels ce canal doit passer, ont énoncé leur vœu sur ce projet dont ils ont eu communication. Le directoire de celui de Seine-et-Marne a développé, dans sa délibération du 6 septembre, des principes véritablement civiques, et des sentiments dictés par le patriostisme le plus pur. Il a pensé que l’exécution de ce caual pouvait nuire aux riverains et navigateurs de la Marne, mais qu'il a un objet d'utilité publique et générale qui doit faire disparaître tous les intérêts de localité contraires. La commune de Paris , par une députation de ses représentants, présidée par son maire, vous a présenté, Messieurs, une adresse par laquelle elle vous prie d’autoriser l’exécution de ce projet; elle vous a détaillé avec une forte simplicité les avantages qui doivent en résulter ; elle vous a fait voir la nécessité d’employer à d’utiles travaux une classe de citoyens dont l’oisiveté peut être dangereuse à la capitale et à tout l’Empire. L’opinion du département de Seine-et-Oise ne fut pas unanime, trois districts seulement ont été consultés; ceux de Gonesse et de Pontoise, après avoir pris les avis (1) de leurs municipalités, ont exprimé, de la manière Ja plus positive, le désir de le voir réaliser. Les opinions sont partagées dans le district de Saint-Germain ; la municipalité de Gonflans-Sainte-Honorine trouve l’exécution de ce projet très utile. Celles du canton de Triel n’ont pris aucune part aux démarches des municipalités voisines. D’autres muuicipaiiiés le désapprouvent. Le procureur général syndic du département est de ce dernier avis. Le directoire s’est borné à renvoyer les pièces de ce procès, pour qu’il soit jugé par l’Assemblée. Votre comité d’agriculture et de commerce a pensé, Messieurs, qu’il devait vous exposer les raisons rapporiées contre l’exécution de ce canal. (1) Ces avis demandent le canal. 46 722 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 octobre 1790.] Objection. Des citoyens, dit-on, seront privés de leurs propriétés contre leur gré, à leur préjudice., pour Davantage particulier de la ''ville de Paris; ces propriétés seraient dégradées pour longtemps si l’on abandonnait les travaux après les avoir commencés : ce canal fera perdre beaucoup de terrain à l’agriculture; des héritages seront divisés par le canal, qui gèlera bien plus souvent que les rivières. Réponse. Ces moyens peuvent s’employer contre tous les travaux de la nature de celui-ci : un décret écartera ceux des inconvénients qui peuvent l’être. Objection. Ce canal, ajoute-t-on, nuira à la navigation de la Marne, de la Seine et de l’Oise, etc. Réponse. L’on peut prendre six lignes d’eau dans la Marne sans lui préjudicier (1) : en outre, ces eaux seront rendues à la Seine, et on ne touchera point à l’Oise. Objection. Deux bateaux ne pourront pas se croiser dans ce canal, les anses proposées retarderont leur marche. Réponse. Ces anses recevront les bateaux vides, la marche des autres ne sera pas retardée. Objection. Ce canal doit être fait aux frais de l’État, afin qu’un particulier ne perçoive aucun impôt sur ses concitoyens : il appauvrira les villes de la Normandie situées sur la Seine; il transportera ailleurs leur commerce ; il détruira leurs relations; il fera tort aux mariniers de la Seine, aux rouliers, aux aubergistes, etc . On ne croit point qu’il soit nécessaire de répondre à ces raisons. Enfin on témoigne des craintes sur le rassemblement d’un grand nombre d’ouvriers autour de Paris, dont le nombre, dit-on, sera augmenté par l’ouverture d’un grand atelier, et dont le licenciement sera dangereux, dans tel temps qu’il se fasse; l’on voudrait les disperser dans les provinces, les y employer aux chemins, au dessèchement des marais, etc. Ces craintes, réelles ou chimériques, peuvent indiquer la nécessité de quelques précautions, mais elles ne suffisent point pour empêcher l’entreprise du canal, s’il est utile : d’ailleurs, un très grand nombre d’ouvriers pouvant être employé incessamment aux environs de cette ville, le nombre de ceux envoyés au loin ne sera pas assez considérable pour être dangereux. Vous avez entendu, Messieurs, les raisons qui ont déterminé les assemblées des officiers municipaux de quelques cantons de Saint-Germain à (1) Rapport des commissaires de l’académie des sciences. désapprouver le projet du sieur Brullée, vous les avez sans doute comparées avec celles alléguées en sa faveur. Vous voyez que le département de Seine-et-Marne, celui de Paris, les districts de Gonesse et de Pontoise, et une partie de celui de Saint-Germaia approuvent ce projet, qu’une partie du dernier district rejette; c’est à vous, Messieurs, à prononcer : mais votre comité doit manifester son opinion ; il se déterminera d’après vos principes; vous pensez que l’utilité générale commande des sacrifices, et qu’elle doit l’emporter sur l’utilité particulière. Le canal proposé par le sieur Brullée n’est-il pas d’une utilité générale? Il tend à donner un centre commun au commerce des départements arrosés par la Marne, la Seine, l’Oise, l’Escaut, etc. ; à ouvrir sur la capitale une communication par eau avec des départements qui n’en ont pas encore. Ces départements n’auront-ils pas alors et entre eux, et avec la capitale, une communication aussi facile qu’utile? N’acquerront-ils pas un débouché nouveau, sûr et peu dispendieux? Dix à douze départements en profiteront : un établissement avantageux à une si grande partie de l’Empire français, et surtout à la partie la plus peuplée, n’est-il pas un établissement d’utilité générale? N’importe que Paris puisse en retirer quelque profit particulier; alors l'utilité générale d’une très grande partie de l’Empire, unie à l’utilité particulière de la capitale, ajoute à la nécessité d'exécuter le plan qui vous est présenté; plan dont l’exécution est sollicitée depuis près de deux siècles, et d’autant plus précieuse, qu’elle aura le double avantage de ne pas altérer la navigation actuelle, qui restera libre à tous ceux qui voudront s’en servir, et de préparer à l’intérieur de la France un nouveau débouché à la mer. D’après ces considérations, votre comité, Messieurs, a l’honneur de vous présenter le projet de décret suivant : OBSERVATIONS PARTICULIÈRES. J’ai considéré la soumission du sieur Brullée comme un acte contenant les articles d’un contrat à faire; j’ai pensé que vous aviez renvoyé ces articles à l’examen de votre comité; j’ai cru que, s’agissant d’une sorte de contrat, et le sieur Brullée étant l’une des parties contractantes, il devait être instruit de l’opinion de ce comité, et que je devais lui communiquer les articles arrêtés, sur lesquels le sieur Brullée a fait des observations que j’ai reçues et dont je vais vous faire part. Vous devez, Messieurs, en être informés, car vous voulez prononcer en connaissance de cause. PROTET DE DÉCRET. « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été fait au nom de son comité d’agriculture et de commerce, de la demande du sieur Jean-Pierre Brullée, citoyen français, demeurant à Paris, de construire à ses frais, et aux conditions consignées dans sa soumission du 12 septembre 1790, un canal de navigation, qui prendrait sa naissance dans la Marne sous Lizy, auprès de l’embouchure de l’Ourcq, de là passant par Meaux, Claye et la Villette, descendrait dans un point de partage, où il se diviserait en deux branches, dont l’une se rendrait par les faubourgs Saint-Martin et du Temple, les fossés de la Bas- [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 octobre 1799.) 72g tille et de l'Arsenal, dans la Seine; et l’autre passerait par Saint-Denis, la vallée de Montmorency, Pierrelaye, se rendrait d’un côté à Gonflans-Sainte-Honorine; et de l’autre côté, dans l’Oise près Pontoise, et qui enfin se continuerait de Pontoise à Dieppe, par Gournay et autres lieux. « Après avoir également entendu le rapport de l’avis du 24 mai 1186, donné par les sieurs Borda, Lavoisier, Condorcet, Perronet et Bossu, commissaires nommés pour l’examen du projet, alors présenté par ledit sieur Brullée, et approuvé par l’académie des sciences, de celui du 26 mai 1790, donné par lesdits sieurs Borda, Lavoisier, Condorcet et Bossu ; de la pétition des représentants de la commune de Paris, du 6 juin dernier, qui demandent l’exécution de ce projet et des dires des directoires des départements de Seine-et-Marne et de Seine-et-Oise; « A décrété et décrète ce qui suit : « Art. 1er. Le sieur Brullée est autorisé d’ouvrir, à ses frais, un canal de navigation, qui commencera à la Beuvronne, près du pont de Souilly, arrivera entre la Villette et la Chapelle, dans un canal de partage qui formera deux branches. « L’une passera parles faubourgs de Saint-Martin et du Temple, les fossés de la Bastille et de l’Arsenal, pour se rendre dans la Seine. « L’autre branche passera par Saint-Denis, la vallée de Montmorency, arrivera au-dessous de Pierrelaye, où elle se divisera encore en deux branches, dont l’une se rendra dans la Seine à Gonflans-Sainte-Honorine, et la seconde dans l’Oise près de Pontoise; il suivra, autant qu’il sera possible, la direction du plan joint à son acte de soumission ci-dessus rappelé. L’ancienne navigation de la Seine, de la Marne et de l’Oise restera libre comme ci-devant. » Observations du sieur Brullée . Il demande que cet article soit ainsi conçu : Le sieur Brullée est autorisé d'ouvrir , à ses frais , un canal de navigation, qui commencera à la Marne , près de l'Ourcq , passera au pont de Souilly, etc . Il est, dit-il, indispensable de commencer ce canal à la Marne près de l'Ourcq, afin d’assurer au commerce et à la ville de Paris tous les avantages qu’ils doivent en attendre; quoique les commissaires de l’académie des sciences ne se soient point expliqués sur la possibilité de cette partie du canal, qu’ils n’ont pas vérifiée, il n’en est pas moins certain qu’elle est possible. Riquet a démontré la possibilité de faire un canal qui commencerait à la Marne, près de l’Ourcq, et arriverait à Paris à la pointe de l’Arsenal ; il s’agit ici de l’exécution de ce projet : c’est le projet de Riquet que l’on veut exécuter, avec quelques variantes indifférentes à sa possibilité. Riquet a commencé son canal, et le conduisit, du point rappelé, jusqu’à Meaux; le sieur Brullée veut également le commercer à ce même point, et suivre assez régulièrement la marche de Riquet, non seulement jusqu’à Meaux, mais encore jusqu’au pont de Souilly, où Riquet arrivait; donc la partie du canal que les commissaires n’ont pas vérifiée est possible : ce qui est prouvé : 1° Par les travaux de Riquet; 2* Par le témoignage de La Lande, dans son Ouvrage sur les canaux ; 3° Et par les nivellements présentés par le sieur Brullée, vérifiés et signés par les ingénieurs. Donc, continue-t-il, il convient d’adopter la rédaction de l’article 1er, telle qu’il la sollicite. Elle sera conforme à l’intérêt public, à la vérité des faits; elle tranquillisera grandement les personnes qui pourraient prendre quelques inquiétudes mal fondées, à l’occasion de quelques eaux qu’elles croiraient perdre. « Art. 2: Ce canal, les berges, chemins de hallage, fossés, francs-bords et contre-fossés seront exécutés sur une largeur de terre de cinquante toises ;elle sera augmentée dans les endroits où il sera jugé nécessaire d’établir des réservoirs, bassins, gares, ports, abreuvoirs, et des anses pour le passage des bateaux, où les francs-bord3 ne donneraient point assez d’espace pour les dépôts des terres provenant des fouilles : et aussi dans les endroits où les terres des excavations n’en fourniraient point suffisamment pour former les digues dudit canal. « Art. 3. Le canal aura, àfla superficie de l’eau, dans l’intérieur de Paris, douze toises de largeur entre les murs de quais, et huit toises partout ailleurs ; sa profondeur sera de six pieds d’eau : il sera garni d’écluses partout où elles seront nécessaires, et dans la campagne, d’anses de quatre cents toises en quatre cents toises. «Art. 4. Le sieur Brullée construira des ponts sur toutes les grandes routes coupées par ledit canal, conformes à ceux existants sur lesdites routes et sur les chemins de traverse, éloignés l’un de l’autre au moins de mille toises ; ils seront plus rapprochés, si l’utilité publique l’exige ; ils seront remplacés par des bacs, si quelque localité y nécessite. Il construira, dans Paris, des ponts à la rencontre des principales rues, et des quais de six toises de largeur, sous lesquels il pourra établir des magasins à son profit. « Art. 5.11 acquerra les propriétés nécessaires à l’exécution de son canal et de ses dépendances, dans la forme énoncée dans le décret du , si les juges de paix sont établis, sinon à dire d’experts; et les difficultés, s’il en survient à cette occasion, seront terminées parle directoire des départements. « Le propriétaire d’un héritage divisé par le canal pourra, lors du contrat, obliger le sieur Brullée d’acquérir les parties restantes ou portion d’icelles, pourvu qu’elles n’excèdent pas en valeur celles acquises pour ledit canal et ses dépendances. « Art. 6. Il ne pourra se mettre en possession d’aucune propriété, qu’après le payement réel et effectif de ce qu’il devra acquitter ; si on refuse de recevoir ce payement, ou en cas de difficulté, la consignation de la somme à payer, faite dans tel dépôt public que les directoires des départements ordonneront, sera considérée comme payement, après qu’elle aura été notifiée; alors toutes oppositions ou autres empêchements à la prise de possession seront sans effet. « Art. 7. Quinzaine après le payement ou la consignation dûment notifiée, le sieur Brullée est autorisé à se mettre en possession des bois, pâtis, prairies et terres à champ emblavées ou non, qui se trouveront dans remplacement dudit canal et de ses dépendances ; à l’égard des bâtiments, clos et marais légumiers, ce délai sera de trois mois. « Art. 8. Les hypothèques dont les biens qu’il acquerra pour la construction de ce canal et de ses dépendances pourraient être chargés, seront purgées en la forme ordinaire, mais il ne lui sera expédié chaque mois qu’une seule lettre de ratification par tribunal, pour tous les biens dont les hypothèques auront été purgées pendant ce mois. 724 [Assemblée nationale.] « Art. 9. Ce canal sera traité, à l’égard des impositions, comme le seront les autres établissements de ce genre. » Observations du sieur Brullée . Il a demandé la faculté de passer sur papier et parchemins libres tous les actes relatifs à ce canal, et l’abandon des biens nationaux qui se trouveraient dans son cours. A cet égard, il réduit sa demande aux fossés de la Bastille et de l'Arsenal dans leur état actuel : ils sont nécessaires au canal et à l’établissement d’une gare, si désirée et si essentielle. L’Assemblée nationale, dit-il, a manifesté le désir d’encourager l’agriculture et le commerce. N’est-ce pas les encourager que de leur donner un débouché nouveau, plus sûr, moins dispendieux que l’ancien, et d’autant plus précieux, que le commerce ne sera plus exposé à perdre annuellement un million par les avaries des rivières qui approvisionnent Paris ? D’ailleurs, ce sacrifice sera plus que compensé par l’emploi, pendant plusieurs années, d’un grand nombre de citoyens actuellement à charge au Trésor public : à ces titres, il croit avoir droit à des faveurs, quoique le comité d'agriculture et de commerce ait pensé différemment, dans la persuasion que les principes de l’ Assemblée rejettent toute exception ; il demande donc quelques avantages, et principalement l’exemption des droits qu’il devrait acquitter à cause des ventes, reventes et échanges qui se feront à l’occasion de ce canal ; il les réunit tous dans un seul article que l’on pourrait, dit-il, substituer à l’article 9 ci-dessus. Article 9 proposé par le sieur Brullée ; i° Le sieur Brullée sera exempt des droits domaniaux, fiscaux, féodaux et nationaux qui seraient dus au Trésor public pour les achats, ventes, reventes, échanges et contrats (de telle nature qu’ils soient), laits à l’occasion dudit canal et de ses dépendances ; 2° Les matériaux qui entreront à Paris pour être employés aux ouvrages de ce canal seront exempts de tous droits en prouvant leur destination, mais ceux dus aux hôpitaux seront acquittés ; 3° Le canal et sas dépendances seront exempts de toutes impositions généralement quelconques. « Art. 10. Les fossés de la Bastille, et de l’Arsenal, ainsi que leurs murs, sont abandonnés au sieur Brullée, pour faire partie dudit canal et de ses dépendances; il démolira, à ses frais, les constructions qui se trouvent dans lesdits fossés, et profitera des matériaux qui en proviendront (1). « Art. 11. 11 est autorisé à détourner les eaux qui seraient nuisibles au canal, et d’y amener celles qui y seront nécessaires, de former des canaux d’irrigation dans la campagne, et de conduire les eaux du canal dans les différents quartiers de Paris, en indemnisant préalablement ceux dont les propriétés seraient endommagées, et en remplaçant les établissements utiles au public, dont la suppression, à cause de leur situation, aurait été jugée indispensable. « Art. 12. Il pourra construire des moulins sur (1) Le comité désirait consulter sur cet article le comité des domaines et la municipalité de Paris. [19 octobre 1790.] Je côté de ce Canal, sans que ces établissements et ceux énoncés dans l’article précédent préjudicient, en aucune manière, à la navigation. « Art. 13. 11 jouira des francs-bords du canal, soit en les plantant, soit en y formant des établissements-de commerce, soit autrement; cependant, si, dans la campagne, l’on désire quelques ports, celte jouissance ne sera point un obstacle à leur établissement. « Art. 14. Il aura seul le droit d’établir des coches, diligences, gaitlottes et batelets pour le transport des voyageurs et des personnes qui voudront traverser ce canal; il en établira le nombre qui sera jugé, par l’Assembiée nationale, nécessaire au service public. «Art. 15. 11 jouira pendant cinquante ans (dans lesquels le terme fixé pour l’achèvement dudit canal n’est point compris), du droit de péage énoncé dans: le tarif joint. Après ce temps, ce canal appartiendra à la nation; mais le sieur Brullée conservera les moulins et autres établissements qu’il aura fait construire pour son profit particulier. » Articles proposés par le sieur Brullée , en rempla~ cernent de l'article 15. Il jouira, pendant quarante ans (dans lesquels le terme fixé pour l’achèvement dudit canal n’est point compris), du droit de péage énoncé dans le tarif joint: après ce temps, la Dation sera propriétaire de ce canal, en restituant préalablement la valeur de l’emplacement d’icelui et de ses dépendances, et celle des établissements que le sieur Brullée aura faits pour sou utilité particulière, selon l’estimation qui en sera faite légalement, et dans laquelle on ne comprendra point les fossés de la Bastille et de l’Arsenal. Autre article. Cependant la nation pourra laisser à perpétuité la propriété dudit canal au sieur Brullée : dans ce cas, le péage sera diminué d’un quart, après lesdites quarante années de jouissance; d’un autre pareil quart, après dix autres années de même jouissance (sans cependant que la rétribution payée pour le transport des voyageurs et -pour les frais de gare souffre aucune réduction) ; et le sieur Brullée ou ses ayants-cause res ; teront seuls chargés de l’entretien dudit canal, de ses dépendances et de la reconstruction des ouvrages, et les maintiendront toujours en bon état. La Dation, par ses représentants, fera son choix dans la trente-neuvième année de la jouissance du sieur Brullée; sinon elle sera censée lui abandonner ce canal aux conditions énoncées ci-dessus. Observations du sieur Brullée Le comité d’agriculture et de commerce veut réduire à cinquante ans la jouissance du sieur Brullée; il lui refuse toute espèce d’avantage et de répétition ; la justice, la raison, ne s’y opposent-elles pas? Une jouissance de cinquante ans ne suffit pas ordinairement à un entrepreneur pour l’indemniser des frais qu’exige la construction d’un ca-i nal: il faut cependant, lorsqu’il fait le bien, ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 octobre 1790.] 725 qu’il soit indemnisé ; si cinquante ans de jouissance d’un établissement qu’il a créé ne suffisent point à son indemnité, il faut trouver un autre mode de le rendre indemne ; ce qui est toujours facile, lorsque l'établissement qu’il a formé est comme éternel. Cinquante ans de jouissance du péage établi sur le canal dont il s’agit suffiraient-ils, dans les circonstances, à la parfaite indemnité du sieur Brullée? Il aura, sans doute, beaucoup d’établissements qui y concourront; mais est-ce une raison pour confondre les avantages qui résulteront de ce canal, avec ceux qui dépendront des établissements formés à l’occasion de ce éanal ? Ces objets sont séparables et doivent être séparés ; on ne doit point confondre strictement les bénéfices d’une industrie louable et utile au ublic, avec ceux qui doivent résulter du canal. faut prendre un terme moyen ; d’après ces raisons, il est évident, dit le sieur Brullée, que le comité fut trop sévère. Les propositions rappelées, continue-t-il, paraissent très raisonnables. La nation veut-elle acquérir la propriété du canal? elle peut le faire, en restituant la valeur de son emplacement et l’emplacement de ses dépendances, et la valeur des établissements qu’il aura formés par son utilité particulière, qu’on ne peut, sans inconvénients, séparer du canal. Elle gagnera, dans ce cas, les dépenses de la construction de ce canal, des écluses, des ponts, etc. Ce gain n’est-il pas assez honnête? ne doit-elle pas restituer la valeur brute d’un terrain dont elle a vendu une partie, dont le prix lui aura été payé, et qui lui est rendu, enrichi d’un canal et de ses accessoires indispensables ? enfin doit-on espérer que les citoyens se livreront à de grandes entreprises, si les risques seulement sont pour eux? Si la nation, au contraire, veut abandonner la propriété dudit canal, elle trouvera dans mes propositions, dit le sieur Brullée, un avantage dont il n’existe aucun exemple : c’est celui d’un péage continuellement décroissant, jusqu’à ce qu’il soit réduit à ce qui est indispensablement nécessaire à son entretien, qui sera probablement toujours à la charge de ceux qui s’en serviront; ce moyen est sûrement plus utile à l’Etat que d’acquérir la propriété d’un établissement qui exigera toujours une foule d’employés très dispendieux, peu économes, etc., etc. « Art. 16. 11 mettra dans l’année, à compter du jour de la sanction du présent décret, ses travaux en activité, après avoir justifié au département de Paris qu’il peut disposer de dix millions : il les achèvera dans le terme de huit ans; s’il ne remplit pas l’une et l’autre de ces conditions, il sera déchu du bénéfice du présent décret, sans pouvoir rien répéter à la charge de la nation. « Art. 17. L'Assemblée nationale se réserve de prononcer s’il y a lieu d’ouvrir une branche de communication de ce canal à la Seine, au droit de Saint-Denis; si elle est jugée nécessaire, elle sera faite aux dépens du sieur Brullée, et fera partie du canal. « Art. 18. Il est autorisé à faire vérifier, à ses frais, par les commissaires de l’académie des sciences, ci-dessus rappelés, le reste de son projet de navigation, en indemnisant préalablement ceux qui devraient éprouver quelques dommages de ses opérations; défenses sont faites à toutes personnes de le troubler, ainsi que ceux employés à ce travail, soit en les molestant, soit en déplaçant leurs jalons, soit autrement, à peine d’être poursuivis et punis selon la rigueur des lois (1). ;< Art. 19. Le roi sera prié de nommer deux commissaires, l’un de l’académie des sciences, et l’autre de celle d’architecture, pour arrêter, avec le sieur Brullée, d’après les observations des départements: 1° les opérations scientifiques; 2° l’emplacement le plus avantageux du canal ; 3° et les autres moyens d’exécution. » TARIF du péage demandé par le sieur Brullée. « Art. 1er. Les bateaux, tels qu’ils soient, chargés de grains, vins, chanvres, bois, fers, charbons de toute espèce, foins, pailles, poteries, pierres, chaux, tuiles, ardoises et engrais, payeront six deniers du quintal, poids de marc, eu raison de chaque lieue de 2,000 toises qu’ils feront sur ledit canal. Us payeront, pour toutes autres mar chandises, neuf deniers du quintal poids de marc, en raison de chaque lieue. « Art. 2. Les trains de bois de toute espèce et les bateaux vides qui passeront sur ce canal payeront 12 sols par toise de longueur et par lieue. « Les bateaux qui n’auront que le tiers de leur charge ou moins payeront ces mêmes droits, en sus de ceux dus par les marchandises. « Les batelets et bachots d’environ vingt pieds de longueur payeront 15 sols par lieue. « Art. 3. Les voyageurs par les coches, diligences, batelets et gaiflottes établis sur le canal payeront 3 sols par lieue et 6 deniers par livre, pour leurs effets et marchandises, au-dessus de ce qui excédera le poids de dix livres. << Art. 4. Les bateaux chargés, les batelets ou bachots qui les suivent, et les trains de bois qui entreront dans ce canal, pour se rendre à leur destination, pourront y rester pendant dix jour3, à compter dès l’instant de leur entrée, sans rien payer pour droit de [séjour fou gare. Après ce temps, les bateaux et trains de bois payeront 1 sol 3 deniers par journée de vingt-quatre heures et par toise de longueur, pendant leur séjour dans ce canal, et les batelets et bachots, 2 sols seulement par journée. « Les bateaux vides, les batelets et bachots qui emprunteront le passage du canal, pourront y rester quatre jours sans payer les frais de séjour ou de gare. Après ce terme, ils les acquitteront, comme il est dit ci-dessus. « Art. 5. Les bateaux, batelets, bachots et trains de bois qui n’entreront dans le canal que pour s'y mettre en gare, en acquitteront les droits, à compter du moment de leur entrée. « Il sera fait un règlement pour la police du canal. » (L’Assemblée ordonne l’impression du rapport de M. Poncin.) Un membre du comité des domaines observe que le sieur Brullée demandant la concession de quelques domaines nationaux, tels, entre autres, que les fossés de la Bastille, il est nécessaire d’avoir l’avis du comité des domaines. Il propose d’ajourner l’affaire et de la renvoyer à un nouvel examen. M. Rewhell s’oppose à cet ajournement gé-(1) Cet article fut ajourné par le comité, et lesuiraat est proposé par le sieur Brullée,