610 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. J h/ frimaire an it v J (21 novembre 1793 un jour que tous les miracles faux et menson¬ gers consignés dans la légende. « Joly, président; Huet, secrétaire-greffier. « Ce premier frimaire, l’an II de la Répu¬ blique française, une et indivisible. E. Adresse des citoyens de la commune de Crosne (1). « Citoyens représentants, « Nous n’avons pas attendu que la foudre populaire réduisît en poudre les idoles et leurs autels pour offrir à la patrie les métaux qui ser¬ vaient au culte. Un an s’est écoulé depuis que le creuset national les a purifiés et transformés : ce qui nous en reste, nous le déposons sur le bureau. C’est avec du fer que nos bras robustes et infatigables arracheront des entrailles de la terre de riches moissons et graveront dans les en¬ trailles des tyrans le respect de nos saintes lois, le triomphe de la République. « Le fanatisme expire sur le corps sanglant de la royauté, et, dans notre hameau, on cher¬ cherait inutilement les traces de ces deux mons¬ tres qui ont trop longtemps dévoré la terre. Nous ne pouvons célébrer ce mémorable événement sans reconnaître la loyauté et la raison coura¬ geuse du ci-devant ministre qui présidait à nos enseignements. Il ne nous a jamais montré que la vérité telle qu’elle est sortie du sein de la nature; il ne nous a jamais inspiré d’autre en¬ thousiasme que celui de la patrie. Sa déprêtri-sation était dans son cœur avant qu’elle fût écrite sur nos registres. . « Citoyens représentants, nous vous recom¬ mandons notre frère et notre ami qui nous ac¬ compagne ; après avoir servi avec nous la chose publique, nous serions jaloux de mourir avec lui pour une si belle cause. « Et ont signé ; - « Les membres du conseil général : « Ramponet, maire ; Baudier, officier muni¬ cipal ; Mauger, procureur de la commune ; Angut, Hulmé, Ramponet, Pelletier, Clotrié, Ferry, notables ; Bertaux, commis greffier. » Pour expédition conforme à V original : Bertaux, commis greffier. F. Offrande de la commune de Saint-Germain-lès-Arpajon (2). « Citoyens représentants, « La très petite commune de Saint-Germain-lès-Arpajon nous a députés vers vous pour dé¬ poser sur l’autel de la patrie les symboles du fanatisme religieux qu’elle possédait. (I) Archives natiQmlesi carton G 283, dossier 802. (2) Ibid, « Ce qu’elle offre est peu de chose, c’est le denier de la veuve ; ce don, tout faible qu’il est, vous prouve que ses .habitants sont dignes de leur régénération et que la République trouvera en eux des défenseurs zélés de sa cause sacrée. « Ils ont brisé le talisman de l’erreur; ils ont été les premiers à ouvrir leur esprit aux vérités dont vos sages délibérations ont environné la nation, mais ils sollicitent et ils attendent de vous la prompte exécution des décrets qui éta¬ blissent les écoles primaires, comme un moyen nécessaire et urgent pour propager ces vérités et faire germer dans le cœur de leurs enfants les sentiments du plus pur républicanisme qui les anime. « Empressés de voir la liberté s’affermir sur cette base inébranlable, ils vous prient, pères de la patrie, de prendre leur demande en con¬ sidération. » Extrait des registres du greffe de la commune de Chartres (1). Séance publique du conseil général du vingt-cinq brumaire an deux de la République française, une et indivisible. Le procureur de la commune a dit : « Citoyens, « La Révolution a fait, depuis quelque temps, des progrès inconcevables et la raison publique a franchi, en un moment, un intervalle immense : tel est l’effet de l’instruction et de la liberté. Des vérités que le philosophe hésitait encore à proclamer dans la crainte que la croûte des préjugés ne fût pas encore suffisamment dissi¬ pée pour tous les yeux, ont tout à coup vu le jour, et leur effet a été aussi prompt que la foudre, le voile a été complètement déchiré et l’opinion publique a définitivement prononcé. Si je vœu n’est pas encore complètement univer¬ sel, au moins une majorité terrible nous cria : Plus de prêtres, plus de ces mômeries qui, assez longtemps, ont séduit, abusé et ensanglanté la terre. Ce n’est pas à vous, magistrats, à hésiter sur l’émission de ce vœu qu’il n’est pas en vous d’arrêter; secondons plutôt que de l’entraver cet élan d’énergie républicaine et philosophique ; h⬠tons-nous de marcher de concert avec elle, et récédons-la même, quand les principes sont ’ accord. « Déjà un grand nombre de prêtres du culte catholique secouant un reste de respect hu¬ main qui, seul encore, les faisait un peu balancer, se rendant à votre invitation, nous ont apporté leur abjuration solennelle des fonctions abusives qu’ils avaient jusqu’alors occupées; bientôt il n’en restera plus, sinon quelques imbéciles qu’il faut plaindre ou quelques fanatiques qu’il faudra réprimer. L’évêque est mort et à coup sûr il est temps de faire du temple magnifique que nous possédons dans nos murs l’emploi que la République et la philosophie réclament; il est temps d’en faire le temple de la raison et des vertus républicaines. Arrachons du milieu de nous tout ce qui pourrait encore sembler laisser (!) Archives nationales, carton G 283, dossier 802 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. \ |!r fnmailre 611 J f 21 novembre 1793 un noyau qui, ridicule aujourd’hui, d’un mo¬ ment à l’autre deviendrait peut-être dangereux. N’attendons pas que l’exemple nous ait été donné par toutes les communes de la Républi¬ que, et que la commune de Chartres qui, tou¬ jours a marché au premier rang dans toutes les circonstances de la Révolution, ne semble pas, celle-là seule, se traîner servilement sur les pas des autres. Après les coups que nous avons por¬ tés tant de fois et aux préjugés et à l’aristo¬ cratie, et au modérantisme, celui que je vous propose ne sera pas un effort pour vous. « Je propose donc au conseil général d’ar¬ rêter : « 1° Que tous les objets servant ci-devant au culte romain, les châsses, reliques et autres ob¬ jets précieux soient voiturés à Paris et déposés dans le sein de la Convention nationale, et que les débris de la Vierge, des saints d’argent efc tous les ornements y soient pareillement portés ; « 2° Qu’une députation de la municipalité, en allant offrir cet holocauste à la raison, présente à la Convention le vœu de la commune pour que l’édifice si beau, qui jouit depuis tant de siècles d’une réputation qui attire des étran¬ gers, soit conservé pour servir de temple à la raison et à la liberté et pour y célébrer des fêtes publiques, surtout les jours de repos; « 3° Que cette députation demande à la Con¬ vention une autorisation de vendre les maté¬ riaux provenant de la démolition des chapelles, stalles, confessionnaux et de tous les objets qui servaient au culte et qui ne sont d’aucun métal pour, du produit de cette vente, faire sculpter les figures colossales de l’Égalité, de la Liberté et de la Raison pour être placées sous les voûtes de cet édifice; « 4° Que ladite députation demande pareil¬ lement à la Convention que les fonds attribués pour l’entretien de la musique soient conservés à la municipalité pour salarier les musiciens qui ne consacreront plus leurs talents qu’à chanter, chaque décadi, des hymnes à la liberté. » Le conseil général, adoptant unanimement toutes les propositions faites par le procureur de la commune, Arrête que dès demain quatre commissaires qui vont être nommés, s’occuperont de l’in¬ ventaire de tous les objets à transporter à la Convention nationale et les rassembleront, s’il est possible, pour que la députation puisse par¬ tir le vingt -huit brumaire présent mois; Procédant à la nomination de quatre com¬ missaires pour faire l’inventaire des objets sus¬ ceptibles d’être transportés à Paris pour être offerts à la Convention nationale, nomme les citoyens Périer, Saimsot, officiers municipaux, Joliet Alexandre et Jacob, notables; Délibérant ensuite sur le nombre de députés qui seront chargés de porter à la Convention nationale les effets précieux qui proviendront des différentes églises et oratoires de cette com¬ mune, le conseil général arrête que cette dépu¬ tation sera de quatre membres pris dans son sein et que la Société populaire sera invitée à nom¬ mer deux de ses membres pour s’y joindre; Et procédant à la nomination des quatre membres, le conseil a nommé les citoyens Périer, Brazon, officiers municipaux, Doulais-Chabion et Fouré, notables. Pour extrait conforme : Hoyau, secrétaire . Adresse (1). « Le conseil général de la commune de Char¬ tres nous a députés vers vous pour vous annon¬ cer que dans ses murs le préjugé avait cédé à la raison et que les prêtres n’étaient plus écou¬ tés, et même que la plus grande partie d’entre eux avaient renoncé à l’exercice de leurs fonc¬ tions fanatiques. « Nous voilà au pas, ça ira. « Comme il n’existe plus dans nos murs de culte catholique, nous avons cru qu’il était inu¬ tile de laisser subsister les châsses et ornements d’or, d’argent et de cuivre, restes du fana¬ tisme de nos pères : nous vous les apportons. » Compte rendu du Mercure universel (2). Nous voilà au pas, disent les députés de la commune de Chartres, nous pouvons dire ; Ça ira. Le fanatisme a vu passer son règne et la raison a pris chez nous la place des préjugés. Nous sommes suivis de dix tonneaux remplis d’or et d’argent et de cuivre, dépouilles fastueu¬ ses de la superstition. Nous demandons que no¬ tre ci-devant église qui, comme monument, at¬ tire l’admiration des Français et des étrangers, serve désormais de temple à la raison, que cha¬ que décadi soit consacré à célébrer, dans son sein, la fête de la liberté; que les débris de nos confessionnaux soient convertis en statues re¬ présentant le génie de la France ; enfin que les fonds destinés à la musique de notre ci-devant cathédrale soient conservés à la municipalité pour salarier les artistes qui ne chanteront plus que des hymnes républicains. H. Offrande de la commune de Ville-d’ Avray (3). « Citoyens représentants, « La commune de Ville-d’Avray, canton de Sèvres, députe vers vous son conseil général, à l’effet de vous remettre toutes les marques pom¬ pantes qui existaient dans ladite commune d’un sacerdoce qui nous a longtemps éblouis et tenu sous un règne hypocrite. Nous les déposons entre vos mains pour être refondues et dénatu¬ rées pour servir à revivifier notre République. « Les habitants de la commune de Ville-d’Avray ont fait mettre en place de la croix qui était au-dessus du portail de leur église le dra¬ peau tricolore, efc du temple de la superstition, ils en ont fait le temple de la raison. Comme nous avons des vieilles femmes qui tiennent à leurs vieux préjugés, nous avons acheté des vases qui sont de simple argile pour les rappeler à la modestie et à la philosophie. Tant qu’à nous, il y a longtemps que nous ne reconnaissons plus d’autre culte que celui de l'égalité, de la liberté et de la fraternité. « Caillieux, maire. » (1) Archives nationales, carton C 283, dossier 802. (2) Mercure universel [3 frimaire an II (samedi 23 novembre 1793), p. 37, col. 1]. ' (3) Archives nationales , carton C 283, dossier 802.