270 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE exemptes de toutes retenues depuis la liquidation ordonnée en 1719. Actuellement qu’il s’agit de retirer les titres desdites rentes, le payeur qui en est chargé se trouve forcé de mettre au rebut beaucoup de rentiers qui ne rapportent point les originaux des ordonnances de liquidation de leurs rentes, ou qui ne rapportent que des copies collationnées faites sur lesdits originaux représentés et rendus. Tous ces rentiers se trouvent embarrassés, et ne savent à qui s’adresser pour retirer les originaux qui ont été déposés aux archives du clergé. Le décret du 21 frimaire de l’an II ne prononce rien sur ces rentes, et l’article XII de ce décret ne dispense du rapport des titres perdus que pour ceux d’une date antérieure à 1713, ce qui ne peut s’appliquer aux rentes de l’ancien clergé, puisque toutes les ordonnances de liquidation sont des années de 1719 et suivantes. Ces rentes étant fort anciennes, modiques dès leur origine, et étant subdivisées en petites parties, il n’est pas étonnant que les propriétaires aient négligé les titres originaires qui leur auraient coûté plus d’une année de la rente, surtout depuis qu’ils avaient obtenu un titre nouvel. Ces titres originaires étant des ordonnances de liquidation, qui sont daté de l’année 1719 et suivantes, on ne peut leur appliquer l’article XII du décret du 21 frimaire, qui ne dispense du rapport des titres perdus que lorsqu’ils sont antérieurs à l’année 1719. Le dépôt des minutes des ordonnances de liquidation était, avant la révolution, aux ci-devant Augustins ; depuis elles ont été transportées à la Bibliothèque Nationale, où il est impossible de s’en procurer des expéditions, soit parce que ces minutes sont dans le plus grand désordre, soit parce que la Bibliothèque n’est pas organisée pour délivrer ces expéditions. Les propriétaires de ces rentes sont dans le plus grand embarras ; non seulement ils ne peuvent pas mettre en règle ces parties des rentes, mais ils ne peuvent pas retirer leurs inscriptions définitives sur le livre de la dette consolidée, et recevoir le payement annuel de ce qui leur est dû par la nation. Votre comité des Finances a pensé qu’il était juste d’accorder au propriétaire de ces rentes la faculté mentionnée dans l’article XII de la loi du 21 frimaire, et de n’exiger de ce propriétaire que le double original de l’ordonnance de liquidation en papier, signé des commissaires, avec la déclaration par laquelle il se soumettra à représenter l’original au cas qu’il se trouve, sous peine d’être déchu de toute répétition envers la République. Voici le projet de décret que je suis chargé de vous présenter (91) : (91) Moniteur, XXI, 800. La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [Cambon, au nom de] son comité des Finances, décrète : Article premier. - Les propriétaires des rentes dites ancien clergé, qui, ne pouvant pas fournir les ordonnances de liquidation, ont remis le double original de cette ordonnance en papier, ou qui le remettront d’ici au premier frimaire prochain, seront admis en liquidation, en se soumettant à représenter l’original au cas qu’ils le retrouvent, sous peine d’être déchus de toutes répétitions. Art. IL - Le présent décret sera imprimé aux bulletins des lois et de correspondance (92). 47 Il est fait lecture d’une lettre des re-présentans du peuple près l’école de Mars, relativement aux alarmes que la malveillance s’est efforcée de répandre au sujet de cette institution. Cette lettre est vivement applaudie. La Convention nationale en ordonne l’insertion au bulletin (93). [Les représentants du peuple près l’école de Mars, au président de la Convention nationale, 2e jour des sans-culottides an II] (94) Citoyen Président, Avant hier trente fructidor nous nous sommes rendus à notre nouveau poste. Le camp des Sablons nous a présenté l’aspect le plus intéressant. Une règle sage et sévère y a formé des hommes pour la liberté, des défenseurs de la patrie, intelligens et instruits. Le patriotisme brille sur les visages des élèves de Mars et embrâse leurs cœurs. Chaque heure du jour a son emploi. La tactique, le génie, l’administration militaire, la pique sont tour à tour les objets de leurs études. Décadi, ces jeunes soldats ont éxécuté les manœuvres les plus compliquées avec une précision étonnante et les ont accompagnées de feux très soutenus. Les artilleurs tiraient cinq coups à la minute et chargeaient le sixième. Nous t’invitons à prévenir la Convention nationale que les mêmes manœuvres doivent se renouveller demain à trois heures et nous engageons nos collègues à venir jouir du coup d’œil flatteur qu’offrent les succès rapides des trois mille en-fans de Mars. (92) P.-V., XLV, 332-333. C 318, pl. 1287, p. 25. Décret n° 10 937, minute de la main de Cambon, rapporteur. Bull., 2e jour s.-c. (suppl.) ; Moniteur, XXI, 800 ; J. Fr., n° 725 ; M.U., XLIII, 537 ; Rép., n° 3 ; J. Perlet, n° 727 ; Ann. R. F., n° 1. (93) P.-V., XLV, 333. (94) C 318, pl. 1290, p. 18. Débats, n° 728, 543-544 ; J. Mont., n° 142 ; J. Fr., n° 725 ; M.U., XLIII, 531 ; Rép., n° 273 ; J. Perlet, n° 726. SÉANCE DU 2e JOUR DES SANS-CULOTTIDES AN II (JEUDI 18 SEPTEMBRE 1794) - N08 48-49 271 Annonce à la Convention que le deux vendémiaire prochain les artilleurs de l’école commenceront l’exercice du canon à boulet dans le tir de Vincennes où ils pourront sans danger se livrer à cette manœuvre deux fois par décade. Assure-la en outre que nous sentons combien est précieux le dépôt qui nous est confié et que nous voulons le conserver dans toute sa pureté. Salut et fraternité. Moreau, Bouillerot. L’Assemblée applaudit à la lecture de cette lettre, et en décrète l’insertion au bulletin (95). 48 On [Borie] demande qu’il soit accordé des secours aux ci-devant ministres pro-testans âgés de soixante-dix ans et pères de famille. La Convention passe à l'ordre du jour (96). 49 Un membre [Isoré] fait une motion d’ordre sur l’administration des subsistances, et présente un projet de décret relatif au maximum du prix des grains, farines, fourrages, transports, denrées, matières fabriquées et non fabriquées. La Convention nationale ordonne l’impression du discours et l’ajournement du projet de décret (97). [Discours d’Isoré] (98) ISORÉ : Citoyens, administrer les subsistances d’une république en révolution n’est pas une entreprise ordinaire ; cependant rien ne serait si simple, si le peuple agissait de concert avec la nature, et si la défiance, jalouse sans cesse du bonheur commun, ne jetait des entraves sur la circulation des denrées. L’esprit du fédéralisme guide sans cesse cette terrible défiance; on est toujours assez riche pour se vanter de n’avoir pas besoin de secours, on est toujours d’accord quand on méprise les autres pour n’avoir en vue que le bonheur local ; enfin vous diriez à la région la plus stérile de la France qu’elle est fédéralisée, et (95) Débats, n° 728, 544. (96) P.-V, XLV, 333. Mess. Soir, n° 761 ; M.U., XLIII, 536 ; J. Perlet, n° 726. Ces gazettes placent l’intervention de Borie après le rapport de Cambon présenté ci-dessus n° 40. (97) P.-V., XLV, 333. (98) Moniteur, XXI, 793-798. Débats, n° 728, 544; J. Mont., n° 142 ; Mess. Soir, n° 761 ; Ann. Patr., n° 626 ; C. Eg., n° 761 ; F. de la Républ., n° 439; J. Fr., n° 725; Rép., n° 273 ; J. Perlet, n° 726 ; Gazette Fr., n° 992 ; J. Paris, n° 627. qu’elle ne dépendra que d’elle-même et ne vivra que de ses récoltes et de son commerce, les ambitieux d’une pareille contrée insinueraient aux habitants d’accepter l’offre, pour avoir un but d’autorité. Les denrées et marchandises de première nécessité seront toujours l’arme avec laquelle l’ambition et l’intrigue hasarderont de gouverner; le commerce réparerait tout s’il était en vigueur et dirigé par des lois, et non par le droit d’agir sans règle ni probité. Si ceux qui peuvent faire le bien par leurs richesses n’avaient pour but la perfidie aristocratique même sous des masques, tout irait d’un même pas, et les riches mêmes s’en féliciteraient. Pour moi, citoyens, je crains qu’on ne vous montre dans l’administration des subsistances qu’un à peu près imaginaire pour règle. Là nature, quoique tracassée par de mauvais partages, veut bien remédier aux méprises de l’ignorance, pour que telle partie de la République à laquelle on ne pense pas obtienne d’ailleurs que de l’administration centrale ce qui lui est nécessaire ; quand les administrations particulières sont intelligentes, c’est un bonheur; car la circulation fait le bien général ; et si d’un département à l’autre on se passait réciproquement les denrées en échange, si le commerce intérieur n’était pas en proie à des êtres immoraux qui se croient autorisés à sucer à grande gorge tous les portefeuilles, l’embarras d’administrer la nourriture commune serait la chose la plus simple. Nous ferons bien de nous persuader sans cesse que ce n’est pas le moment d’être tout à fait sans défiance ; observez ceux qui vous disent le contraire et défiez-vous d’eux-mêmes : si le machiavélisme des chefs de l’aristocratie pouvaient renverser toutes nos machines révolutionnaires, bientôt nous serions comme les premiers habitants d’un pays, qui pour se constituer en société, se mettent sous une protection tyrannique. Si un commerce perfide s’emparait des subsistances, le royalisme nous forcerait la main avant six mois; et si un commerce loyal vous secondait, la République jouirait promptement de ses propriétés, sans aucune traverse contre-révolutionnaire. Attachons l’honneur à l’intérêt par de bonnes lois ; nous républicaniserons même le commerce des Barbares, et insensiblement les productions du sol et des manufactures ne seront plus à la merci du brigandage. Je crois qu’il est temps d’organiser cette branche garnie de ressources, et de ne pas croire que la composition d’une commission est une source intarissable qui peut pourvoir à tout. Est-ce qu’un homme ou deux peuvent mettre un pareil rouage en mouvement, peuvent conduire toutes les parties du commerce et approvisionnements ? Autrefois un ministre royalement audacieux n’aurait osé l’entreprendre. Sans commerce, la société n’offre rien d’industrieux, et les inquiétudes seules l’occupent ; le cultivateur même est borné, et son encouragement limité le borne lui-même dans ses travaux ; si nous perdions un moment l’espoir