146 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES I 2 niv6sc an il 32 décembre 1793 prudence; il tend à fédéraliser les tribunaux et les citoyens, ou à isoler les uns des autres et à détruire l’égalité politique et civile qui doit couvrir tout l’borizon de la France. Détruisez à .votre tour cet acte anticonstitutionnel et antisocial, en décrétant, conformément à. la Constitution, que les tribunaux français ne peuvent connaître d’aucun délit privé qui ait été commis, ni d’aucun fait qui se soit passé hors du territoire de la République, soit entre des Français et des étrangers, soit entre des Fran¬ çais entre eux; déclarez nuis et comme non avenus tous jugements contraires à ce principe, et vous donnerez à l’action des tribunaux l’unité sans laquelle ils ne peuvent agir dans le sens de la loi. ce Pour copie conforme à l'original D.A.C.D.P., le 9 frimaire : « Duchemin, « Maison de Strasbourg, rue Neuve-Saint-Eustache. » « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité d’aliénation et domaines [J uxxien Dubois, rapporteur (1)], et avoir pris connaissance de la pétition des députés de la Société montagnarde des sans-culottes d’Yvetot, du comité de surveillance et de la municipalité de la même commune, qui réclament contre un décret rendu provisoirement le 17 novembre 1792, qui accorde un privilège exclusif à la commune de Rouen, pour ses bois de chauffage, sur toutes les communes du département de la Seine-Infé¬ rieure; décrète ce qui suit : « La Convention nationale rapporte le décret provisoire du 17 novembre 1792, qui avait accordé un privilège exclusif à la commune de Rouen, pour l’approvisionnement des bois de chauffage dans les forêts du département de la Seine-Inférieure, exclusivement à toute autre commune; et, sur la pétition des habitants de ladite commune d’Yvetot, passe à l’ordre du jour, motivé sur ce que tous privilèges exclusifs sont anéantis par la loi du 25 août 1789, et par les décrets des 6 et 30 juillet dernier. « Le présent décret sera inséré au « Bulle¬ tin » (2). » « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité d’agriculture et de ponts et chaussées [Moreau, rapporteur (3)], décrète ce qui suit : Art. 1«. « Sur la demande faite par le ministre de l’in¬ térieur, afin d’être autorisé à payer aux entre¬ preneurs du canal du ci-devant Nivernais la somme de 296,603 liv. 17 s. 10 d. pour solde de leurs travaux jusqu’au 1er janvier 1792, sur celle de 25 millions de livres mise à sa disposition (1) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton G 286, dossier 849. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 32. (3) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 286, dossier 849. le 16 frimaire, la Convention nationale passe à 1 ordre du jour, motivé sur la loi du 16 frimaire, relative aux travaux publics. Art. 2. « Le ministre de l’intérieur fera passer à la Convention nationale, avant le 13 du présent mois, le compte qu’il doit rendre sur le canal du Nivernais, en exécution de l’article 3 de la loi du 6 avril 1791 (1). » Un rapporteur du comité de législation [Mer¬ lin (de Douai ) (2)] présente un projet de décret sur les changements que nécessitent dans la loi du 16 septembre 1791, concernant les jurés et la procédure criminelle, les lois émanées depuis le 10 août 1792, tant de l’Assemblée législative que de la Convention nationale. Les articles en sont décrétés comme il suit : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation sur la nécessité de raccorder les dispositions de la loi sur les jurés et la procédure criminelle, du 16 sep¬ tembre 1791, tant avec la loi du 11 août 1792, qui abolit toute distinction de citoyens actifs et de citoyens non actifs, qu’avec les articles de la loi du 14 frimaire, qui suppriment les procureurs généraux syndics et réduisent les fonctions des administrateurs de départements, décrète ce qui suit : § 1". Des listes des jurés. Art. 1er. « La loi appelle aux fonctions de jurés tous les citoyens âgés de 25 ans accomplis. Art. 2. « Néanmoins ces fonctions sont incompatibles avec celles de représentants du peuple, de juges, d’accusateurs publics, d’officiers de police, de commissaires nationaux près les tribunaux, et d’agents nationaux près les administrations de district. « Les septuagénaires pourront s’en dispenser. Art. 3. « A l’avenir, les citoyens ne se feront plus ins¬ crire au secrétariat de leurs districts ni ailleurs pour le service de jurés. Art, 4. « Il ne sera plus formé de liste de 30 ni de 200 pour le tirage au sort des jurés d’accusation et de jugement. (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 33, (2) D’après le document imprimé. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { lÆcfmb�ngs f47 Art. 5. « Néanmoins les listes qui ont été formées pour le trimestre passé continueront d’être employées jusques et compris tout le présent mois de ni¬ vôse, pour le tirage des citoyens qui_ doivent former ou remplacer les jurés d’accusation et de jugement. Art. 6. « A l’avenir, tous les trois mois, l’agent natio¬ nal de chaque district formera, d’après ses con¬ naissances personnelles et les renseignements qu’il se fera donner par les agents nationaux des communes, une liste des citoyens domiciliés dans l’étendue du district, et âgés de 25 ans accom¬ plis, qu’il jugera propres à remplir les fonctions de jurés, tant d’accusation que de jugement. Art. 7. « Il portera sur cette liste autant de citoyens qu’il y aura de milliers d’âmes de population dans l’étendue du district, en sorte que jusqu’à 1,500 âmes il sera nommé un juré, et qu’il en sera nommé deux depuis 1,501 jusqu’à 2,500, et ainsi de suite. Art. 8. « Cette liste sera approuvée par le directoire de district, imprimée et envoyée tant à ceux dont les noms y seront inscrits qu’au directeur du juré du district, et au président du ‘tribunal criminel du département; le tout au moins une décade avant le commencement du trimestre pour lequel elle devra servir. Art. 9. « Pour le présent trimestre de nivôse, pluviôse et ventôse, l’envoi prescrit par l’article précédent sera fait, au plus tard, le 20 nivôse; et la liste du trimestre suivant sera formée, approuvée, imprimée et envoyée le 30 ventôse, au plus tard, « Le tableau du juré de jugement, pour le mois de pluviôse prochain, ne sera formé de la ma¬ nière prescrite par l’article ci-après que le 5 de ce mois. Art. 10. « Le même citoyen pourra être successivement placé sur les quatre listes qui se feront pendant la révolution d’une année; mais une fois qu’il aura assisté à une assemblée de jurés de juge¬ ment, il pourra s’excuser d’en remplir une se¬ conde fois les fonctions, dans le cours de la même année, à moins qu’il n’habite la commune même où siège le tribunal criminel. § 2. De la manière de former le juré d'accusation. Art. 11. « Sur la liste qui, d’après l’article 8 ci-dessus, aura été envoyée par l’agent national du district au directeur du juré, celui-ci fera tirer an sut, de la manière et aux époques prescrites par la loi du 5 frimaire dernier, les 8 citoyens qui doi¬ vent composer le juré d’accusation. Art. 12. « Lorsqu’il y a lieu d’assembler le juré d’accu¬ sation, ceux qui doivent le composer sont avertis, quatre jours d’avance, de se rendre au jour fixé, sous peine de 30 livres d’amende, et d’être privés du droit d’éligibilité et de suffrage pendant deux ans, avec impression et affiche du jugement dan» toutes les communes du district, à leurs frais. Art. 13. « Lorsque les citoyens inscrits sur la liste pré¬ voiront, pour l’un des jours d’assemblée du juré, quelque obstacle qui pourrait les empêcher de s’y rendre, s’il arrivait qu’ils y fussent appelés par le sort, ils en donneront connaissance au directeur du juré, deux jours au moins avant celui de la formation du tableau des huit, pour lequel ils désirent d’être excusés. Art. 14. « La valeur de cette exmse sera jugée dans les vingt-quatre heures par le tribunal de district. Art. 15. « Si l’excuse est jugée suffisante, le nom de celui qui l’a présentée sera retiré pour cette fois de la liste; si elle est jugée non valable, son nom sera soumis au sort comme celui des autres. Art 16. « Si celui qui a présenté l’excuse est désigné par le sort pour être un des huit qui forment le tableau du juré d’accusation, U lui sera signifié que son excuse a été jugée non valable, qu’il est sur le tableau des jurés, et qu’il ait à se rendre au jour fixé pour l’assemblée : copie de cette signification sera laissée à sa personne; à défaut de signification à la personne, elle sera laissée à un des officiers municipaux du lieu, qui sera tenu de lui en donner connaissance. Art. 17. « Tout juré qui ne se sera pas rendu sur la sommation qui lui en aura été faite, sera con¬ damné aux peines mentionnées dans l’article 12. « Sont exceptés de la présente disposition ceux qui prouveraient qu’ils sont retenus pour cause de maladie grave. Art. 18. « Dans tous les cas, s’il manquait un ou plu¬ sieurs jurés au jour indiqué, le directeur du juré le fera remplacer par un citoyen de la commune du lieu où le jury se trouvera assemblé. Ce ci¬ toyen sera tiré au sort en présence du commis¬ saire national et du public, dans la liste formée en exécution de l’article 6 ci-dessus, et subsidiai- 148 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j f�écembre 1793 rement parmi les citoyens du lieu, âgés de 25 ans accomplis. Art. 19. « Le directeur du juré sera tenu de joindre à chaque déclaration de juré d’accusation qu’il enverra au tribunal criminel, une copie du tableau des citoyens qui l’auront prononcée, à peine de suspension de ses fonctions et de pri¬ vation de son traitement pendant six mois. Cette peine sera prononcée par le président du tribunal criminel sur les conclusions de l’accusateur pu¬ blic. §3. De la manière de former le juré de jugement. Art. 20. « Nul ne pourra être juré de jugement dans la même affaire où il aura été juré d’accusation. Art. 21. « Lorsqu’il s’agira de former, le 1er de chaque mois, le tableau des jurés et adjoints jurés de jugement, ainsi qu’il est réglé par l’article 17 du titre 6 de la deuxième partie de la loi du 16 sep¬ tembre 1791 et par l’article S de la loi du 5 fri¬ maire dernier, le président du tribunal criminel, en présence de deux officiers municipaux qui prêteront le serment de garder le secret, présen¬ tera à l’accusateur public les listes qui lui auront été adressées par les agents nationaux des dis¬ tricts du département; celui-ci aura la faculté d’en exclure un sur dix sans donner de motif; le reste des noms sera mis dans un vase pour être tiré au sort, et former le tableau, tant des 12 jurés que des 3 adjoints. Art. 22. « Le tableau des jurés de jugement ainsi formé sera présenté à l’accusé, qui pourra, dans les vingt-quatre heures, récuser ceux qui le com¬ posent; les jurés récusés seront remplacés par le sort. Art. 23. « Si l’accusé avait exercé 20 récusations, celles qu’il voudrait présenter ensuite devront être fon¬ dées sur des causes dont le tribunal jugera la validité. Art. 24. « Cette récusation de 20 jurés pourra être faite par plusieurs co-accusés, s’ils se concertent en¬ semble pour l’exercer; et s’ils ne peuvent s’ac¬ corder, chacun d’eux séparément pourra récuser 10 jurés. Art. 25. « Dans ce dernier cas chacun d’eux récusera successivement un des jurés jusqu’à ce que sa faculté de récuser soit épuisée. Art. 26. « Lorsque les citoyens inscrits sur une des listes servant à former le tableau des jurés de jugement prévoiront, pour le 15 du mois sui¬ vant, quelque obstacle qui pourrait les empêcher de se rendre à l’assemblée du juré, s’il arrivait qu’ils y fussent appelés par le sort, ils en donne¬ ront connaissance au président du tribunal cri¬ minel, deux jours au moins avant le 1er du mois pendant lequel ils désirent d’être excusés. Art. 27. « La valeur de cette excuse sera jugée dans les vingt-quatre heures par le tribunal criminel. Art. 28. « Si l’excuse est jugée suffisante, le nom de celui qui l’a présentée sera retiré pour cette fois de la liste; si elle est jugée non valable, son nom sera soumis au sort comme les autres. Art. 29. « Si celui qui a présenté l’excuse est désigné par le sort pour être, soit l’un des 12 qui forment le tableau du juré de jugement, soit l’un des 3 jurés adjoints, il lui sera signifié que son excuse a été jugée non valable, qu’il est sur le tableau du juré, et qu’il ait à se rendre au jour fixé pour l’assemblée du juré : copie de cette signifi¬ cation sera laissée à sa personne; et à défaut de signification à sa personne, elle sera laissée à l’un des officiers municipaux du lieu, qui sera tenu de lui en donner connaissance. Art. 30. « Tout juré qui ne se sera pas rendu, sur la sommation qui lui en aura été faite, sera con¬ damné à 50 livres d’amende, à la privation de ses droits d’éligibilité et de suffrage pendant deux ans, et aux frais de l’impression et affiche du jugement dans toute l’étendue du départe¬ ment. « Sont exceptés de la présente disposition ceux qui prouveraient qu’ils ont ét; retenus par une maladie grave. Art. 31. « Dans tous les cas, s’il manquait un ou plu¬ sieurs jurés au jour indiqué, le Président les fera remplacer par des citoyens de la commune où siège le tribunal, lesquels seront tirés au sort sur la liste particulière du district dont cette com¬ mune fait partie, et subsidiairement parmi les citoyens du lieu ayant 25 ans accomplis. Art. 32. « Toutes les dispositions des titres 10 et 11 de la seconde partie de la loi du 16 septembre 1791, qui ne sont pas comprises dans le présent décret, sont rapportées. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j «"décembre 1793 1 49 §4. Des jurés spéciaux. Art. 33. « Dans le cas où il y aura lieu de former un juré spécial, il y sera procédé ainsi qu’il suit : Art. 34. « Pour former le juré spécial d’accusation, l’agent national du district dans l’étendue duquel il devra s’assembler, choisira 16 citoyens ayant les qualités nécessaires pour prononcer saine¬ ment et avec impartialité sur le genre du délit. Sur ces 16 citoyens, il en sera tiré au sort 8 de la manière réglée par l’article 11, lesquels com¬ poseront le tableau du juré. Art. 35. « Le juré spécial de jugement sera formé par l’agent national du district dans l’étendue du¬ quel l’assemblée doit avoir lieu : il choisira à cet effet 36 citoyens ayant les qualités et connais¬ sances ci-dessus désignées. Art. 36. « Lorsque le juré de jugement devra s’assem¬ bler dans le même district où s’est tenue l’assem¬ blée du juré d’accusation, la fonction déterminée par l’article précédent sera remplie par le prési¬ dent, et, à son défaut, par le vice-président du directoire du district. Art. 37. « Une première récusation pourra être faite sur la liste entière des 26, comme ayan~ été formée en haine de l’accusé; et dans le cas où le tribunal le jugerait ainsi, il sera formé une nouvelle liste par le président du directoire du district; et dans le cas de l’article 35 par le vice-président. « Ceux qui auront été portés sur la première liste ne pourront être employés sur la deuxième. Art. 38. Tous les membres du juré spécial formé d’après la liste des 26, qui auront été récusés, seront remplacés par des citoyens tirés au sort, d’abord parmi 12 citoyens qui seront à cet effet choisis par l’agent national, ou, dans le cas de l’article 36, par le président, ou, à son défaut par le vice-président du directoire du district, et subsidiairement par des citoyens tirés au sort dans la liste ordinaire des jurés. Art. £9. « Continueront, au surplus, d’être exécutées les dispositions du titre 12 de la seconde partie de la loi du 16 septembre 1791, auxquelles il n’est point dérogé par le présent décret. § 5- De la désignation des juges de district qui doivent siéger au tribunal criminel. Art. 40. « A l’avenir, les directoires de département cesseront de désigner les trois juges qui doivent siéger aux tribunaux criminels; chaque tribunal de district qui devra y envoyer un juge par tour, suivant l’ordre qui a été suivi jusqu’à présent, le désignera à la pluralité des voix. « Chaque trimestre durant lequel ces juges doivent siéger aux tribunaux criminels sera cal¬ culé d’après le calendrier républicain. « Seront calculés de même les six mois pen¬ dant lesquels doivent durer les fonctions de chaque directeur du juré. Art. 41. « Lorsqu’il y aura lieu d’appeler un quatrième juge pour remplacer, soit le président, soit l’ac¬ cusateur public, ainsi qu’il est réglé par la loi du 10 janvier 1792, il sera fourni par le tribunal qui se trouvera en tour de nommer. Art. 42. « Si néanmoins le remplacement ne doit avoir lieu que pour un mois, le quatrième juge sera pris dans le tribunal du district dans l’étendue duquel le tribunal criminel tient ses séances. § 6. Des prisons, maisons d'arrêt et de justice. Art. 43. « Aux administrations de district seules appar¬ tient le droit de désigner les lieux qui doivent servir de maisons d’arrêt, de maisons de justice ou de prisons; et il est dérogé, en ce point, à l’article 2 du titre 15 de la loi du 16 sep¬ tembre 1791. Art. 44. « Les agents nationaux des districts exerceront à l’avenir la surveillance que l’article 2 du titre 14 de la même loi attribuait aux procureurs géné¬ raux syndics des départements, sur la propreté, salubrité et sûreté de ces différentes maisons. Art. 45. « La garde de ces maisons sera donnée par les Administrations de district, chacune dans son arrondissement, sur la présentation de la muni¬ cipalité du lieu; et la destitution des gardiens, ainsi nommés, appartiendra à cette même Admi¬ nistration, sans préjudice néanmoins du droit attribué aux tribunaux criminels par l’article 5 150 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. de la loi du 13 brumaire dernier, de destituer les gardiens qui ont laissé évader des détenus (1). » Suit le texte du rapport et du projet de décret présentés par Merlin (de Douai), d’après un document imprimé. Rapport et projet de décret, sur les chan¬ gements QUE NÉCESSITENT DANS LA LOI DU 18 SEPTEMBRE 1791 CONCERNANT LES JURÉS ET LA PROCÉDURE CRIMINELLE, LES LOIS ÉMANÉES DEPUIS LE 10 AOUT 1792, tant de l’Assemblée législative que de la Convention nationale; présentés au NOM DU COMITÉ DE LÉGISLATION PAR Ph.-Ant. Merlin (de Douai). (Imprimé par ordre de la Convention nationale {2).) La plus belle institution qui soit sortie des mains de l’Assemblée constituante, c’est sans contredit celle des jurés : les applaudissements unanimes dont elle a été couverte, les succès qu’elle a obtenus dès le principe sur tous les points du territoire français, les témoignages mêmes des jurisconsultes anglais qui sont convenus alors que nous avions surpassé nos modèles en sont des preuves assez frappantes. Cependant elle s’est ressentie de la funeste erreur dans laquelle l’intrigue et le désordre d’une des séances les plus tumultueuses qui aient jamais eu lieu entraînèrent l 'Assemblée constituante lorsque, après avoir reconnu solen¬ nellement l’égalité originaire et permanente de tous les hommes en droits naturels civils et politiques elle décréta la monstrueuse distinc¬ tion des citoyens actifs et des citoyens non actifs. Cette distinction, qui fut aussitôt mise en œuvre pour exclure dés fonctions d 'électeurs ceux qui n’avaient pas une certaine fortune, servit ensuite à exclure des fonctions de jurés ceux qui n’étaient pas admis à celles d’électeurs; et cetté exclusion fut textuellement prononcée par la loi du 16 septembre 1791, partie II, titre X, art. 2, et titre XI, art. 1er. Mais la dernière heure de la tyrannie vint, et avec elle disparurent toutes les inventions machiavéliques de ses complices. L’article 2 de la loi du 11 août 1792 proclama hautement la suppression de toute distinction de citoyens actifs et de citoyens non actifs. Cette suppression dut sans doute frapper aussi, par une conséquence nécessaire, sur les limites dans lesquelles avait été circonscrite jusqu’alors la classe des citoyens habiles à exer¬ cer les fonctions de jurés. Et, par une autre conséquence, elle dut égale¬ ment faire cesser l'obligation imposée par la loi du 16 septembre 1791, à « tout citoyen ayant les qualités requises pour être électeur, de se faire inscrire avant le 15 décembre de chaque année, pour Bervir de juré de jugement, sur un registre tenu à cet effet par le secrétaire-greffier de chaque district. » Néanmoins, les inscriptions ont encore eu lieu (I) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 34 à 46. (2) Bibliothèque nationale, 22 pages in-8°, Le38 n® 617. Bibliothèque de la Chambre des députés : Collection Portiez (de l'Oise), t. 72, n° 6. en décembre 1792; elles n’ont pas nui sans doute, mais elles étaient inutiles, et il est de notre devoir d’avertir les citoyens de leur inutilité. Ainsi, deux changements essentiels à faire dans la loi du 18 septembre 1791, d’après celle du 11 août 1792 : 1° Admission de tous les citoyens aux fonc¬ tions de jurés, ou plutôt obligation imposée à tous de les remplir; 2° Plus d’inscription préliminaire pour être admis à les exercer. Mais d’autres changements vous sont com¬ mandés par votre loi du 14 frimaire, par cette loi que vous a si impérieusement dictée la situa¬ tion de la République, et que vous avez si sage¬ ment appropriée à ses besoins. En effet, elle supprime les procureurs géné¬ raux-syndics, et elle ôte aux administrations de département toutes celles de leurs attributions qui ne se rapportent pas aux contributions publiques, aux biens nationaux, aux manufac¬ tures, aux grandes routes et aux canaux. Or, 1° par l’article 5 du titre XI de la seconde partie de la loi du 16 septembre 1791, les pro¬ cureurs généraux syndics étaient chargés de dresser, tous les trois mois, chacun dans son département, et d’après les inscriptions dont on vient de parler, une liste de 200 citoyens qui servait à former chaque mois, par la Voie du sort, le tableau du juré de jugement; 2° Cette liste, d’après le même article, devait être approuvée par le directoire du départe¬ ment. Il faut donc nécessairement déterminer par qui seront remplacés à cet égard, et le direc¬ toire du département, et le procureur général syndic. Plusieurs idées se sont offertes là-dessus à votre comité. D’abord, il s’est demandé si la liste ne pourrait pas être formée par le tribunal criminel; et cette question a été aussitôt décidée que pro¬ posée. La liberté ne serait bientôt plus qu’un vain nom, si les juges, chargés de l’application des lois pénales, étaient maîtres de choisir qui il leur plairait pour examiner les faits allégués contre un accusé, et décider s’il est innocent ou coupable. Votre comité a donc repoussé ce premier moyen de remplacement. Il ne s’est pas plus arrêté à la proposition qui lui avait été faite d’attribuer en cette partie les fonctions du procureur général syndic et du directoire du département, à l’agent national du district, et au district même du lieu où siège le tribunal criminel. Cette proposition lui a paru contraire à l’égalité qui doit essentiellement régner entre tous les districts, et sans laquelle vous verriez bientôt renaître les maux que la hiérarchie départementale a faits à la Répu¬ blique. Guidé par ce principe, votre comité n’a pas tardé à se convaincre qu’il était indispensable de répartir, entre tous les agents nationaux et tous les districts de chaque département, la fonction que la loi du 16 septembre 1791 avait concentrée dans les mains du procureur général syndic et du directoire auquel il était attaché. Votre comité a même senti que cette répar¬ tition serait aussi avantageuse, qu’elle est devenue nécessaire; et dans le fait, il n’est pas difficile de concevoir qu’il y aura moins de par¬ tialité, plus de justice, plus d’attention dans des choix faits par cinq, six ou huit agents nationaux, et confirmés par autant d’adminis-