34ô ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 décembre 1790.] [Assemblée nationale.] et celles qui peuvent être employées à la solde de nos échanges avec l’étranger. Le peuple a droit à une représentation exacte de la richesse qui lui est promise par la loi; et votre comité croit se conformer à vos principes en établissant, pour maxime, que la pièce de vingt sols doit contenir précisément et rigoureusement le tiers de l’argent contenu dans i’écu de trois livres. La poli tique bien entendue se joint à ces motifs ;car il est notoire que plus la fabrication d’une monnaie offre de bénéfices, plus on est tenté de la contrefaire, et il n’y a que les faux-monnayeurs qui contrefont la bonne monnaie ; mais l’étranger qui aperçoit un gain assez considérable dans la fabrication d’une monnaie aux mêmes titre et poids fixés par la loi, n’hésite pas de s’y livrer, parce qu’il ne croit pas la probité compromise en vous faisant payer une portion de métai au même prix pour lequel elle vous est livrée par le souverain. Toutes ces considérations porteraient votre comité à vous proposer de décréter : 1° que le marc d’espèces d’argent bas contiendra au moins la moitié de son poids en fin, et que les pièces de monnaie qui composeront ce marc contiendront rigoureusement une quantité de grains pesants d’argent fin, correspondante aux divisions de 1 ecu qu’elles représenteront ; 2° Que le remède de poids dont il sera fait usage pour la fabrication de ces espèces serapris en dehors, et ne pourra excéder six grains par marc; 3° Que, pour tenir lieu du remède de loi, il sera alloué à l’entrepreneur de la fabrication de ces nouvelles espèces un grain et demi de fin en sus du titre auquel elles devront être fabriquées, dans le cas seulement où l’emploi de ce grain et demi de fin sera reconnu et constaté par les jugements de délivrance et de révision ; 4° Que la dépense delà fabrication de la monnaie en argent bas sera supportée par le Trésor public ; 5° Que la quantité de grains d’argent fin, contenue dans chaque pièce, sera exprimée sur l’empreinte. Ces bases décrétées, votre comité sera en état de vous présenter, sous un très court délai, le plan et les détails d’exécution de la fabrication de la nouvelle-monnaie que vous paraissez désirer. Il vous rendra compte en même temps des diversespropositions qui luiauront été faites àcet égard. Mais il est de son devoir de vous répéter qu’il serait du plus grand danger de faire procéder à cette fabrication avant d’avoir statué sur les mesures qu’il vous a proposé de prendre pour remédier aux abus du régime actuel de l’administration des monnaies, puisque, sans ces mesures, personne ne peut vous répondre de la fidélité et de l’exactitude avec lesquelles vos intentions loyales et bienfaisantes seraient remplies. D’après ces considérations, le comité des monnaies a l’honneur de vous proposer le projet de décret suivant : Art. 1er. Le titre et le poids des espèces d’argent et leur valeur numéraire sont et demeureront invariablement fixés, tels qu’ils le sont aujourd’hui. Art. 2. Le poids de marc déposé à la cour des monnaies continuera de servir à déterminer le poids de toutes les divisions des monnaies. Art. 3. Le marc d’espèces d’argent bas contiendra au moins la moitié de son poids en fin, et les pièces de monnaie qui composeront ce marc contiendront rigoureusement une quantité de grains pesants d’argent fin correspondante aux divisions del’écu qu’elles représenteront. Art. 3. Le remède de poids dont il sera fait usage pour la fabrication de ces espèces, sera pris en dehors, et ne pourra excéder six grains par marc. Art. 5. Pour tenir lieu du remède de loi, il sera alloué à l’entrepreneur de la fabrication de ces nouvelles espèces un grain et demi de fin, en sus du titre auquel elles devront être fabriquées, dans le cas seulement où l’emploi de ce grain et demi de fin sera reconnu et constaté par les jugements de délivrance et de révision. Art. 6. La dépense de la fabrication de la monnaie en argent bas sera supportée par le Trésor public. Art. 7. La quantité de grains d’argent fin, contenue dans chaque pièce, sera exprimée sur l’empreinte. M. Rewbeïi. Je demande l’ajournement de cette question et l’impression du projet de décret, afin que nous ayons le temps d’y réfléchir. Je vois, quant à présent, à moins qu’un examen plus aoprofondi ne m’éclaire, que votre comité ne vous propose aucun moyen d’éviter l’écoulement de notre numéraire chez l’étranger. 11 veut, en effet, faire supporter à la nation les frais de la nouvelle fabrication de la monnaie actuelle; ainsi l’étranger trouvera à attirer chez lui les nouvelles espèces et la France frappera à ses dépens pour toute l’Europe. (On murmure autour de la tribune; on lâche quelques propos assez piquants.) M. de Cussy. Votre comité est incapable de vous tromper, et quoi nu’en aient pu dire les folliculaires mal intentionnés, il n’a pas puisé ses vues dans des sources impures : ce sont ceux qui l’accusent à qui l’on pourrait justement supposer des intentions coupables et, s’il était permis de se livrer ici à des personnalités, il serait facile de les démontrer. M. Brillat-Savarin. Si vos espèces valent intrinsèquement leur valeur, elles auront cours dans l’étranger comme un lingot du même poids. Vous serez à vos dépens, comme on vous l’a déjà observé, les fabricateurs de toute l’Europe. Je croirais donc qu’il faudrait apporter à uotre monnaie une modification telle que l’étranger n’eût aucun intérêt de l’attirer. J’insiste sur l’ajournement. M. d’Estourine! appuie cette opinion et se plaint que le projet de décret n’ait pas été imprimé, suivant l’usage consacré par l’Assemblée. M. de Virieu. Il ne sortira de France que la monnaie attirée chez l’étranger par le commerce. (M. Bouche interrompt.) M. le Président. Vous n’avez pas la parole, (M. Bouche se tait.) M, de Virieu, continuant. L’étranger ne prendra nos écus que pour leur valeur intrinsèque. Noire marc ne compte que pour 49 livres 16 sols. Au reste, pour ne point perdre de temps, je consens à l’ajournement. (L’Assemblée ordonne l’impression du rapport de M. de Cussy et ajourne la discussion à samedi prochain.)