142 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [l6' septembre 1791.] à la présentation de l’acte constitutionnel au roi, j’ai demandé la parole en ces termes : « Je demande à dire un fait qu’il' est nécessaire de faire connaître, au moment où Von propose à l’Assemblée nationale de changer l'état du roi. » Le silence m’a été accordé, et voici littéralement ce que j’ai dit : « Un officier municipal de Thionville, ville dont on connaît le patriotisme, me mande que la municipalité a adressé au ministre et au comité militaire des pièces dont il m’envoie des copies, pour prouver que les états de fournitures de diverses espèces, de munitions de tout genre, présentés à l’Assemblée par le ministre de la guerre et par M. Emmerÿ, au nom du comité militaire, sont absolument inexacts. Je demande qu’il me Soit permis de déposer demain la lettre et les pièces que j’ai reçues, sur le bureau de l’Assemblée. » M. Le Chapelier a demandé la parole, et s’est exprimé en ces termes : « Je ne sais dans quelles vues M. Rœderer interrompt l'ordre du jour, pour un fait qui n’y a aucun rapport, et si c'est pour jeter des alarmes dans le peuple; mais ce qu’il y a de certain, c’est qu’il a les pièces dont il parle, depuis 3 semaines; qu’il m’a même demandé ce qu’il devait en faire, et que je lui ai conseillé d’aller en conférer avec le comité militaire. » M. Emmery m’a demandé ensuite si j’entendais l’inculper personnellement, et a ajouté qu’il n’avait fait aucun rapport sur l’état des fron-tières. J’avais commencé à répondre à MM. Le Chapelier et Emmery, lorsqumn grand nombre de voix ont demandé l’ordre du jour, et que l’Assemblée a passé à l’ordre du jour. M. de La Rochefoucauld a demandé alors que je fusse entendu le lendemain à l’ordre de 2 heures, pour reposer plus particulièrement les inculpations sur lesquelles le ministre et le comité militaire auraient à s’expliquer, et répondre à celles qui venaient de m’être faites à moi-même. L’Assemblée a décrété l’ajournement proposé par M. de La Rochefoucauld. Le lendemain et le surlendemain, les séances ont été entièrement occupées à l’acte constitutionnel; et comme on pourrait me dire maintenant que l’affaire de Thionville n’est plus à l’ordre du jour, je livre à l’impression ce que j’en voulais dire. Quoique je ne me fisse pas une grande affaire de dénoncer un ministre ou un comité que je croirais en faute, et que je ne fusse pas fort en peine si je les avais dénoncés, cependant j’observe d’abord à MM. Emmery et de La Rochefoucauld, que moi personnellement, je n’ai inculpé, jeudi, ni ministre, ni comité, ni individu; j’ai seulement dit qu’un officier municipal de Thionville m'avait écrit et envoyé des pièces, pour prouver l’inexactitude du ministre et de M. Ëm-mery, comme rapporteur du comité militaire, et sans me rendre juge des preuves, j’ai demandé de déposer la lettre et les pièces jointes sur le bureau. Or, l’Assemblée jugera si la lettre que je vais mettre sous ses yeux, répond exactement à l’idée que j’en ai donnée, si elle n’annonce pas contre MM. Emmerÿ ef Duportail les preuves que j’ai dit qu’elle annonçait, et si je n’en ai pas plutôt affaibli qu’exagéré le sens. La voici : « Thionville, le 13 août 1791. * Monsieur, « J’ai l’honneur de vous adresser le voeu de la ville de Thionville : la municipalité s’ est adressée aux chefs militaires ; et la société ne voyant qu’en vous cette fermeté patriotique qui peut lui promettre le succès, n’hésite pas à vous, prier de prendre en considération l’état de dénùment dans lequel se trouve une ville de première ligne. Elle a arrêté cette adresse pour démentir la lettre de M. Duportail à l’Assemblée nationale et le rapport de M. Emmery , qui veulent persuader que la frontière est en défense. « Je vous observerai, Monsieur, qu’il existe ici des intelligences funestes avec les réfugiés; que hier encore un ingénieur, qui a fortifié la place dans ces derniers temps, est passé à l’étranger; que les prêtres reprennent depuis peu leur insolence; que les mauvais citoyens menacent; que les nouvelles certaines de l’Empire ne sont rien moins que rassurantes; mais en même temps que personne n’est plus disposé à donner sa vie pour la patrie, que les citoyens de cette ville, si l’on veut bien seconder leurs efforts. Ils ont déjà, avec une garnison presque nulle, palissadé le chemin couvert, relevé les remparts, et ils s’attendent à défendre leur ouvrage. Le Ciel veuille qu’on n’en vienne pas là, ou qu’on nous fournisse les moyens de résister. « Je suis avec admiration et fraternité, Monsieur, votre dévoué compatriote. « Signé : Merlin, officier municipal, homme de loi. .< P.-S. Nous espérons, Monsieur, qu’il sera fait mention de notre adresse en séance ; c’est à vous que nous devrons le bonheur de pouvoir être utiles à la patrie. Nous n’en doutons pas. » L’adresse jointe à cette lettre est de la Société des Amis de la Constitution de Thionville, et les pièces jointes à l’adresse font cinq états, savoir : 1° un état des armes, effets, attirails et muni-tioQs d’artillerie nécessaires, manquant à l’approvisionnement pour la défense de Thionville ; 2° un état des comestibles et médicaments nécessaires pour le service de l’hôpital régimentaire de Thionville, en cas de guerre; 3° un état des effets nécessaires pour monter l’hôpital militaire de Thionville, en cas de siège ; 4° un état sommaire des restants effectifs, en grains, en farines dans les magasins de cette place, à l’époque du 31 juillet 1791 ; 5° enfin, un état sommaire des restants effectifs en foins, pailles et avoines dans les magasins de cette place, au 31 juillet 1791. Ainsi, Messieurs, j’ai eu raison de le dire : un officier municipal de Thionville m'écrit et m’envoie précisément ce que j’ai dit à l’Assemblée qu’il m’avait écrit et envoyé. A-t-il tort, a-t-il raison ? C’est ce qu’il faut vérifier ; c’est ce que j’ai demandé que l’on vérifiât par l’audition du ministre et du comité militaire. Mais toujours est-il certain que je n’ai rien avancé en mon nom, qui ne fût parfaitement exact. La lettre parle du ministre de la guerre, de M. Emmery comme rapporteur du comité militaire; elle annonce des pièces qui démentent les écrits ou rapports faits, par l’un ou par l’autre, pour prouver que la frontière est en état de défense ; or, je n’ai dit autre chose à l’Assemblée, sinon que ma lettre annonçait tout cela, et le renfermait. M. Le Chapelier a observé qu’au lieu de parler de cet objet à l’Assemblée, j’aurais dû, suivant son conseil, en conférer avec le comité militaire. Je réponds que la lettre me charge, non de conférer avec le comité militaire qu’elle accuse* mais de remettre l’adresse et les pièces jointes à l’Assemblée nationale en séance. J’ajoute qu’il importait à la ville de Thionville, comme à tou-