752 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 juillet 1791.] leur dans le champ de la Fédération ; et là, les officiers ont renouvelé avec eux publiquement celui qu’ils avaient fait la veille, en présence des corps administratifs et de la municipalité. « Tous les soldats de la garnison nous ont paru être dans les meilleures dispositions : la patrie peut fonder sur leur courage et leur civisme les plus justes espérances. « Au reste, l’amour de la patrie et de la liberté embrase le cœur de tous les Français, et des larmes d’attendrissement ont coulé de nos yeux à la vue de ce peuple immense qui couvrait la route de Paris à Strasbourg, et qui partout montrait le même courage, la même énergie, la même résolution de combattre et de mourir pour son pays, le même respect et le même attachement pour l’Assemblée nationale, à laquelle tous se déclarent redevables du salut de la France. « La très grande majorité des citoyens de Strasbourg partage ces sentiments ; les corps administratifs et la municipalité y sont excellents, et il est impossible de montrer, plus qu’ils le font, d’ardeur et de zèle pour la chose publique. La garde nationale, forte de 6,000 hommes, est très patriote, parfaitement bien exercée, pleine de courage et d’énergie ; et, de l’aveu des troupes de ligne, on pourrait compter sur elle comme sur de vieux soldats. Elle nous a demandé avec instance de prêter entre nos mains le même serment que nos troupes de ligne, et nous le recevrons demain au champ de la Fédération. « Au milieu de tant de sujets de satisfaction, nous avons appris avec douleur que, depuis quelque temps, les moines et les prêtres dissidents redoublaient d’efforts pour égarer, dans les départements du Haut et du Bas-Rhin, les habitants des campagnes, et que malheureusement ils n’y avaient déjà que trop réussi. Les corps administratifs et les meilleurs citoyens de Strasbourg ont conçu et nous ont témoigné les plus vives alarmes de ces menées perfides, et ils nous ont assuré que le salut du département et peut-être la sûreté de l’Empire, dépendaient de mesures promptes et vigoureuses qui pussent arrêter les progrès du mal, et déconcerter les coupables espérances des fanatiques et des mauvais citoyens. Nous devons aujourd’hui avoir une conférence définitive sur cet objet avec les corps administratifs, et arrêter ensemble les mesures provisoires que les conjonctures nous sembleront rendre indispensables. « Nous ne devons pas terminer cette lettre sans instruire l’Assemblée que quelques citoyens des plus zélés de la ville nous ont témoigné leur surprise en apprenant que certains officiers de la garnison avaient toujours professé hautement des principes contraires à la Constitution ; mais nous avons vu tant d’apparences de loyauté et de bonne foi, même dans ceux-là, qu’il faudrait qu’ils fussent les plus lâches et les plus vils des hommes s’ils n’ont pas été sincères, et nous avouons qu’il nous est impossible de croire que des officiers français soient capables d’un tel excès de perfidie. « Nous sommes avec respect, Monsieur le Président, les commissaires de l’Assemblée nationale près les départements des Haut et Bas-Rhin et des Vosges. <' Signé: Custine, Chasset, Régnier. » M. Andrleu. Je demande l’impression de celte lettre et l’insertion dans le procès-verbal. (Oui! oui !) (La motion de M. Andrieu est adoptée.) M. le Président annonce l’ordre du jour de la séance de ce soir. M. Foucault-Liardimalie. Un très grand nombre de mes collègues... (Murmures), au nombre d’environ 300, dont je me fais honneur de partager les sentiments... A gauche : L’ordre du jour I M. Foncaiilt-Lardiinalie. Je dis... M. le Président On demande l’ordre du jour. Je consulte l’Assemblée. (L’Assemblée, consultée, passe à l’ordre du jour.) Plusieurs membres : Levez la séance, Monsieur le Président. M. le Président. La séance est levée. M. FoucaultJhardimalie. C’est la déclaration de... (Bruit). Je demande à la déposer sur le bureau. (Non! non!) (La séance est levée à trois heures.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CHARLES DE LAMETH. Séance du mardi 5 juillet 1791, au soir (l). La séance est ouverte à six heures du soir. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du samedi 2 juillet au soir, qui est adopté. M. Bouche propose de décréter que le comité militaire fera incessamment un rapport sur la question de savoir à qui seront remis les dons patriotiques offerts par divers citoyens , et dont l’objet est d’entretenir ou de fournir des militaires pour la défense de la patrie. (L’Assemblée adopte cette motion et charge son comité militaire de lui faire demain un rapport sur cet objet.) Un de MM. les secrétaires. Mm® Falconnet, femme d’un homme de loi habitant de Paris, demande un passeport pour elle et la demoiselle Monnier, sa femme de Chambre, à l’effet d’aller rendre ses soins à son mari, qui, suivant une lettre de la chevalière d’Eon, est dangereusement malade à Londres. M. Guillaume insiste pour que ce passeport soit accordé. Un membre oppose à cette demande le décret rendu ce matin et portant que l’Assemblée ne s’occupera plus de semblables questions. (L’Assemblée passe à l’ordre du jour.) M. Maloiiet. Je demande à l’Assemblée de (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (S juillet 1791.] vouloir bien ordonner qu’il soit sursis à l’expédition du décret rendu ce matin relativement au commissaire ordonnateur de la marine de Toulon, et ordonner en même temps que les pièces qui lui ont été lues rapidement soient renvoyées à son comité des rapports. Pour peu que l’Assemblée voulût bien faire attention à l’exposé du procès-verbal, envoyé par le département, elle y verrait qu’il ne peut y avoir tout au plus que l’inculpation d’une erreur dont le commissaire ordonnateur ne peut pas être réputé responsable ; je m’explique, si l’Assemblée veut bien me le permettre. Je pense, Messieurs, qu’il ne sera jamais dans son intention d’ordonner l’arrestation d’un citoyen quelconque sans des preuves patentes ou sans de grandes suspicions qui puissent au moins mettre dans un doute manifeste sa fidélité, son honnêteté, son obéissance aux décrets de l’Assemblée. Or, rien de tout cela ne se rencontre dans l’exposé même fait par le département. Indépendamment de cela, Messieurs, il ne peut pas être dans vos principes d’ordonner, sur un simple exposé qui ne présente ni plainte, ni inculpation, l’arrestation d’un citoyen qui n’est pas entendu et qui s’est si peu douté que l’on pût inculper sa conduite ou plutôt la conversation qu’il a eue avec 2 membres de l’administration du département, qu’il a écrit des lettres postérieures à l’envoi du procès-verbal de ce département, où il ne fait pas mention de ce qui s’est passé. Au surplus, Messieurs, en deux mots, voici l’exposé très simple des faits. Le commissaire ordonnateur de Toulon avait un payement à faire aux ouvriers; 2 jours après celui où le département vous écrit, le payement ne peut s’effectuer qu’en argent comptant. Il a craint et il a dû craindre, avec une très grande apparence déraison, que la nouvelle de l’évasion du roi ne rendît l’échange d’assignats pour des espèces beaucoup plus difficile qu’il ne l’était ci-devarit. (Au contraire!) Il y a plus, Messieurs, le commissaire ordonnateur ne pouvait pas prendre sur lui, contradictoirement aux ordres antérieurs qu’il avait reçus du ministre, ordres motivés sur la nécessité d’empêcher tout agiotage de la part des trésoriers, il ne pouvait pas prendre sur lui de faire négocier 500,000 livres d’assignats, qui étaient dans sa caisse, à un prix exorbitant. Il a donc élé fondé à dire : Je n’ai point d'argent; parce qu’effectivement sur 160,000 livres en argent u’il lui fallait, il n’y avait que 13,000 livres ans sa caisse et non pas 3,000 livres comme il l’a annoncé. Il a dit : je n’ai que 3,000 livres. — Ceci est une erreur; mais la p euve qu’il r.e peut y avoir de crime dan-cette erreur, e’e-t qu’il est impossible à un ordonnateur de département de dissimuler ce qui est dans sa caisse, comme il est impossible de savoir aujourd’hui ce qu’il y a dans ce moment-ci. Il était très possible que le trésorier lui eût dit qu’il n’y avait que 3,000 livres d’espèces la veille, et que de la veille au lendemain le trésorier ait trouvé 10,000 livres; comment, d’après toutes ces probabilités, a-t-il pu paraître raisonnable à l’Assemblée d’ordonner son arrestation? Je vous supplie de remarquer que la ville de Toulon, dans laquelle plusieurs scènes fâcheuses se sont déjà manifestées, est susceptible d’une telle émotion, qu’au moment où la nouvelle d’un tel décret arriverait, peut-être que cet homme ne serait pas en sûreté. C’est un homme de 67 ans, iro Série. T. XXVII, 7o3 qui n’a jamais donné aucun soupçon sur sa conduite, qui a toujours été en harmonie parfaite avec les corps administratifs, qui est de la ville même de Toulon. Je vous supplie d’ordonner le sursis de l’expédiiion de ce décret et d’en ordonner le rapport à votre comité des rapports. M. Castellanet. C’est un plaisir pour moi de demander en ce moment la parole pour appuyer ce que vient de demander M. Malouet, parce que je crois le devoir à l’honnêteté, aux vertus, à la probité et au civime, justement reconnu de tout temps, de M. Possel et de sa famille. C’est un hommage que je dois à cet honnête citoyen, et personne ne suspectera ce témoignage, parce qu’il n’est dicté par aucun autre sentiment que la vérité qui m’anime. J’assure l’Assemblée que, sans connaître les intentions de M. Possel, je me porterais en ce moment-ci le garant de ses sentiments, et je ne saurais trouver des termes assez forts pour exprimer combien la nation peut compter sur le civisme de ce citoyen. C’est un père de famille respectable âgé de 70 ans environ, d’une famille des plus anciennes de la ville de Toulon. (Murmures.) Quand je dis que la famille de M. Possel était une des plus anciennes de la ville de Toulon, je n’entends pas dire qu’il fût d’une de ces anciennes familles, dont les privilèges lésaient le tiers état. (Murmures.) Je veux dire que depuis longtemps il a son domicile à Toulon, où il s’est toujours distingué dans la classe des citoyens non privilégiés. De ce que ses vertus civiques et son mérite l’ont élevé à une place qui semblait autrefois consacrée exclusivement à la classe des soi-disant nobles, il ne s’ensuit pas qu’il faille lui prêter les intentions malveillantes qui étaient autrefois l’apanage de cette classe. M. Gombert. Je demande que l’on passe à l’ordre du jour. (Non! non!) M. le Président. La proposition est faite qu’il soit sursis à l’expédition du décret rendu dans la séance de la matinée de ce jour, concernant le sieur Possel, commissaire ordonnateur de la marine au département de Toulon; que ce décret soit porté au comité des rapports, et que le ministre de la marine fasse prendre des informations sur l’éîat de la caisse de la marine à Toulon. (Cette motion est décrétée.) Une députation du tribunal formant provisoirement la haute cour nationale, séant à Orléans , est admise à la barre. L’orateur de la députation s’exprime ainsi : Députés par la haute cour nationale d’Orléans, dont nous avons l’honneur d’être membres, nous venons en son nom remplir le plus sacré des devoirs pour des ministres de la loi; celui d’apporter à l’auguste Assemblée des représentants de la nation le juste tribut d’admiration que tout Français doit à la conduite ferme qu’elle vient de tenir dans le danger imminent de la chose publique, et à la sagesse des mesures qui ont assuré le salut de l’Empire. Le tribunal, par notre organe réitère à l’auguste Assemblée, le serment déjà fait de rester inviolablement fidèles à la nation et à la loi, et de défendre jusqu’au dernier soupir notre immortelle Constitution. Si quelque chose a pu suspendre pour un moment notre admiration, ç’a 48