752 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES tant de police que d’administration des finances, étant assuré que ces objets seront traités d’une manière plus étendue et plus habile. Instruit cependant des emprisonnements, des procès, de la ruine et du désespoir des familles que le régime des gabelles et des aides occasionne journellement, il recommande à son député de faire les supplications les plus fortes pour obtenir de la bonté du Roi que cette espèce d’impôt désastreux soit supprimé et remplacé par une prestation en argent tellement combinée qu’elle soulage le contribuable sans que le trésor public en souffre aucune diminution. HUISSIERS-PRISEURS. Art. 31. D’après les réclamations continuelles de l’ordre du tiers-état contre les fonctions des huissiers-priseurs qu’on a étendues à toutes les campagnes indistinctement, ce qui devient onéreux et vexatoire, il demandera aussi que cette extension soit retirée. DOMAINE. Art. 32. Rien de plus incertain ni de plus ambigu que les lois domaniales. Les droits de contrôle et d’insinuation s’assignent sur chaque acte et sur chaque clause de l’acte, sur la qualité des contractants, sur le passé, sur le présent, sur l’avenir. Leur effet est trop rétroactif et trouble la tranquillité des possesseurs. Le clergé du bailliage de Sens demande donc que ces abus soient réformés par une loi qui détermine d’une manière üxe les droits qui se percevront sur chaque acte, et qui limite leur effet rétroactif à un an après l’ouverture des successions collatérales. ABUS DE LA CHASSE. Art. 33. La chasse est un privilège de la noblesse; l’ordre du clergé se fera un devoir plus particulier de le respecter ; mais il ne peut se dispenser de charger son député de représenter combien elle devient préjudiciable aux habitants des campagnes; il désirerait que la noblesse elle-même prît des moyens pour eu réformer les abus. ASSEMBLÉES PROVINCIALES OU ÉTATS PROVINCIAUX. Art. 34. Les assemblées provinciales ont fait voir les avantages que la nation peut retirer de l’administration dirigée par le zèle patriotique ; mais les pouvoirs dont elles sont revêtues n’étant pas consentis par la nation, elles n’ont qu’une autorité précaire et insuffisante. Le clergé du bailliage de Sens croit devoir solliciter de la bonté du Roi de rendre ces assemblées vraiment nationales, en les faisant composer de députés choisis, comme ceux des Etats généraux, dans chaque province ou bailliage; ils deviendraient les vrais représentants de la province qui les aurait commis et en formeraient les Etats provinciaux. COMMISSION INTERMÉDIAIRE DES ÉTATS GÉNÉRAUX. Art. 35. Ghacun de ces Etats pourrait députer, chaque année, quatre d’entre eux: un du clergé, un de la noblesse et deux du tiers-état, qui se réuniraient à Paris pendant un temps déterminé, pour y traiter en commun les intérêts de toute la nation ; ils n’auraient d’autres pouvoirs et d’autres fonctions que de vaquer aux affaires qui leur seraient attribuées par les Etats généraux eux-mêmes. Ils formeraient ainsi une espèce de commission intermédiaire qui n’en aurait pas les inconvénients, les membres n’étant pas permanents, mais PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Sens.] éligibles chaque année ; on entretiendrait ainsi, du centre à la circonférence, une correspondance active et une surveillance utile et vigilante ; la nation entière devenant une seule et unique famille, son administration serait une dans sa marche et dans ses principes. RETOUR PÉRIODIQUE DES ÉTATS GÉNÉRAUX. Art. 36. L’ordre du clergé termine les instructions qu’il donne à son député en lui recommandant de se joindre aux deux autres ordres, sur tous les objets de bien public qui auraien t échappé à son attention, et d’insister principalement sur le retour périodique et constant des Etats généraux, au moins de cinq ans en cinq ans ; sur le droit desdits Etats généraux d’hypothéquer aux créanciers de l’Etat des impôts' déterminés ; sur leur droit de fixer et d’assigner librement, par chaque département, les fonds qui seront demandés, enfin sur la responsabilité des ministres. REMERCIMENT AU ROI. Art. 37. Il fera connaître, dans toutes les circonstances, le respect et la reconnaissance dont il est pénétré pour la bonté du Roi d’avoir appelé un plus grand nombre de députés de son ordre, pour nommer son représentant aux Etats généraux, et il emploiera tous ses soins pour en faire parvenir l’hommage à Sa Majesté. Le Roi sera supplié de vouloir bien prendre en considération le désir que le clergé aurait qu’il fût établi un conseil pour la distribution des bénéfices, dont la feuille, signée par ceux qui le composeront, devra énoncer le revenu précis du bénéfice vacant ; et si ce bénéfice est destiné à une personne déjà pourvue, il sera important de rappeler le produit de ce qu’elle possède déjà. Par ce moyen il y aurait une plus juste proportion dans la distribution des grâces ; le vrai mérite aurait plus d’avantage et l’intrigue infiniment moins. Signé sur la minute des présentes : Gou, abbé de Saint-Paul, président; Guyot d’Ussières, abbé de Saint-Michel-sur-Tonnerre ; F. -G. Dubuisson, prieur de Sainte-Colombe ; S.-P. Thérin , chanoine de Saint-Martin de Gbablis, représentant ledit chapitre; Goppin, curé de Fontenay; Bossery, chantre; Beauvais, curé de Yilleroy; Ghoin, curé de Villefo Ile ; Gharton, curé deCham-play, près Joigny; Ghaumard, curé de Saint-Pierre-le-Rond de Sens; Ravaut, chanoine régulier; Cochet, curé d’Armeau; iBoudrot, curé de la Madeleine; Dauby-prieur , curé de Saint-Nicolas, et Longuet, id. Tous avec paraphe, et est le cahier coté conformément au règlement. Délivré par nous, greffier en chef du bailliage de Sens. Robillard. CAHIER Des vœux et remontrances de l'ordre de la noblesse des bailliages de Sens et Villeneuve-le-Roi , re-mis à M. le duc de Mortemart, élu député aux prochains Etats généraux par la noblesse des bailliages de Sens et Villeneuve-le-Roi (1). OPINION PAR TÊTE. Art. 1er. L’ordre de la noblesse du bailliage de Sens a arrêté que son représentant sera chargé (1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat. 753 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Sens.] de faire tous ses efforts pour conserver la forme d’opiner par ordre, comme étant la forme ancienne et constitutionnelle du royaume, mais qu’il lui sera permis cependant d’accéder à la réunion des trois ordres, et à l’opinion par tête, si les deux tiers de l’ordre de la noblesse y consentent, l’ordre ne voulant pas mettre trop de difficultés dans le vœu qu’il doit porter aux Etats généraux, [dans la crainte où il est qu’un excès de rigueur ne pût en produire la scission. DEMANDER LA SITUATION DES FINANCES DU ROYAUME. Art. 2. Le député de la noblesse sera chargé de demander au préalable un état de tous les revenus positifs, et même casuels, de toutes dépenses annuelles, tant de celles des départements que des autres charges relatives à la dette publique et au déficit! il faut connaître le mal dans son absolue étendue; et, comme cet examen ne peut être que long, on désire pouvoir s’y livrer par commissaires, tandis que l’assemblée s’occupera de tous les autres objets. RETOUR PÉRIODIQUE DES ÉTATS GÉNÉRAUX. Art. 3. Le député de la noblesse sera spécialement chargé de demander le retour périodique des Etats généraux; mais il s’en rapportera, pour les époques, à la sagesse desdits Etats. Il n’insistera pas moins sur ce qu’à tout changement de règne, ou dans le cas de régence, les Etats soient extraordinairement convoqués, et cela dans le terme de six semaines, à compter du changement arrivé. ÉTATS PROVINCIAUX. Art. 4. Le député de l’ordre sera spécialement chargé de demander l’établissement des Etats provinciaux dans toutes les provinces du royaume; ils ne seront que provisoires jusqu’à ta séance subséquente des Etats généraux. Ges Etats provinciaux auront tout pouvoir pour l’administration et toute autorité en conséquence; mais ils n’auront aucune puissance législative, ni aucun pouvoir pour les emprunts ou les impôts. LIBERTÉ INDIVIDUELLE. Art. 5. Le député demandera qu’aucun citoyen ou étranger ayant aveu ne puisse être privé de sa liberté qu’à la réquisition du ministère public, et les personnes arrêtées provisoirement pour mutinerie ou infraction, du bon ordre, ne pourront être détenues par aucune autorité, que pendant vingt-quatre heures, après lequel temps, elles seront élargies, ou livrées à la justice ordinaire pour décider du délit. Il demandera également la suppression des lettres de cachet, en s’en rapportant à la sagesse des Etats généraux sur les modifications à cet égard qui paraîtront absolument nécessaires à l’honneur des familles. RESPONSABILITÉ DES MINISTRES. Art. 6. Le Roi cesserait de pouvoir faire jouir ses Etats des vrais avantages d’un gouvernement monarchique, si ses ministres, gênés par des entraves aussi préjudiciables qu’insolites, ne pouvaient agir, à tous égards, conséquemment aux ordres du souverain. Ils sont les organes de sa volonté ; on ne doit la soupçonner, dans aucun cas, d’être dirigée contre le bien bublic, mais le meilleur des ro,is peut se tromper dans le choix 4re Série, T. V. de ses ministres : ils n’ont que trop souvent abusé de sa confiance, et tenté de nuire au respect dû à son nom, en s’en servant, ou légèrement, on sans y être autorisés. Ce n’est point attenter à la majesté royale, ni nuire à la considération. que méritent les bons ministres, lorsque les Etats généraux leur demanderont compte de leur administration. Ce compte bien rendu sera l’acte le plus glorieux pour un sujet vertueux, qui joindra à l’honneur devoir joui de la confiance de son maître, le suffrage public de ses concitoyens. La demande de la responsabilité des ministres doit donc être soutenue, et en conséquence, le député de la noblesse sera spécialement chargé de la former. SUBSIDES. Art. 7. Le député sera chargé de consentir la confirmation des impositions actuelles, lesquelles dureront jusqu’à ce que les Etats généraux aient adopté un autre mode d’imposer et de répartir (également sur les trois ordres) des contributions moins onéreuses au peuple, et d’une perception plus facile que celle qui existe actuellement; mais ces impositions, de quelque nature qu’elles soient, ne subsisteront que jusqu’à la prochaine tenue des Etats généraux, dont l’époque sera toujours fixée d’après la prudence desdits Etats. Et s’il faut ajouter aux énormes impôts supportés par la France, ce nouveau sacrifice ne pourra être voté que lorsqu’il aura été montré avec évidence qu’au moyen d’un plan bien conçu, d’un plan inattaquable dans son exécution, la libération de la dette nationale ne sera plus un problème, qu’elle aura une époque fixe et connue, et que, par ce moyen, son crédit s’élèvera au niveau de son honneur. Noblesse 'pauvre. La noblesse pauvre méritant un attention particulière, en raison du peu de moyens de fortune qui lui sont ouverts, le député sera expressément chargé de se concerter avec les autres députés de son ordre, sur toutes les possibilités de soulager cette respectable et intéressante portion de nos concitoyens. Droits d'aides et gabelles. Des abus affreux ont eu lieu jusqu’à ce jour dans la perception des droits d’aides, des gabelles et autres impositions de ce genre ; impositions qui désolent le peuple, qui entretiennent une guerre intestine, sans venir, autant qu’elles le devraient, au secours de l’administration, et qui coûtent des frais énormes de perception et de procédure ; ces abus demandent donc une réforme instante, et le député de l’ordre est spécialement chargé d’insister sur l’abolition d’une telle source de malheurs et de haine entre les concitoyens. Emprunt provisoire. Le député sera autorisé, dès la première séance des Etats généraux, à consentir un emprunt provisoire pour subvenir aux besoins instants de l’Etat. Droii de franc-fief. Il demandera l'abolition du droit de franc-fief, comme fâcheux pour le tiers-état, comme peu utile au Roi, et comme attaquant la propriété de la noblesse, en nuisant aux ventes de ses seigneuries. 48 754 [États gén, 4789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Sens.] Domaines réels, Sans préjudicier aux lois qui établissent l’ina-liénabilité des domaines, on insistera sur rengagement de ces mêmes domaines à bail emphytéotique, pour anéantir les abus de la présente administration. Dans ces engagements seront comprises les forêts du Roi, sauf les réserves à déterminer dans lesdites forêts, et qui seront indiquées par la sagesse des Etats, afin d’assurer dans tous les temps les approvisionnements de la marine, sans nuire à la tranquillité des seigneurs engagistes, ainsi qu’aux droits de leurs propriétés emphytéotiques. Et le député insistera sur ce que la partie législative de cette aliénation étant attribuée aux cours souveraines compétentes, l’exécution, ainsi que les conditions de vente, soient confiées aux Etats provinciaux. Domaines fictifs. Le député sera aussi chargé d’insister sur la nécessité qu’il y a de poser des règles plus fixes et plus déterminées dans le tarif des domaines fictifs, comme contrôle des actes et autres compris sous le nom de droits domaniaux, afin de rendre ce droit si clair et si facile à être connu, que l’extension arbitraire en devienne impossible, et que la forme des actes devant notaires, ainsi que ceux sous seing privé, ne soit plus gênée dans la rédaction, par la crainte de donner ouverture à un plus fort droit. Corvées. Le député sera chargé de solliciter l’établissement des barrières sur les grands chemins, pour subvenir aux frais de construction et d’entretien des routes, impôt que supporteront également le citoyen et l’étranger, et qui, remplaçant la corvée, désormais totalement détruite, rendra contribuables les classes les plus aisées de la société. Le même parti sera pris relativement aux canaux. Dépenses des départements. Le député sera chargé de demander la fixation des dépenses de chaque département, et de s’en rapporter, pour cette fixation, à la sagesse des Etats généraux. Pensions. Toutes les pensions abusivement données, toutes les cumulations de grâces arrachées à la bonté du souverain par des administrations prodigues, doivent être examinées, et l’on ne doute pas que tout l’ordre de la noblesse ne se réunisse pour supplier le seigneur Roi de trouver bon que de tels dons, trop à la charge de ses finances, et trop peu proportionnés avec les embarras du royaume, cessent d’être payés. Il est également certain que toute grâce méritée pour de vrais services, et celles justement accordées à des veuves et des enfants de sujets ci-devant utiles, ne seront point comprises dans ces indispensables réformes, et même que, par une plus égale répartition, celles des modiques pensions qui ont été trop réduites par des impositions de trois dixièmes, reprendront leur niveau, s’il peut être justifié qu’elles soient pensions alimentaires. Emprunt. Le député sera spécialement chargé de demander qu’il soit mis au rang des lois inhérentes à la constitution, qu’il ne sera jamais fait d’emprunts à renies viagères par le gouvernement. Ces sortes de facilités pour augmenter la dette de l’Etat, entraînent des maux plus fâcheux encore, tels que ceux du luxe qu’elles augmentent, et de l’oubli de tous les sentiments que la nature nous inspire en faveur de notre propriété. LIBERTÉ DE LA PRESSE. Art. 8. L’ordre de la noblesse s’étant expliqué sur l’importance d’assurer la liberté individuelle de tout citoyen, pense que la liberté de la presse n’est guère moins désirable, par les gênes salutaires qu’elle met aux abus d’autorité ; mais, en insistant sur cette liberté, le député de l’ordre sera chargé de demander que tout imprimeur soit responsable des ouvrages qui paraîtraient sans le nom de leur auteur, le député pouvant s’en rapporter, pour les autres précautions et réserves jugées convenables, à la sagesse des Etats généraux. MAINTIEN GÉNÉRAL DE LA PROPRIÉTÉ. Art. 9. Quelle que puisse être une majorité d’opinions qu’on ne doit pas supposer, le député de la noblesse du bailliage ne consentira pas au sacrifice d’aucune propriété quelconque, toute possession acquise par achat, par héritage, par substitution, par suite de testament et de legs justifiés par la loi ou de toute autre manière, devant rester dans les mains de chaque possesseur, sans que, sous prétexte de raison d’Etat, ou de retour vers une égalité primitive et incompatible avec toute société bien organisée, on puisse morceler, diminuer ou anéantir des droits également sacrés pour les trois ordres du royaume. On ne distinguera point la possession usufruitière de celle qui peut se transmettre. La noblesse et toutes ses prérogatives honorifiques sont des propriétés aussi inattaquables que la possession des terres et de tous autres avoirs. Plus cette noblesse s’est montrée résolue à contribuer par de nouveaux efforts aux charges publiques, plus elle a le droit d’attendre du reste de la nation qu’on ne se laissera pas aller à des idées d’envahissementfdont les résultats mettraient une confusion et un trouble incalculable dans leur suite. Si quelques droits anciens paraissent sévères à conserver, on doit s’attendre, àrexemple delaFran-che-Comté et d’autres provinces du royaume, que des seigneurs composeront à l’amiable avec leurs vassaux pour ces sortes de droits. Mais dussent leurs inconvénients se perpétuer (ce qu’un siècle de philosophie et de lumières ne permet pas de supposer), ce mal partiel, et souffert depuis nombre d’années, ne serait pas fait pour être mis en balance avec ceux du chaos dans lequel on rentrerait, si on altérait, en manière quelconque, le respect dû à toute propriété. Le rachat involontaire, c’est-à-dire qui ne se ferait pas de plein gré du possesseur de droits quelconques, est également une entreprise sur la propriété, parce qu’aucun citoyen ne doit être autorisé à évincer un autre de ce qu’il possède, quelle que soit la valeur de la somme qui serait donnée|pour compenser cette destitution. LÉGISLATION GÉNÉRALE DU ROYAUME. Art. 10. La législation générale étant l’objet le plus important à traiter pour fixer des bornes qu’aucunepuissance,qu’aucuneinfluencene puisse transgresser, l’ordre de la noblesse du bailliage a [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. cru de sa prudence de s’en rapporter à la grande majorité de son ordre, sur ce qu’il serait statué aux Etats généraux à cet égard, d’après un examen long et sagement approfondi. LÉGISLATION CIVILE ET CRIMINELLE. Art. il. Le député de l’ordre de la noblesse sera chargé de demander la réformation du code civil, et notamment l’abrogation de la maxime de la jurisprudence : Que la forme emporte le fonds. L’augmentation des cours souveraines, pour rapprocher le justiciable de son tribunal. Une plus grande promptitude dans l’administration de la justice. Qu’on n’accordera plus par la suite le droit de committimm sous aucun titre ni prétexte. La suppression de la juridiction du conseil au-dessus des parlements, à moins que la partie appelante ne s’engage à prouver une injustice manifeste de la part de ses juges, auxquels cas lesdits juges supporteraient tous les frais faits au parlement et au conseil ; en cas de confirmation de jugement, la partie appelante sera soumise à une punition exemplaire. La suppression des arrêts d’évocation et de ceux de surséance, à moins qu’ils ne soient consentis par les deux tiers des créanciers. Attribution de toutes les causes fiscales à leurs juges naturels, à l’exclusion du conseil. L’abolition des cours des eaux et forêts et du bureau des finances, en attribuant la partie de la juridiction aux cours ordinaires, et celle de l’administration aux Etats provinciaux. La diminution des frais de procédure. Il demandera en même temps la réformation du code criminel, et surtout du code pénal, contre lequel la justice et la raison s’élèvent également. ANOBLISSEMENT. Art. 12. Les remontrances des Etats anciens ont souvent donné lieu à des recherches dans l’ordre de la noblesse que les gens riches ont éludées, qui n’ont affligé que des familles moins puissantes, et qui méritaient peut-être mieux de continuer à jouir des avantages de cette noblesse. Il paraît donc désirable qu’aucun acte, ayant effet rétroactif, ne présente une contradiction, avec ce qui a été dit piushant,surle respect dû aux propriétés. Toute concession, en matière de noblesse, faite jusqu’à ce jour par le Roi et ses prédécesseurs, doit être regardée comme immuable. Il est même à désirer, qu’en adoucissant la dernière ordonnance militaire, tout homme qui , au moment de l’assemblée des Etats généraux, jouit de la noblesse transmissible, puisse placer ses entants en qualité d’officiers dans les troupes du Roi, ou de magistrats dans les cours souveraines , et que ces anoblis puissent siéger dans les assemblées des nobles des Etats provinciaux; en même temps, le député de la noblesse sera spécialement chargé de demander qu’à l’avenir tout anoblissement, en raison de charges acquises, n’ait plus lieu. Le sacrifice à faire par la nation, pour le remboursement de ces charges, telles que celles de secrétaires du Roi, et autres de ce genre, sera bien compensé par l’avantage d’épurer un ordre dans sa composition, et d’empêcher qu’il ne se multiplie trop au détriment de toutes les autres professions du royaume. Au surplus, on s’en rapporte encore à la sagesse des Etats généraux sur les modifications qui seraient jugées convenables dans cette suppression d’anoblissement; bien entendu qu’il n’est pas question d’attaquer le droit [Bailliage de Sens.] 755 incontestable qu’a le souverain de conférer la noblesse à ceux de ses sujets qui, dans quelque classe que ce soit, auraient bien mérité de la patrie. Le député sera de même chargé de demander la suppression des privilèges égaux à ceux de la noblesse dont jouissent abusivemen t tous les commensaux attachés à la maison du Roi et des princes de son sang. La noblesse ayant consenti à faire le sacrifice de ses privilèges pécuniaires, l’admission des enfants des pauvres gentilshommes, des deux sexes, dans des maisons d’éducation royale, devient d’autant plus nécessaire. En conséquence, le député demandera que désormais les preuves que cette noblesse fera pour cette admission ne dépendent plus de l’avis souvent arbitraire et dispendieux d’un généalogiste de la cour ; mais que ces preuves soient soumises aux Etats provinciaux, comme compétents pour juger du fait de la noblesse. POLICE GÉNÉRALE DU ROYAUME. — RANG DE LA NOBLESSE. Art. 13. La considération due à la noblesse ayant à souffrir des prétentions et des préséances des autres corps dans les villes du royaume, le député est spécialement chargé de demander que les membres de cet ordre jouissent partout du même rang qui lui est assigné dans les assemblées de la nation. Construction des presbytères. Il sera demandé que les presbytères, églises, écoles, et tous bâtiments destinés à la religion, à ses ministres ainsi qu’aux hôpitaux et logements des sœurs grises, soient construits , entretenus et réparés des sommes provenant des menses abbatiales dans chaque diocèse, à mesure que ces abbayes perdront, par mort ou autrement, leurs abbés commendataires. Ges abbés, qui n’ont aucun emploi, soit dans les cathédrales, soit dans toute autre partie du ministère ecclésiastique, devraient aussi cesser de former une classe nombreuse de célibataires inutiles, et qui jouissent de revenus dont l’application servirait à une dotation convenable pour les curés, éteindrait la mendicité en France, et viendrait au secours de mille objets que la religion et l’huinanité consacreraient. Mais, en améliorant le sort des curés, il serait bien essentiel de donner à leurs supérieurs ecclésiastiques une augmentation d’autorité qui, sans gêner l’exercice de leur ministère, servît à en écarter tout ce qui nuirait à sa dignité. Résidence des évêques. Il demandera l’exécution précise des règlements concernant la résidence des évêques dans leur diocèse, et que ceux qui occuperaient des dignités à la cour, se démettent à l’avenir de tous bénéfices à charge d’âmes, en recevant, sur les fonds du clergé, les traitements qu’il plaira au Roi de désigner. Survivances. Il sera chargé de demander l’abolition de toute espèce de survivances civiles, militairesmt ecclésiastiques. Diminution des fêtes. Il sera chargé de demander la suppression d’un grand nombre de fêtes dans tout le royaume, en prenant pour modèle les diocèses où il en subsiste le moins actuellement. 756 [Bailliage de Sens.] [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Suppression de gouvernements intérieurs. II insistera sur la suppression de tous gouvernements et états-majors, ne servant pas essentiellement au maintien de la discipline militaire ou à la sûreté du royaume. Vénalité des charges municipales. Il demandera la suppression de la vénalité de toutes charges municipales dans toutes les villes" du royaume, et que de nouvelles municipalités soient établies d’après le vœu libre des citoyens. Collèges. Toutes les nations éclairées ont regardé, comme la première source de leur félicité, le succès des meilleures éducations publiques. Plusieurs de ces nations, en admirant et même en jalousant nombre de nos institutions françaises, sont surprises de l’état dans lequel s’y trouvent, depuis plusieurs années, les écoles de la jeunesse. Des collèges, pour la plupart éloignés des petites villes et des campagnes, sont d’une trop grande dépense pour les parents, et ne leur offrent point des avantages assez démontrés pour qu’ils y envoient leurs enfants. Si les grandes villes réunissent avec plus d’éclat ces beaux-arts, dont la connaissance fait partie d’une bonne éducation, ces villes renferment en môme temps des dangers dont il est difficile de préserver la jeunesse. Il est donc nécessaire de fixer ses premières années dans un asile où elle ne respire qu’un air salutaire, où elle n’ait que des distractions faites pour son âge; c’est ce qu’elle trouverait en la réunissant dans ces riches monastères, où de vastes bâtiments sont aisés à disposer pour recevoir des élèves, et dans lesquels les consommations de ces élèves augmenteraient le bien que ces monastères procurent au sein de nos campagnes. L’émulation entre les Oratoriens et les Jésuites fit du collège de Juilly ce qu’on dit qu’il est encore. Cette émulation entre les différents ordres, tels que les Bénédictins, les Augustins et autres, multiplierait les bons collèges, qui, étant sous l’inspection des Etats provinciaux, ne cesseraient certainement pas d’en mériter les éloges. Il faut, pour mieux assurer la bonne conduite des instituteurs de la jeunesse, qu’ils tiennent à une règle et à des supérieurs, qui, autant par esprit de corps que par amour du bon ordre, surveillent les membres de leur congrégation. D’après ces considérations, et toutes celles qui n’échapperont pas à la sagesse des Etats généraux, M. le député est chargé de demander l’augmentation des écoles publiques et des règlements tendants à perfectionner un objet si intéressant pour toute la nation. Milice. Le député sera chargé de se concerter avec les autres membres de son ordre, sur tous les moyens de conserver une milice qui, par sa composition, est une ressource et une défense nationale, admirée de tous les autres peuples, mais de s’occuper d’un changement nécessaire dans la manière vicieuse du tirage de ces milices, afin de les constituer de façon à rendre l’état des miliciens aussi honorable qu’il doit l’être par son objet, et par l’espèce estimable des hommes qui le forment. Mendicité. Il demandera de mémo des règlements qui, en arrêtant solidement la mendicité, n’aggravent pas les maux des indigents, et les rendent utiles à la société. Prisons. Les prisons, qui confondent les torts et le crime, exposent une jeunesse facile àêtre corrompue par la fréquentation des scélérats. Il serait donc nécessaire de séparer les captifs, et que des prisons également sûres fussent plus saines et moins affreuses. Poids et mesures. Les avantages à tirer d’une égalité dans les poids et mesures sur toute la surface du royaume, étant au nombre de ces questions, qu’il est impossible de décider sans courir un grand risque de blesser à la fois la propriété , les prérogatives accordées par des capitulations respectables, ainsi que les intérêts du commerce, le député sera chargé d’apporter la plus grande attention dans la discussion d’un objetaussiimportant : et comme on ne peut pas douter qu’il sera présenté nombre de mémoires aux Etats généraux, propres à éclairer cette matière, l’ordre de la noblesse de ce bailliage n’a pas voulu exprimer un vœu positif, et qu’elle pût regretter d’avoir formé avec précipitation . Port d’armes , braconnage. Pour remédier aux excès du braconage, source de toute espèce .d’autres désordres et même de crimes, ainsi que pour empêcher la confusion des Etats, il sera demandé que toutes les lois sur le port d’armes, réunies en une seule, soient remises én vigueur, et qu’on s’occupe des moyens les plus efficaces pour en maintenir l’exécution. INTÉRÊTS PARTICULIERS DU BAILLIAGE DE SENS. Demande de l’établissement d’Etats provinciaux à Sens. Art. 14. La position de la ville de Sens, la plaçant au centre de la partie méridionale de la généralité de l’Ile-de-France, et cette généralité se trouvant trop étendue pour n’être confiée qu’à une seule administration, le député se chargera, de la manière la plus positive, de demander l’établissement des Etats provinciaux de la partie méridionale de l’Ile-de-France, dans la ville de Sens, que son importance rend très*propre à être le centre d’une grande administration ; et il demandera que ces Etats soient formés par les élections qui avoisinent cette ville. Partage des communes. Le député sera chargé de solliciter l’établissement d’une loi qui autorise les communautés à faire entre elles le partage de leurs communes, soit en totalité, soit en partie, leur administration actuelle étant vicieuse, et causant une vraie perte pour les propriétaires et pour l’Etat. Chemins incinaux. Le député demandera qu’il soit attribué aux Etats particuliers de connaître et de décider des moyens d’entretenir les chemins vicinaux et toutes communications nécessaires à la culture, ainsi qu’à la récolte, de même que les ponts et digues pour garantir du ravage des eaux ; s’en remettant à la sagesse desdits Etats, pour que ces travaux soient faits de la manière la plus économique, et entretenus dans les temps où ils ne nuiront pas à ceux de la campagne. [États gén. 4789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Sens.] 757 Impositions. Le député représentera, lors de la répartition nouvelle de l’impôt, que cette généralité est une des plus chargées du royaume. Maréchaussée. Le député demandera un établissement d’une maréchaussée à pied, pour la sûreté des villes et des banlieues ; et ce que l’on peut désirer de mieux, est que sa conduite et sa police, confiées aux mômes officiers, soient aussi bonnes que celle de la maréchaussée à cheval, qui n’est insuffisante que par son nombre. Droits d'entrée) don gratuit , etc. Le député demandera l’abolition des droits d’entrée, dons gratuits, et divers droits réservés, payés dans de simples villages et autres lieux, qui, ayant été jadis villes et bourgs, sont aujourd’hui réduits à l’état des plus petites communautés. CONCLUSION. L’ordre de la noblesse du bailliage de Sens, mettant la plus grande confiance dans, le député qu’il s’est choisi, s’en rapporte entièrement à sa prudence sur la part qu’il prendra à la discussion des objets concernant le bien publie, et qui ne sont pas insérés dans le présent cahier; mais il insiste d’autant plus sur ce qu’il soutienne de tout son pouvoir les demandes dont il est expressément chargé, qu’elles ne renferment rien qui ne tende au maintien de la constitution monarchique et à la conservation du respect filial, que tout Français, par reconnaissance, et par des sentiments héréditaires , a voué à l’antique race de ses rois. Les vertus de celui qui nous gouverne lui vaudront sans cesse l’affection de ses peuples ; mais dans l’exemple qu’en donnera à l’envi toute la noblesse du royaume, celle du bailliage de Sens se fera toujours remarquer par un attachement sans bornes. Lecture faite du présent cahier, dont la rédaction avait été confiée à MM. le duc de Mortemart, de Rossel de Gercy, le marquis de Bombelles, le marquis d’Argenteùil, d’Etigny, le comte de Flo-gny, le marquis de Maubec, et de Foacier, il a été arrêté à l’unanimité, dans la chambre de l’ordre de la noblesse, par tous les membres soussignés. A Sens, ce 21 mars 1789, à sept heures du soir. Signé Le Bascle d'Argenteuil; de Biencourt ; de Bombelles; Bouvyer; de Bullioud; de Ghastenay; de Crenolles père ; de Crenolles fils ; de Groissÿ ; Deugny; Duhamel; Duperret; d’Etigny; de Flo-gny ; deFormanoir; Gaudes Voves ; dèGenouilly; Girardin de Tréfontaine ; de La Houssaye; de Juigné; de Jussy des Espenards ; de Jussy, de Jussy de l’E vision ; de Marsangis ; de Maubec ; de Moinville ; Demont-Feu ; de Montreuil ; de Pimel-les; de Princourt; de Rebourceaux; Renaut; Renaut de Tessy ; Rossel de Gercy ; de Trécesson ; de Treignac ; de Treignac fils ; dé Vaufin ; de Vil-lereau; de Viviers ; chevalier de Vivier ; le duc de Mortemart, président ; de Foacier, secrétaire. CAHIER Des remontrances , plaintes et doléances que le tiers-état du bailliage de Sens présente à l'assemblée des Etats généraux de ce royaume , convoquée par Sa Majesté à Versailles leTl avril 1789 (1). S’environner de ses sujets pour établir l’ordre dans toutes les parties de l’administration ; s’occuper deS( moyens de surmonter les difficultés relatives à l’état actuel des finances, tels sont les objets principaux qui ont déterminé Sa Majesté à convoquer les Etats généraux de son royaume. Elle a désiré connaître les maux publics et particuliers qui affligeaient l’Etat, et y apporter un remède prompt et salutaire, et afin qu’aucun des moyens d’arrêter les progrès du mal et de faire le bien n’échappât à sa vigilance et à sa bonté , elle a permis à tout son peuple les plaintes et les demandes, en réservant aux villes principales le privilège, tout à la fois honorable et précieux, de les recueillir pour les porter aux pieds du trône. Le tiers-état du bailliage de Sens et de celui de Villeneuve-le-Roi, réunis pour l’exécution de ces volontés augustes et paternelles, avant d’entrer dans le détail des objets dont il s’est particulièrement occupé, ose offrir à Sa Majesté et à la nation l’assurance qu’en procédant à la rédaction du cahier général de ses doléances, il n’a pris pour base de ses délibérations que son amour inviolable pour la personne sacrée du Roi , son attachement inébranlable à la monarchie française, une fidélité à l’épreuve de plusieurs siècles dans les temps les plus difficiles, enfin la considération unique du bien général à faire et des maux à éviter. CHAPITRE PREMIER. CONSTITUTION DES ÉTATS GÉNÉRAUX. Art. 1er. Les députés du tiers-état demandent avec instance : Le retour périodique des assemblées de la nation aux époques que les prochains Etats jugeront à propos de fixer, et qu’à cet effet la forme des convocations soit par eux généralement et irrévocablement déterminée d’une manière plus simple et moins onéreuse. Art. 2. Qu’il n’y ait dans aucun cas, et notamment à l’assemblée des Etats généraux, aucune distinction humiliante pour le tiers-état, lequel jouira, dans la personne de son orateur et de ses députés, de la considération qu’il a eue aux Etats d’Orléans de 1560. Art. 3. Que dans l’assemblée des Etats généraux les suffrages soient recueillis non par ordre, mais par tête, en sorte qu’il soit pris alternativement la voix d’un ecclésiastique, celle d’un noble et celle de deux membres de l’ordre du tiers-état. Art. 4. Qu’il soit statué que dans les assemblées des Etats généraux, chaque ordre soit représenté par députés choisis librement parmi ses pairs, et qu’en conséquence il ne pourra être pris par les électeurs, pour représenter le tiers-état, aucuns nobles ou ecclésiastiques. Art. 5. Que les Etats généraux soient extraordinairement convoqués quand les besoins urgents de l’Etat l’exigeront, sans qu’aucun corps puisse, dans aucun cas, prétendre ni se dire représenter la nation. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire.