[27 mai 4789.] 49 [États généraux.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Alors un membre du clergé présente un projet conciliateur en ces termes : « Les pouvoirs de l’ordre de la noblesse seront portés dans les deux autres Chambres pour que la vérification en soit confirmée ; il en sera usé de même à l’égard des pouvoirs des députés du clergé et du tiers-état. S’il s’élève des difficultés sur les pouvoirs des députés de quelque ordre, il sera nommé des commissaires" dans chacune des trois Chambres selon la proportion établie; ils rapporteront dans leur Chambre leur avis, et, s’il arrivait que les jugements des Chambres fussent différents, la question sera jugée par les trois ordres réunis, sans que cela puisse préjuger la question de l’opinion par ordre ou par tête et sans tirer à conséquence pour l’avenir. » Quelques-uns de MM. de la noblesse annoncent qu’ils doutent que le projet soit adopté dans leur Chambre. Les autres membres du clergé ne disent rien ni pour ni contre le projet. MM. des [communes déclarent qu’ils ne peuvent pas prendre de parti et qu’ils rendront compte à l’Assemblée des communes tant de la conférence que du projet présenté. f Alors la conférence cesse. Aucun jour n’est [indiqué pour la continuer; mais il est dit que, [s’il y a lieu de la reprendre, les Assemblées s’aver-itirohi mutuellement. ÉTATS GÉNÉRAUX. Séance clu mardi 26 mai 1789. • CLERGÉ. La séance est employée à entendre le rapport qes commissaires conciliateurs. Il n’est pris aucune délibération. NOBLESSE. MM. de Bouthilier et d’Antraignes font, au nom des commissaires nommés par la noblesse, le rapport des conférences. Ils disent qu’après des raisonnements et des citations de part et d’autre, les commissaires du tiers-état ont paru Convenir que les faits sont pour la noblesse, mais que les anciens Etats ne peuvent servir de règle; que les membres du tiers-état n’ont fait pucune proposition; qu’après de longs débats et irois propositions faites par la noblesse et le clergé, ils ont annoncé que leurs pouvoirs expiraient. ! La délibération est ouverte sur ce rapport. Sur fa proposition de M. de Villequier, la noblesse prend l’arrêté suivant : j « La Chambre de la noblesse, après avoir en-Î tendu le rapport des commissaires chargés de conférer avec ceux des autres ordres, arrête que, pour cette tenue des Etats généraux, les pouvoirs mont vérifiés séparément, et que l’examen des mntages ou inconvénients qui pourraient exister ms la forme actuelle sera remis à l’époque où s trois ordres s’occuperont des formes à obser-;r pour l’organisation des prochains Etats gé-iraux. » La séance est levée. I Série, T. VIII. COMMUNES. L’Assemblée des communes ayant déterminé qu’il serait établi un règlement provisoire de discipline et de bon ordre, on demande si tes commissaires rédacteurs de ce règlement seront choisis par tous les députés ou par MM. du bureau à la majorité des suffrages. Il est décidé que M. le doyen et les adjoints seront autorisés à choisir parmi eux le nombre de commissaires pour la rédaction de ce plan. Les commissaires conciliateurs font à l’Assemblée le rapport des conférences. Elles n’ont eu pour objet que la vérification des pouvoirs. M. Rabaud deSainldEtienne présente le plan qu’on a suivi, et les divisions de preuves et de fait qui ont été soumises à l’examen des commissaires. Cette division s’est rapportée au droit positif, c’est à dire aux témoignages fournis par l’histoire, et au droit naturel, c’est-à-dire aux raisons d’équité, et aux principes de liberté et de constitution sociale. Il annonce que M. Mounier s’est chargé de rendre compte à l’Assemblée des motifs de discussion employés dans la première partie, et M. Target de ceux développés dans la seconde. MM. mounier et Target sont entendus successivement et sont entrés dans les détails de discussion qui ont fait l’objet des conférences dont on a rendu compte. M. Rabaud de Saint-Etienne termine le rapport en annonçant les moyens de conciliation offerts par MM. de la noblesse, qui consistent à vérifier les pouvoirs à part, mais à soumettre les constatations qui pourront en dériver au jugement des commissaires nommés par les trois ordres; et enfin celui présenté par M. le curé de Souppes, qui propose, dans le cas où le jugement des Chambres serait différent, que la difficulté fût jugée par les trois ordres réunis. 11 a observé que les autres commissaires du clergé ont gardé le silence sur cette ouverture. ÉTATS GÉNÉRAUX. Séance du mercredi 27 mai 1789. CLERGÉ. M. Target, portant la parole au nom de la députation envoyée vers le clergé, dit aux députés de cet ordre « que ceux des communes les priaient et les adjuraient au nom du Dieu de paix, dont ils étaient les ministres, et au nom de la nation, de se réunir à eux dans la sallêf de l’Assemblée générale, afin de chercher ensemble les moyens d’établir la paix et la concorde. » Après avoir appuyé cette invitation de tous les motifs qui devaient déterminer à l’accueillir, il prie le clergé de vouloir bien délibérer tout de suite sur l’objet de sa mission. M. le Président répond que l’ordre du clergé va s’occuper avec zèle d’une matière d’un si grand intérêt. Plusieurs membres du clergé, au nombre desquels était M. de Lubersac, évêque de Chartres , proposent par acclamation de se rendre sur-le-champ à l’Assemblée des communes; mais un 4 ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [27 mai 1789.] gQ [Étals généraux.] autre évêque dit : J’ai interrogé deux membres de la députation pour savoir si la réunion proposée a pour objet de consulter ou de délibérer. Us m’ont répondu qu’on entend délibérer, et que, dans cette délibération les voix seront recueillies par tête; cette déclaration, modère les premières dispositions. La proposition des communes devient l’objet d’une discussion. Après de longs débats, et l’heure étant trop avancée, il est arrêté d’envoyer aux communes une députation chargée de déclarer que les membres du clergé prennent en grande considération la proposition de MM. du tiers-état, et sont très-empressés de leur faire une réponse; qu’ils s’en occupent continuellement ; mais que la séance ayant été prolongée au delà de trois heures, ils se séparent et remettent la séance à demain pour continuer à s’en occuper. Cette députation se rend à l’instant même dans la salle des communes qui étaient restées assemblées pour attendre le résultat de leur démarche. NOBLESSE. La Chambre de la noblesse n’est occupée d’aucune délibération importante. La séance est levée. COMMUNES. A l’ouverture de la séance, on fait lecture de l’arrêté pris hier par la noblesse. Cet arrêté avait été trouvé sur le bureau. M. Camusat de Beloinbre. Puisque nous avons échoué dans le projet de conciliation, que nous avons épuisé tous les procédés, la nation ne peut se refuser sans doute à rendre justice à la sage lenteur de nos opérations; elle nous applaudira dans le choix des commissaires appelés à opérer un si grand œuvre. Il faut enfin prendre un parti, et peut-être en venir au moyen rigoureux, mais nécessaire, proposé par M. Chapelier. Mais avant de nous décider sur ce point, ne convient-il pas, Messieurs, d’envoyer des députés au clergé, pour le prier de continuer encore le rôle de conciliateur entre nous et la noblesse, ou plutôt pour tenter encore de nouveaux efforts auprès du second ordre, ou se joindre à nous, et commencer les importantes fonctions auxquelles nous sommes appelés? Je suis instruit que, et j’ose le dire, la pluralité des membres du clergé est en notre faveur ; il n’attend que le moment pour se déclarer. Un second député propose les mêmes objets, en y ajoutant : Jusqu’ici je ne vous ai proposé que des points que le préôpinant avait déjà développés; mais cependant telle est la différence qui existe entre nos deux motions : il ne faut pas en douter, la conciliation devient impossible ; la résistance de la noblesse, son opiniâtreté dans ses principes, ne nous laissent plus qu’un seul parti à prendre : c’est d’envoyer vers le clergé des commissaires pour le prier de se joindre aux communes, et commencer sur-le-champ les travaux. Le clergé doit maintenant renoncer au rôle de conciliateur; 1 est temps de le faire sortir de son inaction. Un autre député propose la même chose en des termes différents. M. de Courte!!. J’expose que j’ai à déclarer à l’Assemblée un fait qu’elle doit peser dans sa sagesse, et qui peut influer dans la délibération. Je sais particulièrement qu’un des membres de la noblesse s’étant écrié, après que l’arrêté fut pris : qu’on ne pouvait plus en faire un autre; que celui-là décidait de tout... toute la Chambre a rejeté avec empressement une adhésion qui les attachait pour toujours à leur arrêté. De là on peut espérer que la noblesse n’est pas tout à fait aliénée, qu’elle peut encore revenir, et que dès lors il n’est peut-être pas nécessaire de forcer la noblesse à se joindre tout à l’heure aux communes. M. Populus. Toutes les motions que vous venez d’entendre ne portent que sur une base fausse, la fin des conférences et l’arrêté de la noblesse. Quant aux conférences, elles ne sont pas achevées ; hier encore nous avons prié nos commissaires de continuer. Relativement à l’ab-rêté, nous pouvons croire individuellement qu’il existe ; mais positivement nous devons l’ignorer : tant que la noblesse ne nous en aura pas donné connaissance, nous devons penser que les conférences sont toujours en activité. A quel moyen devons-nous donc recourir? Jè crois que nous devons faire demander par nos commissaires, aux deux autres ordres, quel est le résultat des conférences, et c’est alors que nous verrons quel parti il nous reste à prendre. M. le comte de Mirabeau (1). Je ne vois rien que de sage et de mesuré dans la motion qui vous est soumise, et je conviens que l’on peut, sans inconvénient, se donner encore le mérite de cet inutile essai ; mais je vous prie d’examiner s’il ne serait pas bon d’y joindre une autre démarche plus efficace, et qui ait un but plus déterminé. 11 est clair, d’après le rapport de nos commissaires, que la proposition qu’on leur a faite est entièrement inacceptable. Elle choque tous nos principes ; elle excède nos pouvoirs. 11 est et il sera à jamais impossible de suppléer, dans une vérification par commissaires, à la sand-tion des Etats généraux réunis ; il ne l’est pas moins que des conventions qui intéressent les ordres respectifs ne soient pas débattues par les trois ordres, en présence les uns des autres. Il l’est encore davantage qu’un ordre en particulier devienne le juge des questions qui intéressent les deux autres. Chaque ordre n’est que partie; les Etats généraux sont seuls juges. Admettre une vérification des pouvoirs séparée et partielle, ce serait d’ailleurs vouloir être agité d’un éternel conflit de juridiction, susciter une foule de procès interminables. La vérification par commissaires excède nos pouvoirs. Investis de la puissance nationale, autant du moins qu’une espèce de législature provisoire peut l’être, nous ne le sommes pas du droit de la déléguer. Nous ne pouvons pas subroger dés juges à notre place ; la conséquence du principe contraire serait que nous pourrions limiter les Etats généraux, les circonscrire, les dénaturer, les réduire, enfin nommer des dictateurs. Une telle prétention serait criminelle autant qu’absurde. Ce serait une usurpation delà souveraineté, qui ferait sortir de cette Assemblée une véritable (t) Le discours de Mirabeau est incomplet au Moniteur.