606 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 février 1790.J aux chefs-lieux des départements et des districts, comme aussi le3 échanges de territoire entre les départements et les districts qui pourraient convenir à l’intérêt des administrés. Art. 3. Dans toutes les démarcations fixées entre les départements et les districts, il est entendu que li s villes emportent le territoire soumis à l’administration directe de leurs municipalités, et que les paroisses de campagne comprennent de même tout le territoire, tous les hameaux, toutes les maisons isolées, dont les habitants sont cotisés sur les rôles d’imposition du chef-lieu, et tous ceux qui sont soumis à l’administration spirituelle de la paroisse. Art. 4. Lorsqu’une rivière est indiquée comme limite entre deux départements ou deux districts, il est entendu que les deux départements, ou les deux districts, ne sont bornés que par le fil de l’eau, et que les deux directoires doivent concourir à l’administration de la rivière, sans préjudice du droit provisoirement conservé par l’article précédent, aux villes, paroisses et communautés sur le territoire, les hann aux ou les maisons situés de l’autre côté de la rivière, et qui ont dépendu jusqu’à présent de l’administration directe de leur municipalité, ou de l’administration religieuse de leur paroisse. Art. 5. Les administrations de département et de district feront faire, le plus promptement qu’il sera possible, l’arpentage et la carte topographique des paroisses situées sur les limites, et enverront copie certifiée de ces cartes et du procès-verbal des arpentages à l’Assemblée nationale, ou aux législaturesquiluisuecèderont, pour être déposée aux archives nationales, et pour que la véritable configuration des limites de chaque département et de chaque district puisse être tracée sur les cartes autographes de la nation. Art. 6. Il sera libre à toutes les villes, paroisses et communautés, dont le clocher ne sera pas à plus de 500 toises des limites des districts, dans l’intérieur de chaque département, et à toutes les villes, paroisses et communautés dont le clocher ne sera pas à plus de 1,200 toises des limites du département, de présenter requête à la prochaine législature, pour passer d’un district ou d’un département dans un autre; et, sur le vu des observations respectives des départements et des districts intéressés, la prochaine législature prononcera définitivement. Art. 7. Ladivision du royaume en départements et en districts n’est décrétée, quant à présent, que pour l’exercice du pouvoir administratif; et les anciennes divisions, relatives au pouvoir judiciaire, subsisteront jusqu’à lanouyelleet prochaine organisation de ce pouvoir. Les dispositions relatives aux villes, qui ont été désignées comme pouvant être sièges de tribunaux, sont subordonnées à ce qui sera décrété pour l’ordre judiciaire. ANNEXE ait rapport relatif aux départements du royaume . Observations sur les principes qui doivent déterminer le nombre des districts et celui des tribunaux dans les départem nts, par M. Dupont, député de Nemours, membre-adjoint du Comité de constitution (1). Toutes les villes du royaume ont envoyé à Paris fl) Ce document n'a pas été inséré au Moniteur. des députés extraordinaires, pour demander à être chefs-lieux de district. Dix-huit-cent-vingt-quatre de ces députés environnent déjà le comité de constitution, et il en arrive tous les jours de nouveaux. Il n’y a pas un d’entre eux qui n’allègue des raisons très plausibles. Si la ville pour laquelle on sollicite est grande, peuplée, riche, commerçante, on appuie sur tous ces motifs de considération, et l’on demaude : Comment est-il possible de refuser un district à une ville si importante ? Si au contraire il s’agit d’une petite ville mal peuplée, sans commerce, sans industrie, on-dit qu’il n'y a d’autre moyen de la vivifier et meme ae la soutenir, que de lui accorder un district ; et l’on demande: comment refuser cette faveur à une ville si malheureuse, qui sera ruinée, perdue , anéantie, si on n'en fait pas un chef-lieu de district ? Toutes les villes réclament ainsi à la fois, on est inévitablement ému des discours, des délibérations, des allégations, des raisonnements que leurs députés accumulent: on se dit, il faudrait partager les avantages, il faudrait autant que l’on pourrait contenter tout le monde; et ce qu’on appellein volontairement tout le monde, c’est toutes les personnes qu’on entend. Mais ce sont celles qu’on n’entend pas, c’est le peuple, et particulièrement celui des campagnes, qui paiera toujours aux villes les frais de l’administration et de la juridiction; c’est le peuple qui a intérêt que l’administration, que la justice soient bonnes, intègres, éclairées, et s’il est possible peu coûteuses; c’est le peuple enfin qu’il faudrait servir et contenter. L’intérêt des villes n’est donc ici que secondaire ; c’est celui de l’Etat, c’est celui des campagnes, où vivent les cinq septièmes des populations du royaume, dont il est question. L’intérêt des villes est d’être un impôt sur les campagnes, d’appeler dans leurs murs beaucoup de dépenses, et de multiplier à cet effet toutes leurs relations. L’intérêt des campagnes est d’être administrées avec lumières, d’être jugées avec capacité, et de payer pour tout cela suffisamment, sans doute, afin que le service soit bien fait, mais cependant de payer le moins qu’il soit possible. Il y a, dans les rapportsd’administrationet de ju-dicature, que les campagnes ne peuvent éviter d’avoir avec les villes, un terme de perfection indiqué parla uaturedes choses et par les positions locales. Il ne faut pas que les administrateurs et les juges soient trop loin des administrés et des justiciables; il ne faut donc pas donner aux districts un ressort trop étendu. Mais il faut aussi que les administrateurs et les juges soient des hommes d’élite, choisis parmi les citoyens les plus habiles, et les plus estimables. Les hommes habiles, ét d’une vertu complètement pure, ne sont nulle part très communs; ils ne peuvent qu’être rares dans un royaume où l’éducation publique a été constamment mauvaise. Il faut donc se réserver le eiioix sur un nombre de sujets qui puisse donner lieu d’espérer que ce choix sera bon; il ne faut donc pas trop multiplier les districts. Il ne le faut pas non plus, parce qu'il ne faut pas multiplier sans nécessité les dépenses de l’administration, ni celle de la justice qu’ou ne paie qu’avec des impôts. Il est clair que, si l’on voulait que trois districts, trois directoires, trois tribunaux fissent ce qui pourrait être fait avec une commodité presque égale pour le peuple par un district, par un direc- JAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 février 1790.] toire, par un tribunal, on triplerait la dépense à la charge des administrés et des juridiciables. On fait une objection et l’on dit que si pour épargner l’imposition aux contribuables, on les oblige d’aller chercher l’administration et la justice à sept lieues de chez eux, comme cela se trouve quelquefois dans les grands districts, on les soumet à des dépenses de voyage et à des pertes de temps, bien plus considérables que l’impôt qu’ils auraient payé pour les frais d’une administration et d’une justice plus rapprochées. Mais, en faisant cette objection, on ne pense pas que, dans les plus grands districts, si l’irrégularité de leurs formes commandée par la localité, oblige quelquefois à laisser quelques communautés à sept lieues du siège de l’administration et de la justice, ce n’est jamais la totalité des communautés, ce n’est qu’un très petit nombre d’entre elles qui sont à cette distance; qu’il est facile d’en indemniser ce petit nombre par une modération d’imposition, et qu’il n’y a pas de raison pour tripler la dépense de l’administration et de la justice pour le très grand nombre de communautés qui se trouvent à la porte du chef-lieu, ou à des distances très médiocres, afin d’épargner, dans quelques cas rares, quelques journées à quelques habitants de trois ou quatre communautés, à qui l’on peut les compenser aisément. On ne pense pas que la dépense certaine d’un petit district, qui serait onéreuse à tous les contribuables, serait plus que triplée relativement à la justice; car, indépendamment des juges, qui peuvent et doivent être payés sur le revenu public, il faut des officiers ministériels dont les honoraires seront toujours acquittés par ceux qui les emploieront. St ces officiers ne leuvent exercer leur ministère que dans un très ietit ressort, ils n’auront que peu d’affaires qui eur viendront naturellement; ils chercheront donc à les multiplier et à les compliquer, car il faudra que leur travail suffise à leur subsistance. Ils deviendront chicaneurs, ils donneront des conseils insidieux, ils fomenteront les contestations dont ils devront vivre, et la justice deviendra pour les citoyens un impôt de séduction. C’était l’inconvénient des justices seigneuriales et des très petits bailliages royaux qu’on avait multipliés à l’excès et par de honteuses vues fiscales dans quelques provinces. C’est cette fâcheuse nécessité de vivre sur un territoire resserré qui avait rendu les praticiens de campagne si redoutables dans une grande partie du royaume : beaucoup de médecins, beaucoup de maladies, beaucoup de procureurs, beaucoup de procès. Le danger de trop multiplier les administrateurs et les officiers de justice est double ; il serait en raison composé des maux qu’il entraîne; plus on en a au-delà du besoin, plus ils coûtent; plus on en a, moins ils valent; plus on en a, moins bien leur service est fait; car plus on en a et moins l’on peut espérer qu’ils réunissent les qualités propres à remplir les devoirs qu’on leur confie. Des hommes d’esprit qui vivent avec leurs pairs, et qui ont plus de connaissance des livres que des choses, se persuadent trop qu’il suffit d’imposer des fonctions aux hommes pour qu’ils s’en acquittent ; parce qu’ils se sentent propres au service public, sur lequel ils ont beaucoup réfléchi, ils imaginent dans leur modestie et dans leur inexpérience qu’il n’est difficile pour personne de faire ce qui leur semble aisé. Cependant tout métier demande une étude particulière ; et lorsqu’on sait très bien qu’on ne sera jamais un 607 musicien, un menuisier, ni un cordonnier avec une lettre missive, on devrait croire qu’on ne sera pas davantage un procureur-syndic, un président de directoire, un magistrat, un juge avec des lettres-patentes (1), ni même avec un scrutin. Le scrutin choisit le meilleur des candidats, mais il ne peut choisir que parmi les caudidats. Quand on fait de petits districts, on ne pense point assez à la quantité d’hommes habiles et intègres qu’on se prescrit la loi de chercher et de trouver. Il faut en donner une idée. Il faut à un district pour son administration, un directoire composé de quatre hommes : ci 4 Un conseil de district huit hommes ... 8 Un procureur syndic ....... . • . I Un greffier ....... . ....... 1 Au moins un commis .......... 1 Il faut que le district fournisse, pour former l’assemblée de département, environ quatre hommes ............. 4 S’il renferme cinquante municipalités, ce qui n’est pas une forte proportion, il faut pour leur administration cent-cinquante officiers municipaux ....... .... 150 Il faut cinquante greffiers ........ 50 Il faudra même six membres de plus pour la municipalité de la ville principale ... 6 Et si le district renferme plusieurs villes, il faudra autant de fois six conseillers municipaux de plus qu’il y aura de villes comprises dans le district ......... Mémoire Total des officiers d’administration. 225 Un district a de plus besoin d’un assez grand nombre d’officiers de justice. Si l’on suivait le plan du comité, il ne faudrait que cinq juges pour le tribunal de district , mais il n’y aurait que les affaires dont le capital n’excéderait pas 2,500 livres, qui finiraient sur le lieu où elles seraient commencées ; et pour tout procès de quelque importance, il faudrait aller plaider au tribunal de département. Or, il a quelquefois fallu donner aux départements une forme très irrégulière, à laquelle on a été contraint par les localités. On a été obligé quelquefois de prendre la capitale du département où elle se trouvait, c’est-à-dire à une extrémité du département. 11 faudrait donc, suivant ce plan, que tout procès relatif à un capital de plus de 250 livres fût plaidé et jugé au moins à neuf ou dix lieues, quelquefois à dix-huit ou vingt du domicile des parties. C’est précisément pour éviter cet inconvénient qu’on a entrepris de diviser le royaume en départements et en districts; et presque tous les membres de l’Assemblée nationale, avant été frappés du principe qui a déterminé cette division, sont persuadés aujourd’hui qu’il vaut mieux ne point avoir de tribunal de département, étendre jusqu’aux jugements sur des capitaux de 2 ou 3,000. livres, la compétence que l’on attribuerait aux tribunaux de districts, et appeler directement de ces tribunaux aux cours supérieures. Si l’on adopte ce nouvel arrangement, plus favorable aux juridiciables, il faudra augmenter un peu le nombre des juges dans les tribunaux de districts, et l’on ne pourra guère composer ces tribunaux de moins de huit magistrats; savoir un lieutenant-général, six conseillers et un (1) Voyez ce qu’en dit Epictète. 608 [Assemblée nationale.] procureur du roi ..... _ ...... 8 Il faudra en outre un greffier ..... 1 Et six adjoints-notables ....... 6 Au-dessous du tribunal de district, il faudra neuf juges de paix ........ 9 Qui auront chacun un greffier ..... 9 Et dont le service exigera dix-huit adjoints-notables ............. 18 Total des officiers de justice ...... 51 Ajoutons les officiers d'administration. 225 Total général ...... 276 11 faut que le peuple présente au choix du roi deux sujets pour les places de judicature. Les officiers d’administration doivent être renouvelés au bout de deux ans. Il faut donc avoir au moins le double des sujets que l’on doit employer aux différents services publics dont nous venons de présenter le catalogue. Il faut de plus les officiers ministériels, qui, pour ne pas être dangereux, ne doivent être que peu ou point inférieurs en lumières et en probité aux officiers administratifs et judiciaires; il faut un notaire par canton, et ce n est pas trop que de supposer six ou sept avocats ou procureurs par district. Il laudra donc en total trouver dans le plus petit district, cinq cent soixante-huit hommes d’une probité reconnue, d’une capacité applicable aux affaires publiques, et qui ne soient pas maîtrisés par d’autres devoirs qui les empêcheraient de consacrer leur temps aux travaux de l’administration ou de la justice. Or, dans un district de trente-six lieues carrées, il n’y a l’un dans l’autre que trenle-six-mille habitants de tout .âge et de tout sexe. De ces trente-six-mille habitants, un tiers au moins sont enfants ; un sixième sont vieillards : les femmes sont, très-heureusement pour nous, la moitié du surplus; il ne reste donc qu’un quart ou neuf mille hommes d’un âge raisonnable et propres au travail. C’est sur ces neuf mille hommes qu’il en faudra prendre cinq cent soixante-huit ; il faudra retrancher des neuf mille lous les domestiques de labourage, tous les domestiques de service personnel, tous les manouvriers, presque tous les artisans, tous les ouvriers de manufactures, et parmi les commerçants, tous ceux qui ne peuvent quitter le soin de leur commerce et de leur utile travail; il faudra retrancher tous ceux des entrepreneurs de culture qui sont dans le même cas. 11 faudra retrancher tous les hommes encore à qui la nature ou les circonstances ont refusé les talents de l’esprit ou les secours de l’étude ; tous ceux enfin chez qui, soit le mauvais exemple, soit l’abus des richesses, soit au contraire les pensées fâcheuses de la pauvreté révoltée que Salomon appelle une mauvaise conseillère, ont pu altérer les qualités du cœur. Je demande à mes lecteurs s’ils croyent que, toutes ces soustractions faites, il y ait réellement dans toutes les parties du royaume un homme sur seize par lequel ils voulussent être administrés ou jugés. Je leur demande s’il n’y a pas visiblement à espérer que les administrateurs et les juges seront meilleurs, en raison de ce qu’on pourra les choisir sur un pins grand nombre; je leur demande s’il n’y aura pas plus de ressources à cet égard dans les districts de cent huit lieues carrées dont il ne faut que trois pour former un département. On a très-mal entendu l’esprit de l’Assemblée nationale, quand on a supposé, à cause qu’elle a [15 février 1790.] permis de placer depuis trois districts jusqu’à neuf dans un département, qu’elle jugeait que l’on doit plutôt en mettre neuf que trois; et j’ai toujours souffert quand j’ai entendu les solliciteurs de district dire : U n’y en a pas neuf , on est au-dessous des vues de l’Assemblée. Autre chose sont les vues, autre chose est la tolérance. Les vues sont que l’administration et la justice soient bonnes et coûtent peu ; les vues ont posé en principe que cent huit lieues carrées ou cinq à six lieues de rayon, lorsque le chef-lieu serait central et les communications faciles, dans un pays de plaine et de bonnes routes, présentaient une raisonnable proportion. Mais la sagesse de l’Assemblée n’a point voulu faire une loi de cette proportion ; car elle a senti qu’il pouvait, qu’il devait se rencontrer des localités qui la rendraient inapplicable. Lorsque le chef-lieu est excentrique, il faut faire le district plus petit; car il ne faut pas que les distances de ce chef-lieu, aux points les plus éloignés de son district, soient plus grandes qu’elles ne seraient dans un district de cent huit lieues, dont la forme serait régulière et le chef-lieu central. Lorsque les communications sont difficiles, que des marais, que des montagnes, que la nullité des chemins et la difficulté d’en construire, rendraient trop pénible aux administrés et aux juridiciables d’aller chercher l’administration et la justice même à une distance qui paraîtrait médiocre dans un beau pays, il faut bien faire les districts plus petits encore : ces circonstances plus ou moins variées ont paru à l’Assemblée pouvoir exiger ou justifier six proportions différentes de districts; et c’est à trente-six lieues carrées qu’elle a fixé la plus petite de ces proportions, le terme au-dessous duquel on ne pourrait multiplier les administrations et les justices de districts sans qu’elles fusse'ot plus coûteuses et plus onéreuses qu’utiles aux administrés et aux juridiciables. On ne doit donc se permettre de former de petits districts que lorsque les circonstances locales, opposant des obstacles considérables aux communications, rendent impossible d’en faire de grands. Ainsi, lorsqu’il s’agit de diviser un département en districts, il faut d’abord examiner si la position centrale des chefs-lieux et la facilité des communications permettent de n’y en mettre que trois; et si la chose est possible, il faut bien se garder d’y en placer un de plus. Mais, si l’excentricité des chefs-lieux ou les difficultés physiques des voyages dans le pays obligent d’en faire plus de trois, on peut les multiplier selon les circonstances jusques à neuf; et on ne saurait passer ce terme qui présente la nécessité effrayante d’avoir à choisir un homme sur seize ou même sur quatorze ou quinze dans les pays mal peuplés. C’est en ce sens qu’il faut entendre les décrets de l’Assemblée nationale. Ti lle est la doctrine que j’ai précitée dans le comité de la constitution, que j’ai exposée à tous ceux de mes collègues qui ontbien voulu m’en parler ailleurs, que j’ai tâché de démontrer aux députés extraordinaires des villes de province. Presque tous les membres de l’Assemblée nationale, avec qui j’en ai conféré, ont partagé mon opinion. Presque aucun des députés des villes n’a pu se permettre de l’adopter ; envoyés par les villes, pour l’intérêt particulier de ces villes, ils auraient cru manquer à leur mission. Je fais donc imprimer ces principes, je le fais trop tard, et lorsqu’un grand nombre de petits ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 février 1790.] 609 districts sont déjà formés: c’est avec beaucoup de regret que je vois le remède qui était à ma portée arriver après qu’une partie du mal est consommée; c’est une profonde peine de ne pouvoir, même en passant les jours et les nuits, remplir qu’une faible portion de son devoir. On se laisse entraîner par l’obligation du moment; on fait le moins mal qu’on peut le métier de commissaire de l’ Assemblée; mais celui du patriote qui pourrait développera ses concitoyens des vérités utiles, mais celui du représentant de la nation n’est pas fait, et après avoir épuisé ses forces par la fatigue, on termine encore ses journées par le remords. Une ressource reste pour les départements où le désir de contenter les villes a fait trop multiplier les districts relativement à l’administration ; c’est du moins, puisque l’ordre judiciaire n’est pas encore établi, ae ne les pas tant multiplier relativement à la juridiction ; c’est, dans les départements où l’on a fait plus de cinq districts, et surtout dans ceux où l’on en a porté le nombre jusqu’à neuf, de n’établir qu’un seul tribunal de district pour deux ou trois districts, car c’est principalement dans les tribunaux que l’inconvénient d’un ressort trop borné est le plus redoutable ; les juges ont besoin d’encore plus d’études spéciales que les administrateurs; et les officiers ministériels, plus onéreux que les j uges, sont stables par leur nature. Si l’on adopte cette dernière mesure, que le travail déjà fait sur les districts me paraît rendre indispensable, on aura diminué un peu le mal auquel l’envie de satisfaire les députés des villes de province a conduit. Je propose donc cette vue sur le nombre des tribunaux au comité de constitution, et j’invite mes autres collègues à l’adopter lorsque le comité de constitution en fera le rapport à la tribune. L’Assemblée ordonne l’impression du rapport de M. Dupont (de Nemours). M. le Président invite MM. les députés à se réunir immédiatement dans les bureaux pour procéder à la nomination d’un président et de trois secrétaires. La séance est levée à trois heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. TALLEYRAND, ÉVÊQUE D’àUTUN. Séance du mardi 16 février 1790, au matin (1). M. le baron de Marguerittes, secrétaire , fait lecture du procès-verbal de la cérémonie qui a eu lieu dimanche dernier, 14 de ce mois, à la métropole, à laquelle l’Assemblée a assisté. M. le marquis de I�a Coste, autre secrétaire , fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier. Il ne se produit pas de réclamation. M. Bureaux de Pusy, président, annonce le résultat du scrutin pour la nomination de son successeur. Sur 603 votants, M. de Talleyrand, évêque d’Autun, a réuni 373 voix; M. l’abbé Sieyès 125; il y a eu 105 voix perdues. (1) Cette séanee est incomplète au Moniteur. 1er Série. T. XI. M. de Talleyrand, évêque d’Autun, est proclamé président. Le scrutin pour la nomination des secrétaires a donné la majorité des suffrages à MM. le comte de Gastellane, Nompère de Champagny et Gaultier de Biauzat. Us remplacent MM. le vicomte de Noailles, l’abbé Expilly et Laborde de Méréville, secrétaires sortants. M. Bureaux de Pusy, en quittant le fauteuil, dit : « Messieurs, je ne m’étais point dissimulé les difficultés, les épines de la carrière que je viens de parcourir; mais vos bontés ont applani ma route et j'emporte, en quittant le poste honorable que vous m’aviez confié, la pensée consolante que le mérite et les talents connus de mon successeur auront bientôt fait oublier les fautes involontaires qui ont échappé à l’inexpérience de mon zèle. » M. de Valley rand, évêque d’Autun , nouveau président , a prononcé le discours suivant : « Messieurs, vos bontés m’appellent à une place que vos suffrages rendent dans tous les temps si honorable, et dont vos travaux rehaussent tous les jours la dignité. Dans cet instant, qui déjà m’atteste toute votre indulgence, j’ose vous en demander une nouvelle preuve: c’est de permettre à mon zèle de solliciter l’emploi de tous vos moments, de vous présenter sans relâche vos grands travaux, et d’implorer votre secours contre tous les objets secondaires qui chercheraient à retarder votre marche, à usurper votre attention. « Je me trouve heureux que ma première fonction soit d’être l’organe de l’Assemblée dans l’expression des sentiments qu’elle conserve pour mon prédécesseur. Vos suffrages lui ont renouvelé chaque jour l’honneur d’un premier choix, et la France entière y a applaudi avec transport à l’époque à jamais mémorable où il a si dignement exprimé l’émotion universelle qu’a fait naître la présence du Roi dans cette Assemblée. » Un membre propose de voter des remerciements à M. Bureaux de Pusy, ex-président. Cette proposition est votée par acclamation et les applaudissements réitérés de l’Assemblée font connaître qu’elle est satisfaite de la manière dont la présidence a été exercée. M. Palmacrt, député de Bailleul, observe qu’il est nouvellement admis et qu’il ne se trouve placé dans aucun bureau. L’Assemblée décide qu’il y entrera dans le 30e bureau qui n’est composé que de 39 membres et qui se trouve être numériquement le plus faible. M. le Président annonce que l’Assemblée va passer à la discussion du projet de décret proposé hier par le comité de constitution sur la division du royaume. Un de MM. les secrétaires fait une lecture suivie et non interrompue de ce projet, de décret, divisé en sept articles. M. le Président relit ensuite l’article 1er et le soumet à la discussion en ces termes : « Art. 1er. La liberté réservée aux électeurs de plusieurs départements ou districts, par les différents décrets de l’Assemblée nationale, pour le 89