148 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 juin 1791.] M. Bnreaux de Pusy, rapporteur des comités de Constitution , militaire, diplomatique, des rapports et des recherches. Messieurs, à l’occasion du décret rendu hier sur l’engagement d’honneur des officiers, il a été fait un amendement portant que dorénavant tout fonctionnaire public prêtant le serment civique, jurerait sur son honneur et se soumettrait expressément, en cas de violation, à la peine d’infamie. Cet amendement a été adopté sauf rédaction. Voici la rédaction que je suis chargé de vous présenter ; elle formerait l’article premier du décret : « Dorénavant, tout fonctionnaire public, en prêtant son serment civique, y comprendra l’engagement d’honneur, sous peine d’infamie. » M. d’Aremberg de Fa lilarek. Je demande la radiation des mots : « sous peine d’infamie », qui sont véritablement superflus et inutiles (Murmures), parce que l’infamie est une conséquence nécessaire de l’engagemeut d’honneur. (L’Assemblée, consultée, décrète l’article proposé par M. Bureaux de Pusy.) M. Bouche. Les mesures qui ont été prises par l’Assemblée à l’égard de l’engagement d’honneur à exiger des officiers ne sont pas suffisantes puisqu’elles ne s’appliquent qu’à une partie de la force publique militaire, à l’armée de terre. Je demande qu’elles soient étendues aux officiers de la marine et que ceux-ci soient obligés, par un décret, à tranquilliser la nation en se soumettant au serment auquel sont assujettis leurs camarades de l’armée de terre. M. de Sillery. J’appuie la motion faite par M. Bouche. M. Bureaux de Pusy, rapporteur. J’adopte et voici la rédaction que je propose : « Lorsque le corps de la marine sera formé d’après la nouvelle organisation décrétée, le même engagement d’honneur, décrété pour les officiers de terre, sera exigé de tous les officiers de la marine, individuellement, au moment où ils recevront leur nouveau grade. » (Cette proposition est adoptée.) M. Démeunier. Je demande qu'on retranche du procès-verbal la mention de la proposition faite par M. de Folleville, qui prétend qu’avant de rendre un décret contre M. de Condé il faut d’abord définir ce que c’est qu’un Français, et savoir si M. de Condé est Français et si on peut le condamner à l’être toujours. Il est trop extraordinaire que l’on nous demande si M. de Condé, qui a un droit éventuel à la couronne, est Français. M. de Folleville. Ce que vous a dit M. Démeunier n’est rien moins que démontré. Il attribue à M. de Condé la qualité de citoyen français en s’appuyant sur son droit éventuel à la couronne; or je demande si les droits du roi d’Espagne à la couronne de France ne sont pas plus prochains, plus certains que ceux de M. de Condé, et cependant le roi d’Espagne n’est pas Français. Ainsi la réponse de M. Démeunier n’est pas péremptoire sous ce rapport-là. M. Démeunier. Vous êtes trop galant homme pour me faire dire ce que je n’ai pas dit. M. de Folleville. Il n’y a pas de galant homme. Un membre : Monsieur n’est pas galant homme ; il faut mettre cela dans le procès-verbal. M. Démeunier. M. de Folleville ne veut que faire perdre du temps à l’Assemblée, en l’entraînant dans une discussion pour le moins oiseuse. Je ne crois pas qu’aucun Français veuille renoncer à l’association politique de la France; mais, si elle ne convient pas à M. de Condé, il est le maître de renoncer au titre de citoyen français. M. Delavigne. Pour l’honneur même de M. de Folleville, il faut supprimer la mention d’une proposition qui ne peut que couvrir de honte celui qui l’a faite. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il ne sera pas fait mention au procès-verbal des propositions de M. de Folleville.) M. Bureaux de Pusy, rapporteur. Voici, Messieurs, avec les amendements adoptés, la rédaction définitive du décret relatif au serment à prêter par les officiers et aux mesures propres à rétablir la tranquillité dans le royaume : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu ses comités de Constitution, militaire, diplomatique, des rapports et des recherches, après s’être fait rendre compte des différentes pétitions qui lui ont été adressées, tendant à demander le licenciement de l’armée, ou seulement celui des officiers, déclarant qu’il n’y a lieu à délibérer sur lesdites pétitions, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Dorénavant, tout fonctionnaire public, en prêtant son serment civique, y comprendra rengagement d'honneur , sous peine de l'infamie. Art. 2. « Le roi sera prié de faire remplir dans toutes les divisions et corps d’armée, et sous le plus court délai, par les officiers de tout grade, en activité, en leur qualité de fonctionnaires publics, la formalité qui sera ci-après expliquée. Art. 3. « Chaque général d’armée, et chaque officier général, commandant en chef une division militaire, signera la déclaration suivante : « Je « promets sur mon honneur d’être fidèle à la « loi et au roi ; de ne prendre part directement « ni indirectement, mais au contraire de m’op-« poser de toutes mes forces à toutes conspira-« tions, trames ou complots qui parviendraient « à ma connaissance, et qui pourraient être di-« rigés, soit contre la nation et le roi, soit cou-« tre la Constitution décrétée par l’Assemblée « nationale, et acceptée par le roi ; d’employer « tous les moyens qui me sont confiés par les « décrets de l’Assemblée nationale, acceptés ou « sanctionnés par le roi, pour les faire observer « à ceux qui me sont subordonnés par les « mêmes décrets; consentant, si je manque à « cet engagement, à être regardé comme un « homme infâme, indigne de porter les armes, « et d’être compté au nombre des citoyens « Français. « Cette déclaration sera remise par les généraux d’armée ou autres officiers généraux commandant en chefs les divisions militaires dans le 149 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [i3 juin 1791.] lieu de leur résidence habituelle, aux corps administratifs et municipaux dudit lieu, appelés à cet effet en présence des troupes assemblées et sous les armes. Lesdits corps administratifs et municipaux, après avoir pris connaissance de cette déclaration, et l’avoir transcrite sur leur registre, l’adresseront au ministre de la guerre. Art. 4. « Une déclaration pareille sera remise par les maréchaux de camp employés sous les généraux commandant les divisions, auxdits généraux ; par les colonels des corps, aux maréchaux de camp aux ordres desquels ils se trouvent ; par les officiers de chaque corps, à leurs colonels ou commandants respectifs; et toutes ces déclarations passant de grade en grade, parviendront aux généraux commandants de divisions, qui les adresseront au ministre de la guerre. Art. 5. « Faute de la part d’un officier, de quelque grade qu’il soit, de se conformer aux dispositions des articles précédents, dans le délai qui sera fixé par le roi, il sera réformé par le fait même de son refus ; et en conséquence il lui sera attribué pour traitement de réforme le quart du traitement dont il jouit actuellement, à moins que, conformément au décret du 3 août 1790, il n’ait droit par son ancienneté à un traitement plus considérable, qui dans ce cas lui serait accordé. Art. 6. « L’Assemblée nationale, prenant en considération le malheur d’hommes libres qu’abuseraient des préjugés invétérés ou des suggestions coupables, défend qu’il soit fait aucune insulte ou mauvais traitement à ceux qui pourraient refuser de se conformer aux dispositions des articles 3 et 4 du présent décret, enjoignant aux dépositaires des lois et de la force publique, de leur accorder la protection due à tout citoyen qui ne trouble point l’ordre de la société. Art. 7. « Chaque colonel ou commandant de régiment, après avoir reçu la déclaration signée des officiers, et après avoir fait, conformément à la loi, les remplacements qui pourraient être nécessités par la réforme de ceux desdits oficiers qui ne se seraient pas conformés au présent décret, assemblera le régiment, et lui donnera connaissance de l’engagement d’honneur contracté par les officiers présents ; après quoi les sous-officiers et soldats, levant la main en signe d’acquiescement et d’adhésion, s’associeront au même engagement. Art. 8. « Le ministre de la guerre rendra public, par la voie de l’impression, le tableau de tous les officiers de l’armée qui auront rempli l’obligation prescrite par les articles ci-dessus; et nul individu de ceux qui ont droit à remplacement dans l’armée, ne sera remplacé qu’auparavant il n’ait rempli la même obligation. Art. 9. « Les officiers actuellement au service, et qui auront satisfait au présent décret, recevront du roi une lettre de confirmation, ainsi conçue : « Louis, etc., « Sur le compte qui nous a été rendu que N. {un tel) officier du grade de ..... dans le régiment ou dans le corps de ..... avait rempli l’obligation prescrite par les articles 3 et 4 du decret de l’Assemblée nationale des 11 et 13 juin 1791, le confirmons, au nom delà nation et au nôtre, comme chef suprême de l’armée, dans son grade et emploi, pour en exercer les fonctions conformément aux lois de l’Etat et aux règlements militaires. « Mandons aux officiers généraux et autres à qui il appartiendra, qu’ils aient à le faire jouir des droits, appointements, honneurs et autorité attachés auxdits grades et emplois : en foi de quoi nous avons signé et fait contresigner ces présentes. Art. 10. « Le roi sera prié d’ordonner à toutes les troupes de ligne, qu’elles aient à se tenir prêtes à se rendre dans des camps d’instruction, où elles s’occuperont d’évolutions et de tous autres exercices relatifs à l’art de la guerre. Art. 11. « Les ministres de la guerre et de la marine rendront compte à l’Assemblée nationale de l’exécution du présent décret. Art. 12. « Le roi sera prié de faire porter sur-le-champ en pied de guerre, tous les régiments destinés à couvrir la frontière du royaume, et de faire approvisionner les arsenaux de munitions suffisantes pour en fournir même les gardes nationales, en proportion du besoin. Art. 13. « Il sera fait incessamment, dans chaque département, une conscription libre de gardes nationales de bonne volonté, dans la proportion de 1 sur 20; à l’effet de quoi, les directoires de chaque district inscriront tous ceux qui se présenteront, et enverront les différents états, avec leurs observations, aux directoires de département, qui, en cas de concurrence, feront un choix parmi ceux qui se seront fait inscrire. Art. 14. « Les volontaires ne pourront se rassembler, ni nommer leurs officiers, que lorsque les besoins de l’Etat l’exigeront, et d’après les ordres du roi envoyés au directoire en vertu du décret du Corps législatif. Les volontaires seront payés par l’Etat lorsqu’ils seront employés au service de la pairie. Art. 15. « L’Assemblée nationale décrète que son président se retirera, dans le jour, par devers le roi, pour le prier de faire notifier, dans le plus court délai possible, à Louis-Joseph de Bourbon-Gondé, que sa résidence près des frontières, entouré de personnes dont les intentions sont notoirement suspectes, annonce des projets coupables. Art. 16. « Qu’à compter de cette déclaration à lui notifiée, Louis-Joseph de Bourbon-Condé sera tenu de rentrer dans le royaume dans ledélaide 15jours, ou de s’éloigner des frontières, en déclarant formellement, dans ce dernier cas, qu'il n’entreprendra jamais rien contre la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale, et acceptée par le roi, ni contre la tranquillité de l'Etat. [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 450 Art. 17. « Et à défaut par Louis-Joseph de Bourbon-Gondé de rentrer dans le royaume, ou, en s’en éloi-nant, de faire la déclaration ci-dessus exprimée, ans la quinzaine de la notification, l’Assemblée nationale le déclare rebelle et déchu de tous droits à la couronne, le rend responsablede tous les mouvements hostiles qui pourraient être dirigés contre la France sur la frontière. « Décrète que ses biens seront séquestrés, et que toute correspondance et communication avec lui ou avec ses complices et adhérents demeureront interdites à tous citoyens français, sans distinction, à peine d’être poursuivis et punis comme traîtres à la patrie ; et dans le cas où il se présenterait en armes sur le territoire de France, enjoint à tous citoyens de lui courir sus, et de se saisir de sa personne, ainsi que de celle de ses complices et adhérents. Art. 18. « Leroi sera prié d’ordonneraux départements, districts, municipalités et tribunaux, de veiller d’une manière spéciale à la conservation des propriétés de Louis-Joseph de Bourbon-Gondé. Art. 19. « Le roi sera également prié d’ordonner aux départements, aux districts, aux municipalités et aux tribunaux, de faire informer contre tous embaucheurs, émissaires et autres, qui entreprendraient d’enrôler ou faire déserter aucun soldat français. » (Ce décret est adopté.) L’ordre du jour est la suite des articles additionnels concernant le complément du Corps législatif (1). M. Thouret, au nom du comité de Constitution. Messieurs, vous avez renvoyé jeudi à votre comité de Constitution divers amendements aux articles additionnels que nous vous avons présentés sur le complément du Corps législatif. Le comité a examiné ces amendements et voici la nouvelle rédaction qu’il vous propose pour le premier article : Art. 1er. « Les percepteurs et receveurs des contributions directes, les préposés à la perception des contributions indirectes, les vérificateurs, inspecteurs, directeurs, régisseurs et administrateurs de ces contributions; les commissaires à la trésorerie nationale, les agents du pouvoir exécutif, révocables à volonté ; ceux qui, à quelque titre que ce soit, sont attachés au service domestique de la maison du roi, et ceux qui, pour des services de même nature, reçoivent des gages et traitements de particuliers , s’ils sont élus membres du Corps législatif , seront tenus d’opter. » (Cette rédaction est adoptée.) M. Thouret, rapporteur. Pour le deuxième article, dont vous avez également renvoyé la rédaction au comité, voici ce que nous proposons : Art. 2. « L’exercice des fonctions municipales, admi-(1) Voyez ci-dessus, séance du 9 juin 1791, au matin, p. 78. 113 juin 1791.] nistratives, judiciaires, et de commandant de la garde nationale,- sera incompatible avec celles de représentant au Corps législatif, pendant toute la durée de la législature. » (Cette rédaction est adoptée.) M. Thouret, rapporteur. Il s’agit maintenant, Messieurs, de décréter le mode de remplacement pour les fonctionnaires publics qui ne peuvent remplir aucune fonction pendant la durée entière de la législature. Nous avons observé qu’il y avait là-dessus une distinction devenue nécessaire par votre précédent décret. Les membres des administrations de département et de district, les procureurs syndics, tous les membres des corps municipaux, y compris les procureurs des communes, sont maintenant dans l’impossibilité de faire la moindre fonction pendant le temps de la durée de la législature. Or, leurs fonctions ne peuvent pas durer au delà du temps de la législature; par conséquent ils doivent, par l’effet de votre décret, être remplacés comme dans le cas de mort ou de démission. Mais il n’en est pas de même par rapport aux juges, parce que leurs fonctions dureront bien au delà d’une législature : il faut donc qu’ils soient remplacés pendant la durée de la législature, et ils doivent l’être par leurs suppléants. Quant aux commissaires du roi, il faut qu’ils soient remplacés par le roi, par commission, tant que durera la législature. Voici, Messieurs, les deux articles que nous vous proposons à ce sujet : Art. 3. « Les membres des administrations de département et de district, les procureurs généraux syndics, et les procureurs syndics, les maires, officiers municipaux, et procureurs des communes, qui seront députés au Corps législatif, seront remplacés comme dans le cas de mort ou de démission. Art. 4. « Les juges seront remplacés, pendant la durée de la législature, par leurs suppléants, et le roi pourvoira, par des brevets de commission pour le même temps, au remplacement de ses commissaires auprès des tribunaux. » (Ces deux articles sont successivement mis aux voix et adoptés.) M. Thonret, rapporteur. Vous avez également renvoyé jeudi au comité un amendement tendant à ce que les militaires qui seraient députés au Corps législatif ne puissent pas quitter leurs fonctions au Corps législatif et aller prendre un commandement de troupes sans l’autorisation du Corps législatif. Voici la rédaction que nous vous proposons : Art. 5. « Les militaires qui seront membres du Corps législatif ne pourront pas quitter leurs fonctions de député pour aller prendre le commandement des troupes, sans l’autorisation du Corps législatif. » M. Malès. Je demande qu’on ajoute à l’article après ces mots : « ne pourront pas quitter leurs fonctions de député », ceux-ci : « pendant le temps de la durée de la session » ; car lorsque la législature sera séparée, il sera fort inutile que les militaires... ( Murmures et interruptions.) (L’article 5, mis aux voix, est adopté.)