400 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. C’est avec douleur que nous venons réclamer contre l’ordre donné par Dubouchet, membre de la Convention à la commune de Mantes, de ne point laisser partir 1500 quintaux de blé que nous avions obtenus du ministre de l’intérieur. Nous prions la Convention de venir à notre se¬ cours. Beffroy. Ce n’est point le blé qui manque, c’est la mauvaise répartition qui s’en est faite jusqu’à ce moment, qui a amené ces disettes apparentes. Je demande le renvoi de la pétition à la commission que vous avez créée. Osseîin. La disette dont on se plaint est l’ob¬ jet du passage de l’ancienne administration des subsistances à la nouvelle commission ministé¬ rielle; avant qu’elle puisse agir, il faut qu’elle soit organisée : je demande donc que, provisoi¬ rement, le ministre de l’intérieur fournisse des subsistances à la commune de Boulogne. Charlier. Personne ne doute qu’il n’y ait en France assez de subsistances, mais c’est la mal¬ veillance qui a fait contrarier les réquisitions : on allait chercher du blé dans une commune voi¬ sine de celle qui n’en avait pas ; celle-ci se trou¬ vait privée par là des secours sur lesquels elle croyait justement pouvoir compter. Si toutes les communes de la République ne sont pas éga¬ lement pourvues, la cause en est dans la négli¬ gence du ministre de l’intérieur qui n’a pas exécuté le décret qui lui ordonnait de présenter à la Convention le tableau de tous les grains exis¬ tant dans la République. Je demande que les administrations soient tenues de faire passer au ministre, dans le délai de quinze jours, le recen¬ sement des grains qui se trouvent dans leurs dé¬ partements, et que ceux des administrateurs qui négligeront de le faire, soient mis sur-le-champ en état d’arrestation. Le ministre fera passer cet état à la Convention dans le même délai. Cette proposition est décrétée, et la pétition de la commune de Boulogne renvoyée à la com¬ mission des finances. Au nom du comité de Salut public, un membre [Barère (1)] fait un rapport sur l’état où se trouvent maintenant les diverses bandes de re¬ belles chassées de la Vendée, d’où il résulte, dit le rapporteur, quelque chose qu’en aient pu dire les malveillants, que ce n’est qu’une troupe de fugitifs, qui veulent tenter de repasser la Loire, pour se cantonner de nouveau dans les repaires de la Vendée; mais les dispositions sont prises grains. Ceux qui ne l’auraient pas effectué dans ce temps seront mis en état d’arrestation. III. Compte rendu du Journal de Perlet. *Lâ commune de Boulogne, près Paris, manque de pain depuis deux jours; elle sollicite de prompts secours. La commission des subsistances fera droit sur-le-champ à cette pétition. Le ministre de l’intérieur présentera sous trois jours, au comité de Salut public, l’état général des recensements qui lui ont été envoyés par les auto¬ rités constituées. Les administrateurs qui n’auront pas fourni ces états sous quinzaine, seront mis en état d’arre%tation. , (1) D’après les divers journaux de l’époque. sur tous les points, et des forces imposantes se rassemblent partout pour écraser ce reste de bri¬ gands (1). Compte rendu du Moniteur universel (2). Barère, au nom du comité de Salut public. Après les grands succès de Mortagne et de Cho-let, après la fuite des rebelles par Varades, et leur poursuite par deux colonnes républicaines vers Nantes et Angers, il était à croire que le comité de Salut public ne vous parlerait plus de la Vendée et de ses brigands, que comme il vous a parlé des rebelles lyonnais, poursuivis et exter¬ minés dans leur fuite; nous avions l’avantage de la victoire et de la terreur sur les vaincus, l’avan¬ tage d’avoir dépaysé des brigands, d’avoir tué plusieurs de leurs chefs, d’avoir diminué leur artillerie, de les avoir jetés dans un pays plus découvert, et moins approvisionné. Quel moment heureux pour la paix de l’in¬ térieur de la République, si au moment du pas¬ sage, des batteries placées sur les bords de la Loire, ou si les forces qui étaient à Ancenis et à Angers, avaient agi sur les fugitifs, avec l’é¬ nergie qu’elles pouvaient déployer ! Quel succès plus complet encore attendait nos armes, si le tocsin avait sonné dans toutes les communes au delà de la rivière, dans les dépar¬ tements de Mayenne et Loire, et surtout dans celui de la Mayenne que les brigands semblent avoir condamné au déshonneur momentané d’être le théâtre d’une nouvelle Vendée ! Citoyens, depuis le 1er de brumaire, le comité devait s’attendre à ne communiquer à la Con¬ vention que des nouvelles satisfaisantes; mais des embarras imprévus qui paraissent s’atta¬ cher sans cesse à l’organisation de nos forces militaires dans cette partie, le défaut d’intelli¬ gence et d’ensemble, la trop grande confiance des Français victorieux, le défaut d’énergie et d’activité dans les mesures, ont tout fait chan¬ ger, et transformé en une nouvelle Vendée la Mayenne, dont le fanatisme et la faiblesse de quelques villes ont appelé les brigands. Mais enfin, il approche le jour terrible où le flambeau de la vérité viendra éclairer toutes les profondeurs de ces repaires de la Vendée; ce jour où, d’une main assurée, nous déchirerons le bandeau épais qui couvre encore quelques instants toutes ces intrigues lointaines, toutes ces manoeuvres locales, toutes ces trahisons mi¬ litaires, ces ambitions diverses des chefs, ces passions minutieuses des agents qui ont trop longtemps circulé dans ces départements re¬ belles : administrations départementales, admi¬ nistrations militaires, états-majors, généraux, conseils de guerre, intrigants de tout genre, aris¬ tocrates de l’intérieur, recrutements contre-ré¬ volutionnaires, tout sera marqué du sceau de la réprobation méritée. Victoires colorées, demi-succès exagérés, prises (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 24, p. 346. (2) Moniteur universel [n° 47 du 17 brumaire an II (jeudi 7 novembre 1793), p. 190, col. 3]. Voy. ci-après, annexe n° 2, p. 431, le compte rendu du rapport de Barère, d’après le Journal des Débats et des Décrets et annexe n° 3, un certain nombre de lettres des commissaires aux armées des Côtes de l’Ouest et des Côtes de Cherbourg qui peuvent servir de pièces justificatives au rapport de Barère. [Contention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. s��bre 1793“' 401 mensongères, récits fabuleux, tout aura sa place, et la nation sera vengée. Aujourd’hui le comité est obligé de se bor¬ ner à vous exposer ce que sont devenus les re¬ belles de la Vendée extravasés dans la Mayenne; comment ils y ont pris une consistance momen¬ tanée, ce qu’ils peuvent en espérer, et ce que la République doit en craindre. De cet exposé suc¬ cinct résultera sans doute pour la Convention comme pour le comité cette vérité que les bri¬ gands sont affaiblis par leur expulsion de la Vendée; qu’ils sont terrifiés par leur propre fuite : mais qu’ils ont un courage augmenté par le désespoir, qu’ils cherchent une issue et non pas un établissement; que les administrations faibles ou complices, et les contrées fanatiques ont favorisé, ou du moins n’ont pas empêché la prise de Laval et de Mayenne par les re¬ belles; la Convention aura pour les événements le même courage, la même éénergie dont elle a investi son comité; elle aura le même aperçu et la même confiance. Je vais retracer rapidement les faits ; La prise de Châtillon, de Mortagne et de Cho-let déplace et effraye les brigands ; tandis qu’une partie restait sous les ordres de Charette dans les districts maritimes, et profitait de la mal¬ veillance des habitants de Noirmoutier, malgré le courage de la garnison, l’armée de la Répu¬ blique poursuivait les rebelles à Beaupréau, à Saint-Florent, et les poussait sur les rives de la Loire. Les brigands passent à Varades, une partie se noient; plusieurs canons sont pris, quelques chefs périssent. Mais une horde* de brigands, que les divers récits ont portée successivement à dix mille, quinze, vingt, et qu’ils fixent dans ce moment à environ trente mille, en y compre¬ nant les nouvelles recrues forcées ou volontai¬ res, que la violence, le fanatisme, les prêtres et les femmes ont multipliées dans Laval et quel¬ ques autres parties de la Mayenne; cette horde inonde ce département, évacue les postes sur les derrières, à mesure qu’ils avancent et ef¬ fraient les départements voisins. Ils vont d’abord à Candé et à Segré. Ils veu¬ lent se diriger vers Château -Briand et Craon; mais les troupes de l’Ille-et-Vilaine, placées du côté de Vitré, les effraient. Ils marchent vers Château-Gontier, et se rendent à Laval. Notre armée accourt, et prend des positions à leur poursuite. Le 4 brumaire, l’avant-garde de l’armée ré¬ publicaine, partie de Luçon, d’Angers, s’était battue toute la nuit avec les brigands. Le 5, elle partit de Château-Gontier pour aller les attaquer à Laval. Les rebelles avaient un poste avantageux en avant de cette ville. L’en¬ nemi est attaqué; il se bat avec rage mêlée de désespoir. Notre avant-garde est forcée de se replier sur le corps d’armée. Ce mouvement rétrograde est le présage de nos malheurs. L’armée, rangée sur une seule ligne sur la grande route, ne put se déployer en ordre de bataille. L’effroi de l’avant-garde se communique au corps de l’armée, et la dé¬ route a été complète. Nous avons à pleurer la mort de plusieurs braves républicains, et la perte de plusieurs armes. Nous en rechercherons les causes dans le rapport général; elles sont at¬ tribuées à des faits de diverses natures. Thirion, placé à côté du théâtre de cette ba¬ taille, écrit le 7 de Sablé : « Il paraît que la déroute dernière a été opérée par moins de 6,000 d’entre eux, le reste étant demeuré à Laval, parce qu’ils manquaient ne munitions. Observez que toutes les fois que les rebelles ont manqué de munitions, il s’est trouvé à point une déroute de la part des nôtres. » A cette époque, que faisaient les représen¬ tants du peuple envoyés dans les divers dépar¬ tements contre les rebelles? Carrier était resté à Nantes, après avoir con¬ certé des mesures à Rennes avec Pocholle. Bourbotte, Tureau, Merlin et Choudieu re¬ trempaient l’armée à Angers, et rehaussaient le courage des soldats. Garnier (de Saintes) rassemblait des forces à Fougères et préparait un corps de cavalerie. Pocholle excitait les troupes républicaines à Rennes, où était le quartier général commandé par Rossignol. Thirion cherchait des armes, et levait des ba-taillons dans la Sarthe; mais il écrivait trop sous la dictée de la terreur inspirée par les bri¬ gands au pays où il était. Letourneur disposait tous les moyens de dé¬ fense à Alençon. | C’est ainsi que par les mesures employées par les divers représentants, la horde des rebelles devait être cernée ou harcelée, de quelque côté qu’elle voulût porter sa suite et son désespoir. La correspondance des représentants a mis le comité à même de faire exécuter des mesures analogues au but unique d’exterminer les bri¬ gands, en quelque lieu qu’ils portassent leurs pas. Pocholle écrivait de Rennes, le 6 et le 8 bru¬ maire, des nouvelles rassurantes sur les moyens de défense qui se dirigeaient contre les brigands cantonnés à Laval. Thirion écrivait de Sablé, le 6 et le 8, des plaintes sur l’événement désastreux arrivé à Château-Gontier; mais il annonçait que la famine chasserait bientôt les brigands de Laval pour se jeter, s’ils le pouvaient, dans quelques parties de la ci-devant Bretagne, fanatisées ou royalisées, dans les campagnes. Garnier, représentant du peuple, écrivait de Coutances, le 3 brumaire : « Je m’occupe à lever un détachement de cavalerie, et avec l’ardeur que manifeste partout le peuple, j’espère qu’il sera bientôt en état d’aller se présenter à l’en¬ nemi. Je me rends à Granville, et je me por¬ terai ensuite rapidement à Avranches et à Mor-tain. Ce dernier point mérite une défense par¬ ticulière; et quoique la malveillance et l’inci¬ visme entourent ce district, les habitants sont bien prononcés. Nous porterons dans lTUe-et-Vilaine des secours très importants ; soyez assu¬ rés de notre zèle et de notre dévouement, qu’on nous seconde et les progrès des brigands ne seront pas de durée* Nous hâtons la marche des trois bataillons envoyés à Rennes. Celui de la Réunion est passé ici il y a deux jours ; celui d« la Côte-d’Or arriva hier, et il part dans ce mo¬ ment. Les chasseurs arrivent aujourd’hui, les forces se suivent de près; je vais en rassembler d’autres, et sous peu nous aurons une force for¬ midable à opposer aux brigands. » Tandis que les représentants du peuple pre¬ naient des mesures pour cerner et attaquer les rebelles, ceux-ci ne pouvant tenir à Laval, et craignant sans doute d’y attendre l’énergie du peuple qui doit enfin les faire disparaître, se sont portés sur la ville de Mayenne, et ils ont évacué en même temps Craon et Château-Gon¬ tier. lr* SÉRIE. T. LXXVIII. 26 m Thirinn écrit le 11 brumaire, aux représen¬ tants du peuple à l’armée de l’Ouest : « Des renseignements sûrs m’apprennent qu’hier, vers les 3 heures après-midi, une co¬ lonne de l’armée des brigands s’est portée de Laval sur la route de Mayenne; j’ignore si le reste l’aura suivie aujourd’hui. Il paraît qu’ils n’ont aucun plan déterminé. Il y a eu à ce Sujet de la division dans les différentes portions de leur armée; les uns voulaient se porter sur 'Rennes, d’autres voulaient marcher sur Alen¬ çon, de ce nombre était d’Autichamp. Il semble¬ rait que ce dernier parti a prévalu; peut-être n’est-ce qu’une ruse pour maintenir par cette incertitude notre armée en station à Angers; à moins que la nouvelle armée organisée à Mayenne ne leur ait résisté, il est probable qu’ils sont aujourd’hui dans cette dernière ville; et dans ce cas, je ne vois aucun moyen de les em¬ pêcher d’aller à la mer, d’enfiler le département de la Manche jusqu’à la hauteur de l’île de Jersey; au surplus, j’estime que cette guerre, qui a déjà beaucoup changé de nature, sera bien moins redoutable lorsqu’elle sera iden¬ tifiée avec la guerre étrangère, et que les bri¬ gands se trouveront soumis au commandement anglais. « Les mêmes renseignements évaluent à 30,000 les rebelles, sans compter les vieillards et les femmes. Je crois cette évaluation très exa¬ gérée. Le général Danicaux se porte avec des forces sur Laval. Il paraît que Château-Gronder est évacué, que Craon l’est également, et que les forces réunies des brigands étaient hier à Laval. Ils s’étaient portés sur la route de Yitré, puis ils ont rétrogradé. Ils ont craint de ren¬ contrer à Rennes des forces capables de les re¬ pousser; et la nouvelle défaite de Charette, qu’ils auront apprise, leur aura fait entrevoir la possibilité à l’armée de Nantes de se porter sur Rennes. » Voici encore de nouvelles preuves que les bri¬ gands, qu’on dit si formidables, et dont on effraie les départements, cherchent cepen¬ dant à fuir, et qu’ils évacuent sans cesse, à mesure qu’ils avancent vers un autre départe¬ ment. . Le représentant du peuple écrit de Mellai, le 12 brumaire, à son collègue dans le département de l’Orne : « Je suis arrivé hier soir à Laval, avec un déta¬ chement de 5 à 6,000 hommes de Sablé. J’ai trouvé eette dernière ville totalement évacuée par les brigands, qui, dit-on, se sont portés sur Mayenne. Nous y sommes restés depuis 11 heures du soir jusqu’à environ 4 heures du matin; mais craignant d’être surpris par l’arrière-garde des brigands, qu’on nous disait rétrograder sur nous, nous nous sommes repliés à Forcé, où nous avons passé le reste de la nuit, attendant de nouvelles forces. L’armée de Mayenne est toujours à Angers pour se refaire. J’imagine qu’elle se mettra en marche aussitôt qu’elle apprendra l’invasion de Laval. Nous avons encore envoyé ce matin des-hussards dans eette ville, et ils n’y ont rencon¬ tré que très peu de brigands qu’ils ont fusillés. » Depuis cette lettre, notre collègue Lindet est revenu de Caen; et il nous a donné des nou¬ velles satisfaisantes sur les mesures que dé¬ ploient les départements vers lesquels se sont élancés les brigands. Voici le résultat de ce qu’a dit Lindet au comité. 1 13 tiFiimake an II ( 5 novembre 1793 A l’est de la Mayenne, en remontant jusqu’à Alençon et Domfront, on voit la Sarthe; et la Sarthe est bonne; elle fournit 25,000 hommes qui se portent contre les rebelles. Ces braves républicains, conduits par leur seul instinct de liberté, amènent avec eux des grains et des bes¬ tiaux. Aussi les brigands, qui craignent les mou¬ vements de la Sarthe, ont rompu les chemins qui conduisent de la Sarthe à Laval et à Mayenne; ils se mettent en défense, et il paraît par les épaulements, les escarpements et les redoutes qu’ils élèvent, qu’ils craignent d’être forcés à Laval par les forces rassemblées du départe¬ ment de la Sarthe. A l’ouest est Vitré qui a des forces et Fou¬ gères qui a déjà repoussé les brigands. Les com¬ munications n’ont jamais été interceptées entre Fougères, Rennes et le département de la Manche. A Vitré sont nos forces, vis-à-vis Laval. De Rennes on vient soutenir Vitré. Les généraux qui sont à Rennes défendront ce côté avec énergie. De Vitré, avec les forces de Mayenne, on pour¬ suivra les rebelles dans Laval, qui se trou¬ vera pressé à l’est par le département de la Sarthe. La partie supérieure au nord, qui est compo¬ sée des départements de la Manche et de l’ Orne, présente aux rebelles une force assez considé¬ rable, dont une grande partie d’anciennes troupes qui ont fait la guerre. Il paraît que les rebelles sont passés à Lassai et à Domfront. k Citoyens, que présentent à vos esprits ces faits, ces correspondances vagues et variées! Pour nous, nous n’y avons vu qu’une armée de fugitifs; pour nous, nous n’avons vu dans le calcul exagéré du nombre des brigands que les effets de la terreur et l’influence de l’ épou¬ vante que donnent naturellement des brigands au désespoir à des départements qui n’ont jamais d’assez grandes armées pour leur défense. Le comité a pris diverses mesures à deux époques rapprochées, soit pour empêcher les brigands de repasser la Loire et de revenir dans les repaires de la Vendée, soit pour rassembler sur divers points les forces réunies de l’armée de l’Ouest, de celle des côtes de Brest et de celle des Côtes de Cherbourg, indépendamment des rassemblements armés fournis par les départe¬ ments de la Sarthe et de l’Orne. Le ministre de la guerre a donné, il y a quelque temps, les ordres nécessaires pour les préparatifs d’une attaque prochaine, qui doit exterminer une grande partie de ees brigands dans leur fuite, et pour prévenir les incursions les plus dangereuses qu’ils pourraient tenter, principalement du côté de la mer. Nous avons reçu ce matin, de tous les côtés, des nouvelles qui annoncent que partout on se lève contre les rebelles, et qu’on se met en me¬ sure de poursuivre et d’abattre ces brigands en exécutant les divers arrêtés du comité et les ordres du ministre de la guerre. Merlin et Choudieu reviennent. Le comité attend leur arrivée, et les renseignements utiles qu’ils apportent pour préparer le rapport défi¬ nitif sur les causes des événements de l’inexpli¬ cable guerre de la Vendée. « Vous pouvez être tranquilles, nous écrivent Turreau, Franeastel, Carrier et Bourbotte, d’An-[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 403 gers, le 12 brumaire, sur l’exécution des mesures de votre arrêté. Nous seconderons par tous les moyens qui sont en notre pouvoir, la sagesse de vos dispositions. Notre collègue Merlin serait depuis longtemps rendu au sein de la Conven¬ tion; mais ce n’est que depuis deux jours que le décret lui est parvenu officiellement. Convaincu du bien que sa présence opérait à l’armée, nous avons exigé de lui qu’il ne se rendît auprès de vous, qu’au moment où le décret lui serait léga¬ lement connu. Choudieu a cru aussi, d’après la dernière loi, devoir suivre Merlin. Nous redou¬ blerons de zèle et d’activité jusqu’à l’arrivée de Pinet. « Carrier restera à Nantes, il y opérera révo-lutionnairement, et surveillera en même temps la partie de nos troupes qui y est stationnée. Francastel occupera Angers, point actuellement intermédiaire pour nos communications. Bour-botte et Tureau suivront les colonnes de l’ar¬ mée. « Nous continuerons à nous rendre dignes de la confiance nationale par notre activité, et sur¬ tout par notre énergique volonté de sauver la République. S’il en était jamais autre¬ ment, votre devoir serait de proposer notre rappel. » Ce n’est pas au moment où une attaque géné¬ rale va se faire, que le comité peut donner la publicité aux moyens qu’on emploie; mais il suffit de dire que cette prétendue nouvelle Ven¬ dée, si fortement grossie dans ses effets, par les malveillants, les oisifs et les nouvellistes à la journée, n’est que le débris de la véritable Ven¬ dée détruite. C’est une humeur du corps poli¬ tique qui cherche à sortir; c’est une horde de brigands qui craint la punition que le peuple français va lui infliger. Est -ce d’une armée en fuite que des républicains doivent recevoir des craintes pusillanimes? Laissons à nos braves républicains à en rendre compte à la liberté dans quelques jours. La vérité qui nous est attestée par des rela¬ tions multipliées et par les représentants, c’est que le département qui a trop longtemps porté l’effroyable et perfide nom de la Vendée, n’est dans ce moment, qu’un monceau de cendres et un vaste désert, monument des vengeances de la liberté. La vérité est que l’armée, refaite à Angers, s’est mise en mouvement pour se rendre à Laval. à Mayenne, et pour marcher sur les pas des re¬ belles, tandis que les départements vers lesquels les rebelles fuient pour avoir ou pour surprendre quelque port maritime, se lèvent et concertent leurs efforts pour terminer cette chasse civile d’hommes indignes du nom français. Je termine ce rapport par la lettre que nous venons de recevoir ce matin d’un des représen¬ tants du peuple envoyé près l’armée des Côtes de Cherbourg; il écrit de Coutances, en ces termes : Au comité de Salut public. « Coutances, le 2e jour de la 2e décade de brumaire. 1 « Au premier bruit de l’arrivée des rebelles de la Vendée vers Rennes, nous avons imprimé le mouvement à tout notre département : au seul cri que nous avons fait entendre que la patrie était en danger, tout le monde s’est mis debout pour marcher à l’ennemi; mais nous n’avions que des bras et du courage, et point d’armes ni do canons. Un commissaire de notre sein s’est rendu aussitôt à Caen; et, en opérant le désarmement des hommes suspects, nous avons obtenu 2,500 fusils et 4 canons. Alors quatre régiments armés et disciplinés se sont mis en marche : on a armé les contingents de ces fusils et de ceux des diverses gardes natio¬ nales, et on a envoyé ces nouveaux bataillons à Cherbourg, pour remplacer ceux qui en étaient sortis. « Les gardes nationales restées armées ont suivi la troupe soldée, et en peu de jours nous avons rassemblé, avec les citoyens Lecarpen-tier et Garnier, une petite armée à Avranches : hommes, chevaux, moulins, tout a été mis en réquisition, tout le monde a obéi; 106 chevaux sont partis d’un seul canton; on en rassemble dans tous les autres districts. Nous faisons par¬ tir chaque jour des voitures de farine; tous les tailleurs, cordonniers et selliers sont en réqui¬ sition, et nous avons la satisfaction de n’en¬ tendre que des éloges sur notre activité et toutes les ressources que nous mettons en usage, Nous avons ouvert une communication entre Rennes et notre département ; nous avons deux commissaires à Rennes : le citoyen Garnier et le général Peyre sont avec l’armée de la Manche, qui, suivant toutes conjectures, doit être déjà très nombreuse, et qui s’avance vers l’ennemi. Nos braves défenseurs ont juré de ne point re¬ venir dans leurs foyers que le dernier des bri¬ gands de la Vendée ne fût exterminé. Si les départements de l’Orne, de Mayenne et du Cal¬ vados en avaient fait autant, nous n’aurions plus d’ennemis à combattre. Donnez vous-mêmes le mouvement à ces départements para¬ lysés. Il faut frapper un grand coup; et, pour y réussir, il faut se porter en masse sur cette horde de brigands que l’on a trop épargnés jus¬ qu’à ce jour. » Citoyens, voilà le résultat de diverses dé¬ pêches relatives à la Vendée, depuis qu’il n’existe plus de ce noyau contre-révolutionnaire que des rebelles fugitifs sur notre territoire. La Convention, pour faire cesseT les faux bruits propagés avec tant de légèreté, et les déroutes de quelques troupes, exagérées avec tant de complaisance, a voulu connaître ces dépêches. La Convention voit bien aujourd’hui qu’il y a dans cette affaire un plus grand mal d’opinion qu’un mal réel. Elle voit bien que la liberté ne peut avoir rien à craindre d’une horde armée dénuée de places fortes, et chassée de repaires inabordables, privée de munitions, manquant de vivres et de magasins, évacuant sur les der¬ rières à mesure qu’elle avance ou qu’elle fuit, pesant sur les départements qu’elle parcourt, qu’elle effraie et qu’elle indigne en les ruinant par ses consommations forcées et ses brigan¬ dages habituels. Encore quelques jours, et nous aurons les preuves que les royalistes et les brigands sont repoussés par le sol de la liberté. La séance est levée à 4 heures et demie (1). Signé : Moyse Bayle, Président: Charles Duval, Pons (de Verdun), Jagot, Louis (du Bas -Rhin), Bazibe, Foukceoy, secré¬ taires. (lj Procès-verbaux de la Convention, t. %A, p. 346.