SÉANCE DU 18 BRUMAIRE AN III (8 NOVEMBRE 1794) - N°s 28-29 547 domaines de la ci-devant couronne, et rentrer au pouvoir de la nation, comme compris dans la loi du 10 frimaire. Votre comité des Finances, aussi soigneux de protéger et de maintenir les propriétés particulières, qu’il est exact à conserver à la nation celles qui lui appartiennent, ou à lui faire restituer celles qui ont été usurpées, n’a pas pensé que la solution de cette question pût faire aucune difficulté. Il est reconnu en principe que, pour qu’un domaine soit réputé avoir fait partie de celui de la ci-devant couronne, il faut qu’il y ait été expressément consacré, uni, et incorporé, ou qu’il ait été tenu et administré par les receveurs et officiers du domaine public pendant l’espace de dix ans, et qu’en outre il ait entré en ligne de compte : tels sont les termes de l’édit de 1566 qui a toujours servi de règle en cette matière. Les biens réclamés par la citoyenne Lecointe n’ont aucun de ces caractères, puisqu’ils n’ont point été unis à la ci-devant couronne, qu’ils n’ont point été tenus, ni administrés par les officiers du domaine, qu’enfïn ils n’ont jamais entré en ligne de compte. Au surplus, la même question a déjà été décidée le 6 floréal dernier, en faveur du citoyen Gautier qui réclamoit contre la main-mise des officiers du domaine sur un bien acquis par le tyran Louis XV, et qu’il avoit revendu après l’avoir possédé cinq ans. D’après ces considérations, votre comité propose le projet de décret suivant (73) : Un membre [LOZEAU], au nom du comité des Finances, propose le décret suivant, qui est adopté : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des Finances sur la pétition de la citoyenne Lecointe, tendante à être maintenue dans la possession de différens domaines provenans de Jean Guillot, adjugés à l’avant dernier des tyrans, par arrêt du 10 mai 1732, et revendus aux héritiers de Salles le 2 juin 1733; considérant que ces biens ne peuvent être regardés comme domaniaux, puisqu’ils ont été acquis à titre singulier et revendus avant leur consolidation au domaine, déclare nulle la prise de possession faite par le régisseur du domaine, desdits biens. Le présent décret sera inséré au bulletin de correspondance (74). Adopté (75). (73) Débats, n° 776, 688-689. (74) P.-V., XLIX, 53-54. C 322, pl. 1368, p. 33, minute de la main de Lozeau, rapporteur selon C* II 21, p. 24. Bull., 18 brum. (suppl.); Débats, n° 776, 689 et n° 781, 754; M. U., XLV, 312. (75) Débats, n" 776, 689. 28 Le capitaine Barney des Etats-Unis d’Amérique avoit réclamé auprès de la Convention nationale, le paiement d’une somme de 401084 L montant d’une cargaison de farines fournies par lui à la partie du nord de Saint-Domingue qui se trouve encore en possession de la République. Le comité des Finances, auquel cette réclamation a été envoyée, s’est assuré de la légitimité de cette créance; il a reconnu qu’elle avoit été autorisée par le ministre des États-Unis de l’Amérique qui l’au-roit acquittée, s’il avoit des pouvoirs suffisans pour cela, et jugé valide par le trésorier de Saint-Domingue qui ne l’a pas payée que parce qu’il n’avait pas de fonds dans sa caisse. Le comité a en conséquence proposé et la Convention a décrété� que le ministre de la République auprès les États-Unis de l’Amérique est autorisé à solder le capitaine, en compte sur ce qui est dû à la République, par les États-Unis (76). Un membre [MONNOT], au nom du comité des Finances, propose le décret suivant que l’Assemblée adopte : La Convention nationale, après avoir entendu son comité des Finances, décrète que son envoyé près les Etats-Unis d’Amérique est autorisé à faire payer au capitaine John Barney, américain, la somme de 401084 L 15 s, à lui due par la République, pour transport de troupes, fournitures de farines et autres comestibles par lui fournis à la colonie de Saint-Domingue, suivant les mandats délivrés par le trésorier de la colonie, sur Genet, envoyé de la République auxdits Etats en 1793; cette somme sera prise sur ce qui reste dû à la nation française par les Etats-Unis, et de leur consentement, que ledit Barney s’est chargé de procurer. Le présent décret sera seulement inséré au bulletin (77). 29 Un membre, au nom du comité d’instruction publique, propose et la Convention rend le décret suivant : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [BOISSY d’ANGLAS, au nom de] son comité d’instruction publique, décrète que la Trésorerie nationale paiera, sur la présentation du présent décret, la somme de 300 L au citoyen Baston, garde de la bibliothèque établie au comité (76) Mess. Soir, n° 813. J. Fr., n° 775; M. U., XLV, 313. (77) P.-V., XLIX, 54. C 322, pl. 1368, p. 34, minute de la main de Monnot, rapporteur selon C * II 21, p. 24. Bull., 18 brum. (suppl.). 548 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE d’instruction publique, pour le travail extraordinaire qu’il y a fait pendant plusieurs mois (78). 30 Un membre [RICHARD], au nom du comité de Salut public, annonce que Maëstricht est tombé au pouvoir de la République le 14 brumaire. Il a fait lecture des dépêches du général Jourdan et des représentans près les armées de Sambre-et-Meuse : elles annoncent que Maëstricht étoit défendu par une garnison nombreuse, par deux cents pièces d’artillerie, et qu’elle a été contrainte après douze jours de tranchée ouverte. La garnison a été faite prisonnière de guerre, transportée sur les frontières ennemies pour être échangée. L’artillerie et les magasins sont restés en notre pouvoir; ils en rendront compte incessamment. Us ajoutent que l’armée entière s’est distinguée par sa bravoure ordinaire, ainsi que le général Kléber, Bollemont, chef d’artillerie et Marescot, officier du génie; que l’accord le plus parfait règne dans les opérations savamment combinées de ces trois officiers (79). Dès le commencement de la séance, le bruit se répandait que Maëstricht était pris. La joie était peinte sur tous les visages. Richard monte à la tribune ; les plus vifs applaudissements l’y accompagnent. RICHARD, au nom du comité de Salut public : L’armée de Sambre-et-Meuse vient d’ajouter de nouveaux lauriers à ceux dont elle est couverte. Maëstricht est au pouvoir de la République. ( Toute la Convention se lève aux cris de Vive la République ! et de nombreux applaudissements expriment la satisfaction générale.) Cette place, une des plus fortes de l’Europe, devait arrêter longtemps des troupes qui auraient eu moins de dévouement; cette place est tombée entre les mains de l’armée de Sambre-et-Meuse après onze jours de tranchée ouverte. ( Applaudissements .) Les difficultés que présentait ce siège sont incroyables ; mais elles ont été surmontées par une bravoure et un courage plus incroyables encore. La tranchée a été inondée; il a fallu triompher de tous les éléments pour obtenir la victoire. ( Nouveaux applaudissements.) Voici les lettres officielles (80) : (78) P.-V., XLIX, 54-55. C 322, pl. 1368, p. 35, minute de la main de Boissy d’Anglas, rapporteur selon C * II 21, p. 24. (79) P.-V., XLIX, 55. (80) Moniteur, XXII, 457. Débats, n° 776, 683-684; C. Eg„ n° 812 et 813; Ann. Patr., n° 677; Mess. Soir, n° 813; Ann. R. F., n° 47; J. Fr., n° 774; J. Perlet, n° 776; M. U., XLV, 298 ; J. Univ., n° 1808 ; Gazette Fr., n° 1041 ; J. Paris, n° 49 ; Rép., n° 49; J. Mont., n° 26. Les représentants du peuple près les armées du Nord et de Sambre-et-Meuse, au comité de Salut public. Au quartier général devant Maëstricht, à Pettersheim le 14 brumaire, l’an troisième de la République française une et indivisible. Citoyens Collègues, Maëstricht est à la République ; la place s’est rendue ce matin à cinq heures, après onze jours de tranchée ouverte. Nous ne vous dirons pas combien cette entreprise était difficile, sur-tout dans une saison aussi avancée. On sait que Maëstricht est une des plus fortes places de l’Europe; elle étoit défendue par une garnison nombreuse et plus de 200 pièces d’artillerie. La contenance des assiégés sembloit annoncer d’abord qu’il faudroit recourir aux derniers moyens pour la réduire ; mais la célérité et l’audace de nos travaux, et le feu terrible de notre artillerie les ont bientôt convaincus que toute résistance étoit inutile. La garnison s’est rendue prisonnière de guerre. [(On applaudit J] (81) L’armée de Sambre-et-Meuse s’est montrée digne d’elle-même dans cette grande entreprise ; elle a bravé, avec une contenance et un courage au dessus de tout éloge, le mauvais temps et le feu des batteries de la place; accoutumés à vaincre, les soldats s’indignoient qu’une place isolée osât leur résister. Jamais on ne vit plus de zèle dans les travaux ; les jours de tranchée sembloient être pour chaque soldat un jour de fête. [( Applaudissements .)] (82) Nous devons des éloges aux officiers de toutes les armes. Le général Kléber comman-doit en chef l’armée de siège, Bollemont, l’artillerie et Marescot dirigeoit les travaux du génie. Un grand accord a régné dans toutes les opérations, et tous ont parfaitement rempli leur devoir. Le nombre des républicains que nous avons à regretter est d’environ soixante, et cent blessés. Nous ne pouvons encore vous donner l’état des magasins, ni de l’artillerie et des munitions ; on s’occupe d’en dresser des inventaires que nous vous enverrons aussitôt qu’ils nous auront été remis. Salut et fraternité. Signé, Frécine, Gillet, Bellegarde (83). Jourdan, commandant en chef de l’armée de Sambre-et-Meuse, aux membres composant le comité de Salut public. Au quartier général à Pettersheim, le 15 brumaire, l’an troisième de la République française une et indivisible. (81) Moniteur, XXII, 457. (82) Moniteur, XXII, 457. (83) Bull., 18 brum. Débats, n° 776, 684-685 ; Moniteur, XXII, 457; C. Eg., n° 812 et 813; Ann. Patr., n° 677; Mess. Soir, n° 813; Ann. R. F., n° 47; J. Fr., n° 774; J. Perlet, n° 776; M. U., XLV, 306-307 ; J. Univ., n° 1808; Gazette Fr., n° 1041; J. Paris, n° 49; Rép., n° 49; J. Mont., n° 26; F. de la Républ., n° 49.