472 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j 06nJ™“bre ireà” mettre à la sanction du peuple notre immortelle ’ Constitution. Sans doute, le besoin pressant du peuple, son impatience, et votre empressement à le satisfaire, ne vous permirent pas de donner attention à ce que je proposais. Je le reproduis aujourd’hui avec confiance, y étant autorisé par les événements. « La Convention a tous les moyens de salut public qu’elle a eus depuis le commencement de sa session. Si l'on veut arrêter le 'progrès du mal, il faut s'opposer à son commencement. Le gou¬ vernement qui rendrait le crime impossible serait sans contredit le meilleur. Notre expérience doit nous avoir prouvé combien il est dangereux d’attendre qu’une conspiration soit formée, exécutée même en partie, qu’elle ait éclaté, pour prendre des mesures salutaires. « Le conseil de censure tel que je l’avais pro¬ posé alors (ou un moyen meilleur, si on le con¬ naît), sauvera la République par l 'inquiétude républicaine et maintiendra les membres des Assemblées nationales dans la pureté de mœurs et de patriotisme qui doit caractériser les repré¬ sentants du peuple. « Je demande que les comités de législation et de Salut public s’occupent de cet objet im¬ portant, et qu’il en soit fait un rapport à la Convention, qui peut proposer à la sanction des premières assemblées primaires cet article sup¬ plémentaire de la Constitution. « Il importe que la République ne reste pas désormais exposée aux dangers qu’elle a courus, et qui pouvaient la perdre. Il faut que, si la nation se trompe dans le choix de ses représen¬ tants, son erreur ne puisse jamais l’exposer à perdre sa liberté. Il faut que la conduite et les sentiments des députés aux Assemblées natio¬ nales puissent être surveillés et scrutés sévère¬ ment, dès qu’ils auront donné lieu à des soup¬ çons fondés, et avant qu’ils aient pu consommer leurs crimes. « Raffron. « Note. Il y a actuellement un grand nombre de députés en état d’arrestation, 60 ou 70 peut-être. Cet état de choses, devenu nécessaire est cependant préjudiciable au bien public, puis¬ qu’il affaiblit considérablement la représen¬ tation nationale. L’insuffisance et la lenteur des moyens qui ont été employés jusqu’à présent pour purifier la Convention, ont causé ce vrai malheur. Les pervers ont eu tout le temps d’in triguer, de conspirer. Il faut aujourd’hui suivre ces trames, éclairer et découvrir des complots formés. On ignore quand toutes ces recherches seront terminées ; elles aboutiront à un jugement pour plusieurs d’entre eux; cela ne peut man¬ quer d’entraîner des longueurs. « Tandis que, sur une ou plusieurs dénoncia¬ tions appuyées de preuves suffisantes, le conseil de censure que j’ai proposé, déclare que le dé¬ noncé a perdu, ou n’a pas perdu la confiance du peuple. C'est là précisément où se borne toute sa juridiction. En conséquence, le député dé¬ noncé rentre dans ses fonctions ou en est exclu. Dans le dernier cas, l’arrondissement qui l’a nommé en nomme un autre, et la représentation nationale est presque toujours complète. « L’organisation du conseil de censure que j’ai proposé en tient les membres dans une mobilité de situation continuelle, et capable de bannir toute inquiétude sur leur coalition. « Les membres nommés pour la former vivent séparés les uns des autres à de grandes distances sur toute la surface de la République; ils restent chacun chez eux, et ne se réunissent qu’au mo¬ ment où le sort les a appelés à l’exercice de leurs fonctions, qui» ne doivent jamais durer plus de trois mois. Dans les quatre tirages qui se font pour chaque trimestre de l’année, plusieurs peuvent n’être pas appelés par le sort. « Les 21 élus par le sort pour composer le con¬ seil de chaque trimestre subissent un nouveau tirage pour le terme de chacune de ses assem¬ blées, et aucun d’enx n’est sûr d’en être membre. « Mon sentiment ne peut être combattu que par des méchants, qui veulent voir perpétuer les intrigues au sein de la représentation natio¬ nale, pour la ruine de la République, ou de faux raisonneurs, qui confondent la licence avec la liberté, et l’impunité la plus odieuse avec la dignité de représentant du peuple. « Mon plan ne touche point à la représenta¬ tion nationale, qui conserve en masse toute sa majesté : mole sua stat. Les individus seulement en sont scrutés, comme les pierres d’un vaste et solide édifice sont taillées, nivelées, soumises à l’aplomb et remplacées au besoin. « Signé : Raffron. « Je place ici, sans préambule, une courte addition à mes réflexions sur le culte. « Le temps amène tout. Il amènera la raison ; déjà elle s’avance. Le temps use tout. Il a usé la superstition; elle s’efface... De la patience, et surtout point de violence. La violence ne produit le calme que par la destruction. Autre sur les sourds-muets. « La parole étant l’imitation des sons qui ont frappé l’ouïe, les muets sont muets parce qu’ils sont nés sourds. (Note de Raffron.) » Un membre [Grégoire (1)] prononce un dis¬ cours sur les moyens d’améliorer l’agriculture : la Convention nationale en ordonne l’impression et ajourne la discussion du plan qu’il propose (2). Compte rende du Journal des Débats et des Décrets (3). Grégoire prononce un discours sur les moyens de perfectionner l’agriculture. Il pense que des maisons où l’on enseignerait l’économie rurale et où l’on ferait des expériences, rempliraient parfaitement cet objet. Le système de Grégoire est développé dans son discours avec beaucoup d’érudition et des connaissances trop peu ré¬ pandues. (1) D’après les divers journaux de l’époque. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 23. (3) Journal des Débats el des Décrets (brumaire an II, n° 414, p. 225). D’autre part, V Auditeur natio-ual [n° 411 du 17 brumaire an II (jeudi 7 no¬ vembre 1793), p. 6] rend compte du discours de Gré¬ goire dans les termes suivants : « Grégoire a prononcé un discours et proposé un projet de décret sur l’établissement, dans chaque département, d’une maison d’économie rurale, dont l’objet principal serait l’amélioration de l’agricul¬ ture. R Ce travail, souvent applaudi, sera imprimé. » [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { Nombre im 473 Un membre le combat. Au projet de généra¬ liser les principes de l’économie rurale, il oppose la variété des terrains et de leurs productions. Il ne veut d’autre système en agriculture que la proscription des rois, des seigneurs et des prêtres. Il se repose d’ailleurs sur la liberté du soin de donner à l’agriculture la plus grande activité et il propose de passer à l’ordre du jour. La discussion s’engage. Grégoire répond aux objections qu’on lui a faites. La Convention décrète l’impression de son travail et l’ajournement de la discussion. Sur la proposition de Fabre-d’Églantine, il est décidé qu’on ne s’occupera de cet objet qu’au grand ordre du jour. Suit le texte du discours de Grégoire d'après le document imprimé par ordre de la Convention. NOUVEAUX DÉVELOPPEMENTS SUR L’ AMÉLIO¬ RATION DE L’AGRICULTURE, PAR L’ÉTABLIS¬ SEMENT DE MAISONS D’ÉCONOMIE RURALE, PRÉSENTÉS PAR LE CITOYEN GRÉGOIRE A LA SÉANCE DU 16 BRUMAIRE, L’AN II DE LA RÉPU¬ BLIQUE UNE ÉT INDIVISIBLE (1). Citoyens, La rareté des subsistances nous donne cette année une grande leçon : nous n’aurions pas éprouvé cet embarras, si l’ancien gouvernement avait consacré à l’amélioration de l’agriculture une partie seulement des trésors qu’il prodi¬ guait pour satisfaire des besoins de fantaisie. Comme rien n’est à négliger quand il s’agit de nourrir le peuple, et que le concours des petits moyens donne quelquefois de grands résultats, je demanderai s’il ne serait pas prudent d’in¬ terdire l’usage des plantes céréales pour l’amidon et la poudre à cheveux, puisque plusieurs plantes bulbeuses pourraient les remplacer. Peut-être serait -il également sage de suppri¬ mer ou du moins de restreindre l’emploi des grains dans la confection de la bière. C’est ce que font quelquefois les Etats du Nord, qui n’ont pas comme nous l’avantage d’avoir des vins. Un septier (2) d’orge employé pour la bière ne donne pas un résultat nutritf aussi avanta¬ geux que s’il était converti en farine. D’ailleurs, il est connu que plusieurs substances pour¬ raient être employées à préparer des boissons saines. Je ne vous présente ces vues que comme des doutes importants à éclaircir, et que vos réflexions convertiront peut-être en certitude. Enfin, nous commençons à croire qu’outre le froment dont les deux tiers du globe ne connaissent pas l’usage, la masse de nos subsistances peut s’accroître d’une foule de plantes potagères, surtout de racines qui sont trop peu cultivées en France; à l’avantage de fournir de bons aliments, elles réunissent celui de produire abondamment et d’être moins exposées à l’intempérie des saisons. (1) Bibliothèque nationale : 18 pages in-8° Le3’, n° 549; Bibliothèque de la Chambre des députés : Collection Portiez (de VOise), t. 324, n° 5. (2) Le septier est au décicade à peu près comme 9 à 8. En vous présentant un . projet pour ranimer notre agriculture, j’ai énoncé quelques vérités de fait qui invoquent toute la sollicitude du législateur. Près du quart de notre territoire est inculte. Aux environs même de Paris, de vastes terrains sont en friche; on m’assure que la seule commune de Meudon en a près de cinq cents arpents (1). Sur la partie cultivée de notre territoire, il est un tiers à qui le système absurde des jachères défend annuellement de produire, et ce qui est mis en rapport est en général mal cultivé. Il ne suffit pas d’autoriser les baux à long terme; peut être serait-il à propos que le sys¬ tème des contributions foncières frappât plus sensiblement sur les baux à terme court, qui sont un des fléaux de notre agriculture. Cette brièveté empêche le fermier d’étendre ses combinaisons; elle étouffe les spéculations. Il n’est pas rare de voir des terres affermées qui, très propres à la culture des arbres, en sont entièrement dégarnies, et d’autres dont les fossés se comblent au point de submerger les terrains adjacents, qui, au lieu de grain, pro¬ duisent des exhalaisons pestiférés. • Le fermier tentera-t-il de saigner ce marais, d’ameublir cette terre trop compacte, de déga¬ ger ce sol de pierres qui l’encombrent, de plan¬ ter, de greffer, de faire des clôtures si néces¬ saires à la multiplication des bestiaux, de for¬ mer des luzernières dont la récolte se prolonge pendant un laps de temps assez long, de porter des marnes, dons l’effet s’étend' sur un grand nombre d’années? Sa jouissance est trop bor¬ nés : il aurait travaillé pour un autre; il se con¬ tente d’enlever à la hâte de faibles moissons sur un sol qui était ruiné quand il l’afferma, et qui sera ruiné quand il le quittera. Un autre abus qui a heu dans presque toute la France, c’est la défense de dénaturer les terres. et d’échanger l’assolement. Sans doute le fer¬ mier porterait au propriétaire un préjudice notable s’il arrachait un bois ou une vigne pour y semer; mais les clauses qui défendent d’intervertir l’assolement sont presque tou¬ jours meurtrières, et je pense que vous devez au plus tôt les proscrire. Les principales causes qui maintiennent le système détestable des jachères, sont les abus que je viens de dénoncer, et de plus, le cours des moissons en France. En variant ses tra¬ vaux, l’homme diminue ses fatigues. Comme l’homme, la terre aime la diversité, elle réclame contre cette monotonie qui la condamne inva¬ riablement à porter une année du froment ou du seigle, à laquelle succède une année en grains de printemps. Le sol fatigué de fournir des sucs de même nature aux mêmes plantes, s’effrite et se refuse à la continuité de cette culture, mais il n’en serait pas de même si l’on variait les cultures sur le même sol en y intercalant le trèfle, la luzerne, le chou, la rabette, les pommes de terre, les navets, ces derniers ne tenant à la terre que par un filet tirent presque toute leur nourriture de l’atmosphère. Il est incontestable que le sol de la Grande-Bretagne est inférieur au nôtre, et cependant par chaque période de neuf ans, les Anglais gagnent sur nous au moins deux récoltes. (1) Le grand arpent est à peu près la moitié de l’are.