[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. national sur les frontières pendant tout le temps que l'Assemblée jugerait nécessaire pour la défense de l’Etat et jusqu’à l’expiration de leurs fonctions au tribunal de cassation. Comme j’ai l’honneur d’appartenir à ce corps, je supplie l’Assemblée de me permettre de me réunir à mes collègues et de faire comme eux la même soumission, dont la solde tombera à ma charge pendant tout le temps de service que l’Assemblée nationale exigera. ( Applaudissements .) M.I�a Poule. Mettez la mienne aussi, Monsieur le Président. ( Applaudissements .) M. llarquls. Je me joins également à mes collègues du tribunal de cassation et je faiscomme eux la même soumission. (. Applaudissements .) M. de Pardieu. Messieurs, M. de Talleyrand, archevêque de Reims, qui se rendait aux eaux de Spa pour le rétablissement de sa santé en compagnie de Mm® de Périgord, sa nièce, vient d’être arrêté dans sa route à Saint-Quentin ; je demande que l’Assemblée autorise M. de Montmorin à lui délivrer un passeport ainsi qu’à sa nièce. M. Bouche. L’Assemblée a rendu des décrets généraux sur la matière; elle ne peut s’occuper des moyens d’exécution. M. de Talleyrand-Périgord, évêque d'Autun , appuie la demande de M. de Pardieu. M. Ilerlin. Cela regarde le pouvoir exécutif. (L’Assemblée décrète qu’elle passe à l’ordre du jour sur la motion de M. de Pardieu.) M. Prugnon,aw nom du comité d’emplacement , présente quatre projets de décret. Le premier, relatif au logement du corps administratif du district de Meaux , est ainsi conçu : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d’emplacement, autorise le directoire du district de Meaux, département de Seine-et-Marne, à acquérir, aux frais des administrés, et dans les formes prescrites par les décrets pour la vente des biens nationaux, la maison des Cordeliers de la ville de Meaux, et bâtiments en dépendant, renfermés et circonscrits dans les lignes tracées en jaune sur le plan qui sera joint à la minute du présent décret, pour y placer le corps administratif du district. L’autorise également à faire procéder à l’adjudication, aurabais, des ouvrages et arrangements intérieurs nécessaires audit emplacement, sur le devis estimatif qui en a été dressé par le sieur Cliquot, architecte, le 14 mars dernier et jours suivants ; le montantde laquelle adjudication sera supporté par lesdits administrés. « Excepte, de la présente permission d’acquérir, l’église, les jardins, verger, potager, luzernes, «vignes, etautresterrainsnon renfermés dans la susdite ligne jaune tracée sur ledit plan, pour être, tous ces objets exceptés, vendus séparémentdans les formes ci-dessus prescrites, et le prix versé dans la caisse du district. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) Le deuxième, relatif au logement du corps administratif et du bureau de paix du district de Chaumont-en-Ve xin, est ainsi conçu : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d’emplacement, autorise le directoire du district de Chaumont-en-Vexin, département de [14 juillet 1791.J l’Oise, à acquérir, aux frais des administrés, et dans les formes prescrites par les décrets de l’Assemblée nationale, la maison des récolets de cette ville, pour y placer le corps administratif du district et le bureau de paix. « L’autorise également à faire procéder à l’adjudication, au rabais, des réparations et arrangements intérieurs nécessaires, sur le devis estimatif qui en sera dressé; le montant de laquelle adjudication sera supporté par les administrés. « Excepte, de la présente permission d’acquérir,� les terres, la petite chapelle et le jardin marqués, A, B, 0 et D, sur le plan qui sera joint à la minute du présent décret, pour être vendus séparément en la manière accoutumée; à la charge, par l’adjudicataire dudit jardin et terrain marqués G et D, de laisser 40 pieds le long des bâtiments pour la conservation des jours. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) Le troisième, relatif au logement du corps administratif du district de Forcalquier, est ainsi conçu : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d’emplacement, autorise le directoire du district de Forcalquier, département des Basses-Alpes, à louer, aux frais des administrés, et à dire d’experts, l’aile du côté du faubourg de la maison de la visitation de la ville de Forcalquier, telle qu’elle est désignée au plan qui sera joint à la minute du présent décret, pour y placer le corps administratif du district. « L’autorise également à faire procéder à l’adjudication, au. rabais, des réparations et arrangements intérieurs nécessaires à son établissement, sur le devis estimatif qui en a été dressé par le sieur Aubert, le 7 mai dernier; le montant de laquelle adjudication sera supporté par lesdits administrés ». (Ce décret est mis aux voix et adopté.) Le quatrième, relatif au logement des commissaires administrateurs du droit de timbre et d’enregistrement , est ainsi conçu : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d’emplacement, décrète que les commissaires administrateurs du droit de timbre et d’enregistrement, dont les bureaux sont placés à l’hôtel de Mesmes, transporteront leur établissement à l’hôtel de la Régie, rue de Cboiseul, pour l’occuper définitivement. « Décrète que les anciens régisseurs iront se placer, avec les bureaux qui leur restent dans l’hôtel des Fermes, pour y achever l’arriéré et la clôture de leur comptabilité. « Décrète pareillement que l’hôtel de Mesmes, sis rue Sainte-Avoie, sera incessamment mis en vente. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. l’abbé Gouttes, au nom du comité central de liquidation , fait un rapport sur la liquidation du péage de Sainte-Croix. Suit le texte du rapport imprimé sur cet objet par délibération du comité central deliquidation : Par l’article 15 du décret du 15 mars 1790, l’Assemblée nationale a supprimé généralement les péages. Mais, par l’article 36 du même décret, elle a déclaré, entre autres exceptions, que les péages acquis du domaine de l’Etat seraient remboursés par l’Etat. Le péage de Sainte-Croix, dans la ci-devant province de Guyenne, est originairement sorti du domaine de l’Etat. M. de Batz, qui en était possesseur à l’époque de la suppression, a demandé l’exécution de l’article 36, c’est-à-dire le rem- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. boursement des valeurs qui ont été le prix de la concession. Sur quoi le comité central a délibéré de faire imprimer, traduire et distribuer le titre fondamental de cette concession, et d’en déférer le jugement à l’Assemblée nationale elle-même, pour deux raisons : la première, que cette liqui-[14 juillet 1791.] 253 dation intéresse un membre du comité; la seconde, parce qu’elle est d’une classe qui n’est pas ordinaire. La transcription de l’acte original et sa traduction qui suivent, ont été faites à la de nande du comité central, par M. Dacier, de l’Académie des inscriptions et belles-lettres. Charte d'investiture du péage de Sainte-Croix. Universis præsentes litteras inspecturis, ma-gister Petrus, prefectus curiæ Sancti Severi, in Domino, salutem : Conegude cause sic que, per daban nos camparen personalement, los nobles cavallersOtt.de Benquet et Arnauld lo sonhilh, losqualx disson que ci daban aguesson heytas notables expensas , per requeste et mandamen speciau del rei noste sire : focs, le cargue et entretenement de sedze escuders, très ans et mai, en sus lor ferbici degut. Item, an fac de lors deners las dareras clausuras del castel reyau del Mont-de-Marsan. Item, lor deu lodit rei las pescarias que lor a demandades per deliberar las aigues de la Doze, don es estât augmentai lo près de piadze reiau de Sancta Crodz, à requeste deus mercaders nabigants en le dite ar-ribere. Item, lor es degut per carte deus gra-naters del dit rei noste sire, dus cens kaas de sedgle et arromen : et per pagamen deus dits deners, expensas et pescaria-j, dechon que, per far ferbici al dit rei, aben consuntit et apuntad se contentar de le perpetuan concession deu piadze reiau deu dit Sta Crodz, ben que lot dente fia mayor que noes lodit piadze : laquelle concessin lor a neyte lodit senhor rei , cum aparech de le carte deu X abriu , à nos sobre-dicli prebost, per Mossenhor Br. Despecade, on se leg'it : Henricus, Dei gratiâ, rex Angliæ, dux Herbeniæ, dux Aquitaniæ, universis ad quorum notitiam litteræ præsentes prevenerint, salutem : Sciatis quod pro nobis et bæredibus nostris in futurum, et pro bonis et gratuitis servitiis et multoties impensis per dilectas et fideles nostros Otthonem de Benquet, dominum dicti loci, mi-lilem, et Arnaldum ejus filium, etiam militem, concessimus in perpetuum præiictis. Otthoni et Arnaldo totum pedagium salis, nobis et præ-decessoribus nostris solvi per consuetum per mercatores navigantes in fluviis de la Dorio et de la Doza, et transitum facientes, sive per ascensum, sive per descensum, in predictis flu-viis, ante domum seu caslellum de Sla Gruce; quod pedagium dicti mercatores et navigantes nobis et predecessoribus noslris solvere consue-veruot, ratione unius conchæ salis, valentis quatuor mensuras solvendas mensuræ com-muni de Sto Severo, pro qualibet nassa seu na-sella, sine ulla exceptione, salem ferente nel non ferente, assignatis in sale vel in argento, ad valorem communem salis apud Sanctum Seve-rum, ad libitum tamen nostrum, vel pedagii nostri collectorum. Datum apud Vestmond, décima die aprilis, anno millesimo ducentesimo vigesimo quinto (MCCXXV). Sic, de mandato Traduction du titre d'investiture du péage de Sainte-Croix, A tous ceux qui ces présentes lettres verront, Me Pierre, prévôt de la cour de Saint-Sever, salut dans le Seigneur : que ce soit chose connue que, par devant nous comparant personnellement les nobles chevaliers Otton de Benquet et Arnauld son fils, lesquels disent que, ci-devant, ont fait de notables dépenses par requête et mandement spécial du roi notre sire : savoir, la charge et l’entretenement de seize écuyers, trois ans et plus, en sus de leur service dû. Item, ont fait de leurs deniers les dernières clôtures du château royal du Mont-de-Marsan. Item , leur doit ledit roi les pêcheries qu’il leur a demandées pour rendre plus libres les eaux de la Douze, d’où est augmenté le prix du péage royal de Sainte-Croix, à la requête des négociants naviguant sur ladite rivière. Item, leur est dû, par charte des greniers du roi notre sire, deux cents (kaas) charretées (l) de seigle et (arromen) froment (2): et pour payement desdits deniers, dépenses et pêcheries, ils disent que , pour faire service audit roi, ils ont consenti et appointé, de se contenter de la perpétuelle concession du péage royal dudit Sainte-Croix, bien que leur créance, soit plus considérable que n’est leur péage : laquelle concession leur a faite ledit seigneur roi, ainsi qu’il appert par la charte du 10 avril, à nous susdit prévôt, par Monseigneur Br. (chancelier) dépêchée; où se lit : Henry, par la grâce de Dieu, roi d’Angleterre, duc d’Hibernie, duc d’Aquitaine, à tous ceux à la connaissance desquels ces présentes lettres parviendront. Salut : Sachez que, pour nous et pour nos héritiers à l’avenir pour les bons et gratuits services, et plusieurs fois réitérés par nos chers et fidèles Otton de Benquet, seigneur dudit lieu, chevalier, et Arnauld son fils, aussi chevalier, nous avons concédé à perpétuité auxdits Otton et Arnauld, tout le péage de sel accoutumé être payé à nos prédécesseurs, et à nous-mêmes par les marchands naviguant sur les fleuves de la Douze et de l’Adour, et passant, soit en montant, soit en descendant sur lesdits fleuves, devant la maison ou château de Sainte-Croix, lequel péage lesdits marchands naviguant ont coutume de payer, à nous et à nos prédécesseurs, à raison d’une conque de sel, valant quatre mesures, suivant la mesure commune de Saint-Sever, pour chaque nasse (bateau), ou nacelle, sans aucune exception, portant du sel ou n’en portant point (mesures) assignées, en sel, ou en argent, suivant la valeur commune du sel à Saint-Sever, à la volonté cependant de nous ou des collecteurs de notre péage. Donné à Vestmond (Westminster) , le (1) Je ne connais point cette mesure : dans la traduction qu’on avait jointe au titre, on a rendu le mot kaas par celui de charretées; mais je ne vois dans l’original aucun signe d’abréviation qui puisse autoriser à lire karrec-tas, ainsi que le suppose la traduction. (2) Arromen. J’ignore ce que signifie ce mot qu’on a rendu par celui de froment dans la traduction qui m’a été remise; je serais plus porté à croire qu’il signifie blé méteil, je fonde cette conjecture sur la ressemblance avec le mot nrro qui a cette signification dans des titres latins des xilt” et xiv* siècles. 254 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [U juillet 1791.1 regis Br. nos sobredich Pet, prebost teDguen cort en la terratori de Sta Croaz, presens lors mercaders deu Mont, et autes tributaris deudit piadze, acqui mandatz speciaument, metten et pausan losdits Oit. et Arn. de Benquet en vesti-tiu et fazine deudit piadze, per lo mendamen et poder a nos valhat, eum de cause a edz leïaumen apropriade, crompade et acquitada de lors de-ners, ferbicis et expensas per compte deudit rei noste sire. Et nos 0t(. et Arn. de Benquet aaqui-iam per laspresens lodit senhor rei deus cotz et expensas que nos ero tengut tornar. Per paga-men acceptam lodit piadze, en quan que sio mendre en balou que so que per lodit senhor rei nos es degut; mas esperan sen soubira, et li faran lo segremen degut. Actum apud Sta Cruce, in macl anno predicto, in testimonium hujus rei presentibus litteris sigillum curiæ Sancti Severi duximus apponi. 10 avril, l’an du Seigneur 1225. Ainsi, du commandement du roi Br., nous susdit Pierre, prévôt tenant cour dans le territoire de Sainte-Croix, présents les marchands du Mont, et autres tributaires dudit péage ici spécialement mandés, mettons et posons lesdits Otton et Arnauld de B mquet en l’investition et saisine dudit péage, par le mandement et pouvoir à nous donné, comme de chose a eux loyaument appropriée, acquise et acquittée de leurs deniers, services et dépenses pour le compte du roi notre sire. Et nous, Otton et Arnauld de Benquet, acquittons par les présentes ledit seigneur roi des coû's et dépenses qu’il était tenu de nous rembourser, en acceptant pour payement, ledit péage quoiqu’il soit moindre en valeur que ce qui par ledit seigneur roi nous est dû. Mais espérons qu’il s’en souviendra, et lui ferons le serment dû. Fait à Sainte-Croix, en mai année susdite. En témoin de cette chose nous avons fait apposer aux présentes lettres le sceau de la cour de Saint-Sever. Je soussigné certifie que cette copie est conforme à l’original, et que l’original m’a paru réunir tous les caractères intrinsèques et extrinsèques qui peuvent en assurer l’authenticité. A Paris, le 29 juillet 1791. Signé : DACIER. Nous soussignés, députés de la ci-devant province de Gascogne, attestons que les mots Kaas et Arromen, qui ont embarrassé M. Dacier, signifient encore aujourd'hui l’un charrette et l’autre froment; nous attestons de plus que d’ailleurs la traduction est exacte et fidèle. Maurietde Flory, député du département des Landes; Larreyre, député de la sénéchaussée de Tartas; La Porterie, déçuté de la sénéchaussée de Mont-de-Marsan; Pémartin, député de Béarn; Castaignède, député de la sénéchaussée de Tartas; Julien, député du Bearn ; Darnàudat, député du Bearn; Noussitou, député du Béarn; Dufau, député de la sénéchaussée de Mont-de-Marsan. A l’appui de cette charte ont été remis entre autres titres : 1° Le traité de réunion de la Guyenne à la France, en 1451, par lequel la nation s’est engagée à maintenir toutes les concessions ci-devant faites par les rois d’Angleterre, ducs d’Aquitaine, une seule exceptée, celle deGurton; 2° Il a été produit un arrêt contradictoire du parlement de Bordeaux, en date du 26 mars 1567, qui a maintenu le même péage; 3° Un arrêt du conseil, rendu le 7 avril 1693, lors de la recherche des péages, lequel arrêt a maintenu le péage de Sainte-Croix, sur la production de lacharie ci-dessus ; 4° Uu dernier arrêt contradictoirement rendu en 1783, qui maintient l’exécutiou du même titre de concession contre les négociants de Moût-de-Marsan. C’est à la suite de ce dernier arrêt du conseil que le sieur de Batz a acquis ce péage le 4 octobre 1787. Voici maintenant les principales observations qui ont été faites au comité central de liquidation : Suivant la Charte d’investiture, MM. de Benquet, concessionnaires du péage royal de Sainte-Croix, étaient créanciers d’Henry III, roi d’Angleterre, alors souverain d’Aquitaine. Il leur était dû : 1° La charge et l’entretien de seize écuyers pendant plus de trois ans; 2° Les avances qu’ils avaient faites pour relever les fortifications du château royal de Mont-de-Marsan; 3° Des pêcheries qu’ils avaient cédées pour débarrasser le cours de la rivière sur laquelle est établi le péage ; 4° 200 charretées de blé qu’ils avaient prêtées aux pourvoyeurs du roi, et sur leur reconnaissance. Un membre du' comité a observé que ces 4 objets de créance pouvaient n’être qu’une simple allégation de la part de MM. de Benquet ; il a remarqué que, dans l’acte de concession, dans lequel le roi parle lui-même, il n’est point question de ces objets particuliers. Il est seulement dit : « Pour les bons et gratuits services, et plusieurs fois réitérés par MM. de Benquet » ; expressions assez semblables aux mots : « pour bons et agréables services », termes usités aujourd’hui, et qui expriment ordinairement des dons gratuits. D’autres membres ont opposé à ce soupçon d’une concession gratuite la fin de l’acte, où l’on voit en propres termes, que le prévôt de Saint-Sever, par commandement du roi, investit MM. de Benquet du péage royal de Sainte-Croix, comme chose à eux loyaument appropriée , acquise et acquittée de leurs deniers , services et dépenses pour le compte du roi; qu’ainsi, si les 4 objets de créance détaillés par M. de Benquet étaient suspects, comme étant énoncés par eux-mêmes, au moins ne peut-on suspecter l’homme du roi et de la loi, qui déclare avoir reçu l’ordre d’investir MM. de Benquet du péage royal de Sainte-Croix, comme d'une chose à eux appropriée, achetée et acquittée de leurs deniers , services et dépenses pour le compte du roi ; que là même, c’est encore le roi qui parle ainsi par la bouche de 2o5 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 juillet 1791.1 son mandataire ; ce qui at teste une concussion pour soi e de compte ( datio in soluturn), et non point une concession gratuit-'. Les mêmes membres du comité observèrent encore que l’acte d’investiture est terminé par une quittance donnée au roi par MM. de Ben-quet, et donnée même en des termes remarquables, puisque les concessionnaires déclarent que le péage qu’ils acceptent en payement de ce que le roi leur doit, est inférieur à ce qui par le roi est dû, et qu’ils espèrent que le roi s’en souviendra. Telles étaient les observations par lesquelles plusieurs membres du comité écartaient l’idée d’une concession gratuite. D’autres enfin observaient que, quand même la concession aurait été gratuite, la valeur n’en serait pas moins acquittable aujourd’hui par le Trésor public, puisque la nation a garanti cette concession par un traité solennel qui lui donna plusieurs provinces. Malgré ces considérations, le comité a pensé qu’il était de sa délicatesse de ne point prononcer lui-même sur cette liquidation. Quant à l’avis du directeur général des liquidations, il a estimé qu’il y avait lieu à indemnité, et que, conformément à l’article 36 du décret du 15 mars, le remboursement du péage de Sainte-Croix devait être fait sur les fonds destinés par l’Assemblée nationale à l’acquittement de la dette exigible. (L’Assemblée, après quelques débats, renvoie ce rapport aux comités central de liquidation et des domaines réunis.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret des sept comités réunis sur les événements relatifs à l'évasion du roi et de la famille royale (1). M. de La Rochefoucauld-Uaiicourt. Messieurs, hors du sein de cette Assemblée, mon attachement pour le roi excitera peut-être des préventions injustes contre l’opinion que je vais énoncer; mais ici, où j’espère être connu, je n’ai point à redouter un tel sentiment, et je parlerai avec la franchise et l’indépendance d’un homme libre et qui veut toujours l’être. Sans doute, le départ du roi est un tort grave, par les suites funestes qu’il pouvait avoir, que l’état de l’opinion publique pouvait faire redouter, mais que votre sagesse et la fermeté de la nation ont écartées. Personne ne peut contester celte vérité, non plus que celle de la Constitution, en recevant une adhésion plus généralement manifestée, en a reçu une plus grande force; mais j’aborde promptement la question, et je ne ferai entrer dans son examen aucune considération de politique étrangère, car je pense, comme le préopinant, que la justice, que la Constitution doivent seules être consultées. Deux choses sont à examiner dans la conduite du roi, que je sépare entièrement de ses conseils, et des projets qu’ils pouvaient recéler : sa sortie de Paris et son mémoire. On peut considérer cette conduite relativement à la prérogative de l’inviolabilité, et indépendamment de cette prérogative ; et, dans ce dernier examen, on doit consulter tour à tour la loi politique et la raison. Sous le rapport de l’inviolabilité, il ne serait pas même nécessaire de qualifier la conduite du roi, puisqu’il ne peut être ni poursuivi, ni jugé. Un roi non inviolable ne serait ni un roi héréditaire, ni un roi à vie, mais un roi d’un jour. Il y aurait bientôt autant d’interrègnes que d’accusations, autant de procès intentés au monarque que de factions i téressées à le faire descendre du trône. Et comment cet homme, dont l’immense responsabilité s’étendrait sur toutes les actions du gouvernement, sur dix mille actions émanées chaque jour de lui, ou prescrites par lui, servirait-il de barrière à l’anarchie, pouvant êire lui-même aussi facilement renversé? Ce n’est point là, Messieurs, l’esprit qui a dicté vos décrets. Le roi n’est déclaré inviolable que pour le mettre hors du cercle des factions qu’il est chargé de prévenir ou d’attaquer. Dans une Constitution bien ordonnée, le sceptre d’un roi est semblable au levier dont parle Archimède, l’inviolabilité en est le seul point d’appui. On a prétendu que cette haute prérogative n’est applicable qu’aux actes de la royauté, et non point aux actions privées du roi; mais on a dit une absurdité. S’il était important qu’un roi fût responsable, c’est surtout pour sa vie de roi, et non comme simple individu qu’il devrait l’être, puisque, dans le premier cas, se3 fautes ou ses erreurs, pouvant compromettre le salut de l’Etat, seraient bien plus redoutables; or, si on a cru, pour un intérêt plus grand encore, devoir mettre tous les actes de la royauté hor3 de la loi, en les contraignant par la responsabilité des ministres ; si, entre des inconvénients opposés, et tous d’un poids immense, on a pensé que celui de l’inviolabilité offrait moins de danger; comment nous persuadera-t-on que celte prérogative ne s’étend point aux actions privées, lorsque, tous les inconvénients de pousuivre et de juger un roi restant les mêmes, les avantages de cette périlleuse accusation seraient presque nuis? On aurait pu porter cette inconséquence dans nos lois, si le principe de l’inviolabilité n’avait été établi que pour le monarque ; mais n’oublions pas que c’est pour la Constitution seule et pour la sauvegarde de la paix publique, et contre les factieux, que la nation a établi le principe, je dirai presque le dogme de l’inviolabilité. Alors tout est expliqué, on a voulu rendre la royauté durable, on a voulu que cette clef de toute notre Constitution, si j’ose m’exprimer ainsi, fût mise hors de toute atteinte, parce qu’elle ne peut être ni ébranlée sans danger, ni arrachée sans les plus violentes secousses. Or, si l’inviolabilité ne s’étendait pas sans distinction à toutes tes actions du roi, comment la royauté serait-elle durable; aurait-on même une royauté? Je pourrais dire encore aux auteurs de cette prétendue distinction : Le roi est-il sorti de Paris comme roi? Sous ce rapport il est donc inviolable. Est-il sorti comme simple citoyen? Qui doute qu’alors il n’ait eu le droit de sortir? (Murmures.) Un des préopinants a fait hier plusieurs objections contre l’inviolabilité ; je crois avoir déjà répondu à quelques-unes, mais je vais tâcher d’y répondre encore. Quelques arguments sont dirigés contre l’inviolabilité en général, je ne m’y arrête pas : car, l’inviolabilité ayant été décrétée, il faut ou l’admettre ou attaquer la Constitution. Or, quelle idée se formerait-on de la sagesse de nos lois, si pour les défendre il fallait commencer par les violer? D’autres arguments sont fondés sur la distinction que l’on veut établir entre l’inviolabilité (1) Voy. ci-dessus, séance du 13 juillet 1791, p. 242. j