554 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 déeembre 1789.1 revenu n’est point un bénéfice réel; qu'il est entièrement fictif et illusoire, et que la perte de l’aisance générale et du bonheur public est la seule réalité que présente la loterie. Tout est chimérique ou stérile dans ce funeste établissement, depuis les illusions du joueur, jusqu’au produit du bénéfice pour le fisc. Qui pourra calculer les non-valeurs de toute espèce qu’opère la loterie? Combien de millions sont détruits par ces 9 millions? Combien de branches de revenu public sont desséchées? Combien de richesses véritables sont taries dans leur source, et par les vices qu’engendre ce fléau, et par la stérilité dont il frappe tout ce qu’il touche ? Qu’au lieu d’être dissipés par le peuple, et enlevés par les étrangers, les 15 millions qui ont produit en apparence 9 millions au Trésor de l’Etat, soient employés, d’une part, à augmenter les consommations journalières des citoyens; de l’autre, à accroître leurs facultés et leur industrie, n’est-il pas sensible que, de cette nouvelle et légitime destination, le Trésor public lui-même doit s’enrichir ? N’est-il pas incontestable qu’il doit en résulter d’abord une augmentation de revenu public en raison d’une plus grande consommation et puis un fonds de richesse nationale toujours croissant par l’industrie du peuple dont l’aisance laborieuse entretient tous les canaux de la fortune publique? Il faut se reporter sans cesse à cet axiome éternel de toute constitution, que la richesse d’un Etat s’identifie sous tous ses rapports avec celle des citoyens; que l’une et l’autre n’est que l’excès des produits sur les consommations; que l’une se compense nécessairement par l’autre; qu’elle ne peut même avoir d’autre principe, d’autre source; et que par conséquent, tout ce qui ruine les peuples, appauvrit aussi le Trésor public. C’est donc bien faussement que l’on a regardé comme un revenu véritable les neuf millions de la loterie, fruits malheureux de tant de ruines et de désastres : et ce revenu, quand il serait aussi réel qu’il est illusoire, pourrait-il être conservé? Ne sera-ce pas un principe inviolable pour les représentants de la nation, que, s’il est nécessaire de réduire considérablement le déficit , par la suppression de toute dépense inutile, il est d’une justice non moins exacte de l’accroître sur certains points, par la proscription de toute recette illégitime ? Et en fut-il jamais de plus illégitime, que celle qui provient de la loterie? En fut-il de plus féconde en calamités? Au prix de neuf millions, arrachés à la misère par les moyens les plus honteux et les plus profondément injustes, que voit-on én effet tous les ans ? Des races éteintes ; les hôpitaux, les prisons peuplés de nouvelles victimes ; le peuple découragé, corrompu, appauvri ; des milliers de citoyens dépravés par la cupidité, égarés par des illusions, aimant mieux rêver leur fortune que s’occuper des moyens de la faire ; les uns perdant dans de vains calculs leur intelligence et leur raison ; d’autres livrés tour à tour à des angoisses cruelles, à des désirs criminels : les banqueroutes se déclarent ; les suicides se commettent : les crimes se succèdent ..... Qui osera penser que neuf millions, même véritables, mais provenant d’une source aussi corrompue, puissent racheter tant de malheurs aux yeux de la nation assemblée ? Ces raisons qui sollicitent avec force la proscription de la loterie, ces raisons que consacrent les vœux les plus purs de la nation, et que nous n’avons fait que recueillir au sein de l’opinion générale, nous ont paru, dans leur rapprochement, pouvoir être offertes au public. Nous avons pensé que le développement de ces idées, quelque imparfait qu’il soit, pourrait peut-être concourir à accélérer la ruine de ce funeste établissement : car en appelant de plus en plus l’attention publique sur les maux dont il est la source ; en mettant sous les regards de tous les citoyens ses dangers et ses ravages; en les pénétrant de son injustice et de son immoralité, non-seulement on détruit l’illusion qui en est le premier soutien, mais on peut même espérer d’accroître et d’affermir à tel point dans les esprits la juste indignation qu’il inspire, que chacun soit prêt à s’imposer des sacrifices, s’ils sont nécessaires, pour être délivré à jamais de ce fléau, qui trop longtemps a fait le malheur de la nation. 3e ANNEXE à la séance de l’Assemblée nationale du 12 décembre 1789. Réflexions sur l’établissement des milices nationales par M. le comte de Custioe (1). Sans doute il faut des milices nationales à la France ; il est de même incontestable que l’établissement antique de ces moyens de défense donnés au royaume depuis longtemps, était devenu abusif, par la classe immense de citoyens qui s’étaient soustraits à cette charge; tous doivent y être assujettis, puisque tous ont un égal intérêt à la défense commune. 11 suit de cette vérité nationale, que depuis l’âge de dix-huit jusqu’à quarante-huit ans, tout homme se doit à la défense de son pays, s’il est attaqué, ou enfin doit coopérer à la gloire de ses armes, s’il est obligé de les porter chez des nations devenues ennemies. Il suit encore de cette vérité, que celui qui a un autre état que le service militaire, n’en est pas moins obligé de se faire remplacer dans ce service actif, si le sort vient à l’appeler à la défense de son pays. On doit encore conclure que la seule manière d’être appelé à cet état chez les Français, doit être le sort : une nation naturellement valeureuse, aimant sa liberté, toujours prête à la défendre, ne peut être appelée à ce noble emploi que par l’effet du sort ; s’il en était autrement, tous prétendraient au même honneur; et cependant il doit rester à toutes les classes de la société, des hommes employés à en remplir les devoirs. La justice qui présiderait au tirage des milices, où un homme par famille, y compris les domestiques, se présenterait le jour indiqué pour le tirage qui se ferait dans l’assemblée du district, ne laisserait aucun soupçon sur la manière dont se formerait cette opération. Tout père de famille qui n’aurait point un garçon de dix-huit ans, serait dispensé du tirage, à moins qu’il n’eût plusieurs domestiques : alors l’un d’eux y serait assujetti. Personne ne pourrait se soustraire à cette loi. 11 n’est pas moins certain que les biens de tous les individus ne doivent être également grevés des charges pécuniaires auxquelles nécessite cet établissement. (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTIARES. [12 décembre 1789.] 5KK C'est ici le moment de placer une considération qu’il faut peser. Si la France n’était point un Etat si vaste, parvenu à un si haut degré de richesse, qui, par là, doit exciter la jalousie et la cupidité de ses voisins ; si trois puissances de l’Europe n’avaient point, à elles seules, plus de neuf cent mille hommes en armes, qui peuvent être remplacés par huit millions d’individus classés à cet effet ; si le militaire de ces puissances, toujours actif, toujours formé, n’acquérait pas sans cesse un degré d’instruction qui ne permet plus à la valeur même de lutter sans science contre elle ; les milices nationales devraient sans doute être le seul militaire connu parmi nous aujourd’hui. Mais il est certain que le grand art de la guerre a fait trop de progrès, pour qu’un tel ordre de choses puisse avoir lieu ; il ne l’est pas moins que douze mille hommes de troupes, au point d’instruction de celles de Frédéric, ne puissent détruire les armées les plus nombreuses, constituées comme cellesque formeraient ces milices (1 ); il est cependant possible d’adopter une formation dans laquelle des milices puissent être encadrées de manière à leur donner la science militaire, en l’alliant à l’avantage incalculable d’avoir une armée de citoyens. Sans cette qualité donnée à l’armée, tôt ou tard, dans des mains habiles, elle fournirait au despotisme des moyens auxquels ne pourrait résister l’inexpérience des milices des municipalités, si on les séparait du militaire actif. Cette milice citoyenne, eneadrée dans la constitution militaire, qui en formerait environ les deux tiers, ne servirait que six semaines chaque année, dans les temps morts pour les travaux des villes, et quand la culture peut se passer d’une multitude de bras superflus (2). J’ai toujours pensé que ce moyen était le seul qui pût s’allier avec la liberté d’une nation, qui, pour sa défense, est forcée d’avoir un nombreux militaire. Oui, tout peuple dont les faibles bras se refusent à porter les armes peur la défense de ses foyers, le maintien de sa liberté, mérite les fers qui lui sont réservés, et qu’il portera inévitablement. Dans le court espace de six semaines, que chaque année, les milices nationales se trouveront fondues dans l’armée, exercées deux fois par jour, occupées du soin et de l’entretien de leurs armes, il ne leur restera pas le temps de contracter les vices de l’oisiveté, qui corrompent le militaire dans les grandes villes ; il ne s’agit que de simplifier assez l’instruction du soldat, pour que ce court espace suffise chaque année au (1) J’ai développé ees moyens dans un mémoire sur la constitution militaire ; cette constitution a été l’objet de mes méditations dès mon début dans la carrière militaire. Une longue expérience, quelque usage du commandement, des réflexions faites pendant deux guerres; la connaissance de tous les militaires de l’Europe, de leur organisation m’ont fait réunir une grande quantité de matériaux dont j’avais proposé de former un ensemble pour mettre sous les yeux du conseil de la guerre. Sur son refus, je les ai laissés dans l’oubli. Je me suis occupé de sa rédaction depuis ; il paraîtra un jour, mais lorsque j’y aurai mis la dernière main; ce que le travail auquel je me suis livré dans ce moment ne me permet pas de faire aujourd’hui. (2) Trois mois de rassemblement pour les troupes par année sont beaucoup trop longs, si l’instruction militaire est simplifiée au point où elle doit l’être, et que les vrais principes d’instruction ne soient pas toujours méconnus. maintien de ce qu’il est strictement nécessaire qu’il sache. La première année où joindrait un militaire tiré des milices nationales dans l’infanterie, sa présence serait de trois mois; et dans la cavalerie, de quatre. Il faut que les milices soient indistinctement composées des habitants des villes et des campagnes, seul moyen de réunir les différentes classes de citoyens qui, par leur séparation, jointe aux rivalités et à la différence de leurs intérêts, seraient bientôt ennemis, et ces divisions amèneraient le retour de ce gouvernement vicieux, que nous venons à peine de détruire. L’établissement des milices bourgeoises dans les villes, formé d’une manière permanente, nécessiterait un semblable établissement dans les municipalités des bourgs et des villages. Examinons maintenant si les milices de ces municipalités, toujours formées, rempliraient le but qu’on se propose : ce but est sans doute d’empêcher le citoyen qui s’oppose à l’exécution de la loi, d’en engourdir l’effet, pour y substituer la violence, le brigandage, ou les désordres partiels. L’établissement des milices bourgeoises, formé par les municipalités des villes, pourra, sans doute , empêcher dans leurs enceintes, les désordres occasionnés par quelques citoyens de la dernière classe du peuple, arrêter aussi les discussions qui pourraient s’élever sur les marchés, ou enfin les désordres ou les vols commis par quelques particuliers isolés ; mais qu’une ville entière veuille, par exemple, se soustraire à un droit d’octroi, d’entrée, ou autre, qui forment une partie du revenu de la couronne, intercepter le passage des grains, qu’elle veuille refuser le logement des gens de guerre, et tant d’autres prestations auxquelles forcent les circonstances; qui pourra la contraindre au payement des droits, à se soumettre à ces prestations? Emploiera-t-on à cet effet, au nom de la loi, les municipalités des villes voisines; dès lors l’on fera naître les rivalités, les inimitiés entre les villes ; dès lors s’établira le désir des représailles. Que cet état de division ait lieu dans un instant de crise qu’en résulterait-il? Que la puissance exécutrice, ayant perdu tous moyens de se faire respecter au-dedans pendant le calme, sera forcée de voir, sans s’y opposer, les cités s’entourer de murs élevés pour se garantir des représailles des cités voisines (1). Que l’on ne croie pas que cet état de choses est chimérique : un seul citoyen dans une ville, avec un sang effervescent, une tête exaltée, une élocution facile, pourra, à lui seul, l’établir ; cet ordre de choses est moins loin que l’on ne pense. Les villes en armes verront-elles tranquillement le prix des denrées des cultivateurs, prendre le degré d’accroissement que leur marquera tout naturellement l’augmentation du numéraire , et par conséquent l’avilissement de sa valeur; bientôt on arrivera à vouloir taxer, dans les villes, le prix du fruit du travail du laboureur. Examinons à présent, dans ce nouvel ordre de (1) Lorsque j’ai écrit ce mémoire, ce que je viens d’énoncer était une prédiction ; mais aujourd’hui beaucoup de personnes penseront sûrement que cet état de crise est facile à apercevoir : l’exemple de la ville de Vernon pourrait donner à penser qu’il n’est pas loin de nous. 556 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 décembre 1789. J choses, quel moyen il restera à la puissance exécutrice pour se faire respecter dans les campagnes. Qui dissipera les attroupements de brigands ? Qui contraindra au payement des droits dus à la nation, pour fournir au payement des intérêts et des capitaux de la dette nationale, à l’entretien de la force publique? En cas de refus dans les montagnes du Vivarais et du Gévaudan (par exemple) sera-ce la maréchaussée qui y contraindra? Je demande aux représentants de province, s’ils pensent qu’elle puisse être employée avec succès. Tout officier qui a été en quartier dans ce pays, sait que les impositions ne se payent dans les fermes isolées, que lorsqu’un militaire les vient demander ; c’est ce qui s’appelle la contrainte, dont le nom peut effrayer la philosophie moderne, mais dont la réalité n’est nullement redoutée dans ces pays; l’on prend dans les corps les hommes les plus sages; pour leur donner cette commission que n’oseraient remplir les cavaliers de la maréchaussée, et pourquoi le militaire peut-il s’en acquitter, sans employer ni force ni violence ? C’est que les abitants savent qu’un militaire qu’ils repousseraient, serait remplacé par dix autres. Leursubstituerait-on les milices des villes; dès lors on établirait un état de guerre entre les villes et les campagnes. Seraient-ce les municipalités des campagnes qui, se formant elles-mêmes en milices armées , réprimeraient le brigandage, arrêteraient les voleurs et les assassins, seraient chargées de faire rentrer les revenus publics ? Après avoir armé les villes, on armerait les campagnes : que naîtrai t-il de semblables dispositions ? Que le royaume serait sans cesse dans un état de guerre qui, après quelques années, ne pourrait manquer d’amener l’ignorance, que cet état de guerre serait soutenu par le désir si naturel à l’homme, de jouer un rôle, de commander aux autres. Par l’établissement d’un ordre de choses que l’expérience démontrera avoir tant d’inconvénients que les réflexions seules doivent présenter à l’homme qui consulte sa raison, l’on en viendrait à vouloir que l’on ne se servît jamais du militaire, ou à être juge dans chaque province, des circonstances où on devrait l’employer. Quand l’autorité exécutrice a besoin d’être soutenue pour faire observer la toi au citoyen, ne pas vouloir se servir du militaire, serait, sans doute, dire au soldat qu’il n’est pas citoyen lui-même. Quels instants choisirait-on pour lui faire cette mortelle injure? Celui où tous les corps militaires se sont refusés à servir le despotisme ministériel, accrédité par des préjugés invétérés, que notre seule résistance a pu détruire; ce serait dans l’instant où les préjugés ensevelis dans l’oubli avec leurs fauteurs, couverts comme eux du mépris public; ce serait, dis-je, dans cet instant, que nous sanctionnerions par une loi, que nous regardons le militaire comme formant une caste séparée de la société! Ne prévoit-on pas que cette caste, que l’on séparerait de l’ordre des citoyens, serait, dans des mains habiles, daus celles d’un roi guerrier qui l’aurait commandée contre les ennemis de l’Etat, serait, dis-je, le moyen le plus sûr de replonger la nation dans les fers d’où elle sort à peine ? Ne serait-elle pas un moyen, dans un temps de régence, pour diviser la monarchie? N’est-ce pas la division des intérêts qui a commencé le régime féodal ? Les villes armées, en guerre les unes contre les autres, les campagnes dévastées par les combattants qui ne respiraient plus que de brigandage, n’ont-elles point sollicité l’appui de l’homme riche et puissant, qui pouvait les garantir? n’ont-elles pas consenti à des prestations, pour obtenir leur protection ? n’est-ce pas l’origine de la plupart des droits féodaux qui existent encore aujourd’hui? n’est-ce pas même l'origine des droits de servitude? Dans les terres dépeuplées, dévastées par les guerres dégénérées en brigandage, les seigneurs auxquels il ne restait plus de vassaux, ont cédé la culture avec la propriété de leurs terres à la condition des droits de servitude, qu’ils ont imposés aux colons, auxquels ils les distribuaient. A peine sortis de ce régime odieux , sous lequel si longtemps à gémi l’humanité, les premiers pas de la nation la plus éclairée du monde, vers la liberté, seraient-ils marqués par un établissement qui devrait ramener l’esclavage et serait-il donné à l’esprit humain de ne pouvoir sortir d’un cercle d’erreur, au-dessus duquel l’Assemblée nationale même ne pourra s’élever? J’ai entendu énoncer bien des raisons pour appuyer l’établissement des milices des municipalités; mais, en Suisse, pays le plus libre (1) et le plus heureux de la terre, il n’existe pas une autre force publique , et cependant ce pays jouit de sa liberté, et sa défense est assurée. Jamais il n’a été fait une comparaison plus fausse, sous tous les rapports, que celle de la situation de la Suisse à celle de la France sur ce point. D’abord la Suisse n’a pas d’autre force publique que celle de ses milices ; en France, il y aurait un militaire, quelque peu nombreux qu’il fût, à qui l’on aurait dit : par l’établissement des mi-. lices nationales, vous êtes une caste séparée dans l’Etat, comme je l’ai déjà dit ; vous n’êtes pas des citoyens; cette caste, dans une longue guerre faite, hors de nos foyers, devenue nombreuse par la nécessité, aguerrie par les dangers, enorgueillie par les victoires , humiliée de ne pas être citoyenne, méprisant ceux qui lui refuseraient ce titre, serait le plus puissant, le plus sûr instrument de l’esclavage de la nation, dans les mains d’un roi guerrier. Pouvons-nous nous flatter de n’avoir plus de guerre? Placés au centre de l’Europe, sur un sol riche, sous un ciel tempéré, dans un pays heureux, objet de la jalousie et de l’envie de toutes les puissances voisines, pouvons-nous l’espérer ? La Suisse, au contraire, formée de hautes montagnes , dont un grand nombre sont arides, n’excite l’envie d’aucun de ses voisins , ses citoyens servent dans tout l’univers, retournent , après quelques années, dans leur stérile patrie, y rapportent la science militaire de toutes les grandes puissances de l’Europe, y joignent la valeur et l’expérience. Les citoyens français iront-ils servir dans toute la terre? Que deviendra chez nous l’art militaire, encore dans l’enfance? Bientôt ! bientôt je le prédis , si un tel système est adopté, que la force de cet empire soit fondée sur des milices municipales, la France sera conquise et esclave, (1) Dans plusieurs cantons, il y existe une aristocratie dont le joug est très-dur. Le peuple heureux ! quel est le peuple heureux, dont il se fasse une aussi grande émigration pour servir chez l’étranger ? Dites que les Suisses ont de la frugalité, en général, de la modération, qu’ils ne payent pas d’impôts; et en effet l’aridité de leur sol ne leur permettrait pas d’en payer ; mais l’autorité que les baillis exercent sur eux, paraîtrait aux Français bien dure à supporter. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [12 décembre 1789.] gKl si son chef suprême n’est point militaire , et s’il le devient, 30 années ne s’écouleront pas sans qu’il ait, dans ses mains, le moyen le plus sûr de l’esclavage de la nation. Gardez-vous bien, Français, de séparer l’armée de l’ordre descitoyens.il faut que vos milices soient fondues, tous les ans , dans la composition de votre armée; qu’au bout de six semaines , elles rentrent dans l’ordre des citoyens, que dans cette association il se forme une réunion entre les habitants des villes et ceux des campagnes ; sans cela, deux fléaux : l’anarchie ou l’esclavage : l’un vous menace, et peut-être les verrez-vous fondre l’un et l’autre sur la France. Paris et Lyon, ces deux grandes cités dont la nombreuse population , les manufactures, les divers établissements qu’elles renferment, ne peuvent permettre à une force militaire, de conserver l’esprit d’ordre qui seul lui donne une valeur réelle , doivent chacune avoir un guet assez nombreux pour y maintenir la police , et une milice bourgeoise désignée pour leur sûreté, avec un arsenal pour l’armer ; elle peut être utile dans quelques circonstances. Lyon, enrichi par une manufacture immense, dont le commerce ne peut prendre qu’un grand accroissement sous le régime d’une liberté bien ordonnée , est placée au débouché de la Savoie, dans une partie du royaume ouverte , destituée, dans ses environs, d’établissements militaires ; il n’en est pas même en nombre suffisant dans les provinces voisines , pour défendre cette partie du royaume, en cas d’invasion ; sa milice peut, dans un instant de guerre contre une puissance d’Allemagne, alliée au roi de Sardaigne, être employée utilement, en lui faisant occuper une position reconnue à la rive gauche du Rhône : en y joignant quelques troupes réglées , l’on garantirait d’une invasion cette partie si riche de la France. Les milices de Paris peuvent avoir un autre ob-|et d’utilité, celui de veiller à perpétuité à la liberté de l’Assemblée nationale, que vous pourriez régler ne pouvoir être convoquée qu’à Paris ou à Versailles ; celui enfin, de faire respecter les lois dans un temps de régence : elles seront toujours sans inconvénient pour la liberté du royaume, puisqu’il est si facile de faire rentrer dans le devoir une ville qui a besoin d’approvisionnements aussi immenses, et qui , par cette seule raison, ne peut former aucunetentativecontraire au bien général. Il serait facile au reste du royaume, contre qui elle serait dirigée, de faire avorter ses plans ; d’ailleurs le caractère naturellement doux des habitants de cette grande cité, leur dévouement et leur attachement au sang des rois qui régnent sur eux depuis tant de siècles, doit ôter toute crainte sur une insurrection de la part de cette capitale de l’empire français. Dans le reste du royaume, je n’hésite pas à le dire, l’établissement des milices serait dangereux. Serait ce en divisant sa force, en la répandant dans les villes et les provinces, en les mettant en opposition au sein même de la paix, que ce vaste empire arriverait au degré de force et de puissance que la nature lui a destiné et que les seules erreurs d’un régime nouveau et vicieux pourraient anéantir? La France peut aujourd’hui devenir le premier Empire du monde, mais c’est en se réunissant, pour n’avoir qu’une seule autorité exécutrice, un seul crédit , un crédit national, une seule force, une force nationale ; en apprenant à ceux qui la composent, que leur premier titre est d’être citoyens; en formant les ressorts Recette organisation de telle manière, que les deux tiers , ou au moins la moitié de ce qui la composera, soient citoyens les cinq sixièmes de l’année. En ayant qu’une seule loi de constitution, une loi nationale, qui, gravée dans les cœurs français les pénètre de cette vérité , que l’autorité de la loi est la première de toutes, que tous les agents du pouvoir exécutif soient responsables, par la loi même, de l’emploi qu’ils en auront fait, mais qu’ils ne soient responsables qu’au nom de la loi. Après avoir démontré combien il est instant de détruire les milices des municipalités, il ne s’agit plus que de développer les moyens que je propose, la manière de les lier à la constitution militaire que l’on doit donner au royaume, et qu’il est si nécessaire de fonder sur des bases solides, quand il existe surtout dans l’empire seul deux puissances militaires , dont les armées sont fondées de manière à être indestructibles, et que ces armées se montent , prises collectivement , à 460,000 hommes de troupes de campagne , sans compter les troupes irrégulières, celles de garnison et les régiments d’invalides. Ces troupes ne sont point, comme les nôtres, composées d’enfants de seize ans, faibles, et peu propres à porter les armes , qui au milieu des campagnes pénibles par les marches, telles que sont les campagnes d’Allemagne, surchargent les hôpitaux, sont la ruine des armées, et n’y forment qu’embarras. Dans l’armée impériale, il n’est pas un seul soldat au-dessous de l’âge de dix-huit ans, et dans l’armée prussienne, un seul qui en ait moins de vingt. Le complet de ces troupes ne se compte que d’après ce qui est sous les armes , rang et file ; tandis que dans l’armée française, le complet de faibles bataillons, formés d’hommes imberbes , est composé des congés expirés, des congés limités, des hôpitaux, des déserteurs non contumaces : j’avouerai que ce n’a jamais été sans une vive douleur que j’ai vu se maintenir un tel ordre de choses. Il faut faire succéder à tant d’abus un nouvel ordre permanent et durable , qui donne à la France une constitution militaire d’une autre contexture , et qui donne à la puissance du Roi des Français une armée telle que doit être celle de la nation la plus courageuse. Pour y réussir, il faut d’abord calculer combien la France doit conserver de régiments d’infanterie nationale; et, dans mon opinion , elle doit conserver soixante-seize régiments; en outre quatre régiments suisses et les gardes de ce nom, ou six régiments suisses; enfin ce qui en est nécessaire pour compléter le nombre de ces troupes qui sont entretenues par les cantons, d’après les traités de la France avec ses anciens alliés. Les Suisses sont des alliés trop précieux à conserver, pour que nous ne tenions pas à nos traités avec cette nation, qui couvre une grande frontière du royaume, qui prête à la France une grande force dans les guerres offensives, et lui assure un grand point de tranquillité dans les guerres défensives. Il faut bien se garder de réformer ni officiers ni hommes des régiments suisses actuellement existants. Les hommes des régiments réformés seraient incorporés, comme augmentation dans les régiments conservés, ainsi que les officiers qui excéderaient le nombre nécessaire pour former six bataillons de chasseurs à pied (1). Les capi-(1) L’on prendrait de préférence les officiers qui ne seraient pas suisses de naissance, pour les placer dans {Jgg [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 décembre 1789.] taines et lieutenants réformés auraient demi-solde jusqu’à leur remplacement. Quant aux autres régiments étrangers, l’on en devrait conserver cinq ou six sur le pied des troupes allemandes, et cela, selon que l’on trouverait des princes de l’empire qui voudraient se charger de laisser recruter dans leur pays les régiments qu’ils auraient. Tels pourraient être Nassau, Resse-Darmstat, le régiment du prince de Porentruy, qui de suisse deviendrait allemand, parce que réellement il est composé, en très-grande partie, d’Allemands ; Royal-Deux-Ponts, Royal-Liégeois : quant aux autres régiments qui ne sont allemands que de nom, ils seraient incorporés dans les régiments conservés, pour en garder les hommes; et les officiers, après cette incorporation, seraient réformés, selon leur rang d’ancienneté, les réformés conservant leur demi-paye, jusqu’à kur remplacement. Il peut en effet y avoir un objet politique à conserver au service de la nation des régiments allemands qui, appartenant à des princes étrangers, nous fournissent des recrues de leurs sujets au moyen de légers subsides : ces régiments dans des guerres offensives faites en Allemagne, sont bientôt augmentés chacun de deux bataillons, qui se recrutant dans l’empire, économisent des hommes à la nation, sont faciles à entretenir complets ; et par les officiers qui en commandent les compagnies, et même par ceux qui sont à la tête des régiments, l’on peut attirer au service de Prance l’élite des officiers des armées allemandes. 11 y a autant de politique à une grande nation de se ménager de ces moyens avec sagesse, qu’il est absurde de prodiguer le nom de régiments allemands à des corps composés de Français, et commandés par des chefs devenus français, et domiciliés dans le royaume. Les régiments suisses seraient recrutés conformément aux capitulations faites avec les cantons; et les régiments allemands, par les sujets des princes de l’empire auxquels appartiendraient ces régiments. Car sans cette condition expresse, ces régiments mêmes ne seraient point à conserver. Les régiments irlandais seraient incorporés dans les régiments français, et en vérité on peut dire qu’ils ne changeraient que de nom et de couleur; car ils sont d’avance naturalisés dans le pays dont les régiments les recevraient. La réforme qui serait faite dans les régiments français, serait de cinq régiments: car celui d’Alsace, qui est totalement composé d’Alsaciens, est, à bon droit, à la nation, et devrait être conservé, comme régiment français; et le régiment duRoi, devrait compter pour deux, puisqu'il forme à lui seul sa brigade. Les soixante-seize régiments français exigeraient soixante-douze (1) bataillons de milices ces régiments de chasseurs ; nombre de ces officiers suisses sont alsaciens ou de la principauté de Porentruy, ainsi que du comté de Neufchâtel. (1) L’on voit avec étonnement, sans doute, que 76 régiments d’infanterie française n’exigent que 72 bataillons pour les recruter : cette bizarrerie apparente disparaît dans ma constitution militaire, parce que 4 régiments d’infanterie française, sont toujours, pendant la paix, dans les colonies des deux Indes, qu’ils s’y remplacent, dans les unes, tous les 3 ans, dans les autres tous les quatre, et que ceux qui y arrivent ne se portent au complet de guerre, en y arrivant, que par les. hommes acclimatés des régiments qu’ils remplacent qui volontairement consentent à l’incorporation dans les régiments qui viennent les remplacer. Ce système tient provinciales ou nationales, comme on voudrait les nommer, portant chacun un surnom, celui du régiments d’infanterie française au recrutement duquel ce bataillon serait affecté. Chaque bataillon de cette milice serait formé de cinq compagnies, fortes chacune, en paix, de 432 fusiliers, 12 sergents dont 1 sergent-major et 1 détailleur, 4 tambours, 2 sous-lieutenants, 1 lieutenant et 1 capitaine; la moitié du nombre de ces 432 hommes, c’est-à-dire 216, ou 1,080 fusi-par bataillon, joindraient tous les ans pendant six semaines le régiment d’infanterie dont ils porteraient le nom, où ils seraient incorporés pendant le temps des manœuvres, et les 216 hommes, reste de la compagnie, ne serviraient qu’à compléter, en paix, par remplacement momentané, les 216 premiers hommes de chaque compagnie, qui devraient être incorporés, et qui pourraient ne pas réjoindre, pour cause de maladie. En guerre, ces 216hommessurnumérairesformeraient les compagnies du bataillon de recrues de chaque régiment; ces bataillons seraient employés à former au besoin les garnisons des villes frontières. On s’étonne sans doute, de voir des compagnies (1) et des bataillons d’une aussi grande force que ceux que je propose; mais une longue expérience m’a appris que les bataillons, les compagnies de la faiblesse de celles qui existent aujourd’hui, sont dans un instant fondus, après des marches réitérées. Ii y a un proverbe, bien trivial sans doute, mais qui n’est arrivé jusqu’à nous, que par la grande vérité qu’il renferme : Dieu, dit ce proverbe, est toujours du côté des gros bataillons. Et pourquoi? C’est que les forts bataillons se soutiennent, et que les petits se fondent ; les nombreux bataillons, de l’exiguïté des bataillons français disparaissent en très-peu de temps par les maladies. J’ai vu bien souvent en Amérique, des bataillons de 150 hommes sous les armes. En outre des soixante-douze bataillons qu seraient formés par toutes les milices de toutes les provinces du circuit du royaume, de manière que les hommes qui les composent ne seront pas à plus de quarante ou quarante-cinq lieues communes de France, ou cinquante lieues de poste, des régiments dans lesquels ils devraient être incorporés, en outre de ces bataillons, dis-je, ceux des milices des provinces centrales, dans les pays de montagnes, pourraient être affectés au complément des bataillons de chasseurs que l’on placerait dans ces provinces et dans les pays de plaines, formeraient des bataillons de pionniers, qui y seraient assemblés six semaines chaque à des raisons politiques, que j’ai fait pressentir dans mes différentes productions à l’Assemblée nationale, et c’est le moment de dire ici, qu’un plan morcelé, même dans l’énonciation, perd toute sa valeur ; ce n’est que par l’ensemble de l’édifice qu’on peut le juger, ainsi qu’un architecte. (1) Ces compagnies de milices nationales ne sont d’auss grande force que parce qu'elles n’existeront jamais, dans le nombre double de 432, que sur le contrôle du bataillon et de la compagnie, et que par ce nombre l’on est toujours à meme de remplacer ce qui manquerait au nombre de 216 hommes de chaque compagnie, qui doivent être incorporés et se joindre chaque année, et qui seront toujours à demeure, partie de l’incorporation dans le régiment au recrutement duquel le bataillon est affecté, que parce qu’ils ne demeureront sur le contrôle de la compagnie des milices, que pour connaître s’ils ont besoin d’être remplacés par des hommes des 216, qui forment réellement la compagnie. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 décembre 1789.] 559 année, pour être instruits à ouvrir des routes, faire des chemins de colonne et enfin recevraient les leçons de tous les travaux qui doivent leur être familiers ; à la guerre, ils seraient employés avec les états-majors de l’armée. Je ne pousserai pas plus loin les détails de cette composition, ils suffisent pour faire entendre à l’homme qui a quelques idées militaires, le mécanisme de cette organisation. Porter plus loin ces détails, m’entraînerait dans lepland’une constitution militaire que j’ai conçu depuis plusieurs années, dont j’ai préparé et disposé un grand nombre de matériaux ; mais comme ces idées liées et enchaînées ne peuvent s’adopter les unes indépendantes des autres, que j’en ai fait la triste expérience du vivant du conseil de la guerre, qui avait morcelé, défiguré plusieurs de mes idées, à tel point que je les méconnaissais moi-même, je m’abstiendrai de les produire aujourd’hui, peut-être qu’un jour, pour remplir les instants de mes loisirs, pour Futilité de ceux qui me succéderont, donnerai-je un corps et un ensemble à ces mémoires, qui commencent par les plus petits détails, et finissent parces mouvements de grand ensemble, qui amènent le succès des armées, assurent la force des empires. Je n’ai pas encore trouvé le temps de mettre la dernière main à des mémoires qui appuient une multitude de plans de champs de bataille de l’immortel Frédéric (1), qui marchant sur les traces des Gustave, des Turenueet des Luxembourg, est devenu le maître du grand art de la guerre, que ses généraux, que lui-même ont pratiqué avec tant de succès. Je reviens à mon sujet. Pour atteindre un but aussi désirable que celui d’établir une constitution militaire, dans un Etat comme laFrance, destiné par sa position et sa puissance à jouer le premier rôle en Europe, avec les énormes militaires qui se sont élevés dans le nord de cette partie du monde, qui dans un moment peuvent s’approcher de ses frontières (avec le seul projet apparent de s’attaquer réciproquement) et terminer des querelles qui ne seraient que feintes, par porter sur le Rhin et en Flandre, des armées dont la destination réelle serait d’attaquer la France ; dans cette position, malgré la barrière des places qui assurent la frontière, elle doit avoir une armée au moins égale à celle de l’Empereur; une telle armée serait sa ruine, si l’on ne lui donnait la plus grande solidité, la facilité de se renouveler, en la rendant telle que celles des grandes puissances dont on vient de parler, c’est-à-dire , indestructible par la solidité et la simplicité de sa (1) Tous ces plans de champs de bataille ont été rectifiés sur les lieux par M. Bertier, d’après les plans du général Lauytin, et du comte de Schemeto ; et les détails, je les ai formés d’après la combinaison des histoires de la guerre de sept ans, avec les diverses relations que j’ai pu me procurer en Prusse, dans mes conversations avec les hommes de la première réputation de ce pays, témoins ou acteurs principaux dans ces événements, le tout appliqué au terrain, auxquelles j’ai ajouté quelques réflexions que m’a fait naître l’examen attentif des lieux. Toutes ces réflexions sont accompagnées de plans qui en tracent à l’oeil le dessin, par des papiers de retouche. J’ai un travail fait de la même manière sur tous les simulacres des grands mouvements que j’ai vu exécuter aux armées prussiennes ; et quoique cette entreprise paraisse un peu forte pour un soldat, quelque bon qu’on puisse le dire, quand j’aurai le loisir de mettre la dernière main à cet ouvrage, j’oserai le soumettre au public. formation, la facilité de la renouveler par des moyens qui ne dépendent point de la fluctuation de l’opinion, qui ne tendent point à composer l’armée dans un moment de crise, de la dernière classe de la nation : ce seraient de mauvais défenseurs à se donner; par des moyens enfin fondés sur l’antique constitution de la monarchie, conformes à ses lois, à l’esprit d’une nation valeureuse, esprit qu’il faut bien se garder d’éloigner, auquel on n’a donné que trop d’atteinte à la paix de 1763, par l’anéantissement des milices, dont le rétablissement a produit presque aussi mauvais effet que celui qui aurait pu résulter d’un établissement nouveau de ce genre. Pour adopter ces moyens de constitution que j’ai esquissés; il faut que les moyens d’instruction de détail des hommes, ceux du mécanisme des grands mouvements soient si simplifiés. qu’en ne tenant la plus grande partie des corps assemblés qu’un aussi court espace que celui de deux mois au plus, ils aient cependant un parfait ensemble; qu’enftn, par la formation militaire, l’individu qui y perd sa santé, puisse encore être utile à son pays, sans lui devenir à charge ; que tous les régiments de campagne soient composés de manière à n’y trouver que des hommes sains et vigoureux, en état de bien servir leur pays , sans surcharger les hôpitaux par des hommes qüe la faiblesse de l’âge ou de la constitution, rend incapables de soutenir les fatigues d’une guerre de campagne : c’est là le but que doit atteindre une constitution militaire : si elle le manque, elle est vicieuse, mais ce succès ne peut être que le fruit d’un système lié dans toutes ses parties, dont il ne faut pas rompre la chaîne. Cette constitution doit être telle encore , que les hommes employés aux différents services militaires aient la taille et la force nécessaires pour y bien remplir le service auquel ils sont appelés. Or, je demande si la constitution actuelle atteint ce but. Les plus grands hommes, hors de proportion, relativement à la taille commune de la nation, sont destinés à surcharger, à estropier, à mettre hors de service, au milieu d’une campagne, les chevaux de la plus petite espèce qui soient dans la cavalerie (je parle de ceux des dragons et des chasseurs à cheval). Les hommes destinés au service de l’artillerie, aux compagnies de mineurs, sont de même de la plus haute taille de la nation, et l’on donne pour motifs de dispositions aussi contraires à la droite raison, qui semble indiquer que la taille des hommes, dans ces corps, doit être, savoir : dans les premiers, de trois à cinq pouces, dans les seconds , de deux à quatre pouces , mais bien proportionnés, bien carrés, bien musculeux; on donne, dis-je, pour motif de semblables dispositions, que de grands hommes ont plus de facilité à manier des leviers et à mouvoir de grands poids. Je demande si cette facilité n’est pas démentie par la réflexion, si enfin les hommes composant l’artillerie des trois puissances de l’Europe les plus formidables, dont la moins armée a dix mille hommes d’artillerie, ne meuvent pas les mêmes poids que l’artillerie française. Il est vrai qu’elle y réussit avec des moyens beaucoup moins parfaits que ceux de cette artillerie; cependant, dans les corps de ces trois puissances, il n’y a pas un homme au-dessus de quatre pouces. Trouvera-t-on une raison pour prouver la nécessité que les mineurs soient composés de même ? Certains régiments de cavalerie ont aussi des hommes d’une taille aussi colossale. L’industrie plus généralement répandue au- 560 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 décembre 1789.] jourd’hui dans le royaume, les manufactures augmentées, l’agriculture, la navigation accrues , ont rendu les hommes d’autant plus rares, que la poputation n’est point augmentée en proportion de cet accroissement. La grande rareté d’hommes augmentée aussi par l’esprit de légèreté qui a accru la désertion, le défaut d’emploi des bons et vrais moyens pour l’empêcher, toutes ces raisons réunies ont rendu les hommes si difficiles à trouver, surtout de l’espèce dont on les veut, qu’il est impossible aujourd’hui de recruter les troupes. La concurrence qu’ont établie les moyens employés par différents corps, l’enchère qu’ils ont mise sur le commerce d’hommes, rendent les moyens de recruter plus difficiles encore. La seule façon de parer à tant d’inconvénients, est, après avoir établi des garnisons stables dans l’armée, de charger la seule infanterie de la recruter en établissant, pour premier principe, que les mêmes régiments d’infanterie recruteront toujours les mêmes régiments de cavalerie; les mêmes régiments de dragons ou de chasseurs à cheval, les mêmes régiments de hussards ; que les mêmes régiments d’infanterie recruteront de même les mêmes régiments d’artillerie, en sorte que chaque régiment d’infanterie de l’armée, ait à recruter un égal nombre d’escadrons de cavalerie, de dragons, de chasseurs ou de hussards, et encore un égal nombre de compagnies d’artillerie. Pour établir cette proposition d’une manière plus claire, je vais poser les bases de la composition que je croirai la meilleure. Soixante et douze escadrons de cuirassiers français, de deux cent quatre hommes en guerre, recrutés par soixante et douze régiments d’infanterie française, en exceptant quatre régiments hors du royaume, quatre ou six suisses, cinq ou six allemands. Ce nombre de régiments fournirait chacun deux escadrons de dragons ou de chasseurs à cheval (1) de même qu’une compagnie d’artillerie ou de mineurs. La taille des hommes destinés à la cavalerie serait de quntre à cinq pouces pour l’homme qui grandit, et de quatre à six pour celui qui a pris sa taille. (1) 72 escadrons de cavalerie, nommés en tout pays cuirassiers, sont plus que suffisants pour opposer à la cavalerie de même espèce des paissances rivales, et sûrement hors de proportion de l’espèce de chevaux existante aujourd’hui pour monter cette cavalerie ; 54 escadrons de dragons sont de même dans une proportion suffisante ; la seule cavalerie dont la pénurie se fasse sentir dans notre constitution militaire, c’est la cavalerie légère, qu’il faudrait augmenter non par le nombre des régiments, mais par celui des escadrons dont ces régiments sont composés, il faudrait mettre chacun de ces corps au moins à 5 escadrons, pour porter le nombre total de cette cavalerie à 90 escadrons; tout doit décider la France à adopter ces divers partis. La multiplicité de cette cavalerie chez les puissances voisines, le moindre prix qu’elle coûte, l’espèce de chevaux que fournit le royaume dans la plus grande abondance, enfin le service que l’on peut en exiger, car avec l’espèce de chevaux qui servira à monter cette cavalerie, laissant aux chasseurs des sabres peu courbés, aucune cavalerie de cette espèce, même les dragons des puissances rivales ne pourra soutenir la charge des chasseurs à cheval. Il n’est pas une arme plus mauvaise au monde qu’un sabre courbé pour combattre en escadron ; il n’est bon que pour les milices qui, ainsi que celles des Turcs, combattent par petits pelotons, sans ordre, ou corps à corps, et je déne des hommes armés de la sorte, et formés en Pour les dragons et les chasseurs, de deux pouces et demi à quatre pouces pour l’homme qui grandit, et de trois à cinq pour celui qui a pris sa taille. Pour l’artillerie de deux à trois pour l’homme qui grandit, et de deux pouces et demi, à quatre pour celui qui a pris sa taille. Alors l’infanterie, composant les grenadiers d’hommes de quatre pouces, bien nerveux, construits dans de fortes proportions, n’auraient dans les compagnies de fusiliers que des hommes d’une taille assez élevée : son pas pourrait être allongé. Ce sont là les qualités nécessaires aux hommes qui composent les différentes armes dont le militaire est formé. Tous les hommes qui seraient fournis pour recrue à ces différents corps par l’infanterie, seraient choisis parmi les recrues de l’année ou de l’année précédente au plus; ils devraient être domiciliés, reconnus bons sujets, point estropiés, et avoir la volonté de servir dans la cavalerie, volonté qui presque toujours existe dans les hommes de recrue : la preuve de cette assertion se trouve dans la plus grande facilité avec laquelle les régiments de troupes à cheval parviennent à se compléter. Tout homme qui n’aurait point ces qualités, serait renvoyé au régiment dont il aurait été tiré ; les frais de son envoi et de son renvoi seraient payés par le commandant du régiment, le major et le commandant de la compagnie dont il serait sorti. Ûn moyen de ce genre consacré par un décret, obvierait à tous abus de choix : d’ailleurs, les régiments d’infanterie bien instruits, qu’à mesure que les hommes qu’ils auraient fournis dans les escadrons de cavalerie, dragons, chasseurs à cheval ou compagnie d’artillerie, seraient à leur charge pour les remplacer, ne se mettraient jamais dans le cas de multiplier ces remplacements . Pour établir cet ordre de choses, il faudrait commencer par fixer l’âge des recrues à dix-huit ans, les engagements à dix années, et que l’on ne pût obtenir la marque de la vétérance qu’au bout de trois engagements. L’on dira sans doute ; Mais aujourd’hui l’on ne peut parvenir à recruter les troupes ; en augmentant l’âge auquel on peut entrer au service, la longueur des engagements, on multiplie encore les difficultés du recrutement. Et moi je répondrai : Que l’on ne peut pas calculer les facilités que donnera la destruction de la concurrence qu’établissent les recrues de la cavalerie, celles que donneront les garnisons sédentaires, qui, après l’adoption des moyens nécessaires, la simplification de l’instruction, laisseront à l’homme qui s’engagera toujours dans le régiment le plus près de lui, la facilité de rester escadrons, d’attendre une troupe décidée à les joindre, et armée de manière à les aborder la pointe du sabre eu avant : j’ai trop d’expérience en ce genre, pour hésiter à me prononcer d’une manière affirmative. La lance des hulans n’est pas une meilleure arme que le sabre courbé ; elle n’en impose qu’à l’homme qu’elle étonne ; elle est levée trop facilement, passe au-dessus de la tête de l’homme, qui, d’un revers de son sabre, la soulève, et aborde sans défense celui qui en est armé. Le raisonnement indique celte vérité que j’ai entendu confirmer dans tous les pays militaires de l’Europe, par tous les officiers expérimentés ; il ne s’agit, pour concevoir le plus profond mépris pour cette espèce de cavalerie, que d’accoutumer l'œil des chevaux au mouvement des brindolles de lances, ce qui est très-facile. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. dix mois dans sa famille, chaque année ; car il ne faut conserver sur les fusiliers de chaque compagnie que cinquante hommes pendant dix mois de l’année, et ces cinquante seront toujours composés d’hommes sans domicile, ou de recrues ; et dans la cavalerie, pendant le même temps, dans un escadron, cinquante hommes seulement, dont les deux tiers recrues et un tiers instructeur ; tout le reste doit être, ou avec les ehevaux excédant cinquante par escadron, dans des cantonnements pendant neuf mois, ou en semestre. Mais une allégation semblable paraît de peu de valeur dans ce mémoire : pour juger de sa solidité et de sa bonté, il faudrait connaître l’ensemble de l’ouvrage, qui, morcelé, perd toujours de sa valeur. Cet ouvrage existe, il est le résultat de longues méditations; je me suis bien gardé d’adopter servilement les moyens des autres nations ; mais j’ai cherché à les adapter à l’esprit de la nation, aux lois du royaume. Les villes de Paris, de Lyon, de Bordeaux, devraient être réservées seules; elles devraient avoir des recruteurs, recevant immédiatement des ordres de préposés par les ministres de la guerre, pour les surveiller subordonnément à la police où à l’administration de ces villes ; les recrues qu’ils feraient, serviraient à compléter les régiments qui seraient en Corse, dans les colonies, et encore ceux des régiments d’infanterie dont le travail des recrues n’aurait point eu de succès ; enfin, pour achever de les compléter, concurremment avec un bataillon de provinciaux affecté à chaque régiment d’infanterie française ; et comme ce bataillon de provinciaux aurait été choisi de la province la plus près du régiment qu’il serait chargé de recruter, que les hommes de ce bataillon qui seraient envoyés comme recrues dans ces régiments, une fois instruits, seraient toujours renvoyés chez eux dix mois de l’année, cette forme ne pourrait nuire aux travaux des campagnes, surtout lorsqu’on ne choisirait point aux mêmes époques, le temps d’assembler les troupes dans toutes les parties du royaume, mais que l’on prendrait pour régler ces époques, les moments où la saison, les travaux de campagne permettent d’exercer les troupes, sans nuire à l’agriculture, époques qui, selon moi, commenceraient : En Flandres, au 10 d’août ; Dan,s les Evêchés, au 25 d’août ; Dans les province méridionales, à la rive gauche du Rhône, au 15 de mars; A la rive droite de la Gironde, jusqu’en Flandres, au 1er avril ; mais, comme je le répéterai encore, ces dispositions sont liées à un ensemble que l’on ne peut morceler. Tout homme domicilié, quoique militaire, aurait la permission de se marier au lieu de son domicile ; un nombre donné, même des hommes non domiciliés de chaque régiment, auraient la permission de se marier, et d’avoir leurs femmes à la garnison, mais ce seraient ceux-là seulement qui en auraient le droit. Ceux qui seraient domiciliés ne pourraient avoir leurs femmes qu’au lieu de leur domicile. Tout homme renvoyé chez lui, recevrait quinze livres pour sa route de retour seulement, mais ce serait tout ce qu’il recevrait sur la paye de son absence. J’imagine bien qu’un moyen aussi vicieux que des masses établies personnellement à l’homme, va être détruit. 11 ne peut avoir d’autre effet que de libertiner le soldat à l’instant où on lui fait son décompte. Un homme au service doit être entretenu de tout, n’avoir rien à acheter, lre Série, T. X. [12 décembre 1789.] ggj être nourri ; mais il n’a pas besoin d’argent : combien une disposition de ce genre éviterait-elle de défections ! L’homme endetté déserte pour s’acquitter ; et les décomptes le font endetter, parce qu’une fois dans un cabaret, il n’arrête jamais la dépense qu’il y fait au terme précis de l’argent qu’il a pour payer. Je n’en parle dans ce mémoire, que parce que ce serait un moyen d’éviter de multiplier les besoins de recrues. “ Un homme nécessaire à la culture, qui obtiendrait le bail d’une ferme de 800 livres, après avoir vérifié l’existence du bail, devrait obtenir son congé absolu, pour le double de l’engagement qu’il aurait reçu : il en devrait être de même pour un ouvrier en état d’être chef d’un atelier de commerce. Ce moyen faciliterait infiniment les recrues , car il n’est pas dans les villages un seul homme qui ne connaisse la manière dont on rançonne indistinctement tous ceux qui achètent des congés absolus. Les engagements ne seraient plus portés au haut prix auquel ils le sont aujourd’hui; ceux de cavalerie, hussards, dragons, chasseurs, artillerie, seraient payés de leur masse, à l’infanterie. Quant au prix des hommes qui achèteraient leur congé absolu, il serait donné au régiment d’infanterie chargé de fournir les recrues des escadrons et de la compagnie dont sortirait cet homme, qui, au moyen de ce prix, serait tenu de le remplacer. Il faut parler de la manière dont seraient recrutés les régiments de garnison, ce qui donne idée de leur composition ; des hommes estropiés qui se trouvent dans les régiments qui cependant peuvent être propres à un service sédentaire; des hommes qui auraient mérité les Invalides et enfin ceux qui auraient déserté trois fois des régiments de compagnie, qui, après avoir déserté pour la troisième fois, seraient envoyés pour quinze ans dans des régiments de garnison. L’on voit que cette manière de recruter les troupes ne laisse dans les régiments de campagne que des hommes en état d’y servir avec activité, et cependant emploient tous ceux que leurs infirmités, leur âge, leur légèreté, rendent désirable d’éloigner de ces régiments : on en formerait les garnisons des petits forts ou places, qui forcent à morceler les régiments de campagne, ce qui nuit beaucoup à leur instruction : mais, on le répète, pour sentir la justesse de ces institutions ; il faudrait connaître la totalité du plan ; car dans un ouvrage il n’est que l’ensemble qui puisse en donner une idée juste. Nota. Quoique je me sois imposé la loi de ne point donner au public mon plan de constitution militaire, je vais exposer ici une des bases fondamentales sur lesquelles il est assis. Le nombre des fusiliers dont sont composées les compagnies, est calculé pour le pied de guerre, à raison d’un officier et de deux bas officiers, et quarante hommes dans l’infanterie; et dans la cavalerie, à raison d’un officier par vingt-huit cavaliers, et de deux bas-officiers par trente-six. Dans cette composition je sors les bas officiers de l’état de soldat et de cavalier ; je supprime par conséquent le grade de caporal et celui de brigadier ; car il n’est pas une plus vicieuse composition, que celle de bas officiers qui, vivant avec le soldat, ne prennent aucune autorité sur lui et en acquièrent d’autant moins, que ne mettant pas plus à l’ordinaire que lui, ils emploient presque toujours leur haute paye à des dépenses qui leur font contracter l’habitude du vice; que bientôt cette haute paye ne suffit pas aux dépen-36 £62 lAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 décembre 1789. ses qu’entraîne cette habitude, et que souvent le prêt des compagnies y est consommé. Je n’ai Jamais compris qu’une composition aussi vicieuse, détruite depuis longtemps dans les militaires où on s’est occupé à établir l’ordre, ait pu substituer si longtemps parmi nous ! La France aura encore dans sa composition militaire un nombre proportionnel d’officiers bien plus nombreux que celui des Autrichiens et même des Prussiens; les premiers n’ont qu’un officier sur soixante hommes, et les derniers un par cinquante. Pour sentir la nécessité d’établir cette base fondamentale, il ne faut que réfléchir à la difficulté qu’apportent dans les subsistances les équipages des officiers. J’ai vu les armées françaises égaler sur ce point, par ces embarras, les armées turques, et compter à peine au nombre de ses combattants la moitié des bouches qu’elles avaient à nourrir. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. FRÉTEAU DE SAINT-JUST. Séance du lundi 14 décembre 1789 (1). M. le baron de Menou, l'un de MM. les secrétaires, r, fait lecture du procès-verbal du samedi précédent, et lit les adresses suivantes : Adresse de félicitations, remerciements et adhésion du comité permanent de la ville de Mont-de-Marsan, et des trente-deux paroisses qui composent sa banlieue. Adresse du même genre des citoyens de la ville de la Ferté-Milon. Ils demandent une assemblée de district, et le rétablissement de leur ancien bailliage. Adresse du même genre de la ville de Nogent-sur-Seine; elle conjure l’Assemblée nationale de mettre à fin ses glorieux travaux ; elle demande d’être un chef-lieu de district, et que la ville de Provins soit le chef-lieu d’un département. Adresse du même genre de la ville de Salies en Béarn ; elle adhère notamment au décret qui détermine le sacrifice patriotique du quart du revenu; elle offre d’en faire verser le produit, ainsi que celui des impositions ordinaires, directement au Trésor royal. Adresse du même genre du comité permanent de la ville de Saint-Nicolas-de-la-Grave; il fait part des mesures qu’il a prises pour arrêter l’exploitation du Lillot, situé dans son territoire, possédé par le chapitre de Moissac. Délibération du même genre de la ville de Vannes en Bretagne; elle supplie l’Assemblée de prier Sa Majesté de réitérer ses ordres au parlement de Rennes d’enregistrer purement et simplement, et sans délai, tous les décrets acceptés ou sanctionnés, et notamment celui qui proroge les vacances du parlement; elle supplie aussi l’Assemblée de ne plus user de clémence envers les parlements, corps et corporations qui se rendraient coupables de désobéissance envers l'Assemblée nationale. Adresse du même genre de la ville de Grand-Pré; elle fait part des mesures qu’elle a prises pour veiller à la conversation des bois de l’abbaye de Saint-Remy de Reims, qui commençaient à être exploités. Adresse du même genre de la ville de Beaujeu en Beaujolais; elle demande d'être un chef-lieu de district et le siège d’une justice royale. Adresse du même genre du comité delà ville deNéelle; il a arrêté par acclamation que tous les membres qui le composent feront le don patriotique de leurs boucles d’argent, et que tous les habitants seront invités à faire le même sacrifice. Adresse du même genre de la ville de Bellegarde en Auvergne; elle demande une justice royale. Adresse du même genre du commandant et des officiers de la garde nationale du Château-Cam-brésis; ils demandent les armes nécessaires. Délibération du même genre de la communauté de Suze. Il n’est aucun citoyen qui ne soit prêt à sacrifier sa fortune et sa vie pour le salut de l’Etat. Délibération du même genre des communautés de Ghâteau-Villain, Quinsonnas, et leur mandement; elles font le don patriotique d’une rente annuelle de 93 livres 1 sol, qui leur est due sur les Etats du Roi. Adresse du même genre du comité et de la municipalité réunis de la ville d’Angoulême; iis réclament contre la contribution en remplacement de corvée, que le commissaire départi se propose de continuer sur l’élection de cette ville. Adresse du même genre de la municipalité et du comité de la ville de Couches; ils supplient l’Assemblée nationale de perfectionner le grand œuvre qu’elle a si glorieusement commencé, et de compter sur toutes leurs facultés morales et physiques pour correspondre à l’exécution de ses décrets et aux vues bienfaisantes du plus juste des monarques. Adresse du même genre de la ville de Ques-temberg en Bretagne; elle demande d’être le chef-lieu d’un district et le siège d’une justice royale. Adresse des officiers de l’élection de Tours, qui présentent à l’Assemblée nationale l’hommage d’une délibération par laquelle ils ont arrêté de rendre la justice gratuitement, et qu’ils apporteront d’autant plus de zèle dans l’exercice de leurs fonctions, qu’il est urgent de venir au secours de l’Etat, et de faciliter l’exécution des décrets relatifs aux impositions. Adresse de vingt communautés du Dauphiné et du Vivarais, dont les forces militaires se portent à 12,650 citoyens soldats disciplinés, qui, réunis dans la plaine d’Etoile en Dauphiné, ont fait le serment, avec toute la solennité possible, de rester à jamais unis pour combattre les ennemis de la patrie et tous ceux qui oseraient se permettre d’éluder ou d’attaquer les décrets de l’Assemblée nationale. Cet acte fédératif renferme l’abnégation de la division ancienne de territoire par province, l’adhésion à la nouvelle, et l’obligation de favoriser la libre circulation des subsistances dont ils ont déjà ressenti les heureux effets. Adresse du comité municipal et permanent de la ville de Craon et de la milice nationale de cette ville, qui exposent que trois membres de l’ancienne municipalité ont formé opposition contre le vœu exprès de la commune à ce que les titres relatifs à la confection des rôles, suivant la forme indiquée par les décrets de l’Assemblée nationale, leur fussent remis. Ils demandent, attendu que cette confection est urgente, que l’Assemblée maintienne spécialement le comité municipal de cette ville dans l’exercice pro-(1) Cette séance est incomplète an Moniteur.