; Assemblée nationale. 1 ARCHIVES FAHJLEMEISïÀIRiES. |28 février 1794.1 578 pour être ses soldât?, et qui ne les fit soldats q,u’à condition quMs resteraient citoyens. Patriotes militaires, D’oubliez donc jamais que vous êtes tous frères d’armes, tous enfants de îa même patrie, et que l’appareil de votre costume, de vos armes, de vos évolutions, au lieu de vous persuader que vous devez être un objet de terreur pour vos semblables, vous rappelle sans cesse que vous êtes armés unique ment pour être l’effroi du des; otisme, la sauvegarde du citoyen et le bras de la loi. Alors, nulle autre différence entre le chef et le soldat; l’amour de la patrie vous élèvera tous à la hauteur des héros ; et la loi, soutenue d’une force irrésistible,, paraîtra partager la majesté des décrets immuables de lu Divinité. Elle appartiendra aux lois, cette majesté sainte, lorsque les ministres de la religion, fidèles aux règles inaltérab'es et sacrées de l’Evangile, comme aux nations qu’elles éclairent, rendio t à la puissance publique ce qui lui appartient; lorsque, donnant les premiers exemples de l’obéissance aux lois, ils éloigneront les passions superstitieuses qui nuisent au bonheur des peuples et ces mouvements fanatiques qui altèrent la paix et l’union des hommes. C’est aux ministres de l'autel à faire aimer la patrie dont ils sont les enfants. C’est à ces magistrats politiques et religieux de publier le code de la nation dans les temples et d’associer ainsi le culte des lois à celui de l’Eternel. Qui oserait maintenant négliger ou dédaigner la loi? Ce i e sera pas toi, simple citoyen, qui n’as d’autre égide contre les tyrans et contre l’usurpation de t< s droits et de tes propriétés. Tu fus toujours un ardent ami des lois, au milieu des champs que tu fertilises, ou de l’industrie que tu crées. Pour vous, habitants des cités, gardez-vous bien du moindre signe de mépris pour la loi. Je ne vous dirai pas que vous appeliez l’anarchie et que dans i’amarehie aucune propriété n’est certaine; mais ne rougiriez-vous pas de demander des fers, d’aller au-devant de l’esclavage, d’exposer à l’opprcssion les générations futures et de préparer un nouvel asservissement de la patrie, au moment où elle fait des prodiges pour briser le joug qui l’avait si longtemps accablée? Non que je prétende établir au milieu de vous un cul le superstitieux pour la loi; je sais qu'il est un terme où l’opinion publique a le droit de dominer la législation et d’en provoquer la réforme. La raison publique s’éclaire tous les jours et perfectionne ses résultats; l’esprit public fait des progrès, l’expérience y ajoute ses lumières, et le modeste législateur entrevoit une époque où l’œil perçant de la prospérité découvrira, dans son code, des imperfections à corriger et tes erreurs à détruire. Mais la loi doit-elle perdre aujourd’hui quelque chose de son empire, parce que l’art du législateur fera des progrès? Ce serait un funeste présent que le progrès des lumières, s’il atténuait d’avance la force des lois, sous prétexte qu’il doit les perfectionner un jour. Le sage et le publiciste, quoiqu’ils espèrent une législation plus parfaite, n’en rendent pas moin - l’hommage de l’obéissance à celle de leur siè' le ; et c’en est un nouveau de leur part, que de consacrer leurs veilles à la perfectionner. Qu’on laisse donc à la liberté de la presse ! toute sa 1 titude; que les écrivains politiques et 1 philosophes ne cessent de réclamer et de chérir ce beau droit de la pensée; les lumières et la liberté ont pris chez quelques nations un tel ascendant que leur cours ne peut plus s’arrêter, qu’il n’ait rétabli un nouvel ordre civil et moral dans toutes les sociétés humaiues. qu’il n’ait détruit lout( s les superstitions politiques et religieuses; voilà le moment propre à rendre l’esprit humain à l’empire de la raison et les hommes au respect des lois, devenues enfin l’expression de la volonté générale. DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 28 FÉVRIER 1791. 1 Nota. M. de Gouy d’Arsy ayant fait imprimer et distribuer une opinion sur la loi projetée: contre les émigrants, nous l’insérons ci-dessous, comme faisant partie des documents parleinen-: t aires de l’Assemblée nationale. Opinion de M. Louis -Marthe de Gouy d'Arsy, député de Saint-Domingue à l'Assemblée nationale , sur la loi projetée contre les émigrants . Messieurs, j’aurais désiré qu’on n’eùt point proposé à l’Assemblée nationale de faire une loi contre les émigrants. Cette question une fois élevée, j’ai été d’avis de ne point l’éluder, de la traiter avec solennité, de la discuter avec attention, et de la résoudre par un décret constitutionnel. J’ai opiné pour la lecture de tous les projets. Il était de notre devoir de tout entendre parce que nous avons reçu mission de tout juger. J’ai opiné pour un examen approfondi; nous le devions à la France et à nous-mêmes. Mais, aujourd’hui, quand tous les représentants de la nation se sont occupés de cette question, quand plusieurs préopinants éclairés se sont déclarés pour l’affirmative, et que plusieurs autres non moins instruits, se sont déclarés contre ; quand j’ai tout écouté, et que je n’ai point entendu mettre en avant un argument qui me paraît sans réplique, je dois, Messieurs, en proposer loyalement la solution à tous les membres de cette Assemblée, parce que je ne cherche comme eux que la vérité, que le bonheur de notre commune patrie. Je n’entrerai point dans l’examen des principes. Ils ont été profondément discutés. Tout homme de bonne foi doit convenir à présent qu’en philosophie la loi serait juste, qu’eu politique elle serait arbitraire, qu’en théorie elle serait désirable, qu’en pratique elle serait le tombeau de la Constitution. Mais, pour fixer vos incertitudes, pour lever vos doutes, pour conquérir vos suffrages, il importe de vous démontrer encore que, quand même on parviendrait à rendre-la loi sur les émigrants constitutionnelle et praticable, il ne faudrait pas la décréter, puisqu’il en résulterait infailliblement la ruine certaine du royaume. Cette proposition peut être rigoureusement démontrée en très peu de mots. Pourquoi vous a-t-on demandé, Messieurs, une loi contre les émigrants? Ceux qui l’ont provoquée ne pouvaient avoir que deux motifs. Le premier était, eu rappelant les mauvais citoyens émigrés, ou retenant les malintentionnés émigrants, d’empêcher les fâcheux effets que [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ) 28 février 1791. J pourraient produire leurs manœuvres criminelles chez les puissances voisines. Le second motif était sans doute, dans le cas où l’on ne parviendrait pas à faire rentrer les expatriés, ou à s’opposer aux émigrations, de s’en dédommager en appliquant à la nation des revenus immenses que les émigrés doivent à la fertilité de notre sol, et dont on ne voudrait plus qu’ils fécondassent un sol étranger. Il ne peut pas y avoir eu d’autre raison que ces deux-là. Eli bien! Messieurs, la loi décrétée produirait deux effets diamétralement opposés au double but qu’on se propose; et je le prouve incontestablement, à ce que j’espère. Quant au premier motif des provocateurs de la loi qui tend à prévenir ou arrêter l’effet des sus-citations coupables des émigrants, je réponds que tout individu qui ose méditer la raine de sa patrie, est un traître qui n’a rien à perdre dans le cas d’une défaite, et qui a tout à espérer clans le cas d’un succès. Un tel homme a fait ses combinaisons, car le crime calcule aussi et nulle loi n’a la force d’arrêter celui qui ne craint rien et qui brave tout. Donc la loi qu’on projette ne rappellera pas les mauvais citoyens émigrés et elle ne retiendra pas ceux que des intentions coupables entraînent chez nos ennemis. Quant au second motif qui anime les partisans de la loi, et qui U nd à venger la nation de la trahison de certains émigrés, je demande en quoi consistera cette vengeance? Elle ne peut pins tomber sur la personne, puisqu’il s’agitd’un expatrié; elle ne pourra donc atteindre que ses biens. Et quels biens, Messieurs? Les terres seules, car les portefeuilles échapperont en entier au châtiment national. Ainsi le riche capitaliste pourra trahir impunément sa patrie, et le propriétaire territorial subira seul la peine infligée parla Constitution. Voilà déjà une inégalité dans la loi qui en prouve l’imperfection. Mais ici un inconvénient d’une tout autre importance réclame toute notre attention. Quand la loi aura solennellement prononcé que, dans tel ou tel cas, les biens d’un émigré seront saisis, annotés ou confisqués, tous ceux qui, animés d’intentions perverses, braveront leur conscience et Ja loi, auront grand soin de se mettre à l’abri du châtiment qu’elle leur prépare. S’ils n’ont rien, la confiscation ne les effrayera pas; s’ils sont capitalistes, elle ne les épouvantera pas davantage, s’ils sont propriétaires, ils ne manqueront pas de métamorphoser en papier sur l’étranger toutes leurs propriétés territoriales, et de se soustraire ainsi à la juste punition qui les menaçait. Donc la nation ne trouvera pas même à se dédommager des pertes que les émigrations lui causent; ses revenus ne s’accroîtront pas de ceux des émigrés; et ces derniers verseront malgré nous, sur une terre étrangère, des capitaux qu’ils auront dérobés à la patrie, et dont il est impossible de leur ôter la disposition. Jusqu’ici, j’ai montré l’insuffisance, l'inefficacité d’un décret; il me reste à vous offrir l’esquisse des dangers qui l’environnent. _ Dès qu’il sera bien avéré que les biens-fonds sont seuls soumis à l’épée de la loi, comme il n’est pas cm seul individu qui, dans un grand Empire, et dans un moment de révolution, puisse être à l’abri d’un crime involontaire, ou d’une accusation calomnieuse, et par conséquent d’une émigration forcée, vous sentez, Messieurs, que o79 chacun considérera avec quelque effroi l’embarras et le danger d’une propriété territoriale, Le capitaliste qui, ennuyé des vicissitudes de son portefeuille, voulait assurer à jamais l’immuabilité de sa fortune, y pensera deux fois avant de consommer cette conversion périlleuse, et finira par ne pas acheter. Et dans quel temps, je vous prie, ces réflexions ombrageuses deviendront-elles celles de tous les gens à argent? A une époque où le salut de la France repose en entier sur la vente dé l’immense héritage que nous venons de recouvrer; à une époque où ie royaume était sans ressource, si les biens ecclésiastiques et domaniaux ne lui en avaient offert une immense; à une époque où cette ressource se présente avec tant d’avantages; où elle remplit, et au delà, toutes les espérances, et où pourtant elle devient radicalement nuUe dès qu’on cessera d’acheter... Or, soyez sûrs, Messieurs, que la suite infaillible d’une loi contre les émigrants, dont les infractions ne pourront être punies que par la privation des propriétés territoriales, attiédira singulièrement les nombreux acquéreurs des biens nationaux, dont il importe tant de se défaire. La concurrence diminuant, le prix des adjudications ne tardera pas à baisser, et bientôt une stagnation générale, effet naturel d’une méfiance universelle, nous rendra à toutes les inquiétudes du déficit et à toutes les horreurs delà banqueroute, que la sagesse de vos mesures semblait rendre désormais impossible. Ainsi, perte consommée pour l’Etat par la baisse subite dans le prix des biens nationaux, et danger de la chose publique par la cessation de toutes les ventes : voilà les premiers et les infaillibles effets de la loi. Ce ne seront malheureusement pas les seuls, car tout se tient dans l’ordre politique, et la rupture d’un chaînon entraîne des désordres incalculables. Cette méfiance si bien fondée empêchera les capitalistes d'acquérir les biens que la nation a tant d’intérêts de vendre, s’étendra bientôt jusqu’à ceux qui, ne possédant que des terres, se trouvent naturellement exposés aux rigueurs de la loi. Le danger de leur position sera bientôt suivi du projet de s’eu affranchir. Us mettront leurs terres eu vente et les céderont à vil prix. La plus noble et la plus sûre des propriétés, dans le plus beau climat de l’Europe, deviendra, par l’effet d’une loi mal combinée, ie plus mauvais de tous les biens, celui que tous les caractères libres et indépendants chercheront à échanger contre une propriété portative inaccessible aux rigueurs de la loi. Mais quelle espèce de numéraire sera le prix de ces domaines patrimoniaux que chacun s’empressera de vendre? Ce seront les assignats qui, dans l’intérieur de la France, font fonctions d’espèces et le salut du royaume, mais ne rapportent point d’intérêt, et ne circulent point chez l’étranger. On échangera donc à grands frais ces assignats contre des éeus, et le numéraire métallique, thermomètre de la vraie richesse, s’écoulera de toutes parts vers les puissances voisines, ira donner un nouveau prix à leurs terres ou vivifier leurs manufactures au grand détriment des nôtres qui s’appauvriront chaque jour, sans qu’il leur reste aucun moyen de réparer leurs pertes. Si je cherche une compensation à tant de maux, où la trouverai-je? Sera-ce dans le prétendu gain que doit procurer la confiscation des biens de ceux qui sont actuellement absents? Mais ce bénéfice, indigne d’une grande nation, se réduira [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er mars 1791.) 680 à bien peu de chose, puisqu’il ne portera que sur les sbseï ces illégitimes, et que cette classe sera sûrement la moins nombreus< . D’ailleurs, quelle que pût être cette compensation, ne sera-t-elle pas absorbée, et bien au delà, par une perte immense dont votre politique, Messieurs, saura mesurer l’étendue. La France était un Etat intolérant et despotique; elle est, giâc.e à vos décrets, un Etat libre et tolérant. Les étrangers n’y vtnaient que pour ses plaisirs