[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 110 août 1790.] 708 place par deux autres. Il expose les services qu’a rendus ce régiment dans l'affaire de Mon-tauban, le zèle qu'il a apporté pour empêcher les ciioyens de se purter à de plus grandes extrémités, et protrste de son patriotisme et de son respect pour les décrets de l’Assemblée. M. le Président répond à la députation en ces termes : « Le jour où l’Assemblée nationale reçoit de nouvelles assurances de dévouement et de patriotisme est pour elle un jour d’allégresse. Elle est persuadée que le régiment de Languedoc, partageant les sentiments des différents corps qui composent l’armée française, montrera toujours un attachement inviolable à la Constitution, et une soumission profonde aux décrets du Corps législatif, sanctionnés par le roi. « L’Assembiée nationale prendra votre demande en considération et vous permet d’assister à sa séance. » (L’Assemblée ordonne le renvoi de cette pétition au comité des rapports, pour en rendre compte jeudi prochain.) M. de Cazalès demande l’impression de ce discours. La partie gauche réclame l’ordre du jour. L’Assemblée décide qu’elle passera immédiatement à l'ordre du jour. — Aussitôt M. de Foucault s’élance à la tribune. — La partie droite, en désordre, pousse des cris tumultueux et menace le Président. — Une demi-heure se passe au milieu de ces débatsscandaleux.— La partie gauche reste calme. — On observe que le comité des recherches de la ville de Paris va paraître à la barre, et que ce tumulte n’a d’autre but que d’empêcher qu’il soit entendu. M. l’abbé Maury. Monsieur le Président, nous ne demandons qu’un décret de refus. M. de Foucault. Je ne quitterai pas la tribune que ma motion n’ait été mise aux voix. Le comité des recherches de la ville de Paris demande à être reçu . M. le Président donne l’ordre de l’introduire à la barre. M. Oudart, l’un des membres de ce comité, portant la parole, dit : « Messieurs, tous les journaux publient, depuis trois jours, que l’un des membres du Châtelet, admis à la barre samedi dernier, a déféré le comité des recherches, comme ayant refusé de remettre les documents et les pièces relatives à une procédure dont on est venu vous entretenir; et que, sur son exposé, vous avez aussitôt décrété que ce comité serait tenu de les remettre sans delai. L’Assemblée nationale a été induite en erreur. Il est de notre devoir de vous dire la vérité, et il vous importe de la connaître. Au mois de novembre dernier, le comité des recherches de la municipalité crut devoir inviter le prucuieur-syndic de la commune à dénoncer les délits commis, le 6 octobre précédent, dans l’intérieur du château de Versailles. Le Châtelet ayant été saisi de celte dénonciation, le comité lui ht remettre les noms des personnes qui pouvaient avoir connaissance de ces délits. Quelques mois après, M. le procureur du roi et trois autres 'membres du Châtelet nous proposèrent d’ajouter, à la dénonciation des délits commis le 6 octobre, celle de plusieurs autres faits, vrais ou faux, qui nous parurent étrangi rsà la poursuite provoquée par le procmeur-syndic de la commune, et dont quelques-uns nous sembl mt plutôt dignes de la reconnaissancepublique , que d une procédure crimi-nelle. Nous atte.-tons l’Assemblée que nou� nous en expliquâmes ainsi avec ces quatre juges, et que nous refusâmes constamment d’adopter cette série de faits additionnels, quoiqu’ils offrissent d’y faire quelques corrections. Bientôt le bruit se répandit que le Châtelet informait sans base et sans mesure, et que sous prétexte de venger les délits du 6 octobre , il faisait le procès à la dévolution et au peuple de Paris, que cette Révolution honore. Le Châtelet fut même dénoncé à l’Assemblée nationale par la très grande majorité des districts de la capitale; ces dénonciations ont été remises au comité des rapports, et sont restées sanssuite. Nous nous crûmes obligés de repousser les reproches que nous partagions avec le Ghâhdet; et nous déclarâmes à l’assemblée des représentants de la commune, que nous étions entièrement étrangers à toute information qui n’aurait pas pour base unique les délits qui ont été commis au château de Versailles, dans ta matinée du§ octobre; dès lors, on sut que nous différions, le Châtelet et nous, de conduite et d'opinions dans des points bien importants. Dans ces circonstances, le, procureur du roi nous écrivit, au mois de juin dernier, qu’il résultaitde l’instruction commencée à sa requête, que nous avions duns les mains différents renseignements et pièces qui pouvaient servir à compléter son instruction. Nous lui répondîmes que nous croyions avoir satisfait à ce que notre devoir exigeait de nous, en produisant les témoins des délits du 6 octobre, que cependant si ces témoins s’en étaient référés à leurs déclarations faites devant nous, elles seraient incessamment remises. « A l’égard des pièces, nous déclarâmes au procureur du roi que nous n’en avions aucune qui pût se rapporter aux délits dénoncés. Nous le priâmes de s’expliquer davantage, et de dire positivement ce qu’il désirait de nous. M. le procureur du roi n’a point déféré à notre prière, et ne nous a donné aucune espèce d’explication : il n’a point spécifié les pièces qu’il désirait que nous lui remissions. Cette conduite ne doit point surprendre, si, comme on le dit depuis quatre mois, le procureur de la commune a provoqué une instruction, et que le Châtelet en poursuive une autre. On vient de rendre public un jugement de ce tribunal, dans lequel toute cette procédure est appelée l'affaire des 5 et 6 octobre. Plusieurs membres du Châtelet nous ont adressé, dans le courant du mois dernier, des écrits dont nous ne relèverons pas les inexactitudes, et dans lesquels on nous oppose notre dénonciation des 5 et 6 octobre. Nous nous croirions grandement coupables, si nous avions dénoncé la journée du 5 octobre; nous n’avons pas plus dénoncé la journée du 6. Le procureur-syndic a dénoncé uniquement les délits commis dans la matinée du 6 au château de Versailles. Nous venons protester dans cette Assemblée des représentants de la nation, que nous n’avons pas d’autres documents sur les délits du 6 octobre. Les lémqins ont du déposer avec exactitude; s’ils ne l’ont pas fait, le Châtelet a pu et a dû les y contraindre. Nous protestons de plus que nous n’avons aucune pièce que nous puissions remettre à M. le procureur du roi, comme étant relative aux délits du 6 octobre. Nous supplions l’Assemblée nationale, [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 août 1790.] qui vient d’entendre nos déclarations, de prendre en considération la perplexité où nous met son décret du 7 de ce mois, qui ordonne que nous communiquerons, sans d -lai, à M. le procureur du roi, et Ins pièces et les documents qui peuvent être relatifs aux événements du 6 octobre; nous la supplions d’ordonner que son comité des rapports, à qui nous nous empresserons de donner toutes les explications qu’il pourra nous demander, vérifie les faits que nous venons d’exposer, et les motifs de notre conduite. Quels que soient vos décrets, Messieurs, nous nous y conformerons avec le respect et l’obéissance que vous devez attendre d’un comité de citoyens appelés par la commune de Paris à surveiller nuit et jour les ennemis de vos lois, à les contenir avec fermeté et à les poursuivre avec courage. » ( Voyez aux Annexes de la séance, p. 712 les pièces jointes au discours de M. Oudart). M. le Président répond : L’Assemblée nationale a eutendu vos explications avec plaisir; elle sera toujours lente à adopter des inculpations, surtout, quand elles frapperont sur des personnes qui, comme vous, ont déjà donné des preuves de leur patriotisme et de leur dévouement à la chose publique. L’Àsssemblée vous permet d’assister à sa séance. (On demande le renvoi de cette pétition au comité des rapports et on réclame l’ordre du jour.) M. l’abbé Maury. J’ai déjà parlé sur les malhi'Urs du 6 octobre avec une modération qui doit inspirer quelque confiance en mes principes : ce que je vais dire en sera la confirmation. Il n’appartient ni à mon caractère de minisire des autel <... [Quelques éclats de rire partent de la partie gauche .) (M. l’abbé Maury descend de la tribune. — Le tumu te recommence; on crie à l’impiété. — Plusieurs ecclésiastiques, parmi lesquels M. l’évêque de Nîmes se fait distinguer par ses cris, menaçant du geste M. le Président. — Une voix s’élève dans la pirtie gauche: Nous respectons le ministère; c’est du ministre que l’on rit. — M. le Président invite M. l’abbé Maury à remonter à la tribune.) M. l’abbé Maury. J’exécute les ordres de l’Assemblée; le caractère d’un représentant de la nation est si respectable, que je ne dois pas le compromettre davantage dan? cette Assemblée. (Les éclats de rire recommencent .) M. le President, c’est à vous que je m’adresse , on ne peut ici parier que des principes et des personnes. Me.-' principes sont mal interprétés; les personnes sont sacrifiées par le zèle même que je mets à les défendre. Je ne sais d’où vient cette malveillance; si elle vient de l’Assemblée, je dois me taire; si elle vient des spectateurs, je ne dois point parler devant une Assemblée qui n’a point assez d’empire pour imprimer du respect à ceux qui l’écoutent. M. Pisondu Galand. Je demande qu’on im-prouve ceux qui oui intenompu M. l’abbéMaury. M. Dubois de Crancé. Je demande qu’on im-prouve ceux qui, par une marche combinée, troublent toutes nos délibérations. Quelques députés de la commune de Paris sont 709 admis à la barre , ayant à leur tête , M. Chapon, médecin. M. Chapon prend la parole. — La capitale est surchargée d’impôts ..... M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angély). Je demande de qui tiennent leur mission les personnes qui sont à la barre? Pourquoi M. le maire ne paraît-il pas à leur tête ? M. de Mirabeau, l'aîné. Si un membre a le droit d’interpeller ainsi quelqu’un qui paraît à la barre, je demande qu’on décide le principe, et je ne vois pas pourquoi il faut que la commune de Paris ait toujours son maire à sa tête. M. Regnaud. Des citoyens ne sont pas la commune; ils n’apportent pas le vœu de la commune, à moins qu’il n’y ait une délibération qui les autorise. M. Chapon reprend la parole. Nous avons la majorité «n-s sections, et quand nous ne l’aurions pas, l’Assemblée a décidé que tout citoyen avait droit de présenter des pétitions. M. Rarnave. Je ne sais pourquoi les personnes qui sont à la barre se disent représentants des habitants de Paris. M. Rrlois de Reaumetz. Il est un usage constamment suivi dans cette Assemblée, c’est qu’on ne doit jamais faire aucun discours à la barre, qu’il n’ait été auparavant communiqué à M. le Président. M. le Président observe que le discours ne lui a point été communiqué. M. Chapon continue la lecture de son discours dont voici le texte : Monsieur le Président et Messieurs fl), les représentants de la commune de Paris viennent avec confiance vous exposer que la capitale est surchargée d’impôt' indirects, et que son état actuel paraît ne pas permettre que cette masse énorme continue à se percevoir, de la même manière, sur les habitants. Vous le savez, Messieurs , la capitale était arrivée à un degré de splendeur qui surpassait ce que l’histoire nous rapporte des villes les plus renommées. Les richesses s’étaient naturellement concentrées dans son enceinte; et tout avait concouru à la porter à ce haut degré d’élévation où vous l’avez vue. Au moment où la France n’avait reconnu d’autre souverain que son monarque, Paris, la capitale, séjour habituel de ses rois, a dû prendre et a pris successivement un degré d’accroissement considérable. Le souverain, seul dispensateur des grâces et des emplois , a naturellement dû être environné des grands du royaume, des courtisans et de ceux qui pouvaient prétendre à ses laveurs; collateurdes principaux bénéfices, ceux qui aspirai-ut à les obtenir, ont dû chercher à s’approcher de la cour et à se faire connaître. Les intendants des provinces et tomes les classes tenant à la haute finance habitaient la capitale; de grands tribunaux y ont été créés d’une manière (1) Le discours de M. Chapon n’a pas été inséré au Moniteur.