[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES f 2 nlvôse an 11 169 ( 22 décembre 1703 laquelle ce citoyen fait don à la République de 50 milliers de charbon, et demande qu’il lui soit in¬ diqué un lieu de dépôtpour cette offrande civique. « La Convention nationale décrète qu’il sera fait mention honorable au procès-verbal et inser¬ tion dans le « Bulletin » du don patriotique de 50 milliers de charbons offerte par le citoyen Montenoise, charbonnier. « Le ministre des contributions publiques est chargé de lui envoyer le présent décret, et de lui indiquer le lieu où il peut déposer ce don patriotique (1). » Suit la lettre du citoyen Montenoise (2). « Au Val de Gouhenans, le 18 frimaire, l’an II de la République française, une et indi¬ visible. « Citoyens représentants, « En vertu du décret du 21 septembre dernier (vieux style), qui met à la disposition du conseil exécutif provisoire toutes les matières néces¬ saires à la confection des poudres et salpêtres, toutes les communes étant requises par une lettre du district à faire la déclaration de toutes les matières qui pourraient être ou exister sur leurs territoires, plusieurs de ces communes, dans l’arrondissement, que je connais n’ont fait aucune déclaration sur quelle matière que ce soit; d’autres ont déclaré qu’elles ne connais¬ saient aucune de ces matières sur leur territoire. Eh bien ! moi, en vrai républicain, je ne peux me taire à de pareilles déclarations, connaissant bien leur fausseté sur plusieurs de ces matières. « Mais, c’est le bois de Bourdenne qui m’inté¬ resse et qui fait le sujet de cette lettre, puisque c’est cette matière que je travaille depuis long¬ temps, c’est-à-dire de distance en distance d’in¬ tervalle de deux ou trois ans. Mais, depuis trois ans, j’ai fait toutes mes diligences possibles à remplir le magasin à charbon du moulin à poudre près Colmar, dont je m’étais chargé, et je l’ai fait, et il me reste encore quelques milliers de charbon et beaucoup de bois où je pourrai en fabriquer la campagne prochaine, si on ne le détruit pas; et voilà pourquoi j’ai tant à cœur quand je vois la destruction de ce bois-là. Oui, je veux le dire, des communes où croît le plus ce bois-là, soit par malice ou ne connaissant l’uti¬ lité, la nécessité de cette matière, délibèrent et ont délibéré depuis qu’elles sont maîtresses de leurs bois, que tous coupeurs d’échalas, fabri¬ cants de paniers, vanniers et autres ne coupe¬ ront que de la revenue (sic) du bois de Bour¬ denne, parce que, disent-ils, « que c’est un bois de nul rapport, et que pour la vigne il est très durable ». Je prévois, représentants, que, par de pareils délits, dans peu la féréation (sic) des moulins à poudre pourrait survenir, surtout en Franche-Comté et en Alsace, s’il n’y a de sérieuses et promptes peines portées contre ceux qui se trouveront en contravention. « Enfin, pour dire en deux mots, le résultat (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 51. (2) Archives nationales, carton C 286, dossier 849, pièce 29. de cette lettre est que je demande et que j’espère que la coupe du bois de Bourdenne soit absolument défendue et que ledit bois ne soit mis dans aucun ouvrage quel qu’il puisse être, que pour les poudres et salpêtres, et fabriqué par ceux qui connaissent la facture (sic). « Je suis trop long, chers représentants, je vous prie d’excuser toute la simplicité et la pla¬ titude que renferme ce barborion (sic). Elles sortent de la tête du charbonnier, mais grand républicain. Fier de ce nom, le Français por¬ tera la terreur jusqu’aux extrémités de la terre. Sans doute ou peut-être cette lettre n’aura aucune suite sur les hypocrites et fanatiques qui, s’ils [le] pouvaient, ils anéantiraient toutes les matières nécessaires pour nous défendre et faire tomber notre sainte et inimaginable Constitu¬ tion. Oui, je vous reconnais, malgré tous les tyrans, et je vous reconnaîtrai et vous regar¬ derai tant que la lumière du jour m’éclairera, comme mes pères de. qui et par qui je tiens l’être (sic) de la liberté, de l’égalité, par qui je suis été racheté de la contagion de nos ci-devant rois et princes (sic) dont nos pères ont été les victimes depuis une trop longue suite d’années. Vous êtes mes pères, je veux suivre et respecter vos lois, et voilà pourquoi j’offre encore aujour¬ d’hui 50 milliers de charbon à la République, gratis. Je vous prie, s’il plaît de me faire par¬ venir une note où je pourrai le conduire le plus tôt possible, afin que j’en puisse fabriquer autant que je pourrai. Gagner ma vie, voilà tout ce que je demande, malgré que je suis né d’une fortune très basse. « Je demande que vous me fassiez passer une note où je dois conduire cette marchandise, c’est parce que je ne connais pas de moulin où il serait à propos de conduire celui que j’ai et celui que je fabriquerai par la suite; je ne vou¬ drais pas que cette matière soit perdue dans un temps où elle est très nécessaire. « Je suis, en attendant, avec la soumission la plus grande, votre très humble et très obéissant serviteur. « Montenoise, charbonnier des poudres et salpêtres pour le service de la (République , présentement au Val de Gouhenans, district de Lure, département de la Haute-Saône. Compte rendu du Moniteur universel (1). Barère-Chaque jour nous acquérons la preuve que ce sont les sans-culottes qui sont généreux, que ce sont eux qui aiment la patrie et la servent. Le citoyen Montenoise, charbonnier, a écrit au comité qu’il faisait don à la République de 50 milliers de charbon; il demande qu’on lui indique la destination qu’on veut donner à son offrande. Je vous propose de décréter la mention hono¬ rable du patriotisme de ce citoyen. Cette proposition est décrétée. Une députation de la Société des Amis de l’éga¬ lité et de la liberté, séant aux Jacobins, est intro¬ duite à la barre. Elle présente une adresse éner-(1) Moniteur universel [n° 94 du 4 nivôse an II (mardi 24 décembre 1793), p. 380, col. 2], ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j J '’79;. 170 [Convention nationale.] gique sur la nécessité et les moyens de se pré¬ cautionner contre les derniers efforts de l’aris¬ tocratie expirante. La Convention nationale or¬ donne la mention honorable de cette adresse, son insertion au « Bulletin » et la renvoie à son comité de sûreté générale pour lui en faire un prompt rapport (1). Suit le texte de l’adresse de la Société des Jaco¬ bins d'après le Bulletin de la Convention (2). TJ ne députation a été admise à la barre. L’orateur a prononcé le discours suivant : « Citoyens représentants, « Vous avez sauvé la République en plaçant la terreur à l’ordre du jour; le conspirateur interdit s’est caché dans l’ombre, les malveillants dis¬ persés ont abandonné leurs projets liberticides, l’égoïste épouvanté est enfin venu au secours de la République, son coffre-fort s’est ouvert, l’or qu’il avait enfoui est entré dans le Trésor public, l’imposteur qui avait bâti sa fortune sur la cré¬ dulité humaine, et abusé de sa longue erreur des siècles, a lui-même soulevé le voile mysté¬ rieux qui couvrait tous ces prestiges : la Conven¬ tion jouissait du plus glorieux triomphe. Après avoir fondé la République, elle établissait le règne de la raison, conservatrice de tous les droits de l’homme, et base unique de la félicité générale : quelle criminelle intrigue, quelle auda¬ cieuse coalition veut l’arrêter dans sa carrière, et la priver du. prix de ses travaux ? Législateurs, les ennemis du peuple que vous avez enchaînés font un dernier effort pour se soustraire à la toute-puissance de la loi; ce n’est plus par la force qu’ils luttent contre nous, c’est par la ruse qu’ils se flattent de nous réduire : la minorité révoltée croit en imposer à la masse invincible du peuple. Vous avez vu une foule turbulente se précipiter à vos comités et à votre barre pour vous proposer de rétrograder. La voix des Circés a retenti autour de vos oreilles; des femmes, des enfants vous ont demandé leurs époux et leurs pères : c’est ainsi que pour vous réduire et faire fléchir votre courage, on a pris tous les masques et toutes les attitudes. Des débris fumants d’une ville rebelle des orateurs captieux se sont élancés pour exciter votre pitié; ils ont tenté de vous effrayer par des tableaux terribles composés avec art, pour donner le change à votre sensibilité. « Vous n’avez entendu que la voix de la patrie; elle a étouffé les cris de la rage déçue des cons¬ pirateurs. Vous avez été inflexibles. Plus vous avez montré d’autorité, plus vos ennemis et les nôtres ont redoublé d’astuce; désespérant de se soustraire à la vengeance nationale, ils ont formé le projet d’engloutir les patriotes eux-mêmes dans le gouffre prêt à les dévorer; ils ont em¬ ployé l’arme la plus funeste, celle de la calomnie, contre les plus ardents défenseurs de la liberté. « Des nuages se sont élevés sur les meilleurs (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 52. (2) Bulletin de la Convention du 3e jour de la lre décade du 4e mois de l’an II (lundi 23 dé¬ cembre 1793). citoyens; la pomme de discorde a été jetée au milieu d’eux : on a imaginé des conspirations fantastiques, pour faire oublier des conspira¬ tions réelles; une stupeur indéfinissable s’est emparée de tous les esprits; tous les bons ci¬ toyens se cherchaient et ne se trouvaient plus. Les intrigants ont redoublé d’audace, les mo¬ dérés sont devenus brûlants; l’un, rampant, est sorti de la fange pour lancer son dard imper¬ ceptible contre la vertu. Les amis sincères de la liberté cherchent la lumière au milieu de ce brouillard épais et de ce tourbillon contre-révolutionnaire. Nos ennemis, en précipitant leur vengeance, se sont décelés eux-mêmes. La mine est enfin éventée; son explosion n’est plus à craindre. Vous avez été abusés, législateurs : votre religion a été trompée sur des rapports mensongers et des dénonciations controuvées : on vous a sur¬ pris des décrets d’arrestation contre d’excellents patriotes. Le général de l’armée révolutionnaire, envoyé par les représentants du peuple de Ville-Affranchie pour une1 mission importante, a été mis dans les fers sans être entendu; d’autres patriotes ont été frappés simultanément, et l’on menace tous les hommes à caractère, les fonda¬ teurs de la République. « Il est évident, législateurs, qu’une nouvelle trame est ourdie contre la sûreté générale; on veut confondre le crime et la vertu, proscrire l’innocent et le coupable, pour forcer les pa¬ triotes à une capitulation honteuse; on parle même d’une amnistie en faveur de tous les détenus indistinctement. Nous sommes loiir de croire que la Convention, qui s’est couverte de tant de gloire, en se purgeant elle-même, et en livrant au glaive vengeur des lois les cou¬ pables qu’elle renfermait dans son sein; nous ne croirons jamais qu’elle puisse oublier ainsi les intérêts de la République. Mais telle est l’audace de nos ennemis, tel est le piège que l’on vous tend, législateurs. « Il est du devoir des républicains qui veillent autour de vous, et qui ne cesseront de vous ser¬ vir de rempart contre toutes les atteintes des malveillants, et de vous dénoncer les complots, pour les faire cesser et pour ôter sans retour toute espérance aux ennemis du peuple, de troubler vos glorieux travaux. « Nous vous demandons d’ordonner que le rap¬ port sur ceux de vos membres que vous avez mis en état d’arrestation, vous soit définitive¬ ment présenté. « Nous vous demandons que la conspiration annoncée par le comité de sûreté générale soit enfin dévoilée; il faut que nous connaissions tous les traîtres. « Tel est le vœu que la Société des amis de la liberté et de l’égalité nous a chargés de vous présenter. « D’après le rapport du représentant Collot, d’après les renseignements qu’il a pris Sur la conduite du général Ronsin et du patriote Vincent, aucuns soupçons fondés ne paraissent s’élever contre ces deux républicains. La Société, au contraire, a la conviction intime qu’ils ont été accusés à tort, et par ceux qui n’avaient d’autres crimes à leur reprocher que d’avoir traversé leurs manœuvres. « Législateurs, vous dénoncer l’injustice, c’est être assuré d’une réparation éclatante. Nous vous demandons le prompt châtiment des accu¬ sés s’ils sont coupables; mais aussi une justice exemplaire s’ils sont innocents. »