[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. listes, strrTavis du bureau de consultation des ! -arts et métiers . » (Adopté.) i ‘One députation de la municipalité et des gardes nationales de Chasseley et autres paroisses du dé-yartement de Rhône-et-Loire , inculpée, dans l’affaire de la dame veuve Guillin, est introduite à la barre. Vorateur de la députation s’exprime ainsi : 'Messieurs, La 'majesté de ces lieux, la présence des pères de la patrie, la nature de mon sujet, la conscience de ma faiblesse, tout m’inspire une juste crainte. Il faut que le zèle de la justice ait sur mon âme 110 irrésistible empire pour que j’ose, malgré L force de ces considérations, élever la voix sous ces voûtes encore retentissantes des accen s douloureux d’une mère éplorée dont ma sensibilité partage les mille et une douleurs, mais dont mon devoir est de dévoiler les mille et une calomnies. Le sieur Gudiin a été tué par un peuple furieux ; après sa mort, son corps mis en pièces a été jeté au feu, sa maison a été incendiée, son mobilier est devenu la proie et des flammes et de quelques brigands; tel est, dégagé de toutes circonstances partiales, le fait qui a déterminé à nous députer vers l’Assemblée nationale. Ce fait révoltant, la dame Guillin i’a dénoncé au tribunal du distiict et de la campagne de Lyon : il ne lui a pas suffi de s’être ainsi pourvue légalement; elle a porté sa plainte dans le sanctuaire de la patrie qu’elle n’a pas craint de souiller par tout ce que le mensonge et la haine ont d’atroce et de sédui ant. Dans le tableau astucieux que cette dame a présenté, elle a, d’un côté, paré son époux des livrées du patriotisme, de la douceur et de la bienfaisance ; de l’autre, ceux qu’elle a voulu signaler d’être les auteurs de leffrajante catastrophe du 17 juillet, elle les a chargés de toute la scélératesse et même de l’anthropophagie; elle a peint le sieur Guillin bon époux, bon père, bon citoyen. Je ne scruterai point fa vie du sieur Guillin de Montet, comme mititaire, époux et père. Sous les deux derniers points de vue, si j’écoutais la voix du peuple, je ne serais peut-être point son apolo-giste. Décemment et politiquement la veuve devait à son époux un tribut d’éloges; et si le militaire méritait, non récompense mais punition, c’est à la perversité du ministère de son temps qu’il siérait d’adtesser ce reproche. Je laisse dune à part l’officier couvert de blessures, l’époux et le père pour n’occuper du soi-disant bon citoyen. Le sieur Guillin était, dit-on, .bon citoyen ; il respectait toutes tes autorités. Cependant cet homme s’était, armé en guerre, et certes ce n’était pas pour soutenir la première dis autorités, celle ae l’Assemblée nationale : on avait vu manier dans la cave de son château plusieurs petits canons, connus sous le nom ne gueulards , et? barils de poudre; il s?était muni de 2 grusses pièces d’artilleiie ; il avait pratiqué des Contre-murs. 11 était bon citoyen; il respectait toutes tes autorités. Cependant il tenait chez lui des assemblées de 60 à 80 pe'sounes suspectes; ceiendant il avait souffert que sa femme témoignât, par ses danses, la joie qu’il partageait avec elle de l’évasion du roi; cependant on l’avait ouï complaisamment dire, le jour même de la désertion du ‘premier fonctionnaire public : bon, le moment est venu où j’aurai le plaisir de me laver les mains €ans le sang des paysans. [10 septembre 1791 ] 555 Un membre : Ce n’est pas vrai. (Murmurer, ) Vorateur de la députa’lion... Xe sieur Guillin était, dit-on, bon citoyen ; il rompait avec les indigents, le pain qu’il recevait de l’Etat. Cependant cet homme tirait indistinctement sur les gens et sur les bestiaux qu'il trouvait sur ses terres; repei dant il avait exhumé tes cadavres encore fumants du cimetière de Polemieux, dont il stetait emparé, et les avait fait transporter dans ses fonds pour les bonifier. (Murmures.) M. le 'Président. L’orateur voudra bien se renfermer dans les bornes les plus étroites de son affaire. M. Orastenay. Il est un fait; c’est qu’il a été assassiné. Pourquoi nous vient-on faire l’apologie de cet assassinat? Vorateur de la députation... Gependant le sieur Guillin tolérait que son épouse refusât de vendre les blés vieux, sous l’alarmant prétexte que le feu né tarderait pas à brûler les récoltes ; cependant on a trouvé chez lui 80 petits sacs remplis d’étoupes et de soufre, qui ne pouvaient, ce me semble, servir qu’à incendier les habitations voisines et les blés d’alentour. (Murmures.) Voilà, Mes-ieurs, l’honnête, le parfait citoyen, soumis à toutes les autorités, 1e sensible et généreux patriote, le vertueux Guillin dont la charitable épouse a livré les membres à la canniba-listie de 30 paroisses! Décorer 1e sieur Guillin. des couleurs ou civisme et ne la générosité, son épouse de l’héroïsme conjugale et maternelle; faire contraster la débilité de la vieillesse, tes larmes de la jeunesse et de la beauté avec ‘la force et la fureur de la multitude, transformer cette multitude en une horde de cannibales que rien ne fléchit lors même qu’on lui cède ce qu’elle exige, lorsqu’elle n’a lieu de se plaindre d’aucune injure, achever la peinture par un repas de chair humaine, c’était là le coup de maîtru, c’est l’œuvre du méchant adroit qui tâche de couronner 1e crime du triomphe. Deux intérêts divers mais coalisés ont concerté l’exposé fabuleux de la mort du sieur Guillin de Montet, de l’incendie et du pillage de sa maison : la dume Guillin avait en vue une pension qui lui échappait : le génie officieux qui, pour elle, a tenu le pinceau, a fait, en habite ennemi de la Constitution, son profit de l’heureuse occurrence : services rendus à la patrie, vertus publiques et privées, charité, bienfaisance, borné, douceur, patriotisme, vous a-t-il fait dire, tout honorait le sieur Guillin : et 3Ü paroisses coalisées l'ont coupé par lambeaux, et ses membres déchirés, elles les ont engloutis dans un horrible repas : voyez d’après cela l’excès des calomnies des persécuteurs de la dame Guillin ; voyez à quelle espèce vous avez conlié tes intérêts du peuple, à des anthropophages à des mangeurs de corps humaine Quelle liberté, juste ciel I Hâtez-vo is ae r< nchaîner le peuple français, hât» z-vous de res susciter le despotisme, car mieux vaut porterie joug que de servir de pâture à des bêtes féroces. Oui, tel a été 1e but du récit mensonger dont on a affligé vos cœurs paternels : on a voulu, tout en surprenant un sacrifice à votre compassion, vous inspirer le regret de nous avoir traités en citoyens dignes de ta liberté. Je me regarde donc dans la conscience non seulement comme le vendeur de nos commettants, n ais en quelque sorte comme celui de notre sainte Constitution 556 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. que la dame Guillin a osé outrager en l’accusant d’avoir, s’il est permis de parler ainsi, muselé une ménagère vorace : je me regarde en ce moment comme le vengeur du caractère français outragé dans celui de 20,000 de nos frères faussement accusés d’une barbarie bien étrangère à leurs mœurs et dont on voudrait pouvoir étendre le reproche à la nation entière, afin de justifier les criminels complots de ceux qui tentent de rasseoir les tyrans sur leurs trônes de fer, de ressusciter leur police inquisitoriale, leurs bastilles et leurs parlements. Ce qu’a décrit la dame Guillin, des événements de Polemieux, des vertus de son époux, de sa modération, de la sublime prudence qu’il a eue de ne point renfermer dans la maison ceux qui l’ont assailli, de la remise de ses armes, des 30 drapeaux en marche, des 30 paroisses accourues, de son courage héroïque à se frayer uu chemin à travers les flammes, du sacrifice généreux qu’elle faisait de sa vie pour le salut de son mari, de ses enfants, que ses mains suppliantes présentaient à la multitude enivrée de fureur, de l’affreux dépècement du sieur Guillin... ( Murmures.) Plusieurs membres : Au fait ! M. Cochon -liapparent. Il est étonnant, Monsieur le Président, que vous ayez fait entendre une pareille adresse. M. Prieur. Laissez lire le pétitionnaire. L'orateur de la députation... Je n’abuserai pas plus longtemps des moments de l’Assemblée nationale ; et, d’après ce que quelques-uns de ses membres viennent de dire, je m’inscris, en mon nom, en faux contre tous les faits exposés par la dame Guillin ; et je passe à mes conclusions... M. Baudoin. Peut-on entendre de pareilles horreurs 1 M. Prieur. On les a accusés de les avoir faites. L'orateur de la députation... Le roi, séduit, trompé, avait abandonné son poste; la prudence dictait la précaution contre nos ennemis : il pouvait en arriver du dehors ; s’il y en avait au dedans, il était sage de désarmer ceux-ci, il était prudent de s’assurer de M. Guillin, dont le projet était peut-être de favoriser l'invasion des étrangers. Cette intention n’échappe pas à la municipalité de Polemieux : une douloureuse expérience l’avait instruite qu’elle renfermait dans son sein un téméraire, un implacable ennemi du la Révolution, le sieur Guillin de Montet, frère d’un prévenu du crime de lèse-nation. Naturellement cet homme devait éveiller la sollicitude; d’ailleurs, la voix publique le dénonçait comme le chef des contre-révolutionnaires du canton et désignait sa maison comme un arsenal antipatriotique. La municipalité de Polémieux forma donc le dessein de faire chez le sieur Guillin une perquisition de sûreté. Gomme sa garde nationale est peu nombreuse, les soldats nationaux de Charlet et de Quimeux sont invités à prêter secours ; ils arrivent, la garde nationalede Polémieux, précédée du maire, et de deux autres officiers municipaux, décorés de leurs écharpes, va à leur rencontre: — Où va-t-on nous conduire? disent [10 septembre 1791.] les gardes nationales étrangères. — Au château de Polemieux, répondirent les officiers municipaux, pour faire une perquisition qu’exige la tranquillité publique, que trouble le caractère impétueux du sieur Guillin, et le bruit accrédité que ce particuler recèle chez lui des munitions de guerre. Alors on avise aux moyens de seconder avec prudence les vues de la municipalité de Polemieux; on nomme 6 commissaires-officiers pour accompagner le maire et ses deux collègues ; et, afin de ne point effrayer, on laisse les gardes nationales en station, à quelque distance du château. Les commissaires arrivent, ils s’annoncent. Le sieur Guillin, armé de quatre pistolets à sa ceinture, ouvre un guichet grillé de fer; il s’en-quiert, d’un ton brutal, de ce que l’on veut ; on lui dit honnêtement que la municipalité vient chez lui pour faire une perquisition commandée par l’inquiétude générale ; on le prie de la permettre, l’assurant que tout se passera avec décence. Pour toute réponse, le sieur Guillin pousse une porte, lâche des injures et tire un coup de pistolet, qui fait faux feu. Aussitôt les commissaires se retirent vers la première division de leur garde, pour rendre compte de ce qu’ils viennent d’essuyer et se concerter sur les mesures à prendre. Ils étaient à parlementer près du presbytère, à la tête de leur division qui s’avançait, lorsque tout à coup on fait sur eux une décharge de 7 à 8 coups de fusil et d’un canon. La garde ainsi provoquée riposte de derrière un mur à hauteur d’appui, par un feu de mousqueterie, dirigé contre la fenêtre d’où étaient partis les coups de l’agresseur. A l’instant, parurent à la même fenêtre, la dame Guillin et une autre dame : elles crièrent de se retirer, et pour cause, mais le sieur Guillin fait sur-le-champ une seconde décharge, dont plusieurs personnes sont blessées, et à laquelle on riposte à coups de fusil. Le combat était engagé, et le tocsin sonnait : la dame Guillin et sa compagne, justement effrayées, descendent sur la terrasse, parlent à la troupe, tâchant d’excuser la violence du sieur Guillin ; elles promettent en son nom que la visite du château sera soufferte. On les en croit; le ressentiment s’apaise, le calme renaît, et les commissaires se présentent une seconde fois à la principale porte d’entrée, ayant avec eux la dame Guillin et celle qui l'accompagnait. E-t-ce là, je le demande, Messieurs, une conduite de cannibales ? Après une heure d’attente, pendant laquelle arrivait, au bruit du tocsin sonné dans les environs, une foule d’inconnus, Ja porte s’ouvre enfin, et les commissaires pénètrent dans le château, Ils avaient des précautions à employer pour leur sûreté personnelle; ils usèrent de celle de retenir la dame Guillin en otage ; ils la mirent sous la sauvegarde de la troupe, précaution salutaire à laquelle cette dame, sans doute, doit de n’avoir pas subi le triste sort de son mari. Les commissaires introduits, le sieur Guillin, comme s’il recevait des personnes qu’il n’eût pas jusque-là traitées en ennemis et dont il voulait la mort, leur offrit des rafraîchissements. Ce trait, Messieurs, en lui-même, n’est pas indifférent pour celui qui a lu dans le cœur de l’homme : il prouve la familiarité avec le crime. Les commissaires refusèrent cette étrange honnêteté, et se mirent en devoir de remplir l’objet de leur visite. Entrés dans uncorridor aboutissant à la chambre du sieur Guillin, ils aperçoivent un fusil à deux [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. coups, ils s’assurent qu’il e-t chargé, en jette l’amorce; ils demandent ensuite à voir les armes avec lesquelles on avait tiré sur la garde. Ou les conduit dans un petit cabinet où ils trouvent des bouteilles cassées, un tas de balles nouvellement fondues, et en partie mordues, des flèches indiennes empoisonnées, des poignards, une gibecière pleine de poison, un baril de pierres à fusil, 2 barils de poudre à tirer, 2 fusils de munition avec leurs baïonnettes, 2 fusils neufs à deux coups, et 2 gueulards chargés, dont ils se contentent de jeter l’amorce. On allait continuer les recherches, quand de grandes rumeurs se firent entendre au dehors du château. Deux commissaires en demandent le motif. Vous n’êtes point, leur dit-on, en nombre suffisant, pour procéder régulièrement à la perquisition ! Guillin a peut-être du monde caché, il vous égorgera, nous voulons entrer. A ce discours, un officier municipal et un des commissaires se hasardent à sortir, dans l’intention de rétablir l’ordre. Leurs observations furent d’abord vaines , l’interposition de leur autorité n’eut aucun fruit; des inconnus les menacèrent de les tuer, eux et leurs collègues qui étaient dans le château. Un expédient réussit pour le moment : on livra Jes armes qu’on avait découvertes, et on promit au peuple de montrer le sieur Guillin, afin de l’assurer qu’on était en possession de sa personne. Le sieur Guillin se montra en effet à l’une de ses fenêtres, entre le maire et un des commissaires. Sa présence aurait achevé de tranquilliser les esprits : ses brutalités achevèrent de les aigrir. Que voulez-vous ? dit-il. — Vous voir et entrer, lui répondit-on. A ces roots il injurie et il menace de mettre en jeu une machine qui couvrira tout le monde d’une immense quantité de pierres. Alors 20 personnes le couchent en joue : à la crainte succède la fureur : on veut sa tête, celle des commissaires que l’on soupçonne d’avoir reçu de l’argent pour favoriser son évasion. Guillin ne se contient plus intérieurement; mais il sait dissimuler; il feint de céder aux désirs du peuple et d’aller ouvrir ses portes. Un commissaire le suit, il tâche de l’éloigner, disant qu’il peut parcourir son château sans escorte. Cependant il monte à ses tours et veut faire jouer ses pierres, le commissaire est assez heureux pour le retenir. Le sieur Guillin revient, prend un fusil, celui dont on avait ôté l’amorce en entrant, couche en joue le commissaire et fait feu sur lui, son coup manqué, il tire un poignard dont il frappe ce même homme à la cuisse ; le commissaire se jette précipitamment dans la chambre où étaient ses collègues. Guillin les poursuit avec 3 fusils, dont un à baïonnette : parvenu à la porte, il met bas 2 de ses fusils et cherche à enfoncer la porte à coups de crosse. Transporté de rage de voir aes tentatives criminelles inutiles, il profite de la réclusion des commissaires, regagne ses tours, fait tomber une grêle de pierres, lance des flèches empoisonnées et tire nombre de coups de fusils et de pistolets. Ce dernier trait de barbarie et de trahison produit dans toutes les têtes l’effet du salpêtre enflammé. Les échelles sont à l’instant appliquées contre les fenêtres; et l’assaut n’est pas commencé que les portes tombent sous les coups des assaillants. Le peuple se précipite en foule. La dame Guillin de Pougelon, sœur de la dame Guillin de Montet et sa demoiselle ordonnent [10 septembre 1791.] 557 d’enfoncer les portes des caves ; le vin et les liqueurs qui s’y trouvent font malheureusement succéder l’ivresse à la rage. On entend gémir dans les tours des blessés au nombre de 17 : leurs plaintes semblent, à des inconnus ivres et furieux, demander le sacrifice de l’auteur de leurs maux. La voix des officiers municipaux et des commissaires n’est plus écoutée. Guillin avait disparu; on les en rend responsables sur leurs têtes; il faut qu’il soit livré, on le réclame à grands cris. Les commissaires le cherchent partout, non pour le livrer, mais à fin de le sauver s’il est possible. On le trouve enfermé dans une de ses tours et environné d’armes à feu. Cette découverte redouble la confusion : tout est cassé et jeté par les fenêtres. Les officiers des gardes nationales courent se placer à la tête de leurs détachements; mais que pouvaient 100 gardes nationales mal armés contre 4 ou 5,000 hommes qui remplissaient le château, la terrasse et les avenues. Guillin s’effraye. Des officiers municipaux arrivés des paroisses voisines l’entourent et cherchent à le sauver, les gardes nationaux sollicitent sa grâce, le peuple crie : Non! il a trois fois fait feu sur la troupe, il nous aurait tous écrasés s’il avait été aussi fort que méchant. C’est le général des contre-révolutionnaires. Si nous le manquons aujourd’hui, il ne nous manquera pas demain; c’est un homme accoutumé à tuer, il serait renvoyé d’Orléans : voyez son frère, il ne sera jamais jugé. Point de grâce ! ( Murmures ) Dans cette horrible conjoncture, un inconnu qui s’adresse au sieur Guillin accroît encore les méfiances, les craintes et l’indignation. Cet inconnu avait à la main une hallebarde de forme antique dont le collet était doré. Me reconnaissez-vous, lui dit-il? — Nod, mon ami. — Je suis ouvrier ; que faut-il que je fasse. — Rien, mon ami ; retirez-vous, il n’y a plus rien à faire, ce n’est pas le moment; vous me parlerez. La furie populaire est alors à son comble ; les commissaires emploient trois quarts d’heure en inutiles précautions. Il ne restait plus qu’à recommander au sieur Guillin de ne pas quitter la tour où il élait jusqu’à ce qu’on eût amené une garde qui pût le protéger sûrement; les officiers volent à leurs postes. Ils avaient à peine rassemblé un petit nombre de soldats, que les flammes embrasent l’intérieur du château. Le sieur Guillin déserte alors sa retraite. Des officiers municipaux et des gardes nationales l’environnent, ils le couvrent de leurs corps, au milieu des pièces de bois qu’on leur jetait de toutes parts. Us parviennent toutefois à le sortir sain et sauf et à le conduire à trente pas à l’occident du château. Là, on se précipite en foule sur eux, et des coups de fourche et de crosse de fusils achèvent, en terminant l’existence du criminel Guillin, de récompenser les forfaits dont il avait souillé cette effrayante journée. Après cela, qui ne serait étonné des étranges déclamations de la dame Guillin. Tels sont de sa part les traits d’héroïsme d’elle et de son mari, les traits de prudence et de civisme dont elle a enrichi son roman funèbre, et ce repas de cannibales... Plusieurs membres : Aux conclusions ! aux conclusions ! M. Gombert. Monsieur le Président� je demande qu’on passe à l’ordre du jour. L’Assem- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 septembre 1791,] 858 blée ne peut pas s’occuper de choses aussi infâmes que celles-là. M. Bouchotte. Ce rérit sans doute est effrayant; mais je ne crois pas que l'Assemblée qui a entendu accuser des Français puisse actuellement se refuser à entendre la justification. L’orateur de la députation... Certes nous gémissons des exiès auxquels une populace euiv-rée et furieuse a pu s’abandonner. Après la mort de cet homme, son cadavre taillé en pièces... (Murmures.) Tout cela nous indigne et nous soulève, bien que de pareils attentats semblent perdre de leur horreur quand on envisage les atrocités auxquelles le sieur Guillin s’est livré spontanément, quand on se rappelle sa conduite habituelle, quand on prête l'oreille aux cris de 17 blessés qui demandaient représailles et vengeance. Notre objet n’est pas néanmoins de soustiaire à la sévérité des lois les hommes qui se sont rendus coupables; nous sol-liciions un décret équitable par lequel il sera déclaré qu’il n’y a lieu à accusation contre les officiers municipaux et les gardes nationales seulement, po ;r le fait de la recherche exécutée dans le château de Polémieux, le 26 juin dernier. Cette pétition est indépendante des faits écrits de part et d’autre, il s’agit uniquement de prononcer si la recherche d’armes est ou non un attentat aux lois; si les officiers municipaux ont eu le droit de la faire, eu égard aux cire instances du moment, et si les gardes nationales qu’ils out appelés ont dû leur obéir. À cette pétition, nous joindrons la demande d’un tribun d autre que celui de la camnagne de Lyon, à l’effet de recommencer les procédures et informati ns. Des témoins entendus soutiennent que le juge instructeur de la procédure a négligé la forme sacramentelle de la lecture des dépositions, avant d’y faire apposer les signatures; d’autres, qu’il a refusé de consigner dan3 l’information, l’anression du sieur Guillin; qi’il n’a voulu ni recevoir les noms des personnes blessées, ni souffrir qu’elles fus-ent visitées. Toutes enfin se plaignent d’une partialité qui alarme l'innocence. Que les coupables soient punis, mais que l’innocent soit reconnu et respecté ; cVst là le vœu de la loi, c’est c< lui de nos commettants. Vot e caractère, Messieurs, ne permet, pas de craindre qu’il ne soit pas exaucé, le vœu pur et légitime que nous vous présentons, dégagé de l’éloge vraiment suspect ou des hommages adulateurs, et avec la confiance et t’assirrance de celui qui demande justice à qui chérit le devoir de la rendre. Il me reste à vous prier,. Messieurs,, d’agréer l’offre de ceux qui sont devant vous : ils prennent par mon organe, l’engagement envers la pairie, d’équiper et d’entretenir 3 gardes nationaux qui, selon l’exécution de vos décrets, doivent, porter les 'armes sur les frontières. (Applaudissements dans les tribunes.) M. lé Président. L’Assemblée nationale a vu sa sensibilité mise anx plus dures épreuves, par le récit di s scènes affligeantes qui se sont passées dans votre pays; elle désire que vos concitoyens soient moins coupables qu’ils ne lui ont paru tout d’abord ; mais, après avoir distingué et distribué les pmvoirs, elle s’est fait une loi de se renfermer da s l’ordre fixé par la Constitution. Elle entendra du moins son comité des rapports, auquel la pétition de Mme Guillin est déjà renvoyée. M.. BîHon. J’observe à l’Assemblée que, de Tavis du comité des rapports, il y a à présent à ce comité 14 malles pleines d’affaires qui lui sont renvoyées. J’espère que l’Assemblée n’a pas plus de 15 jours à continuer ses séances; ainsi l’affaire dont il s’agit ne peut pas être renvoyée au comité, elle est d’ailleurs de la connaissance exclusive des tribunaux, auxquels j’en demande le renvoi. M. E