[16 mars 4790.] 201 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. le sein de leur commune et l’ont déshonorée. La commune a arrêté que pour faire plus amplement connaître à l’Assemblée nationale le véritable principe des désordres arrivés dans le Bas-Limousin, et combien il importe au bon ordre qu’il soit fait un exemple des principaux coupables, il sera envoyé, de concert avec les principales villes du département du Bas-Limousin, une députation à l’Assemblée nationale. Fait en l’hôtel-de-ville d’Uzerche ledit jour 11 mars 1790. Signé : Glédat, commandant de la garde nationale; Personne de La Farge, avocat; Besse-Nanot, notable; Pradel de La vaux, chanoine ; Gruveilhers; Meynard, avocat ; Glédat de La Vigerie ; Besse du Pevrou, capitaine (de la garde nationale; Besse; Besse-Chevalier ; Teyreigeol de Clusac; Bayle, jeune; Dessus; Beynie, curé; Pineau; Espinet ; Poumier, lieutenant de la garde nationale ; Boyer-Chamard ; Besse-Chiermaut ; Poumier; Besse du Peyrat ; Besse de Laborde; Siaud ; Nau-che; Dupeyrat et nombre d’autres notables; La-farge, officier municipal ; Dessus, officier municipal ; Bayle aîné, officier municipal; Robert, officier municipal ; de Chiniac, lieutenant-général et maire; Dessus, secrétaire de la commune. Par expédition. Signé : Dessus, secrétaire de la commune d’Uzerche. Gette adresse est renvoyée au comité des rapports. Les habitants de Thillay, près de Gonesse, et ceux de Bussy-Saint-George, près de Lagny en Brie, sont introduits à la barre. Les premiers disent : « Nosseigneurs, l’Etre suprême, dont vous êtes l’image par votre sagesse et votre bienfaisance, voit du même œil le présent des riches et l’offrande des pauvres. Daignez accueillir avec la même bonté le don patriotique que vous présentent par nos mains les habitants du Thillay, près de Gonesse: il ne consiste qu'en quatre-vingt-trois livres et une paire de boucles d’argent, mais le regret de ne pouvoir faire mieux est incalculable. G’est ici, Nosseigneurs, le vrai denier de la veuve; la position de la paroisse est aussi la même, puisque le seigneur qui habite à cent lieues de nous y possède presque tous les biens-fonds affermés près de trente mille livres à trois étrangers qui n’ont pas même contribué à l’offrande que nous vous présentons. Du reste, Nosseigneurs, notre pauvreté n’est pas le plus sensible de nos maux ; c’est du poids de notre servitude dont nous nous plaignons: daignez-nous en délivrer après avoir pris connaissance de sa cause dans une courte requête que nous avons l’honneur de vous présenter avec nos respects, notre reconnaissance, et nos vœux les plus sincères pour votre conservation. » Il est dit par les seconds : « Nosseigneurs, habitants de la paroisse de Bussy-Saint-George, près de Lagny en Brie, citoyens français aussi zélés patriotes que les habitants des plus grandes cités, nous nous sommes réunis dans le temple du seigneur, qui connaît la sincérité de nos âmes, en présence de nos concitoyens, avec l’appareil le plus imposant. Dans une circonstance aussi mémorable, nous y avons renouvelé le serment gravé dans nos cœurs, et déjà fait par chacun de nous, de maintenir de toutes nos forces, même au péril de notre vie et de nos fortunes, la constitution du royaume, d’être fidèles à la nation, à la loi et au roi, et d’adhérer à tous les décrets de l’Assemblée nationale sanctionnés par le meilleur des rois, restaurateur de la liberté, et à ceux qu’elle portera pour la régénération de l’empire français. Qu’il est agréable pour nous de renouveler un tel serment, et de contracter l’heureux engagement de veiller sans cesse à notre bonheur et à celui de nos frères 1 > M. le Président répond : « L’Assemblée reçoit avec satisfaction les dons qui sont offerts à*la patrie. Ges hommages de simples et respectables habitants de la campagne, en faveur de qui l’Assemblée a prouvé qu’elle s’intéresse, lui sont infiniment agréables; ils sont propres à encourager tous les citoyens: votre serment patriotique, vos sentiments pour la nation et pour le roi seront pour vous et pour elle un garant de la solidité d’une constitution qui doit faire le bonheur de tous. » M. le Président. L’Assemblée passemaintenant à la discussion du projet de décret sur les lettres de cachet. M. Fréteau, membre du comité, observe que l’amendement fondu dans l’article 1er décrété le IB de ce mois et un plus sérieux examen ont obligé le comité à modifier les articles, à changer l’ordre dans lequel ils étaient présentés et à en ajouter de nouveaux. Il propose d’abord l’article suivant : « Ceux qui, sans avoir été condamnés en dernier ressort, mais seulement par un jugement en première instance, ou décrétés de prise de corps comme coupables des crimes capitaux, seront conduits dans les prisons désignées par la loi, pour y subir leur jugement, qui ne pourra être plus rigoureux qu’une condamnation en une prison de quinze années, y compris le temps qu’a déjà duré leur détention. » M. de Cazalès expose le danger de rendre à la société plusieurs personnes coupables des plus grands forfaits, et il demande que, par amendement, on ajoute à l’article qu’il serasùrsis à toule condamoation jusqu’à ce qu’il ait été déterminé s’il y a lieu à line révision ou à une commutation de peines. M. Pétlon de Villeneuve propose que, pour établir une compensation, on ordonne une prison perpétuelle pour ceux qui méritent la peine de mort, et vingt ans de prison au lieu de vingt ans de galères. M. Martineau. L’article proposé est illusoire, car s’il y a plus de quinze ans qu’un homme est détenu, il est inutile de le traduire devant les tribunaux, puisque le jugement qui interviendrait ne pourrait être plus sévère. Vous devez, j’en conviens, adoucir les peines, mais dans les peines même il faut observer une gradation. Vous ne forcerez pas les familles à recevoir dans leur sein des scélérats qui pourraient y apporter le trouble. Je demande, en conséquence, que la peine de mort soit compensée par une prison perpétuelle. M. de Robespierre. Les raisonnements du préopinant tiennent plutôt au préjugé qu’aux règles de la justice. Vous ne tirerez pas des malheureux des cachots du despotisme, pour les trausférer dans les prisons de la justice. Vous ne serez pas plus sévères que n’étaient nos lois, qui accordaient à un criminel la faculté de rentrer âOâ [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 mars 1790.] dans la société après vingt ans. Ceux qui ont été escamotés par le despotisme méritent autant d’égards que ceux qui se sont expatriés. Je conclus à ce qu’un homme détenu en vertu d’une lettre de cachet, quel que soit le crime qu’il ait commis, ne puisse être condamné à plus de vingt ans de captivité. M. Frétean. Je pense qu’il faut tenir compte à tous ces malheureux de la manière dont ils ont été jugés et condamnés ; ils n’avaient ni conseils, ni ad joints. Quant à ceux qui ont déjà subi quinze années de prison, il n’v a rien à gagner pour eux. Mais il peut paraître juste qu’ils aient au moins le bénéfice d’un jugement définitif. M. Foys. Je demande qu’on excepte de l'article les crimes que les ordonnances ont déclarés irrémissibles: tels sont les parricides, les fratricides, les incendiaires et les empoisonneurs, M. de Cazalès. 3e demande que l’amendement soit plus simplement rédigé, et qu’on se borne à dire que tout homicide est excepté de l’article. M. Long. J’appuie l'amendement avec d’autant plus de raison que ce n’est que par privilège que quelques coupables ont été soustraits à la peine, et qu’on peut dire que la justice a eu les mains liées par l’influence ministerielle. M. Popuïus, Si vous n’adoptiez pas cet amende� ment, vous verriez peut-être des fratricides devenir les héritiers de leurs frères. Je pourrais citer un exemple d’un malheureux qui fut empoisonneur, incendiaire et assassin dans l’espace de deux mois; voudriez-vous rendre à la société un pareil scélérat ? M. le comte de Mirabeau. On ne connaît pas deux exemples des cas que vous voulez pré voir, parmi le nombre des détenus sur le sort desquels vous avez à vous prononcer. Quels sont les cas véritablement irrémissibles? quels sont ceux pour lesquels le roi jure, à son sacre, de ne jamais faire grâce ? Le duel et la contrebande récidi-vée. Si vous vouliez ne pas déroger aux principes de justice que vous réclamez, il faudrait accorder une indemnité à ceux qui ont été détenus sans être coupables ni accusés : c’est la commutation des peines qu’il s'agit de légitimer ; les détenus ne doivent pas sans doute souffrir de cette légitimité. M. Frétean. Ce n’est que depuis le barbare Duprat que l’on a donné le droit, pendant vingt années, de poursuivre une accusation contre un citoyen. Chez les Romains, le délai ne pouvait excéder une année. N’oublions pas que c’est sur le sort des hommes que nous avons à prononcer. Je n’ai jamais été que quinze jours entre quatre murailles, et je sais ce que c’est que la rigueur d’une détention. L’amendement de M. Lovs est adopté sous cette forme : « Excepté dansées cas d’assassinat, de poison et d’incendie... » L’Assemblée adopte ensuite successivement le reste des articles; ils sont décrétés en ces termes : « Art. 2. L’Assemblée nationale n’entend comprendre, dans la disposition du précédent article, les mendiants et vagabonds enfermés à temps, en vertu de sentence d’pu juge, qu sur l’ordre des officiers de police, et autres ayant Garaetère pour l’exécution des règlements relutifs à la mendicité et à la sûreté publique, à l’égard desquels il n’est rien innové quant à présent. « Art. 3. Ceux qui, sans avoir été jugés en dernier ressort, auraient été condamnés en première instance, ou seulement décrétés de prise de corps, comme prévenus de crimes capitaux, seront conduits dans les prisons des tribunaux désignés par la loi, pour y recevoir leur jugement définitif. « Art. 4. A l’égard des personnes non décrétées, contre lesquelles il y aura eu plainte rendue en justice, d’après une procédure tendant à constater un corps de délit, elles seront également jugées, mais dans le cas seulement où elles le demanderaient, et alors elles ne pourront sortir de prison qu’en vertu d’une sentence d’élargissement. Dans les cas où elles renonceraientà se faire juger, l’ordre de leur détention sera exécuté, pour le temps qui en reste à courir, de manière toutefois que sa durée n’excède pas six années. « Art. 5. Les prisonniers qui devront être jugés eu vertu des deux articles précédents, et qui seront condamnés comme coupables de crimes, ne pourront subir une peine plus sévère que quinze années de prison, excepté dans les cas d’assassinat, de poison ou d’incendie, où la détention à perpétuité pourra être prononcée: mais dans ces cas mêmes les juges ne pourront prononcer la peine de mort ni celle des galères perpétuelles. « Dans les quinze années de prison seront comptées celles que les prisonniers ont déjà passées dans les maisons où ils sont détenus. « Art. 6. Quant à ceux qui ont été renfermés sur la demande de leur famille, sans qu’aucun corps de délit aient été constaté juridiquement, sans même qu’il y ait eu de plainte portée contre eux en justice, ils obtiendront leur liberté, si dans le délai de trois mois aucune demande n’est présentée aux tribunaux, pour raison des faits à eux imputés, « Art. 7. Les prisonniers qui ont été légalement condamnés à une peine afflictive, autre toutefois que la mort, les galères perpétuelles, ou Je bannissement à vie, et qui, n’ayant point obtenu de lettres de commutation de peine, se trouvent renfermés en vertu d’un ordre illégal, garderont prison pendant le temps fixé par l’ordre de leur détention, à moins qu’ils ne demandent eux-mêmes à subir la peine à laquelle ils avaient été condamnés par jugement en dernier ressort; et cependant aucune détention ne pourra jamais, dans le cas exprimé au présent article, excéder le terme de dix années, y compris le temps qui s’est déjà écoulé depuis l’exécution de l’ordre illégal. « Art. 8. Ceux qui seront déchargés d’accusation recouvreront sur-le-champ leur liberté, sans qu’il soit besoin d’aucun ordre nouveau, et sans qu’il puisse être permis de les retenir sous quelque prétexte que ce soit. « Art. 9. Les personnes détenues pour eause de démence seront, pendant l’espace de trois mois, à compter du jour de la publication du présent décret, à la diligence des procureurs du roi, interrogées par les juges dans les formes usitées, et en vertu de leurs ordonnances, visitées par les médecins qui, sous la surveillance des directoires des districts, s’expliqueront sur la véritable situation des malades, afin que, d’après la sentence qui aura statué sur leur état, ils soient élargis, ou soignés dans les hôpitaux qui seroqf, indiqués à cet effet,