640 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE rejeter la cause sur les mesures de salut public. J’étais convaincu de leur pressant besoin pour arrêter les efforts de la malveillance. Mes concitoyens en attestant mon civisme et la loyauté de ma conduite sous les divers rapports qui me lient à la société sauront encore rendre témoignage de ma résignation eu egard au malheur que j’éprouve, mais Citoyens représentans, il est démontré jusqu’à l’évidence qu’il entrait dans le plan des factions anéanties par votre énergie, de tourmenter toutes les classes de la société, le grand nombre des marchandises détruites par la même cause n’offriraient-elles pas la preuve que les factions, frappant au hasard, ont appliqué sur moi l’effet de leurs ma-nœvres. Dans la terrible situation où je me trouve dans le pressant besoin d’alimenter ma famille. Erreur que je viens de citer, mon cœur, mes espérances se sont tournées vers le sanctuaire des lois, jamais l’infortune n’y aborda sans recevoir de consolation. Législateurs, vos sages décrets protecteurs de l’innocence et du malheur ont prévu des cas semblables à celui où je me trouve réduit; permettez-moi d’en réclamer l’application en faveur de mon infortunée famille, en renvoyant ma pétition à celui de vos Comités qui doit en connaître, et auquel je fournirai toutes les justifications propres à éclairer votre justice. Renvoyé au Comité des secours (1) . [ Trib . crim du dépar * de Paris; 21 flor. II] (2). Je certifie que le citoyen Jacques Vincent Lambert, marchand épicier à Paris, section de la Réunion, a été acquitté d’accusation le 16 floréal présent mois, et mis en liberté. Drié (greffier). 47 [La cne Pinart, à la Conv.; 4 prair. II] (3) . « Représentans, La citoyenne Jeanne Marguerite Pinart vient d’être rejetée d’une demande en cassation par elle formée contre un jugement rendu contre elle au tribunal de la ci-devant Ste-Geneviève relativement à une réclamation qu’elle faisait d’un douaire de 4 000 liv. provenant d’Agnès Jouan, femme Gabriel Jacques Pinart. Le premier jugement rendu à Ste-Geneviève est par défaut et par le peu de soins de celui qui la défendait, la religion des premiers juges n’a pas été assez instruite, et faute d’opposition ce jugement a reçu son exécution. L’exposante, se voyant dépouillée, s’est consultée et a appris qu’elle pouvait se pourvoir en cassation, mais pour y parvenir il falait satisfaire son défenseur des frais par lui faits pour cette demande, son mémoire a été arrêté (1) Mention marginale datée du 6 prair. et signée Isoré. En marge : Il y a décret du 25 prair. qui accorde une somme de 1 000 liv. à titre de secours et indemnité. (2) F15 liasse 121. (3) m 389, doss. 2. sans taxé, son avoué lui remettait ses pièces, mais point du tout il les a gardées et ce n’est que d’après s’être pourvue devant le citoyen ministre de la Justice que ses pièces lui ont été remises par Laurent son avoué en lui conseillant toujours de se pourvoir au tribunal de cassation; pour y parvenir, elle s’est de nouveau présentée au ministre de la Justice pour avoir remise de l’amende que tout appelant doit consigner. Le ministre, au nom de la nation et de l’infortune de l’exposante, a bien voulu accorder cette remise. En conséquence, l’exposante s’est présentée chez Bernault avoué au tribunal de cassation, qui a bien voulu se charger de la défendre en ce tribunal et poursuivre la réclamation qu’elle avait succombée par défaut. Elle ne connait point la conduite que ce dernier défenseur a tenue pour la faire revenir contre le jugement du tribunal de première instance. Enfin ce n’est que dans cet instant qu’elle vient d’apprendre que sa demande en cassation a été rejetée le 29 floréal, sans en savoir les motifs puisque ce défenseur est toujours absent de chez lui et en campagne. L’exposante, attaquée de la surdité et n’ayant aucune connaissance dans les affaires, a toujours été éloignée par les prétendues impatiences que son infirmité peut occasionner. L’exposante a la douleur de voir que Laurent, avoué qui la défendait en lre instance, a formé opposition sur les revenus d’une petite rente dont elle jouissait et qui l’aidait à subsister. Cette modique rente l’aide à pourvoir à ses pressant besoins; cette rente ne lui appartient même pas en propre mais bien à un de ses oncles, absent depuis 1747. D’après le détail des faits dans lesquels l’exposante vient d’entrer, est-il possible de croire, un seul instant, qu’un jugement par défaut enlève tout à coup des droits sacrés, fondés sur la nature même. Le fond d’un douaire de 4,000 liv. est ravi à une femme malheureuse qui l’a revendiqué à tant de titres; faute d’opposition à un jugement par défaut tout est perdu pour elle si les législateurs ne remédient au fléau destructeur de la fortune des familles. L’exposante n’a point eu connaissance du jugement par défaut du tribunal de Ste-Geneviève qu’on a surpris ainsi à la justice, on a usurpé ainsi le fond du douaire qui appartient à la réclamante. Heureusement que nous ne vivons plus dans ce tems barbare où la forme emportait le fond; tous ses droits seraient perdus si de partiels principes avaient accès dans le cœur des législateurs, mais non ! ils reconnaîtront tout l’odieux des manœuvres employées pour enlever à une femme infortunée, gémissante sous le poids de la misère qu’elle traine avec elle et n’ayant plus d’autre espoir que de recourir à des législateurs qui daigneront guérir la plaie faite à son cœur en lui faisant restituer la propriété d’un douaire qui lui est usurpé. Vive la République. Jeanne Marguerite Pinart (Sectlon de Marat, n° 6.) Renvoyé au Comité de législation (1) . (1) Mention marginale datée du 6 prair. et signée L.-Ath. Veau. 640 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE rejeter la cause sur les mesures de salut public. J’étais convaincu de leur pressant besoin pour arrêter les efforts de la malveillance. Mes concitoyens en attestant mon civisme et la loyauté de ma conduite sous les divers rapports qui me lient à la société sauront encore rendre témoignage de ma résignation eu egard au malheur que j’éprouve, mais Citoyens représentans, il est démontré jusqu’à l’évidence qu’il entrait dans le plan des factions anéanties par votre énergie, de tourmenter toutes les classes de la société, le grand nombre des marchandises détruites par la même cause n’offriraient-elles pas la preuve que les factions, frappant au hasard, ont appliqué sur moi l’effet de leurs ma-nœvres. Dans la terrible situation où je me trouve dans le pressant besoin d’alimenter ma famille. Erreur que je viens de citer, mon cœur, mes espérances se sont tournées vers le sanctuaire des lois, jamais l’infortune n’y aborda sans recevoir de consolation. Législateurs, vos sages décrets protecteurs de l’innocence et du malheur ont prévu des cas semblables à celui où je me trouve réduit; permettez-moi d’en réclamer l’application en faveur de mon infortunée famille, en renvoyant ma pétition à celui de vos Comités qui doit en connaître, et auquel je fournirai toutes les justifications propres à éclairer votre justice. Renvoyé au Comité des secours (1) . [ Trib . crim du dépar * de Paris; 21 flor. II] (2). Je certifie que le citoyen Jacques Vincent Lambert, marchand épicier à Paris, section de la Réunion, a été acquitté d’accusation le 16 floréal présent mois, et mis en liberté. Drié (greffier). 47 [La cne Pinart, à la Conv.; 4 prair. II] (3) . « Représentans, La citoyenne Jeanne Marguerite Pinart vient d’être rejetée d’une demande en cassation par elle formée contre un jugement rendu contre elle au tribunal de la ci-devant Ste-Geneviève relativement à une réclamation qu’elle faisait d’un douaire de 4 000 liv. provenant d’Agnès Jouan, femme Gabriel Jacques Pinart. Le premier jugement rendu à Ste-Geneviève est par défaut et par le peu de soins de celui qui la défendait, la religion des premiers juges n’a pas été assez instruite, et faute d’opposition ce jugement a reçu son exécution. L’exposante, se voyant dépouillée, s’est consultée et a appris qu’elle pouvait se pourvoir en cassation, mais pour y parvenir il falait satisfaire son défenseur des frais par lui faits pour cette demande, son mémoire a été arrêté (1) Mention marginale datée du 6 prair. et signée Isoré. En marge : Il y a décret du 25 prair. qui accorde une somme de 1 000 liv. à titre de secours et indemnité. (2) F15 liasse 121. (3) m 389, doss. 2. sans taxé, son avoué lui remettait ses pièces, mais point du tout il les a gardées et ce n’est que d’après s’être pourvue devant le citoyen ministre de la Justice que ses pièces lui ont été remises par Laurent son avoué en lui conseillant toujours de se pourvoir au tribunal de cassation; pour y parvenir, elle s’est de nouveau présentée au ministre de la Justice pour avoir remise de l’amende que tout appelant doit consigner. Le ministre, au nom de la nation et de l’infortune de l’exposante, a bien voulu accorder cette remise. En conséquence, l’exposante s’est présentée chez Bernault avoué au tribunal de cassation, qui a bien voulu se charger de la défendre en ce tribunal et poursuivre la réclamation qu’elle avait succombée par défaut. Elle ne connait point la conduite que ce dernier défenseur a tenue pour la faire revenir contre le jugement du tribunal de première instance. Enfin ce n’est que dans cet instant qu’elle vient d’apprendre que sa demande en cassation a été rejetée le 29 floréal, sans en savoir les motifs puisque ce défenseur est toujours absent de chez lui et en campagne. L’exposante, attaquée de la surdité et n’ayant aucune connaissance dans les affaires, a toujours été éloignée par les prétendues impatiences que son infirmité peut occasionner. L’exposante a la douleur de voir que Laurent, avoué qui la défendait en lre instance, a formé opposition sur les revenus d’une petite rente dont elle jouissait et qui l’aidait à subsister. Cette modique rente l’aide à pourvoir à ses pressant besoins; cette rente ne lui appartient même pas en propre mais bien à un de ses oncles, absent depuis 1747. D’après le détail des faits dans lesquels l’exposante vient d’entrer, est-il possible de croire, un seul instant, qu’un jugement par défaut enlève tout à coup des droits sacrés, fondés sur la nature même. Le fond d’un douaire de 4,000 liv. est ravi à une femme malheureuse qui l’a revendiqué à tant de titres; faute d’opposition à un jugement par défaut tout est perdu pour elle si les législateurs ne remédient au fléau destructeur de la fortune des familles. L’exposante n’a point eu connaissance du jugement par défaut du tribunal de Ste-Geneviève qu’on a surpris ainsi à la justice, on a usurpé ainsi le fond du douaire qui appartient à la réclamante. Heureusement que nous ne vivons plus dans ce tems barbare où la forme emportait le fond; tous ses droits seraient perdus si de partiels principes avaient accès dans le cœur des législateurs, mais non ! ils reconnaîtront tout l’odieux des manœuvres employées pour enlever à une femme infortunée, gémissante sous le poids de la misère qu’elle traine avec elle et n’ayant plus d’autre espoir que de recourir à des législateurs qui daigneront guérir la plaie faite à son cœur en lui faisant restituer la propriété d’un douaire qui lui est usurpé. Vive la République. Jeanne Marguerite Pinart (Sectlon de Marat, n° 6.) Renvoyé au Comité de législation (1) . (1) Mention marginale datée du 6 prair. et signée L.-Ath. Veau.