SÉANCE DU 24 THERMIDOR AN II (11 AOÛT 1794) - Noi 42-43 493 42 Une députation de la société populaire de la commune de Montauban, département du Lot, est admise à la barre. L’orateur fait lecture d’une adresse très énergique, par laquelle la société applaudit au courage de la Convention nationale qui a déjoué la conspiration du triumvirat dictatorial, et l’invite à rester à son poste pour anéantir les tyrans et les traîtres, et pour accomplir les heureuses destinées du peuple français (1). L’orateur: Représentants, aussitôt que les patriotes de Montauban ont appris la chute du tyran et de ses complices, ils se sont empressés de manifester dans toutes les rues leur vive allégresse par des farandoles qui ont duré toute la journée, et qui n’ont été interrompues que pour entrer en séance à la société populaire, à l’effet d’y délibérer une adresse de félicitations à la Convention nationale, pour être portée de suite par une députation. L’orateur fait lecture de l’adresse suivante (2)... La même députation remet sur le bureau de pareilles adresses de félicitations de la part des administrateurs du district, de la municipalité, du comité de surveillance, et des tribunaux de district et de commerce de la même commune (3). L’orateur lit ensuite une autre adresse de la société qui applaudit pareillement au zèle avec lequel les Parisiens ont concouru à la défense de la représentation nationale (4). L’orateur continue : Représentants, la société populaire de Montauban, chérissant toujours les Parisiens, a cru devoir, dans cette circonstance, leur renouveler par une adresse son attachement, et leur témoigner sa reconnaissance de ce qu’ils vous ont si bien secondés pour écraser la nouvelle tyrannie : nous demandons d’en faire lecture dans ce sanctuaire (Oui, oui ! s’écrie-t-on). L’orateur lit cette adresse (5) Le président témoigne à la députation la satisfaction de l’assemblée, l’invite aux honneurs de la séance, et, sur la proposition de plusieurs membres (6), La Convention nationale décrète la mention honorable de toutes ces adresses, et l’insertion au bulletin tout au long des deux de la société (7). (1) P.-V., XLIII, 180. (2) Moniteur (réimpr.), XXI, 472; Débats, n° 690, 402, (Voir le texte de l’adresse, ci-dessus, n° 1 1 , selon la dernière gazette, l’adresse aurait été présentée par MONMAYOU). (3) Voir ces adresses, ci-dessus, n° 1-' et n° \K . (4) P.-V., XLIII, 181. (5) Moniteur (réimpr.), XXI, 472. Voir, ci-dessus, n° 1 1 , le texte de l’adresse. (6) Moniteur (réimpr.), XXI, 472. (7) P.-V., XLIII, 181. Reproduit dans B"1, 26 therm. et 30 therm. (1er suppl4). La séance est levée. Signé , Merlin (de Douai), président, Le Vasseur (de la Meurthe), P. Barras, Fréron, Legendre, secrétaires. AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 43 Les comités de salut public et de sûreté générale avoient présenté un projet de décret sur l’organisation des comités de la Convention. Le lendemain, Cambon en avoit proposé un autre; hier, deux membres en ont proposé chacun un; aujourd’hui enfin, Cambacérès présente ses réflexions sur ces divers projets (1). CAMBACÉRÈS : La victoire que le peuple et ses représentants viennent de remporter est une nouvelle preuve que, si toutes les conspirations cherchent à avoir un point d’appui dans la Convention nationale, toutes y trouvent leur tombeau. Il est cependant de la sagesse d’ôter les moyens de retour à l’esprit de faction, et de garantir la liberté de tout danger. C’est dans cette vue que vous avez voulu vous occuper de la réorganisation de vos comités. Au premier aspect, cette opération paraît être d’une légère importance; mais lorsqu’on l’examine sous les rapports qu’elle peut avoir avec la conservation de l’Etat, elle doit inspirer de l’intérêt à ceux qui pensent que le gouvernement est le grand moyen de parvenir à l’établissement de la République. Il n’est pas dans votre intention de réduire les fonctions de vos comités à la stérile méditation de quelques projets de lois : vous voulez encore déverser sur eux une partie de vos travaux, et les rendre, pour ainsi dire, les premiers instruments du gouvernement dont vous devez être le centre unique. C’est donc la constitution révolutionnaire de la Convention nationale que vous allez créer. Nous marchons entre deux écueils : l’abus du pouvoir et le relâchement. L’un n’est pas moins dangereux que l’autre; prévenons le retour de cet état d’oppression d’où nous venons de sortir; craignons aussi les effets funestes d’une détente trop précipitée. Si vous jetez vos regards sur notre situation passée, vous verrez la liberté trahie de toutes parts, les lois sans vigueur, nos frontières attaquées, la République et ses fondateurs sur les bords de l’abîme. Telle était notre situation l’année dernière, lorsque la constitution vint épouvanter tous nos ennemis et écraser le fédéralisme. Ce n’était point assez pour l’affermissement de la liberté. (1) Ann. pair., n° DLXXXVIII. SÉANCE DU 24 THERMIDOR AN II (11 AOÛT 1794) - Noi 42-43 493 42 Une députation de la société populaire de la commune de Montauban, département du Lot, est admise à la barre. L’orateur fait lecture d’une adresse très énergique, par laquelle la société applaudit au courage de la Convention nationale qui a déjoué la conspiration du triumvirat dictatorial, et l’invite à rester à son poste pour anéantir les tyrans et les traîtres, et pour accomplir les heureuses destinées du peuple français (1). L’orateur: Représentants, aussitôt que les patriotes de Montauban ont appris la chute du tyran et de ses complices, ils se sont empressés de manifester dans toutes les rues leur vive allégresse par des farandoles qui ont duré toute la journée, et qui n’ont été interrompues que pour entrer en séance à la société populaire, à l’effet d’y délibérer une adresse de félicitations à la Convention nationale, pour être portée de suite par une députation. L’orateur fait lecture de l’adresse suivante (2)... La même députation remet sur le bureau de pareilles adresses de félicitations de la part des administrateurs du district, de la municipalité, du comité de surveillance, et des tribunaux de district et de commerce de la même commune (3). L’orateur lit ensuite une autre adresse de la société qui applaudit pareillement au zèle avec lequel les Parisiens ont concouru à la défense de la représentation nationale (4). L’orateur continue : Représentants, la société populaire de Montauban, chérissant toujours les Parisiens, a cru devoir, dans cette circonstance, leur renouveler par une adresse son attachement, et leur témoigner sa reconnaissance de ce qu’ils vous ont si bien secondés pour écraser la nouvelle tyrannie : nous demandons d’en faire lecture dans ce sanctuaire (Oui, oui ! s’écrie-t-on). L’orateur lit cette adresse (5) Le président témoigne à la députation la satisfaction de l’assemblée, l’invite aux honneurs de la séance, et, sur la proposition de plusieurs membres (6), La Convention nationale décrète la mention honorable de toutes ces adresses, et l’insertion au bulletin tout au long des deux de la société (7). (1) P.-V., XLIII, 180. (2) Moniteur (réimpr.), XXI, 472; Débats, n° 690, 402, (Voir le texte de l’adresse, ci-dessus, n° 1 1 , selon la dernière gazette, l’adresse aurait été présentée par MONMAYOU). (3) Voir ces adresses, ci-dessus, n° 1-' et n° \K . (4) P.-V., XLIII, 181. (5) Moniteur (réimpr.), XXI, 472. Voir, ci-dessus, n° 1 1 , le texte de l’adresse. (6) Moniteur (réimpr.), XXI, 472. (7) P.-V., XLIII, 181. Reproduit dans B"1, 26 therm. et 30 therm. (1er suppl4). La séance est levée. Signé , Merlin (de Douai), président, Le Vasseur (de la Meurthe), P. Barras, Fréron, Legendre, secrétaires. AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 43 Les comités de salut public et de sûreté générale avoient présenté un projet de décret sur l’organisation des comités de la Convention. Le lendemain, Cambon en avoit proposé un autre; hier, deux membres en ont proposé chacun un; aujourd’hui enfin, Cambacérès présente ses réflexions sur ces divers projets (1). CAMBACÉRÈS : La victoire que le peuple et ses représentants viennent de remporter est une nouvelle preuve que, si toutes les conspirations cherchent à avoir un point d’appui dans la Convention nationale, toutes y trouvent leur tombeau. Il est cependant de la sagesse d’ôter les moyens de retour à l’esprit de faction, et de garantir la liberté de tout danger. C’est dans cette vue que vous avez voulu vous occuper de la réorganisation de vos comités. Au premier aspect, cette opération paraît être d’une légère importance; mais lorsqu’on l’examine sous les rapports qu’elle peut avoir avec la conservation de l’Etat, elle doit inspirer de l’intérêt à ceux qui pensent que le gouvernement est le grand moyen de parvenir à l’établissement de la République. Il n’est pas dans votre intention de réduire les fonctions de vos comités à la stérile méditation de quelques projets de lois : vous voulez encore déverser sur eux une partie de vos travaux, et les rendre, pour ainsi dire, les premiers instruments du gouvernement dont vous devez être le centre unique. C’est donc la constitution révolutionnaire de la Convention nationale que vous allez créer. Nous marchons entre deux écueils : l’abus du pouvoir et le relâchement. L’un n’est pas moins dangereux que l’autre; prévenons le retour de cet état d’oppression d’où nous venons de sortir; craignons aussi les effets funestes d’une détente trop précipitée. Si vous jetez vos regards sur notre situation passée, vous verrez la liberté trahie de toutes parts, les lois sans vigueur, nos frontières attaquées, la République et ses fondateurs sur les bords de l’abîme. Telle était notre situation l’année dernière, lorsque la constitution vint épouvanter tous nos ennemis et écraser le fédéralisme. Ce n’était point assez pour l’affermissement de la liberté. (1) Ann. pair., n° DLXXXVIII. 494 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Le gouvernement révolutionnaire parut, et cette salutaire conception, inconnue à tous les peuples qui avant nous ont tenté d’être libres, donna bientôt à tout une face nouvelle. Le gouvernement révolutionnaire peut donc être considéré comme le palladium de la République. Gardons-nous surtout d’en ralentir l’essor, et n’oublions pas que de sa force et de sa durée peuvent dépendre le salut de la patrie et notre existence individuelle. Nous avons dit que l’organisation de vos comités était l’établissement de la constitution révolutionnaire de la Convention nationale; il reste à indiquer les éléments qui doivent la composer. La Convention seule est le centre du gouvernement; elle seule a mérité la confiance du peuple; il y eut des traîtres parmi ses membres, mais on ne trouve dans la représentation nationale que la fidélité, et la ruine de tous les conspirateurs. La Convention seule doit avoir la puissance législative; c’est un droit que le peuple souverain n’a confié qu’à elle, et qu’il ne lui est pas libre de déléguer. Qu’aucune autorité n’interprète donc les lois; l’interprétation des lois en est presque toujours la modification et souvent la destruction : et, de là, la nécessité d’interdire aux comités la faculté de prendre des arrêtés qui ne seraient point relatifs à des objets de pure exécution. Les arrêtés sont aux lois ce que les lois sont aux principes. Les lois sont les conséquences des principes; les arrêtés ne doivent être que les conséquences des lois. Le gouvernement et les lois, voilà l’attribution de la Convention nationale; mais les lois doivent être préparées et présentées avec des motifs qui justifient leur utilité. Mais l’action du gouvernement doit être rapide et uniforme; et, de là, la nécessité d’établir des comités chargés de préparer les lois, et le besoin de confier l’exercice du gouvernement à quelques hommes choisis dans votre sein. Donner à l’autorité chargée de l’exercice du gouvernement tout le pouvoir nécessaire pour atteindre son but; marquer avec précision les limites qu’il doit avoir; créer des moyens propres à le contenir dans les limites, voilà le problème à résoudre. Le plan présenté par Cambon offre en grande partie la solution de ce problème; je vais cependant émettre quelques idées qui, sans rien changer aux principales bases de ce plan, peuvent servir à le compléter. Le comité de salut public, soit qu’il conserve ce nom, soit qu’il prenne celui de comité central du gouvernement, doit conserver l’action du gouvernement, c’est-à-dire l’action qui exécute les lois et qui dirige les opérations militaires, diplomatiques, ou celles qui, par leur universalité, appartiennent à l’administration générale. Mais il faut lui interdire les mesures de sûreté intérieure, celles qui sont relatives aux lois civiles ou criminelles, et l’administration médiate et immédiate du trésor public. L’action du gouvernement et les mesures de sûreté générale sont deux choses distinctes. Les mesures de sûreté générale appartiennent à la surveillance de la Convention nationale, qui doit en confier l’exercice à une autorité différente de celle à laquelle elle a délégué l’exercice du gouvernement. La législation civile et criminelle, ordinaire ou révolutionnaire, est encore indépendante de l’exercice du gouvernement; elle ne peut donc pas être comprise dans l’attribution donnée à un comité uniquement chargé de cet exercice. Enfin, si ce comité avait la direction des finances, et qu’il pût disposer à son gré du trésor national, n’en résulterait-il pas une agglomération de pouvoirs qu’il est sage de prévenir ? Tout consiste donc à séparer du comité de gouvernement la législation, les mesures de sûreté, la manutention des fonds publics, et de confier à des comités particuliers la direction ou la surveillance de chacune de ces parties. Les attributions du comité de salut public ainsi précisées ne peuvent avoir rien d’alarmant. Celles dont vous investirez le comité de sûreté générale doivent comprendre toutes les mesures relatives à l’arrestation des personnes prévenues d’incivisme ou de conspiration, la surveillance de la police de Paris, celle du tribunal révolutionnaire et celle des comités révolutionnaires; mais il faudrait en distraire la force armée de Paris, qui ne doit jamais agir que par les ordres immédiats de la Convention ou ceux du comité du gouvernement. Je demanderais que le projet de supprimer les commissions exécutives fût réalisé; du moment où vous appelez à l’administration les membres de vos comités, de simples agents d’exécution suffisent; l’existence des commissions n’est plus qu’un rouage inutile. Par leur suppression la machine serait simplifiée, et les frais d’administration réduits. Mais il est dans le projet de Cambon quelques points sur lesquels je ne suis point d’accord avec lui. Il propose d’assujettir les comités à communiquer préalablement au comité central les objets de législation; cette communication est contraire aux principes, en même temps qu’elle entrave la marche de la législation; il n’y a dans la formation des lois que deux opérations à faire : le travail préparatoire qui sert à fixer les idées du législateur, et la discussion qui l’éclaire. Le premier travail devrait toujours être concentré dans un cercle très resserré; le second, au contraire, doit être l’ouvrage d’un grand nombre. C’est dans la majesté d’une séance publique, c’est en présence du peuple, c’est du choc des opinions que la loi doit sortir brillante et pure des mains du législateur. Quel sera donc l’objet de la communication préalable des lois en projets ? Celui, dit-on, de les rendre simples, succinctes, concordantes. Cette vue, sans doute, est infiniment utile; il n’est point d’homme réfléchi qui ne sente la nécessité d’uniformer les lois; mais est-il possible de croire que le comité chargé de diriger l’action du gouvernement puisse encore s’occu-494 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Le gouvernement révolutionnaire parut, et cette salutaire conception, inconnue à tous les peuples qui avant nous ont tenté d’être libres, donna bientôt à tout une face nouvelle. Le gouvernement révolutionnaire peut donc être considéré comme le palladium de la République. Gardons-nous surtout d’en ralentir l’essor, et n’oublions pas que de sa force et de sa durée peuvent dépendre le salut de la patrie et notre existence individuelle. Nous avons dit que l’organisation de vos comités était l’établissement de la constitution révolutionnaire de la Convention nationale; il reste à indiquer les éléments qui doivent la composer. La Convention seule est le centre du gouvernement; elle seule a mérité la confiance du peuple; il y eut des traîtres parmi ses membres, mais on ne trouve dans la représentation nationale que la fidélité, et la ruine de tous les conspirateurs. La Convention seule doit avoir la puissance législative; c’est un droit que le peuple souverain n’a confié qu’à elle, et qu’il ne lui est pas libre de déléguer. Qu’aucune autorité n’interprète donc les lois; l’interprétation des lois en est presque toujours la modification et souvent la destruction : et, de là, la nécessité d’interdire aux comités la faculté de prendre des arrêtés qui ne seraient point relatifs à des objets de pure exécution. Les arrêtés sont aux lois ce que les lois sont aux principes. Les lois sont les conséquences des principes; les arrêtés ne doivent être que les conséquences des lois. Le gouvernement et les lois, voilà l’attribution de la Convention nationale; mais les lois doivent être préparées et présentées avec des motifs qui justifient leur utilité. Mais l’action du gouvernement doit être rapide et uniforme; et, de là, la nécessité d’établir des comités chargés de préparer les lois, et le besoin de confier l’exercice du gouvernement à quelques hommes choisis dans votre sein. Donner à l’autorité chargée de l’exercice du gouvernement tout le pouvoir nécessaire pour atteindre son but; marquer avec précision les limites qu’il doit avoir; créer des moyens propres à le contenir dans les limites, voilà le problème à résoudre. Le plan présenté par Cambon offre en grande partie la solution de ce problème; je vais cependant émettre quelques idées qui, sans rien changer aux principales bases de ce plan, peuvent servir à le compléter. Le comité de salut public, soit qu’il conserve ce nom, soit qu’il prenne celui de comité central du gouvernement, doit conserver l’action du gouvernement, c’est-à-dire l’action qui exécute les lois et qui dirige les opérations militaires, diplomatiques, ou celles qui, par leur universalité, appartiennent à l’administration générale. Mais il faut lui interdire les mesures de sûreté intérieure, celles qui sont relatives aux lois civiles ou criminelles, et l’administration médiate et immédiate du trésor public. L’action du gouvernement et les mesures de sûreté générale sont deux choses distinctes. Les mesures de sûreté générale appartiennent à la surveillance de la Convention nationale, qui doit en confier l’exercice à une autorité différente de celle à laquelle elle a délégué l’exercice du gouvernement. La législation civile et criminelle, ordinaire ou révolutionnaire, est encore indépendante de l’exercice du gouvernement; elle ne peut donc pas être comprise dans l’attribution donnée à un comité uniquement chargé de cet exercice. Enfin, si ce comité avait la direction des finances, et qu’il pût disposer à son gré du trésor national, n’en résulterait-il pas une agglomération de pouvoirs qu’il est sage de prévenir ? Tout consiste donc à séparer du comité de gouvernement la législation, les mesures de sûreté, la manutention des fonds publics, et de confier à des comités particuliers la direction ou la surveillance de chacune de ces parties. Les attributions du comité de salut public ainsi précisées ne peuvent avoir rien d’alarmant. Celles dont vous investirez le comité de sûreté générale doivent comprendre toutes les mesures relatives à l’arrestation des personnes prévenues d’incivisme ou de conspiration, la surveillance de la police de Paris, celle du tribunal révolutionnaire et celle des comités révolutionnaires; mais il faudrait en distraire la force armée de Paris, qui ne doit jamais agir que par les ordres immédiats de la Convention ou ceux du comité du gouvernement. Je demanderais que le projet de supprimer les commissions exécutives fût réalisé; du moment où vous appelez à l’administration les membres de vos comités, de simples agents d’exécution suffisent; l’existence des commissions n’est plus qu’un rouage inutile. Par leur suppression la machine serait simplifiée, et les frais d’administration réduits. Mais il est dans le projet de Cambon quelques points sur lesquels je ne suis point d’accord avec lui. Il propose d’assujettir les comités à communiquer préalablement au comité central les objets de législation; cette communication est contraire aux principes, en même temps qu’elle entrave la marche de la législation; il n’y a dans la formation des lois que deux opérations à faire : le travail préparatoire qui sert à fixer les idées du législateur, et la discussion qui l’éclaire. Le premier travail devrait toujours être concentré dans un cercle très resserré; le second, au contraire, doit être l’ouvrage d’un grand nombre. C’est dans la majesté d’une séance publique, c’est en présence du peuple, c’est du choc des opinions que la loi doit sortir brillante et pure des mains du législateur. Quel sera donc l’objet de la communication préalable des lois en projets ? Celui, dit-on, de les rendre simples, succinctes, concordantes. Cette vue, sans doute, est infiniment utile; il n’est point d’homme réfléchi qui ne sente la nécessité d’uniformer les lois; mais est-il possible de croire que le comité chargé de diriger l’action du gouvernement puisse encore s’occu- SÉANCE DU 24 THERMIDOR AN II (11 AOÛT 1794) - N° 43 495 per de ces détails de rédaction, qui doivent être le résultat d’un examen approfondi et d’une longue méditation ? Ne vaudrait-il pas mieux confier ce travail à une commission particulière qui deviendrait comme un point central pour la rédaction des décrets ? Cambon propose d’établir une concertation entre le comité central et les autres comités par l’intermédiaire d’un de leurs membres. Cette opération présente de la complication et des longueurs; elle est inutile dans tout ce qui tient à la sûreté générale, aux finances, à la législation civile et criminelle. Les comités à qui la surveillance et la direction de ces objets sont confiées doivent prendre, pour l’exécution des lois, les mesures qu’ils jugeront convenables, à la charge d’en rendre compte à la Convention nationale. Dans toutes les autres matières, ne serait-il pas plus simple de fixer la compétence du comité central et celle des autres comités par la distinction suivante : lorsque l’arrêté ne serait propre qu’à la matière qui forme l’attribution d’un comité, ce comité prononcerait seul; mais lorsque l’arrêté, se liant par son objet, ou par ses conséquences, deviendrait un acte d’administration générale, il ne devrait partir que du seul comité central du gouvernement. Tout se réduit donc à bien réfléchir les cas où les arrêtés d’exécution devraient être pris par le comité central, et ceux où ils pourraient être l’ouvrage des comités spéciaux. Cette définition demande quelques connaissance pratiques, que chacun de nous pourrait donner pour la partie où il a été employé; et si cette proposition était adoptée, il s’agiroit, avant de la rédiger, de faire un travail préparatoire qui pourrait être promptement terminé. Ainsi, citoyens, dans les vues que j’indique, vous trouverez le double avantage de donner plus de rapidité à la marche du gouvernement, et d’éviter la réunion de divers commissaires prescrite pour le cas de dissentiment. Toutes les autres vues proposées dans le projet sont concordantes avec le système que j’ai conçu : il est seulement quelques autres points sur lesquels je crois devoir appeler votre attention. Vous n’atteindrez point le but salutaire que vous vous proposez si plusieurs comités continuent à se réunir, soit pour préparer des projets de lois, soit pour concerter des mesures d’exécution. Par l’effet de ces réunions, tous les pouvoirs se trouvent dans la main de quelques-uns de vos membres. Il y a plus encore; la discussion n’existe plus au sein de l’assemblée, et à cet égard nous avons les leçons de l’expérience. Et comment discutera-t-on, lorsque tous ceux qui sont au courant des affaires demeurent d’accord d’un projet qui vous est présenté, et offrent à leurs collègues l’autorité de leur unanimité et la puissance de l’opinion souvent favorable aux hommes en crédit ? En second lieu, ce n’est pas assez d’avoir rapporté le décret par lequel les représentants du peuple pourraient être traduits en jugement sans avoir été entendus. Nul comité ne doit compter au rang de ses attributions le pénible fardeau de dresser des actes d’accusation contre un collègue; et si quelqu’un de nous pouvait avoir le malheur d’être mis en prévention, il faut que son acte d’accusation soit rédigé par une commission nommée par un appel nominal. Ainsi, comme, par l’effet de la belle institution des jurés, il n’est dans la société aucun homme de qui un autre puisse dire : « Voilà celui qui prononcera sur ma vie », de même il faut qu’aucun représentant du peuple ne puisse dire à l’aspect d’un comité quelconque : « Voilà ceux qui peuvent m’accuser ». Enfin, un dernier objet non moins important, c’est celui de la durée des fonctions des membres des comités. La limite de la durée des pouvoirs est aussi nécessaire que la limite du pouvoir même. Mais la fréquence des renouvellements n’a-t-elle pas de grands inconvénients ? Et la nécessité de l’intervalle entre les réélections, qui est si généralement sentie pour les comités de gouvernement et de sûreté générale, ne nuira-t-elle point, à l’égard des autres comités, dans tout ce qui tient à la partie systématique des lois ? La vraie contribution de la Convention nationale consiste donc à distribuer à ses divers comités les fonctions qu’elle ne peut pas exercer elle-même. Elle trace à chacun d’eux les limites de leurs attributions; elle domine sur tous; elle seule fait la loi; elle seule est le centre du gouvernement. Chaque comité a la surveillance sur la partie de l’administration qui se lie à ses attributions. Les fonctions des comités consistent à présenter à la Convention les projets destinés au complément et au perfectionnement des lois. Elles consistent encore à décider tous les objets d’exécution qui leur sont soumis par les agents, à condition néanmoins que leurs arrêtés seront basés sur le texte littéral d’une loi, et que leur effet ne s’étendra point à d’autres matières. Si la mesure d’exécution ne peut être basée sur aucune loi, il faut venir à la Convention nationale; si son effet s’étend à plusieurs matières, elle doit partir du comité du gouvernement. Et qu’on ne nous allègue pas que notre projet disséminera l’autorité et désunira le gouvernement : l’unité, dans le gouvernement, est l’unité d’action, et non la réunion de tous les pouvoirs. Citoyens, un grand mouvement sera imprimé à la révolution, si, après avoir anéanti les chefs de la plus criminelle et de la plus atroce des conspirations, nous ne perdons jamais de vue quelques principes qui doivent nous servir de guide dans la mission qui nous a été confiée. Attachons-nous à la patrie, et non aux individus; à la République, et non aux personnes; aux principes, et non aux hommes. N’oublions pas que le salut de la République est essentiellement lié à la conservation de la Convention nationale, et que la Convention nationale ne peut répondre à la confiance du peuple qu’en tenant d’une main ferme les rênes du gouvernement, en écartant tout ce qui peut disséminer l’autorité, en diminuant, autant que possible, les intermédiaires qui peuvent se trouver entre elle et le peuple, en exerçant, par elle-même ou par SÉANCE DU 24 THERMIDOR AN II (11 AOÛT 1794) - N° 43 495 per de ces détails de rédaction, qui doivent être le résultat d’un examen approfondi et d’une longue méditation ? Ne vaudrait-il pas mieux confier ce travail à une commission particulière qui deviendrait comme un point central pour la rédaction des décrets ? Cambon propose d’établir une concertation entre le comité central et les autres comités par l’intermédiaire d’un de leurs membres. Cette opération présente de la complication et des longueurs; elle est inutile dans tout ce qui tient à la sûreté générale, aux finances, à la législation civile et criminelle. Les comités à qui la surveillance et la direction de ces objets sont confiées doivent prendre, pour l’exécution des lois, les mesures qu’ils jugeront convenables, à la charge d’en rendre compte à la Convention nationale. Dans toutes les autres matières, ne serait-il pas plus simple de fixer la compétence du comité central et celle des autres comités par la distinction suivante : lorsque l’arrêté ne serait propre qu’à la matière qui forme l’attribution d’un comité, ce comité prononcerait seul; mais lorsque l’arrêté, se liant par son objet, ou par ses conséquences, deviendrait un acte d’administration générale, il ne devrait partir que du seul comité central du gouvernement. Tout se réduit donc à bien réfléchir les cas où les arrêtés d’exécution devraient être pris par le comité central, et ceux où ils pourraient être l’ouvrage des comités spéciaux. Cette définition demande quelques connaissance pratiques, que chacun de nous pourrait donner pour la partie où il a été employé; et si cette proposition était adoptée, il s’agiroit, avant de la rédiger, de faire un travail préparatoire qui pourrait être promptement terminé. Ainsi, citoyens, dans les vues que j’indique, vous trouverez le double avantage de donner plus de rapidité à la marche du gouvernement, et d’éviter la réunion de divers commissaires prescrite pour le cas de dissentiment. Toutes les autres vues proposées dans le projet sont concordantes avec le système que j’ai conçu : il est seulement quelques autres points sur lesquels je crois devoir appeler votre attention. Vous n’atteindrez point le but salutaire que vous vous proposez si plusieurs comités continuent à se réunir, soit pour préparer des projets de lois, soit pour concerter des mesures d’exécution. Par l’effet de ces réunions, tous les pouvoirs se trouvent dans la main de quelques-uns de vos membres. Il y a plus encore; la discussion n’existe plus au sein de l’assemblée, et à cet égard nous avons les leçons de l’expérience. Et comment discutera-t-on, lorsque tous ceux qui sont au courant des affaires demeurent d’accord d’un projet qui vous est présenté, et offrent à leurs collègues l’autorité de leur unanimité et la puissance de l’opinion souvent favorable aux hommes en crédit ? En second lieu, ce n’est pas assez d’avoir rapporté le décret par lequel les représentants du peuple pourraient être traduits en jugement sans avoir été entendus. Nul comité ne doit compter au rang de ses attributions le pénible fardeau de dresser des actes d’accusation contre un collègue; et si quelqu’un de nous pouvait avoir le malheur d’être mis en prévention, il faut que son acte d’accusation soit rédigé par une commission nommée par un appel nominal. Ainsi, comme, par l’effet de la belle institution des jurés, il n’est dans la société aucun homme de qui un autre puisse dire : « Voilà celui qui prononcera sur ma vie », de même il faut qu’aucun représentant du peuple ne puisse dire à l’aspect d’un comité quelconque : « Voilà ceux qui peuvent m’accuser ». Enfin, un dernier objet non moins important, c’est celui de la durée des fonctions des membres des comités. La limite de la durée des pouvoirs est aussi nécessaire que la limite du pouvoir même. Mais la fréquence des renouvellements n’a-t-elle pas de grands inconvénients ? Et la nécessité de l’intervalle entre les réélections, qui est si généralement sentie pour les comités de gouvernement et de sûreté générale, ne nuira-t-elle point, à l’égard des autres comités, dans tout ce qui tient à la partie systématique des lois ? La vraie contribution de la Convention nationale consiste donc à distribuer à ses divers comités les fonctions qu’elle ne peut pas exercer elle-même. Elle trace à chacun d’eux les limites de leurs attributions; elle domine sur tous; elle seule fait la loi; elle seule est le centre du gouvernement. Chaque comité a la surveillance sur la partie de l’administration qui se lie à ses attributions. Les fonctions des comités consistent à présenter à la Convention les projets destinés au complément et au perfectionnement des lois. Elles consistent encore à décider tous les objets d’exécution qui leur sont soumis par les agents, à condition néanmoins que leurs arrêtés seront basés sur le texte littéral d’une loi, et que leur effet ne s’étendra point à d’autres matières. Si la mesure d’exécution ne peut être basée sur aucune loi, il faut venir à la Convention nationale; si son effet s’étend à plusieurs matières, elle doit partir du comité du gouvernement. Et qu’on ne nous allègue pas que notre projet disséminera l’autorité et désunira le gouvernement : l’unité, dans le gouvernement, est l’unité d’action, et non la réunion de tous les pouvoirs. Citoyens, un grand mouvement sera imprimé à la révolution, si, après avoir anéanti les chefs de la plus criminelle et de la plus atroce des conspirations, nous ne perdons jamais de vue quelques principes qui doivent nous servir de guide dans la mission qui nous a été confiée. Attachons-nous à la patrie, et non aux individus; à la République, et non aux personnes; aux principes, et non aux hommes. N’oublions pas que le salut de la République est essentiellement lié à la conservation de la Convention nationale, et que la Convention nationale ne peut répondre à la confiance du peuple qu’en tenant d’une main ferme les rênes du gouvernement, en écartant tout ce qui peut disséminer l’autorité, en diminuant, autant que possible, les intermédiaires qui peuvent se trouver entre elle et le peuple, en exerçant, par elle-même ou par 496 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE ses membres, toutes les parties du gouvernement. Je demande en conséquence que la priorité soit accordée au projet présenté par Cambon, qu’il soit mis successivement aux voix article par article, et je me réserve de proposer par amendement, pour chacun d’eux, les vues énoncées dans le discours que je viens de vous soumettre. [ Vifs applaudissements ] Plusieurs membres demandent la priorité pour le projet de Cambon. On demande, avant, la distribution de celui de Berlier. *** : Je demande l’ajournement de cette discussion, et que les orateurs qui ont proposé des plans se réunissent pour présenter à la Convention un projet de décret qui puisse concilier tous les suffrages. DELMAS : Une question de cette importance me semble exiger une discussion très approfondie. Je demande qu’il soit formé une commission d’un ou deux membres de chaque comité, pour prendre connaissance de tous les projets présentés, et s’accorder sur un plan définitif qui sera soumis à la Convention dans 3 jours. BOURDON (de l’Oise) : La motion incidente qu’on vient de faire a changé l’état de la question. Il ne s’agissait que de décider si la priorité serait accordée au projet de Cambon. Je demande que la discussion soit continuée : je crois l’assemblée suffisamment éclairée pour se fixer sur quelques bases; peut-être est-il à craindre qu’on ne se prévienne trop facilement pour le projet de Cambon, que je regarde comme devant être infiniment utile en temps de paix, mais qui pourrait avoir des suites fâcheuses avant l’entier achèvement de la révolution. Une longue expérience vous a suffisamment éclairés sur les causes qui ont jusqu’ici compromis le sort de la liberté : d’abord un gouvernement créé en sens contraire des principes et de la révolution, et ensuite un gouvernement sans action : le gouvernement royal voulut nous perdre en nous attaquant de front; le gouvernement ministériel, la commission extraordinaire, coalisés avec Dumouriez, en paralysant tout. A ces deux gouvernements perfides vous avez substitué un gouvernement rapide et actif; par lui ont commencé nos victoires, par lui les ennemis de l’intérieur ont été vigoureusement comprimés, et les ennemis du dehors obligés de se défendre sur leur propre territoire. Dira-t-on que ce gouvernement ne nous convient plus, parce que des monstres ont conspiré jusque dans son sein pour anéantir la liberté publique ? Mais quel a été l’effet terrible de ces conspirations, ourdies par un petit avocat et par un cul-de-jatte hypocrite ? Un jour, un seul jour a suffi pour étouffer la conspiration et anéantir les conspirateurs. (On applaudit). Où sont vos ennemis les plus redoutables ? Où sont les dictateurs qu’il faut craindre ? Ils sont dans vos armées, à la tête des armées. C’est par la force militaire que toutes les républiques ont été insensiblement subjuguées; or, si vous énervez la force du gouvernement, si vous affaiblissez son action en la divisant, n’avez-vous pas à craindre de faire prévaloir l’autorité militaire ? Le gouvernement révolutionnaire qui avait été établi avait sans doute de grands vices, il faut les corriger; il avait abusé de sa puissance, il faut la resserrer par des bornes qu’il ne puisse franchir. Je demande que la discussion s’ouvre sur le projet présenté par le comité de salut public. LANTHENAS demande à soumettre quelques réflexions sur l’objet qu’on discute. Il commence la lecture d’un discours; on l’interrompt en lui faisant observer que ses réflexions portent sur les gouvernements en général, et qu’il s’agit ici du gouvernement révolutionnaire. CAMBON : Sans doute que les projets qui ont été présentés par mes collègues doivent conduire au perfectionnement du plan que j’ai proposé. Cependant les vues que j’ai soumises sont appropriées au gouvernement révolutionnaire; je puis citer, entre autres preuves, le droit que je donne au comité de police générale d’arrêter les citoyens suspects, droit qu’il ne pourrait conserver si la République était affermie, et si le gouvernement n’était plus révolutionnaire. GOUPILLEAU (de Fontenay) : Citoyens, il me semble que, pour obtenir un bon résultat, il faut adopter la proposition faite par Delmas : c’est qu’un ou deux membres de chaque comité s’assemblent dès ce soir, et combinent un projet qu’ils présenteront demain, s’il est possible, à la discussion de l’assemblée. Plusieurs membres : Aux voix la proposition de Delmas ! BOURDON (de l’Oise) : Quoiqu’on ait dit qu’on n’avait fait que divaguer dans cette discussion, je suis convaincu, moi, qu’elle a beaucoup éclairé l’assemblée. Elle a prouvé que nous voulons tous un gouvernement fort, non d’une manière perfide contre la Convention, mais fort pour diriger nos armées au dehors, mais fort pour comprimer au dedans les ennemis de l’intérieur. Eh bien, ce sera une idée heureuse que nous devrons à Cambon, celle de donner à l’un des comités la surveillance intérieure, et au comité de salut public la direction des opérations extérieures et des mouvements des armées. Je demande que les trois membres qui ont présenté des projets se réunissent au comité de salut public, pour les fondre en un seul. BRÉARD : Je pense bien, commë Bourdon, que la discussion a éclairé l’opinion de la Convention nationale. Oui, nous voulons tous un gouvernement révolutionnaire, un gouvernement ami du peuple, et qui fasse trembler les ennemis de la révolution. Je n’ai aperçu ce que nous cherchons dans aucun des projets présentés; mais leur ensemble me paraît remplir nos vues. Je me réunis donc à Delmas et à Gou-pilleau pour demander une commission composée d’un membre de chaque comité, qui présente un projet de décret après-demain pour tout délai. DUHEM : Je demande la priorité pour la proposition de Bourdon. Les lumières des membres du comité de salut public suffisent, avec celles des membres qui ont présenté des projets, pour nous en proposer un tel que nous le désirons. 496 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE ses membres, toutes les parties du gouvernement. Je demande en conséquence que la priorité soit accordée au projet présenté par Cambon, qu’il soit mis successivement aux voix article par article, et je me réserve de proposer par amendement, pour chacun d’eux, les vues énoncées dans le discours que je viens de vous soumettre. [ Vifs applaudissements ] Plusieurs membres demandent la priorité pour le projet de Cambon. On demande, avant, la distribution de celui de Berlier. *** : Je demande l’ajournement de cette discussion, et que les orateurs qui ont proposé des plans se réunissent pour présenter à la Convention un projet de décret qui puisse concilier tous les suffrages. DELMAS : Une question de cette importance me semble exiger une discussion très approfondie. Je demande qu’il soit formé une commission d’un ou deux membres de chaque comité, pour prendre connaissance de tous les projets présentés, et s’accorder sur un plan définitif qui sera soumis à la Convention dans 3 jours. BOURDON (de l’Oise) : La motion incidente qu’on vient de faire a changé l’état de la question. Il ne s’agissait que de décider si la priorité serait accordée au projet de Cambon. Je demande que la discussion soit continuée : je crois l’assemblée suffisamment éclairée pour se fixer sur quelques bases; peut-être est-il à craindre qu’on ne se prévienne trop facilement pour le projet de Cambon, que je regarde comme devant être infiniment utile en temps de paix, mais qui pourrait avoir des suites fâcheuses avant l’entier achèvement de la révolution. Une longue expérience vous a suffisamment éclairés sur les causes qui ont jusqu’ici compromis le sort de la liberté : d’abord un gouvernement créé en sens contraire des principes et de la révolution, et ensuite un gouvernement sans action : le gouvernement royal voulut nous perdre en nous attaquant de front; le gouvernement ministériel, la commission extraordinaire, coalisés avec Dumouriez, en paralysant tout. A ces deux gouvernements perfides vous avez substitué un gouvernement rapide et actif; par lui ont commencé nos victoires, par lui les ennemis de l’intérieur ont été vigoureusement comprimés, et les ennemis du dehors obligés de se défendre sur leur propre territoire. Dira-t-on que ce gouvernement ne nous convient plus, parce que des monstres ont conspiré jusque dans son sein pour anéantir la liberté publique ? Mais quel a été l’effet terrible de ces conspirations, ourdies par un petit avocat et par un cul-de-jatte hypocrite ? Un jour, un seul jour a suffi pour étouffer la conspiration et anéantir les conspirateurs. (On applaudit). Où sont vos ennemis les plus redoutables ? Où sont les dictateurs qu’il faut craindre ? Ils sont dans vos armées, à la tête des armées. C’est par la force militaire que toutes les républiques ont été insensiblement subjuguées; or, si vous énervez la force du gouvernement, si vous affaiblissez son action en la divisant, n’avez-vous pas à craindre de faire prévaloir l’autorité militaire ? Le gouvernement révolutionnaire qui avait été établi avait sans doute de grands vices, il faut les corriger; il avait abusé de sa puissance, il faut la resserrer par des bornes qu’il ne puisse franchir. Je demande que la discussion s’ouvre sur le projet présenté par le comité de salut public. LANTHENAS demande à soumettre quelques réflexions sur l’objet qu’on discute. Il commence la lecture d’un discours; on l’interrompt en lui faisant observer que ses réflexions portent sur les gouvernements en général, et qu’il s’agit ici du gouvernement révolutionnaire. CAMBON : Sans doute que les projets qui ont été présentés par mes collègues doivent conduire au perfectionnement du plan que j’ai proposé. Cependant les vues que j’ai soumises sont appropriées au gouvernement révolutionnaire; je puis citer, entre autres preuves, le droit que je donne au comité de police générale d’arrêter les citoyens suspects, droit qu’il ne pourrait conserver si la République était affermie, et si le gouvernement n’était plus révolutionnaire. GOUPILLEAU (de Fontenay) : Citoyens, il me semble que, pour obtenir un bon résultat, il faut adopter la proposition faite par Delmas : c’est qu’un ou deux membres de chaque comité s’assemblent dès ce soir, et combinent un projet qu’ils présenteront demain, s’il est possible, à la discussion de l’assemblée. Plusieurs membres : Aux voix la proposition de Delmas ! BOURDON (de l’Oise) : Quoiqu’on ait dit qu’on n’avait fait que divaguer dans cette discussion, je suis convaincu, moi, qu’elle a beaucoup éclairé l’assemblée. Elle a prouvé que nous voulons tous un gouvernement fort, non d’une manière perfide contre la Convention, mais fort pour diriger nos armées au dehors, mais fort pour comprimer au dedans les ennemis de l’intérieur. Eh bien, ce sera une idée heureuse que nous devrons à Cambon, celle de donner à l’un des comités la surveillance intérieure, et au comité de salut public la direction des opérations extérieures et des mouvements des armées. Je demande que les trois membres qui ont présenté des projets se réunissent au comité de salut public, pour les fondre en un seul. BRÉARD : Je pense bien, commë Bourdon, que la discussion a éclairé l’opinion de la Convention nationale. Oui, nous voulons tous un gouvernement révolutionnaire, un gouvernement ami du peuple, et qui fasse trembler les ennemis de la révolution. Je n’ai aperçu ce que nous cherchons dans aucun des projets présentés; mais leur ensemble me paraît remplir nos vues. Je me réunis donc à Delmas et à Gou-pilleau pour demander une commission composée d’un membre de chaque comité, qui présente un projet de décret après-demain pour tout délai. DUHEM : Je demande la priorité pour la proposition de Bourdon. Les lumières des membres du comité de salut public suffisent, avec celles des membres qui ont présenté des projets, pour nous en proposer un tel que nous le désirons. SÉANCE DU 24 THERMIDOR AN II (11 AOÛT 1794) - Nos 44-45 497 MERLIN (de Thionville) : Il n’est pas sans doute dans l’opinion de mon collègue Duhem qu’il n’y ait de lumière que dans le comité de salut public. J’étais bien aise de faire cette observation avant de demander la priorité pour la proposition de Delmas. TALLIEN : Le comité de salut public a été investi d’une grande autorité. Il est même, en quelque sorte, en ce moment, à lui seul le gouvernement. Une des plus grandes questions que nous ayons à traiter est celle de savoir si le gouvernement doit toujours avoir la même intensité. Pour éclaircir cette question, il me semble qu’on trouvera beaucoup plus de lumières dans une réunion de membres de tous les comités que dans celui de salut public seul, dont plusieurs membres n’ont encore été d’aucun comité. Il faut le répéter, nous voulons un gouvernement juste pour tous les citoyens, mais qui ne pèse plus sur eux avec une verge de fer. Nous voulons la même énergie, la même vigueur, la même unité dans les opérations du gouvernement; mais nous ne voulons plus du gouvernement des Robespierre, des Saint-Just et des Couthon. Je le déclare, si j’étais destiné à être membre d’un comité qui dût avoir les mêmes pouvoirs, je donnerais à l’instant ma démission. J’insiste pour la proposition de Delmas. La priorité, mise aux voix, est accordée à cette proposition. Bourdon (de l’Oise) : L’appel nominal ! Quelques membres : L’appel nominal ! THURIOT : Il est possible de concilier toutes les opinions. On a proposé, d’un côté, .de former une commission composée d’un membre de chaque comité, et, de l’autre côté, de renvoyer au comité de salut public, auquel se réuniraient les trois membres qui ont présenté les vues les plus lumineuses sur l’organisation du gouvernement. La première proposition a été décrétée : laissez subsister ce décret; mais, en même temps aussi, pourquoi n’adopteriez-vous pas l’autre proposition ? Ces deux sentiments ne s’excluent point; en effet, vous ne pouvez empêcher trois de vos membres, soit individuellement, soit réunis entre eux, ou avec le comité de salut public, de vous présenter aussi un projet de décret; et il y aura un avantage certain à cela : car si votre commission est en retard pour vous présenter un projet, ou si celui qu’elle vous présentera n’est pas tel qu’il dût convenir, vous vous serez ménagé une ressource : vous aurez l’avantage d’avor créé deux batteries. Je demande que la motion de Bourdon soit également décrétée. BARÈRE : Il faut aborder franchement la question. On a demandé beaucoup de lumières, pour avoir quoi ? Un gouvernement juste; mais est-ce juste à la manière des aristocrates ? Non, sans doute (On applaudit) (1). Non, s’écrie-t-on de toutes parts; ce n’est pas non plus à la vôtre, président des Feuillants, s’écrie Merlin (de Thionville). D’autres apostrophes très vives interrompent Barère. Il lui (1) Moniteur (réimpr.), XXI, 472-476. convient bien, s’écrie Thirion, de nous traiter d’aristocrates, lui qui a été fait jacobin par Robespierre et Couthon ! BARERE : Mon style n’est pas personnel. Je demande qu’on pose pour première base le gouvernement révolutionnaire (Oui, s’écrie toute l’assemblée, en se levant et en applaudissant). C’est à lui que nous devons nos victoires, et l’état florissant de la République. S’il y a des abus, c’est qu’il y a des hommes et des passions, qu’il y a eu des Robespierre et des Saint-Just. — Et leurs partisans, s’écrie Thirion. Leurs partisans, reprend Barère, ne sont pas ceux qui ont combattu obscurément pendant un mois et demi pour démasquer le tyran (— Et qui faisoient son éloge l’avant-veille, s’écrie Le Cointre). Puisqu’on refuse de m’entendre, je conclus en demandant la priorité pour la proposition qui tend à appeler autant de lumières que possible dans le travail dont nous nous occupons (l)v BARÈRE : Je conclus à ce que la priorité soit accordée à la proposition de Bourdon (de l’Oise). La discussion est fermée. La Convention décrète la proposition de Delmas (2). Granet : Je demande que le projet définitif soit présenté demain pour tout délai. Cette proposition est adoptée (3). 44 Une députation de la commune de Tours dénonce le nommé Sénart, agent national de cette commune; elle l’accuse d’être l’un des fougueux complices de Robespierre, d’avoir eu des intelligences avec les émigrés, d’avoir jetté des patriotes dans les fers, d’avoir semé la division entre les Cordeliers et les Jacobins, d’avoir avili le signe de notre liberté, et dit que nous ne serions heureux que sous le gouvernement d’un seul. — Renvoyé au comité de sûreté générale (4). 45 [A cette députation (5) en succède une d’Arras]. Les citoyens d’Arras, réunis en assemblée générale, à la Convention nationale. (1) J. Perlet, n° 688; C. Eg., n° 723; Ann. patr., n° DLXXXVIII. (2) Décret n° 10 365. Rapporteur : Delmas. (3) Moniteur (réimpr.), XXI, 476; J. Fr., n° 686; Rép., n° 235; J. Mont., n° 104; J. Paris, n° 589; J. Sablier, n° 1493; J. S. -Culottes, n° 544; C. univ., n° 955; J. Jacquin, n° 743; M.U., XLII, 397; F.S.P., n° 403; Audit, nat., n° 687. Le décret n° 10366 porte que le discours de Cambacérès sera imprimé. Rapporteur : Collombel (de la Meurthe). (4) J. Sablier, n° 1 494; pour C. univ. (n° 954), il s’agit d’une députation de sociétés d’Indre-et-Loire. (5) Celle de la commune de Tours {J. Sablier, n° 1 494). 32 SÉANCE DU 24 THERMIDOR AN II (11 AOÛT 1794) - Nos 44-45 497 MERLIN (de Thionville) : Il n’est pas sans doute dans l’opinion de mon collègue Duhem qu’il n’y ait de lumière que dans le comité de salut public. J’étais bien aise de faire cette observation avant de demander la priorité pour la proposition de Delmas. TALLIEN : Le comité de salut public a été investi d’une grande autorité. Il est même, en quelque sorte, en ce moment, à lui seul le gouvernement. Une des plus grandes questions que nous ayons à traiter est celle de savoir si le gouvernement doit toujours avoir la même intensité. Pour éclaircir cette question, il me semble qu’on trouvera beaucoup plus de lumières dans une réunion de membres de tous les comités que dans celui de salut public seul, dont plusieurs membres n’ont encore été d’aucun comité. Il faut le répéter, nous voulons un gouvernement juste pour tous les citoyens, mais qui ne pèse plus sur eux avec une verge de fer. Nous voulons la même énergie, la même vigueur, la même unité dans les opérations du gouvernement; mais nous ne voulons plus du gouvernement des Robespierre, des Saint-Just et des Couthon. Je le déclare, si j’étais destiné à être membre d’un comité qui dût avoir les mêmes pouvoirs, je donnerais à l’instant ma démission. J’insiste pour la proposition de Delmas. La priorité, mise aux voix, est accordée à cette proposition. Bourdon (de l’Oise) : L’appel nominal ! Quelques membres : L’appel nominal ! THURIOT : Il est possible de concilier toutes les opinions. On a proposé, d’un côté, .de former une commission composée d’un membre de chaque comité, et, de l’autre côté, de renvoyer au comité de salut public, auquel se réuniraient les trois membres qui ont présenté les vues les plus lumineuses sur l’organisation du gouvernement. La première proposition a été décrétée : laissez subsister ce décret; mais, en même temps aussi, pourquoi n’adopteriez-vous pas l’autre proposition ? Ces deux sentiments ne s’excluent point; en effet, vous ne pouvez empêcher trois de vos membres, soit individuellement, soit réunis entre eux, ou avec le comité de salut public, de vous présenter aussi un projet de décret; et il y aura un avantage certain à cela : car si votre commission est en retard pour vous présenter un projet, ou si celui qu’elle vous présentera n’est pas tel qu’il dût convenir, vous vous serez ménagé une ressource : vous aurez l’avantage d’avor créé deux batteries. Je demande que la motion de Bourdon soit également décrétée. BARÈRE : Il faut aborder franchement la question. On a demandé beaucoup de lumières, pour avoir quoi ? Un gouvernement juste; mais est-ce juste à la manière des aristocrates ? Non, sans doute (On applaudit) (1). Non, s’écrie-t-on de toutes parts; ce n’est pas non plus à la vôtre, président des Feuillants, s’écrie Merlin (de Thionville). D’autres apostrophes très vives interrompent Barère. Il lui (1) Moniteur (réimpr.), XXI, 472-476. convient bien, s’écrie Thirion, de nous traiter d’aristocrates, lui qui a été fait jacobin par Robespierre et Couthon ! BARERE : Mon style n’est pas personnel. Je demande qu’on pose pour première base le gouvernement révolutionnaire (Oui, s’écrie toute l’assemblée, en se levant et en applaudissant). C’est à lui que nous devons nos victoires, et l’état florissant de la République. S’il y a des abus, c’est qu’il y a des hommes et des passions, qu’il y a eu des Robespierre et des Saint-Just. — Et leurs partisans, s’écrie Thirion. Leurs partisans, reprend Barère, ne sont pas ceux qui ont combattu obscurément pendant un mois et demi pour démasquer le tyran (— Et qui faisoient son éloge l’avant-veille, s’écrie Le Cointre). Puisqu’on refuse de m’entendre, je conclus en demandant la priorité pour la proposition qui tend à appeler autant de lumières que possible dans le travail dont nous nous occupons (l)v BARÈRE : Je conclus à ce que la priorité soit accordée à la proposition de Bourdon (de l’Oise). La discussion est fermée. La Convention décrète la proposition de Delmas (2). Granet : Je demande que le projet définitif soit présenté demain pour tout délai. Cette proposition est adoptée (3). 44 Une députation de la commune de Tours dénonce le nommé Sénart, agent national de cette commune; elle l’accuse d’être l’un des fougueux complices de Robespierre, d’avoir eu des intelligences avec les émigrés, d’avoir jetté des patriotes dans les fers, d’avoir semé la division entre les Cordeliers et les Jacobins, d’avoir avili le signe de notre liberté, et dit que nous ne serions heureux que sous le gouvernement d’un seul. — Renvoyé au comité de sûreté générale (4). 45 [A cette députation (5) en succède une d’Arras]. Les citoyens d’Arras, réunis en assemblée générale, à la Convention nationale. (1) J. Perlet, n° 688; C. Eg., n° 723; Ann. patr., n° DLXXXVIII. (2) Décret n° 10 365. Rapporteur : Delmas. (3) Moniteur (réimpr.), XXI, 476; J. Fr., n° 686; Rép., n° 235; J. Mont., n° 104; J. Paris, n° 589; J. Sablier, n° 1493; J. S. -Culottes, n° 544; C. univ., n° 955; J. Jacquin, n° 743; M.U., XLII, 397; F.S.P., n° 403; Audit, nat., n° 687. Le décret n° 10366 porte que le discours de Cambacérès sera imprimé. Rapporteur : Collombel (de la Meurthe). (4) J. Sablier, n° 1 494; pour C. univ. (n° 954), il s’agit d’une députation de sociétés d’Indre-et-Loire. (5) Celle de la commune de Tours {J. Sablier, n° 1 494). 32