SÉANCE DU 16 FRUCTIDOR AN II (2 SEPTEMBRE 1794) - N* 46-48 197 rieur de la République; et il est bien notoire que sur tous les points de la frontière il a multiplié ses vedettes et ses patrouilles à un tel point qu’il est devenu moralement impossible aux patriotes qui avaient le malheur d’exister au milieu de ces monstres d’échapper à leur surveillance et de pénétrer dans l’intérieur. Le second fait que je viens annoncer a produit le même résultat, quoiqu’il fût dirigé par un esprit tout différent. C’est qu’un de nos collègues, en mission près l’armée du Nord, a pris, le 10 octobre 1793 (vieux style), un arrêté par lequel il a défendu, sous peine de mort, à tout citoyen des communes envahies de rentrer dans l’intérieur. Cette mesure était politique, peut-être même nécessaire, surtout pour arrêter l’espionnage; mais elle croisait visiblement celles que vous aviez prises par votre décret du 17 septembre; elle en rendait par conséquent l’exécution impossible, et dès lors nul doute qu’elle n’ait dû empêcher l’application des peines prononcées par ce décret. Votre comité de Législation ne balancera donc pas à vous proposer de rapporter les dispositions du décret du 17 septembre et celles du décret du 26 frimaire, qui en sont les suites, en tant qu’elles s’appliquent à des fonctionnaires publics non militaires. C’est l’objet du projet de décret que je suis chargé de vous soumettre (80). La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Législation, décrète : ARTICLE PREMIER. Les dispositions de l’article II du décret du 17 septembre 1793, et des articles IV et suivants de celui du 26 frimaire, relatifs aux fonctionnaires publics et autres non rentrés dans l’intérieur de la République après l’invasion du lieu de leur résidence ou de l’exercice de leurs fonctions, demeurent restreintes à ceux qui étaient attachés aux armées, ou employés à leur suite, lors de cette invasion. II. Le décret du 26 frimaire continuera d’être exécuté à l’égard des individus mis hors de la loi, tant par le décret du 7 septembre que par celui du 17 du même mois, restreint ainsi qu’il est dit par l’article précédent (81). 46 La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Législation sur la réclamation des greffiers des divers tribunaux, tendante à obtenir les indemnités qui leur sont dues pour les frais extraordinaires qu’ils ont supportés dans l’expédition des affaires criminelles, dé-crête * ARTICLE PREMIER. Les indemnités dues aux greffiers des tribunaux de district (80) Moniteur, XXI, 664. (81) P.-V., XLV, 14. C 318, pl. 1282, p. 27, minute de la main de Merlin (de Douai). Décret n° 10 679. M.U., XLIII, 284; J.S.-Culottes, n° 566; J. Perlet, n° 711. pour l’expédition des affaires criminelles jusqu’au premier janvier 1793, en conformité du décret du 29 septembre 1791, sont fixées à 5 s. par rôle, à raison de vingt lignes à la page et douze syllabes à la ligne (le papier non compris. II. — Les corps administratifs, chargés d’acquitter les frais de justice, sont autorisés à liquider ces indemnités, en se conformant à l’article premier. III. — Le présent décret sera imprimé au bulletin de correspondance (82). 47 Merlin (de Douai) soumet à la discussion un projet de décret sur les difficultés élevées dans l’exécution de la loi du 2 thermidor, relative à la nécessité d’écrire en français tous les actes publics. Ehrmann et Rühl réclament l’ajournement du projet et même la suspension de la loi première, en ce que la langue française étant peu répandue dans les départements du Rhin, et quelques districts de la Meurthe et de la Moselle, il en résulte que les citoyens ne peuvent contracter entr’eux : avant de leur imposer l’obligation d’écrire en français les actes publics, dit Rühl, il faut le leur enseigner, et ce ne peut être que par la prompte organisation des écoles primaires : dans ces départemens, langages, habits, tout tend à rapprocher les citoyens des Allemands, situés au-delà des rives de la Sarre et de la Moselle, et sans doute vous ne négligerez rien pour briser ces liens et resserer au contraire ceux qui les attachent à notre République, dont les principes sont déjà gravés dans tous les cœurs des habitans de ces contrées (83). La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Législation sur les difficultés qui, dans plusieurs communes, entravent l’exécution de la loi du 2 thermidor, relative à la nécessité d’écrire en français tous les actes publics. Décrète que l’exécution de la loi du 2 thermidor sera suspendue jusqu’à ce qu’il lui ait été fait un nouveau rapport sur cette matière par ses comités de Législation et d’instruction publique (84). La Convention nationale renvoie plusieurs propositions faites sur la nécessité d’anéantir promptement la langue allemande dans les départements du Rhin, et le costume allemand qu’on y porte. Elle décrète la mention honorable d’un vieillard, nommé Stouwer, qui a fait tous ses efforts pour établir dans ces contrées la langue française (85). (82) P.-V., XLV, 14-15. 'Bull., 16 fruct. C 318, pl. 1282, p. 28, minute signée de Bezard. Décret n° 10 683. (83) Débats, n° 713, p. 289. M.U., XLIII, 271; Rép., n° 257; J. Fr., n°708; J. Perlet, n°710; Gazette Fr., n°976; J. Paris, n° 611. (84) P.-V., XLV, 15. Décret n°10 680. Rapporteur: Ehrmann. Bull., 17 fruct.; J. Mont., n° 127; M.U., XLIII, 271; J.S.-Culottes, n° 565. (85) F. de la Républ., n° 426.