473 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] droits gênants, inconnus à la majeure partie des sujets, et que la tolérance de leur extension et des crimes dont on les rend suceptibles par la vigilance et insatiabilité des fermiers généraux et de leurs commis sont trop dangereux. Art. 4. Que ceux des gabelles, traites et autres de cette nature, soient aussi supprimés, et que le sel et le tabac soient, comme les autres denrées, un objet de commerce libre. Art. 5. Que les capitaineries , grueries, même les tribunaux des eaux et forêts, soient supprimés à cause de l’oppression des uns et de l’inutilité des autres. Art. 6. Qu’il n’y ait plus à l'avenir que deux degrés de juridiction, soit que les justices seigneuriales soient supprimées ou conservées. Art. 7. Que la liberté individuelle soit respectée et ne puisse être interceptée qu’en vertu de sentences, jugement ou arrêt des juges ordinaires ; mais que toute lettre de cachet soit abhorrée, si ce n’est pour crime de lèse-majesté divine et humaine. Art. 8. Qu’il soit assuré aux pasteurs des paroisses un sort honnête pour leur donner la faculté d’exercer dignement leurs fonctions et même de pourvoir aux besoins des pauvres. Art. 9. Que tout champartetdîme soient abolis, vu que les seigneurs perçoivent ces droits-là avec injustice, ce qui est totalement la ruine des cultivateurs. Art. 10. Que toutes haies et remises soient arrachées, parce que c’est la retirance du gibier et la ruine des cultivateurs. Art. 11. Que tous les colombiers des seigneurs et des bourgeois soient détruits, ainsi que les corneilles, qui, nous le pouvons prouver, dans des années arrachent un quart du blé du royaume, et qui sont encore la perte des cultivateurs. Art. 12. Que tous les péages des ponts, des routes et les entrées de barrières soient abolis. Art. 13. Que tous les intendants du royaume soient abolis. Art. 14. Que toutes les corvées soient abolies; l’on nous fait contribuer l’argent et l’on ne fait aucun entretien. Art. 15. Que la destruction générale du gibier soit faite, comme lièvres, perdrix, lapins et faisans, qui rendent absolument les fermiers et vignerons malheureux, et qu’il faut payer les tailles et les loyers et ne rien récolter, et dépendant des chasses de monseigneur le duc de Villeroy et M. France, seigneur deMonceaux, et de M. le prince deGhalais, notre seigneur. Art. 16. Nous demandons qu’il nous soit accordé une messe dans la chapelle de MM. les révérends pères carmes Billeltes, à leur maison de campagne, au Plessis-Chenet, hameau de la paroisse du Coudray et sur la route de Fontaine-bleauj à distance de la paroisse de trois quarts de lieue, et . que ledit bien leur a été donné à la charge de dire une messe fêtes et dimanches. Art. 17. Nous demandons le rétablissement de la route de Milly au Plessis-Chenet, qui est un chemin très-utile aux étrangers, ainsi qu’aux villes et aux villages des environs, et qui est une ancienne grande route dont les fossés sont tout faits, et que l’on ne ferait aucun tort à pas un de rassemblée. Art. 18. Nous demandons que le chemin du haut Coudray, conduisant au port de la Seine où est établi un passage public, soit rétabli et rendu praticable pour la commodité publique et l’avantage général. Art. 19. Qu’il ne soit jamais permis à aucun seigneur, ni ecclésiastique, ni aucun bourgeois fortuné de faire commerce de blé ni aucune exploitation de grains. Fait et arrêté le 16 avril 1789. Signé Berrault, syndic ; Moreau ; Vrineaux ; Jul-lenvier ; Luc-François Corbeau; Guennecorlay ; Brias; Dupont; Michel Corbay ; Robert Paron, et Gallois. CAHIER Des doléances et remontrances des habitants de Courbevoie près Paris (1). Les habitants rendent de très-humbles actions de grâces au Roi de ce qu’il a convoqué les Etats généraux de son royaume et a admis les représentants du tiers-état en nombre égal à celui des deux autres ordres. Art 1er. Us supplient Sa Majesté de supprimer les capitaineries des chasses, lui observant qu’elle a le droit de chasser dans tout son royaume, et qu’il n’y a pas un seigneur qui ne regardât comme un bonheur de la voir chasser sur ses terres. Ils conviennent que Sa Majesté trouvera moins de gibier que par le passé, mais ses sujets en seront plus heureux, et ils sont persuadés qu’elle sacrifiera volontiers le plaisir d’un moment au bonheur de ses peuples. Ils observent que la multiplicité du gibier de toute espèce détruit leurs semences ; que depuis douze ans ils sont souvent obligés de semer à deux fois les mêmes légumes et grains ; qu’ils ne peuvent conserver leurs vignes et leurs jeunes arbres pendant l’hiver qu’en les enveloppant de paille pour les garantir de la dent des lièvres, espèce de gibier que les gardes-chasses ont soin de multiplier à l’infini. Ils observent enfin à cet égard que le terroir de Courbevoie, placé dans la conservation de monseigneur comte d’Artois, ne sert pas aux plaisirs de ce prince, mais qu’il semble destiné aux délassements d’une comédienne. Dans le cas où Sa Majesté ne jugerait pas à propos de supprimer les capitaineries et notamment celle de Saint-Germain en Laye, ils la supplient de permettre ; 1° La destruction des lapins sans être obligés de faire visiter le terrain par aucun délégué ni commissaire, pour éviter les longueurs, les faveurs et la corruption ; 2° Que chacun puisse faucher son foin quand bon lui semblera pour* en éviter le dépérissement; 3° Que chacun puisse faire enclore son champ de murs sans être obligé d’en obtenir la permission de la capitainerie ; 4° Que les instances pour faits de chasse soient portées aux tribunaux ordinaires ; 5° Qu’il soit libre aux malheureux dont les champs auront été dévastés ou endommagés par le gibier de former, contre les conservateurs ou même contre les capitaines des chasses, des demandes en indemnité devant les juges ordinaires; 6° Et enfin qu’il ne puisse être infligé aucune peine corporelle pour faits de. chasse seulement et lorsque les délinquants ne seront pas convaincus d’avoir voulu maltraiter les gardes. Art. 2. Ils supplient Sa Majesté, pour encourager l’agriculture, de permettre aux propriétaires des terres qui avoisinent les doubles allées adja-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. 474 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les mars.] centes au pont de Neuilly, de les cultiver chacun en droit soi , en laissant un sentier pour l’entretien des arbres. Art. 3. Ils supplient Sa Majesté de supprimer les droits d’aides, sauf à payer l'impôt d’une autre manière; et dans le cas où cette suppression ne pourrait pas avoir lieu, d’abolir entièrement le droit de gros manquant, droit d’autant plus odieux qu’il suppose une fraude qui n’existe pas le plus souvent, et qu’il est fréquemment une double punition de cette fraude, lorsqu’elle existe, contre la règle de droit et la saine raison qui ne veut pas qu’on soit puni deux fois pour la même faute. Art. 4. Ils supplient Sa Majesté de supprimer ou diminuer les droits sur le sel, comme denrée de première nécessité. Art. 5. Ils supplient Sa Majesté d’établir un impôt unique sur tous les biens-fonds du royaume et qui soit payé par tous les propriétaires ou usufruitiers sans distinction , en observant la répartition la plus exacte. Art. 6. Comme les impôts doivent nécessairement augmenter à raison des charges de l’Etat, ils supplient Sa Majesté de mettre des bornes à ses libéralités, de n’accorder de dons et de pensions qu’aux personnes qui auront rendu des services réels et utiles à l’Etat et de retrancher celles qui ne seraient pas méritées et singulièrement celles accordées aux histrions, aux maîtresses et aux espions des ministres. Art. 7. ils supplient aussi Sa Majesté de supprimer l’usage des lettres de cachet, de sauf-conduit et des arrêts de surséance, qui attirent à la nation française le mépris des autres nations et peuvent faire le plus grand mal par les surprises auxquelles Sa Majesté est exposée sans jamais faire le moindre bien. Ils s’en rapportent à Sa Majesté et aux grands personnages qui composent l’assemblée des Etats, soit pour la consolidation de la dette nationale, soit pour les changements à faire dans le ministère et l’administration, soit pour fixer le retour des Etats généraux, soit pour établir des lois somptuaires, soit pour la révocation de l’édit qui permet l’exploitation des blés chez l’étranger, soit pour la réforme de la justice et l’abréviation des procès. Ils observent cependant que les abus dans cette partie résultent de la multiplicité des degrés de juridiction, de la vénalité des charges de magistrature et de l’inexpérience des magistrats. Signé Jacques Colombier, syndic; Jean Régnault; Etienne Doré; Nicolas Lépine; Langlois; J. -F. Charpentier ; Jean Belivré; N. -Louis Charpentier; Morel; Jean-Claude Colombier; Pierre Hanel; Lépine; René Doré; Jean Charpentier; Louis-Denis Cotereau; Claude Lépine; Simon et Nicolas-Jean Gillet. CAHIER Des doléances de la paroisse de la Cour-Neuve (1). Les peuples des campagnes peuvent enfin faire entendre leurs voix et porter leurs plaintes et doléances aux pieds du trône. Un monarque vertueux, humain, les y appelle et veut leur faire goûter les doux fruits de la liberté. Ils peuvent donc dévoiler leurs maux, leur misère et espérer un heureux calme de la nouvelle, législation que les Etats généraux vont donner à la France. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. Animés de cet espoir, les habitants de la paroisse de la Cour-Neuve peuvent donc dire avec douleur que leurs champs sont dévastés par le gibier, qu’ils sont vexés parla tyran nie des gardes-chasses, que le taux de leurs impositions est exorbitant, que leurs dîmes sont perçues pur des moines inutiles à l’Etat, à la religion, que le gou-verment a toujours été insensible à leurs plaintes, qu’une paroisse qui paye de très-fortes impositions à la porte de la capitale n’a aucuns débouchés pour son commerce ; que ses chemins sont des précipices affreux; que l’excès des maux de la misère y épuise l’espèce humaine. D’après ce faible détail, il vient demander à la nation : Art. 1er. Classement des terres. Art. 2. Abonnement de l’impôt par la province pour chaque municipalité. Art. 3. Impôt pour les biens des campagnes, établi en totalité sur les propriétés. Art. 4. Industrie du cultivateur libérée de tout impôt. Art. 5. Suppression de tous les privilèges. Art. 6. Suppression du droit de franc-fief. Art. 7. Abolition du droit de lods et ventes. Art. 8. Suppression totale des capitaineries. Art. 9. Droit de chasse, borné au propre sol du seigneur ou du particulier. Art. 10. Rachat des dîmes en un abonnement, en argent ou en grains. Art. 11. Rachat des surcens seigneuriaux et cham parts. Art. 12. Destruction ou très-grande réduction du droit de colombier. Art. 13. Liberté à tout propriétaire de faire sur son sol telles améliorations, changements, clôtures, qu’il jugera convenables. Art. 14. Abonnement des dîmes attribué aux curés de campagne et aux bureaux de charité établis dans toutes les paroisses. Art. 15. Etablissement des tribunaux ruraux, où toutes les discussions des laboureurs seront portées. Art. 16. Etablissement d’une caisse de bienfaisance pour les vieux domestiques et manou-vriers. Art. 17. Police sur les domestiques et ouvriers. Art. 18. Taxation du pain dans les campagnes et sa meilleure fabrication. Art. 19. Police sur l’exportation des grains, Art. 20. Réduction de toutes les mesures en une seule. Art. 21. Egalité de poids dans tout le royaume. Art. 22. Réforme des lois. Art. 23. Tout citoyen jugé par ses pairs. Art. 24. Liberté individuelle de tout Français. Art. 25. La vente des grains au poids. Art. 26. Suppression entière de la mendicité. Art. 27. Moyen de soulager les pauvres cultivateurs. Art. 28.. Suppression des garnisaires. Art. 29. Suppression des milices. Art. 30. Suppression des aides et gabelles. Art. 31. Abolition du logement des gens de guerre. Art. 32. Suppression des péages. Art. 33. Suppression des commis aux aides et gabelles. Art. 34. Les barrières reculées aux frontières du royaume. Art. 35. Police sur les fainéants, mendiants et malfaiteurs des campagnes. Signé Gautier de Sarthe, curé; Le Boue, syndic; F. Egré, municipal; Pierre Courin, municipal;