250 [Assemblée nationale. | dont ils jouissaient à l’époque de leur suppression. » (Adopté.) Un de MM. les secrétaires fait lecture d’une lettre du ministre de la justice relative aux accusés du crime de lèse-nation détenus dans les prisons du ci-devant Châtelet, dans laquelle il demande que l’Assemblée prononce si tous ces accusés, dont la liste est jointe à sa lettre, même ceux contre lesquelsil pourrait n’y avoir pas lieu à accusation. doivent être indistinctement renvoyés devant le tribunal d’Orléans. Un membre fait la motion que le crime de lèse-nation soit tout d’abord défini. Un membre fait la motion que tous les accusés soient renvoyés à Orléans . Un membre demande le renvoi au comité des rapports de la liste des accusés et de la lettre du ministre de la justice. M. Muguet de JYanthou s’oppose à ce renvoi de crainte que le rapport de toutes ces affaires ne fasse perdre trop de temps à l’Assemblée. M. Emmery appuie le renvoi au comité des rapports en demandant que ceux des recherches et de jurisprudence criminelle lui soient adjoints et il propose le décret suivant : « L’Assemblée nationale renvoie la lettre du ministre de la justice aux trois comités réunis, des recherches, des rapports et de jurisprudence criminelle; décrète : 1° Que ces comités lui présenteront, dans le plus court délai, l’état de ceux des accusés compris sur la liste jointe à la lettre du ministre, qui sont dans le cas de subir le jugement de la haute cour nationale, comme ayant été renvoyés soit à cette cour, soit au tribunal provisoire du Châtelet, par des décrets de l’Assemblée nationale; 2° que les comités distingueront parmi les autres accusés, compris sur la liste jointe à la lettre du ministre, et dont le renvoi, soit à la haute cour nationale, soit au tribunal provisoire du Châtelet, n’a été prononcé par aucun décret de l’Assemblée nationale, ceux qui sont prévenus de délits que les comités estimeraient ne pouvoir être qualifiés crimes de lèse-nation, et dont le jugement pourrait être renvové aux tribunaux ordinaires ; et ceux dont lès délits, paraissant plus graves, devraient devenir l’objet de rapports particuliers et détaillés à faire ensuite à l’Assemblée nationale, pour la mettre en état de statuer s’il y a ou s’il n’y a pas lieu à accusation contre les prévenus de cette troisième classe. » (L’Assemblée accorde la priorité à la motion d’Emmery et adopte son projet de décret.) M. Defernion, au nom des comités de la marine et des pensions. Messieurs, vous avez renvoyé, à vos comités de la marine et des pensions, l’examen des faits imputés au ministre de la marine, sur la dénonciation de M. Bonjour, pour avoir ordonné le payement d’un premier quartier des appointements des ci-devant directeurs et intendants des bureaux de la marine (1). 11 est évident que le payement est contre le texte du décret du 29 décembre, ainsi conçu : « L'Assemblée nationale (1) Voyez Archives parlementaires , t. XXIV, séances des 8 et 9 avril 1791, pages 644 et 672. [22 avril 1791.] décrète 1° qu’à compter du 1er janvier 1791, les con-eils de marine sont supprimés; 2° que les places des directeurs et intendants de la marine sont aussi supprimées, sauf aux titulaires actuels de ces places à continuer de servir avec les qualités et les traitements qui seront déterminés dans l’organisation nouvelle des bureaux de ce département, s’il y a lieu; 3° que le ministre présentera incessamment un plan d’organisation de ses bureaux, et que chaque année la législature en réglera les dépenses. » Le ministre a continué dans leurs fonctions les ci-devant intendants avant d’avoir présenté l’organisation nouvelle qui devait déterminer leurs fonctions et leurs traitements. L’Assemblée avait dit ; Voilà des hommes placés en intermédiaires; leurs fonctions sont inutiles, elles doivent être fondues dans celles des premiers commis et des chefs de bureau. S’ils sont appelés à remplir les places de chefs de bureau, ils exerceront les deux fonctions, et il n’y aura qu’une seule dépense. Voici en conséquence le projet de décret que je vous présente au nom des comités des pensions et de la marine réunis. « L’Assemblée nationale, sur le rapport de ses comités de marine et des pensions réunis, décrète : « Art. 1er. La décision du ministre de la marine, du 17 mars dernier, relative à MM. Granchin, Devaivres, Poujet et Le Brasseur, n’étant pas conforme au décret du 29 décembre 1790, les fonds payés en conséquence de ladite décision seront rétablis daus la caisse de la marine. « Art. 2. La communication donnée par M. Bonjour, d’une décision qui était pour lui une pièce de décharge, et n’était point de nature à être tenue secrète, n’est qu’une conséquence des décrets de l’Assemblée nationale, et conforme aux devoirs de M. Bonjour. » Quant aux éclaircissements donnés par le ministre sur les fonds qui devaient rester en caisse, de ceux qui avaient été affectés annuellement au conseil de la marine supprimé par la loi du 25 janvier dernier, ils nous ont paru satisfaisants, et nous vous proposons à ce sujet un troisième article ainsi conçu : « Art. 3. Les 128,275 1. 17 s. 3 d. restants des fonds destinés au conseil de la marine, suivant le compte satisfaisant qu’en a rendu le ministre, seront versés dans la caisse publique. » Nous vous proposerons aussi cet autre décret. < L’Assemblée nationale décrète que les relations et cartes envoyées par M. de La Peyrouse, de la partie de son voyage jusqu’à Botany-Bay, seront imprimées et gravées aux dépens de la nation, et que cette dépense sera prise sur le lunds de 2 millions ordonnés par l’article 14 du décret du 3 août 1790. « Décrète qu’aussitôt que l’édition sera finie, et qu’on en aura retiré les exemplaires dont le roi voudra disposer, le surplus sera adressé à M”cde La Peyrouse, avec une expédition du présent décret, en témoignage de la satisfaction du dévouement de M. de La Peyrouse à la chose publique, et à l’accroissement des connaissances humaines et des découvertes utiles. » Un membre : Je demande que ce second décret soit mis aux voix avant l’autre, parce que le premier sera de longue discussion. (L’Assemblée décrète cette motion.) M. Millet de Mnreau. Messieurs, en vous ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 avril 1791.) disant que je vous parle au nom de Mmc de La Peyrouse, je suis bien sur de votre indulgence et de votre attention. L’Assemblée a prouvé qu’elle prenait le plus vif intérêt au sort de M. de La Peyrouse, par un décret qui a honoré aux yeux de l’Europe entière la nation qui l’a rendu par l’organe de ses représentants. M. de La Peyrouse, en partant pour la longue et trop périlleuse campagne du tour du monde, dut pourvoir aux besoins d’une jeune épouse dont il se séparait pour le service de la nation. En conséquence, il fut convenu que le ministre de la marine ferait compter ses appointements à sa femme pendant tout le temps de son absence. Le ministre a exécuté les dispositions de M. de La Peyrouse jusqu’au 31 décembre 1789; mais, sous le prétexte de la responsabilité, il ne s’est pas cru autorisé à continuer le payement des appointements; il a refusé constamment de comprendre M. de La Peyrouse dans l’état des appointements des officiers de la marine. Je ne vous ferai pas remarquer, Messieurs, le contraste de la conduite des ministres qui refusent constamment le payement des dettes les plus sacrées, par un scrupule qu’ils savent devoir faire la plus grande impression, avec cette facilité avec laquelle ils autorisent des dépenses considérables, illégales ou au moins douteuses, et sans que cette responsabilité qu’ils invoquent puisse les arrêter. Si je pensais comme le ministre qu’on pût mettre en doute si les appointements de M. de La Peyrouse seront payés à sa femme, je vous dirais : Messieurs, examinez la situation d’une femme qui sans secours dévore dans le silence les larmes les plus constantes et les plus amères sur les dangers trop réels d’un époux sacrifié au service de la nation ; examinez si vous serez plus durs que la loi qui, en laissant son état suspendu pendant dix ans, n’o-e prononcer si elle est veuve ou non ; examinez votre décret qui ordonne l’armement de deux bâtiments pour aller à la recherche de M. de La Peyrouse ; et dites-moi si votre cœur ne se refuse pas à déclarer veuve Mrao de La Peyrouse? Et, dans ce cas même, vous refuseriez-vous à décréter à l’instant une pension en sa faveur? Mais, Messieurs, l’espoir nous est encore permis ; et quelque faible qu’il puisse être, nous aimons tous à nous flatter de quelque succès. Le ministre ne peut vous proposer en ce moment des grâces particulières sur la tête de Mmc d-La Peyrouse. En conséquence je finis par une réflexion qui entraînerait votre détermination, si je faisais l’injure à vos cœurs de ne pas être convaincus qu’ils ont prononcé dès qu’ils ont pu connaître l’objet de ma réclamation. Si les bâtiments qui ont été à la recherche de M. de La Peyrouse reviennent dans un an ou deux et vous amènent ce navigateur, s’il se présente à la barre, et que, après vous avoir raconté ses malheurs et ses souffrances, il vous dise : Messieurs, une pensée adoucissait mon sort; je savais que ma femme existait au milieu d’une nation généreuse qui sait récompenser dignement ceux qui se sacrifient pour elle-, je savais que, par les précautions que j’avais prises avec le gouvernement, elle recevait sa subsistance: mais quelle n’a pas été ma surprise et ma douleur, en apprenant que, par une suite de la plus belle Révolution, ma femme s’est trouvée privée du plus absolu nécessaire depuis 3 ans. Oui, Mes-251 sieurs, je ne crains pas de le dire, je vois à ces mots la rougeur monter sur votre front. Mme de La Peyrouse pourrait demander les appointements de son mari, pendant tout le temps que la loi n’ose prononcer sur son état; mais, modeste dans ses réclamations comme dans sa conduite, elle se borne à solliciter le salaire de son mari, jusqu’au retour des bâtiments que vous avez envoyés à sa découverte. Et si, par un malheur qu’il serait trop cruel de prévoir, vous n’avez aucune connaissance du sort de ce navigateur, elle remetlra entièrement le sien dans vos mains; et quel qu’il soit, dans la triste et cruelle situation où elle se trouvera, elle ne pourra qu’v être très sensible. Je vous propose d’ajouter l’article suivant au décret : « M. de La Peyrouse restera porté sur l’état de « la marine jusqu’au retour des bâtiments envoyés « à sa recherche, et ses appointements conti-« nueront à être payés à sa femme, suivant la « disposition qu’il en avait faite avant son défi part. » ( Applaudissements unanimes .) M. Defermon, rapporteur. Avec l’article additionnel présenté par M. Millet de Mureau le projet de décret serait ainsi conçu : « L’Assemblée nationale décrète que les relations et cartes envoyées par M. de La Peyrouse, de la partie de son voyage jusqu’à Botany-Bay, seront imprimées et gravées aux dépens de "la nation, et que cette dépense sera prise sur le fonds de 2 millions ordonnés par l’article 14 du décret du 3 août 1790 ; « Décrète que, aussitôt que l’édition sera finie, et qu’on en aura retiré les exemplaires dont le roi voudra disposer, le surplus sera adressé à Mmo de La Peyrouse, avec une expédition du présent décret, en témoignage de la satisfaction du dévouement de M. de La Peyrouse à la chose publique, et à l’accroissement des connaissances humaines et des découvertes utiles; « Décrète que M. de La Peyrouse restera porté sur l’état de la marine jusqu’au retour des bâtiments envoyés à sa recherche, et que ses appointements' continueront à être payés à sa femme, suivant la disposition qu’il en avait faite avant son départ. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. Mefermon, rapporteur . Nous passons maintenant à l’autre projet de décret. M. d’Estonrmel. 11 était dans l’intention de l’Assemblée de conserver une fonction et un traitement quelconque aux ci-devant intendants. Le seul tort que je connaisse dans la décision de M. de Fleurieu, relativement au payement des 4 intendants de la marine, est de n’y avoir pas mis le mot provisoirement . En conséquence je demande la question préalable sur le projet du comité, et qu'on y substitue un article qui porte que les sommes payées à MM. Granchin, Devaivres, Poujet et Le Brasseur leur soient accordées provisoirement, jusqu’à ce qu’après l’organisation des bureaux on sache dans quel état ils resteront. Pluricurs membres demandent la question préalable sur la motion de M. d’Estourmel. M. Prieur. 11 n’y a rien de plus simple à juger que la question qui nous est soumise : il suffit de rapprocher les articles du décret de la décision même du ministre.