391 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 mai 1791.] soient à l’abri d’un coup de main, et ils ne sont pas destinés à soutenir une attaque régulière. Nous ayons appelé places de seconde classe, celles qui, soit par la nature du pays où elles sont situées, soit parleur position en arrière des places de la première ligne, sont à l’abri des premiers efforts de l’ennemi, et dont l’attaque ne peut avoir lieu sans des mouvements, des préparatifs qui, ne pouvant être secrets, donnent le temps de les munir et de les armer en défense. Il suffit que dans leur état habituel elles ne soient point délabrées, que, lorsqu’elles devront servir, elles n’exigent point des réparations trop considérables, pour lesquelles le temps serait insuffisant; et, d’après ces considérations, nous demandons qu’elles soient simplement entretenues. Enfin viennent les places que nous appelons de troisième classe, et qui comprennent toutes celles qui, soit par les localités des frontières, soit par leur situation en arrière des places de première ligne, soit par leurs autres relations militaires, ne peuvent être attaquées qu’a près des événements considérables, qu’après la perte des places qui les couvrent; c’est-à-dire au plus tôt à la fin de la première campagne; l’incertitude des services qu’elles pourront rendre ne permet pas d’y consommer des fonds; mais leur utilité possible, après de grands revers, veut qu’on en conserve les masses. Il est reconnu qu’avec des bras l’on peut, dans un temps très court, tel qu’une couple de mois, par exemple, faire sortir une forteresse de ses ruines et la mettre en état d’être respectée. La guerre deHanovre a justifié cette assertion d’une manière incontestable. L’on demande souvent à quoi bon un si grand nombre de places, les unes derrière les autres, et s’il est possible de croire que quelques-unes d'entre elles puissent être jamais attaquées? Je réponds à cela que les frontières du royaume ayant varié très fréquemment, par l’effet des différentes guerres, à mesure que le territoire français s’est agrandi, il a fallu construire des forteresses pour assurer la conservation de ses nouvelles propriétés; alors les places qui formaient l’ancienne barrière se sont trouvées reculées et n’ont plus eu la même importance; il en est qui, d'essentiellement nécessaires qu’elles étaient, n’ont plus aujourd’hui qu’une utilité éventuelle difficile à présumer, mais qui cependant est possible. Dans des temps malheureux elles deviendront la ressource de l’Etat, elles l’ont été déjà, et il faut être bien clairvoyant et bien hardi pour oser décider la destruction d’une place„frontière, quelque éloignée qu’elle soit des coups de l’ennemi. Lorsque nous possédions Luxembourg, il fut question de raser Longwy; si l’ont eût suivi cette idée, il aurait fallu peu de temps après rebâtir ce même Longwy, qui dans ce moment est exposé aux premiers. efforts des étrangers. Groyons-en l’histoire et l’expérience : en 1712, nous avions pour têtes de frontières les places d’Arras, Cambrai, Landrecies, qui au commencement de la guerre de la succession n’étaient qu’en quatrième ligne -.tout était envahi en avant de ces forteresses; alors on ne regardait pas comme inutiles les places de la Ganche, de l’Authie, delà Somme, qui au commencement de cette même guerre étaient en cinquième, sixième et jusqu’en septième ligne. Elles renfermèrent les besoins de nos armées; elles offrirent des points d’appui au maréchal de Villars, elles en imposèrent à l’ennemi, qui redouta de s’avancer dans ce dédale. Il chercha à pénétrer dans le royaume par la Champagne; dans cette intention il entreprit le siège de Landrecies, la nécessité de soutenir ses convois lui fit effiler et affaiblir sa ligne d’opérations : le maréchal de Villars en profita, il battit M. le prince Eugène à Denain, le siège de Landrecies fut levé, les succès de dix campagnes s’évanouirent, et l’Etat fut sauvé. Les mêmes circonstances peuvent se reproduire, ne nou3 privons pas des mêmes ressources; si les places de l’Authie et de la Somme n’existaient pas, nul homme de bon sens ne proposerait de les construire; mais elles existent, elles peuvent être conservées sans la moindre dépense pour l’Etat, et nul homme prudent, qui aura étudié la guerre et nos frontières, n’osera donner le conseil de les démolir. Enfin, quand il serait vrai qu’après un examen bien réfléchi on reconnaîtrait l’inutilité absolue de quelques-unes de ces forteresses, le comité a pensé que lorsque la fermentation agite toutes les têtes, lorsque des inquiétudes se manifestent, lorsque l’annonce de la guerre s’accrédite par des rumeurs populaires, ce n’était pas le moment d’atténuer nos moyens de défense et de priver l’Etat de la moindre de ses ressources. Une seconde disposition du décret mérite encore quelque développement, c’est celle qui considère les places fortes sous le rapport de la paix et sous celui de la guerre. Le comité a pensé que la sûreté des places dépendant de la vigilance de celui qui est chargé de les défendre, et cette vigilance étant la partie la plus essentielle de la police il était indispensable que cette police fût confiée exclusivement à celui qui, sur sa tête et sur son honneur était garant de ses effets ; qu’un honnête homme n’oserait jamais répondre d’une place assiégée ou menacée, s’il ne disposait pas librement de tous le3 moyens de surveillance et de précaution qu’exige un pareil emploi ; que l’état de guerre nécessitait un ordre de choses absolument différent de l’état de paix, qu’il exigeait une suprématie, une dictature seule capable d’assurer l’unité des forces et la concordance des moyens ; et qu’enfin si la loi devait toujours être en vigueur, du moins, dans certains moments, il était indispensable d’en changer les organes. Je bornerai là l’exposition des motifs qui ont déterminé le comité, et je me réserve de donner des éclaircissements nécessaires à mesure qu’on les demandera dans le cours de la discussion. (. Applaudissements .) (L’Assemblée décrète l’impression de ce rapport. M. Emmery, ex-président , remplace M. Tron-chet au fauteuil de la présidence. M. Bureaux de Pusy, rapporteur , donne lecture de l’article 1er du titre Ier du projet de décret (1) ; cet article est ainsi conçu : Titre Ier. Conservation et classement des places de guerre et postes militaires. — Police des fortifications. « Art. 1er. Les places de guerre et postes mi-(t) Yoy. ci-après, aux annexes de la séance : 1° le projet de décret du comité; 2° l’exposé des motifs qui établissent la division des places et postes militaires en 3 classes, p. 393 et suiv.