577 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 juin 1790 ] les opinions sont partagées sur les principes relatifs, tant à l’éligibilité des sujets, qu’à la qualité des électeurs et à la forme des élections; de sorte qu’il n’en peut résulter que des divisions capables d’altérer la paix si importante à maintenir : « Décrète qu’il sera sursis à toute nomination de commandant en chef dans la ville de Versailles, jusqu’après le décret constitutionnel qui sera donné incessamment sur l’organisation définitive des gardes nationales. » (Ce projet de décret est adopté.) M. le Président. J’ai reçu de M. Lambert une lettre et un mémoire sur la difficulté qu’opposent certaines villes de Picardie à la perception des droits d’aides. ( Voy . ce document annexé à la séance de ce jour). Cette affaire est renvoyée au comité des finances. V ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur le traitement du clergé actuel . M. Chasset continue à remplacer M. l’abbé Expilly, rapporteur, à qui la faiblesse de sa voix ne permet pas d’être entendu. M. Chasset. L’article 17 du projet de M. l’abbé Expilly, qui deviendra l’article 20, est ainsi conçu : « Art. 17. La réduction qui sera faite, à raison de l’augmentation des portions congrues, ne pourra néanmoins opérer la diminution du titulaire actuel au-dessous du minimum fixé pour chaque espèce de bénéfice. Excepté toutefois à l’égard des bénéfices simples et qui n’étaient pas sujets à résidence, dont les titulaires pourront être réduits à la somme de 500 livres. » M. Camus. Je demande la suppression de la dernière partie de l’article, afin de mettre en concordance toutes les parties de votre décret. M. Chasset. Le comité allait vous le proposer lorsque son rapporteur a été interrompu. M. le Président met l’article aux voix : il est adopté en ces termes : « Art. 20. La réduction qui sera faite à raison de l’augmentation des portions congrues ne pourra néanmoins opérer la diminution des traitements des titulaires actuels au-dessous du minimum fixé pour chaque espèce de bénéfice. » M. Chasset donne lecture des articles 18 et 19 du projet de décret, destinés à devenir les articles 2Ï et 22 du décret définitif. « Art. 18. Dans les chapitres où il était d’usage de faire acheter des maisons canoniales aux titulaires, ceux qui justifieront les avoir payées continueront d’en jouir pendaut leur vie, et en conséquence, le produit desdites maisons n’entrera pour rien dans la fixation du produit des bénéfices. « Art. 19. Tous les titulaires des bénéfices supprimés qui justifieront avoir construit à leurs frais la maison d’habitation continueront de jouir de ladite maison pendant leur vie, et ils ne seront tenus, ainsi que tous les autres écclésiastiques, que des réparations locatives, à raison des bâtiments, de leurs bénéfices qui leur sont conservés. » M. Goordan. Je propose d’ajouter par amende-lie Série. T. XVI. ment, « sans que les dispositions des présents articles puissent s’étendre aux maisons canoniales achetées par des particuliers, ou maisons étrangères ». Cet article est appuyé, etre produit sous diverses formes par MM. Bontemps, Mougins, Goupilleau et plusieurs autres membres. M. Treilhard. Tous les préopiuants conviennent que l’article est juste, mais qu’il n’est pas assez étendu, c’est-à-dire qu’il n’a pas pourvu à tous les cas. La comité a eu connaissance d’une partie de ces usages, mais ils lui ont paru abusifs; il n’a pas conçu que des étrangers puissent acquérir un droit sur une propriété, par la seule volonté d’un chapitre. Je propose donc de décréter l’article sur-le-champ, et, à l’égard des amendements, de les renvoyer au comité ecclésiastique, qui les discutera et en fera le rapport. M. d’Estourmel. Je demande l’ajournement de l’article et des amendements. M. Duquesnoy. Je m’oppose formellement à l’ajournement. Les discussions sur ce qui concerne le clergé ont absorbé un temps assez considérable. Nous avons encore l’ordre judiciaire, les gardes nationales, les troupes de ligne; il est nécessaire que l’Assemblée s’occupe de ces objets importants. Je demande qu’on prenne un parti sur les deux articles. L’ajournement est mis aux voix, et deux épreuves successives paraissent douteuses. M. Camus. Je demande la parole. (On observe que la délibération est commencée.) L’Assemblée décide que M. Camus sera entendu. M. Camus. Je demande la question préalable sur les deux articles, et voici mes raisons : Vous avez décrété le sort des titulaires, mais vous n’avez pas décrété qu’ils auraient la jouissance d’une maison en sus de leurs bénéfices. Que font les usages ? Ils ne prescrivent jamais contre la justice. Voici ce qui est juste : Si un ecclésiastique a acheté une maison, s’il y a fait des réparations considérables, il est juste qu’il soit indemnisé; mais il n’est pas dit que l’indemnité doive être la jouissance de la maison. Je persiste donc à demander la question préalable. M. Cochard. Plusieurs de ces maisons canonia-lesont toujours été dans le commerce, avec laseule restriction de ne pouvoir les vendrequ’à des chanoines. Celui qui possédait est donc bien fondé à s’attendre à jouir. Pouvez-vous, avec quelque apparence de justice, le chasser de chez lui? Laissez -le donc tranquille dans sa possession légitime, ou du moins faites estimer sa maison par des experts, et accordez-lui une juste indemnité. M. l’abbé Lompré. Il faut distinguer quatre espèces de maisons canoniales et ranger dans la quatrième classe celles qui, construites sur un terrain exempt de servitude féodale par la disposition du fondateur, ont donné lieu à l’exercice d’un droit de retrait, mais ont passédans le commerce à titre de propriété et ont été achetées par les aînés des héritiers des morts ; je demande que cette espèce soit exceptée du décret ou que le prix en soit réservé aux propriétaires actuels. M. Populus. Les observations quê vient de 37 g�g [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 juin 1790.J présenter le préopinant sont parfaitement fondées et l’article ne doit pas comprendre les maisons canoniales de femmes. Dans ledépartementde l’Ain il y a deux chapitres dout les maisons canoniales ont été bâties aux dépens des familles qui y ontplacé leurs hiles. Pour conserver cette propriété légale, je demande le renvoi de tous les amendements au comité. M. Chasset, rapporteur. Je propose à l’Assemblée une nouvelle rédaction qui me paraît de nature à concilier toutes les opinions. La voici : « Les maisons servant de logements aux titulaires n’entreront point en considération dans la composition de la masse de leurs revenus : pourront néanmoins ceux qui auront des droits particuliers à prétendre sur lesdites maisons, demander une indemnité, laquelle leur sera accordée, s’il y a lieu, sur l’avis des directoires des départements et des districts. » M. Tronchet. Dans toutes les questions de propriété, il y a quelque, imprudence à procéder par voie d’amendement ou de rédaction improvisée. Je demande l’ajournement et le renvoi au comité. (L’ajournement et le renvoi au comité sont mis aux voix et décrétés.) MM. de Saint-Simon (ci-devant marquis) et de Lafare, évêque de Nancy, demandent la permission de s’absenter pour quelque temps, M.j Cacas. Je demande qu’au jour qu’il plaira à l’Assemblée de fixer, on fasse un appel nominal, que la liste des absents soit imprimée et envoyée dans les provinces, afin que l’on sache comment l’Assemblée est organisée. M. Rewbel. Cela est d’autant plus important, qu’on répand dans le public que beaucoup de membres s’absentent par poltronnerie. M. de Caylus ( ci-devant duc). J’ai demandé à m’absenter -, je prie le préopinant de venir me dire à moi-même s’il m’accuse de poltronnerie. M. de Montlosler ( ci-devant marquis). Nous demandons que M. Rewbel soit censuré. (L'Assemblée décide que l’ordre du jour sera continué.) M. de Montlosier (en s’avançant vers M. Rewbel): Est-ce vous, Monsieur, qui accusez les membres de l’Assemblée nationale de poltronnerie ?... (L’incident n’a pas de suite.) L'Assemblée reprend la suite de la discussion du décret sur le traitement du clergé actuel. M. Chasset. Je vais donner lecture de l’article 20 du plan qui vous a été proposé par M. l’abbé Ëxpilly. Cet article deviendra le 21e. Le numérotage sera changé ultérieurement, si l’ordre de vos décrets rend cette modification nécessaire (1). « Art. 21. Les titulaires qui, par le décret du 20 avril dernier, sont autorisés à continuer, pour la présente année seulement, la régie et l’exploitation de leurs biens, retiendront par leurs mains (1) Voyez plus loin, à la date du 24 juillet 1790, le décret général sur le traitement du clergé actuel. les traitements fixés par les articles précédents ; et ceux dont les biens sont tenus à bail ou à ferme seront payés desdits traitements à la caisse du district, sur les premiers deniers qui y seront versés par les fermiers ou locataires. » (Cet article est mis aux voix et adopté.) M. Chasset, rapporteur. L’article 21 du plan de M. l’abbé Expilly, qui deviendra le 22e, est ainsi conçu : « *Art. 21. À dater du premier janvier 1791, les traitements seront payés de trois mois en trois mois, savoir aux archevêques et évêques, par le receveur de leur district, aux curés et vicaires, par le receveur ou collecteur de leur municipalité, et à tous les autres titulaires, par le receveur du district dans lequel ils fixeront leur domicile; et seront les quittances de tous lesdits bénéfices allouées pour comptant aux receveurs qui les auront payés. M. de Cachèze. Le clergé actuel ne doit pas être dans une position plus défavorable que le clergé futur. Or, vous accordez à celui-ci un traitement par avance : pourquoi avoir deux poids et deux mesures ? Je demande que le traitement soit payé d’avance. M. l’abbé Julien. Ceux qui veulent qu’on paye d’avance n’ont sans doute pas examiné si on était en état de payer. Il faut que la nation ait fait le recouvrement de ses fonds, pour pouvoir payer tous ceux qu’elle emploie à son service. Je demande donc la question préalable sur l’amendement. M. Tronchet. Je ferai remarquer à l’ Assemble que les bénéfices actuels sont toujours en jouissance. Leur sort n’est donc pas le même que celui des titulaires futurs. M. Chasset. Votre comité a pensé qu’on ne devait pas payer d’avance aucun fonctionnaire actuel ecclésiastique parla raison que vient d’exposer succinctement M. Tronchet. Tout ce qui pourrait, en effet, engager à faire ces avances, ce serait particulièrement la position des curés à portion congrue et celle des vicaires ; mais observez qu’on a augmenté le traitement des uns et des autres dès cette année. Cet augmentation les dédommage et au delà du payement par avance et laisse plus de latitude à la nation pour le recouvrement des fonds nécessaires à ses payements. Nous vous proposons d’ailleurs de décréter l’article avec la modification suivante: « Art. 22. A dater du 1er janvier 1791, les traitements seront payés de trois mois en trois mois, savoir : aux évêques, curés et vicaires, par le receveur de leur district, et à tous les autres titulaires, par le receveur de celui dans lequel ils fixeront leur domicile; et seront les quittances de tous lesdits bénéficiers allouées pour comptant aux receveurs qui auront payé. » (Adopté.) M. Chasset. Vous avez renvoyé à l’examen de votre comité ecclésiastiques divers amendements présentés pendant la discussion. Je viens vous soumettre quatre articles additionnels qui nous paraissent nécessaires pour donner satisfaction à des droits légitimes. Le premier de ces articles concerne le traitement des ecclésiastiques et des laïques qui sont attachés à des églises. En effet, si un habitué dans les ordres, un laïque, un organiste, un mu-